Retour à l'océan

Chapitre 2 : Droits de succession

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Dernière mise à jour 26/09/2021 17:26

Les funérailles du prince Éric se déroulèrent dans la semaine sous un temps pluvieux, comme si le ciel lui-même pleurait l'enterrement du prince. Tout le royaume était venu assister à la cérémonie, des aristocrates aux simples roturiers, même des nobles venus d'autres contrées présenter leur condoléances.

Un tel rassemblement était la preuve évidente qu'Éric était très apprécié de son vivant. Non seulement il avait été un prince généreux, chevaleresque et bon vivant, parfois idéaliste, il s'était révélé être un époux et un père très attentionné. Et qui de mieux que sa veuve, la princesse Ariel vêtue de sa robe de deuil noire, pour le confirmer. Ce pourquoi on l'avait proposée de faire un discours en son honneur avant que la dépouille du prince fût enterré. Cela s'annonçait être une tâche difficile pour l'ancienne sirène, beaucoup plus à l'aise avec les chants et les discours d'encouragement, mais elle finit par accepter :

— Parmi ceux qui savent comment Éric et moi nous nous sommes rencontrés, vous devez connaître l'histoire de la mystérieuse fille à la merveilleuse voix qui a sauvé notre regretté prince du naufrage qui a eu lieu lors de son dix-huitième anniversaire. Il est vrai que je fus effectivement cette mystérieuse fille. Mais la vérité est que ce fut finalement Éric qui m'a sauvé la vie, d'une certaine manière. À l'époque, je traversais une mauvaise passe avec ma famille, je rêvais désespérément de changer de vie. Et puis j'ai fais la connaissance d'Éric et cela a changé ma vie à jamais.

"J'entendais mes proches me dire que je faisais une grosse erreur en laissant derrière moi mon ancienne vie pour être avec lui, qu'il ne méritait pas que je donnais ma vie pour lui. Et je le dis devant vous, ces personnes avaient tort. Éric a non seulement été digne des sacrifices que j'ai dû faire mais il a été merveilleux durant toutes ces années. Quand il m'a retrouvé sur la plage, à demi-nue et privée de voix, il m'a chaleureusement offert son hospitalité et m'a traité avec le plus grand respect. Quand je fus enlevé par Urs... Par une personne qui me voulait du mal, il a risqué sa propre vie pour me sauver. Et depuis notre mariage, il s'est montré formidable et prévenant à bien des égards. Pendant la grossesse, la naissance de notre magnifique fille, Mélodie, son éducation, quand je voulus rendre visite à ma famille, quand ma famille a décidé de m'ignorer...

"Éric, tu as été tout ce qu'une princesse aurait rêver d'avoir pour époux et je fus très honorée... d'avoir été ta femme. Et la mère de ta fille. Puisses tu reposer en paix.


Durant la cérémonie, elle dut faire de gros efforts pour ne pas fondre en larmes, elle qui était pourtant de nature très émotive. Elle avait non seulement déjà pleurer toutes les larmes de son corps le soir où elle avait appris la mort d'Éric mais surtout elle se devait être forte pour sa fille. Éric n'étant plus de ce monde, ce fut à présent Mélodie, la raison de vivre de l'ancienne sirène.

Mélodie de son côté eut plus de mal à retenir ses larmes, à plus forte raison à la vue du cercueil dans lequel reposait son père mis sous terre. Le pire était qu'elle ne pouvait supporter le regard des gens compatissant. Même durant ses meilleurs jours et depuis toute petite, la jeune fille s'était toujours montrée d'une grande timidité en public. Une vraie "huître". Le simple fait d'être sous les projecteurs ou en présence d'inconnus suffisait à lui faire perdre ses moyens et grand dam d'Ariel, elle n'avait jamais su s'intégrer complètement auprès des enfants de son âge. Elle sentait constamment comme un vilain petit canard.

De ce fait, elle ne fit pas long feu, sitôt les funérailles terminées. Aussitôt de retour aux château où était organisé le buffet après la cérémonie, elle monta directement dans sa chambre pour s'isoler. Laissant ainsi sa mère avec les convives et qui la voyait monter d'un regard navré.

Nombreux furent les invités qui vinrent lui présenter leurs condoléances et la féliciter pour son discours. Parmi eux des princesses d'autres contrées avec lesquelles l'ancienne sirène avait sympathisé.

Ariel accepta avec politesse leur condoléances mais n'eut pas le cœur de rester en leur compagnie, ni même de se servir au buffet. En compagnie du vieux chien Max qui lui aussi semblait broyer du noir depuis la disparition de son maître, elle s'isola sur la terrasse qui surplombait la mer et la contempla amèrement, songeant à sa famille et ses anciens amis qui n'avaient même pas fait l'effort de se déplacer ni de se montrer, contrairement à ses convives humains. Elle venait de perdre son mari et si l'ancienne sirène avait besoin de soutien c'était bien de la part de ses proches de l'océan. Ces proches qui avaient pourtant fait l'effort de faire surface pour assister à son mariage et au baptême de sa fille. Et non seulement ils avaient manqué le premier anniversaire de Mélodie mais il venaient de manquer l'enterrement de son mari. De l'homme sans qui l'océan serait toujours sous le joug d'Ursula et le roi Triton prisonnier sous la forme d'un polype comme tant d'autres victimes de la vile sorcière des mers. Ariel s'était même arrangée pour que les rites funéraires se firent au bord d'une falaise sonnant sur la mer dans l'espoir que sa famille se pointât et pût assister à la cérémonie depuis la mer. Mais pas un chant de sirène, pas une plainte de baleine, pas même un saut de dauphin pour rendre hommage au prince qui avait sauvé à lui seul le peuple de la mer. Rien que les mouettes qui piaillaient depuis les airs.

Ariel en était convaincu, ses proches l'avaient ignoré. Et elle n'osait en comprendre la raison. Était-ce parce qu'on la reprochait encore d'avoir quitter la mer pour vivre sur terre ? Ses sœurs lui en voudraient-elles encore de s'être enfuie de chez elle ? D'être tombée amoureuse d'un humain ? D'avoir malgré elle permis à Ursula de prendre le contrôle des océans ? Alors que même le Roi Triton pourtant du genre strict l'avait pardonné, accepté l'amour de la jeune sirène pour le prince humain et leur avait même accorde sa bénédiction ? Que diable pouvait-il se passer sous l'océan pour qu'on l'ignorât de la sorte ?


— Bien le bonsoir, dame Ariel ! émit une voix qui arracha l'ancienne sirène de ses pensées dans un sursaut. Encore toutes mes condoléances.

Ariel se retourna et vit devant elle l'homme dont elle se serait volontiers passé de la présence.

Il s'agissait du cousin de feu son mari, le duc Ulrich.

Physiquement, il ressemblait à Eric, hormis ses cheveux châtains clairs et soigneusement coiffés vers l'arrière et n'avait que deux ans de plus que lui. De plus, si Eric de son vivant s'habillait habituellement de manière décontracté et n'enfilait sa tenue royale que pour les grandes occasions comme les fêtes et autres cérémonies, Ulrich ne se présentait jamais sans son uniforme royal. En tout cas, Ariel ne l'avait jamais vu autrement.

Leurs différences ne s'arrêtaient pas là. Si Éric de son vivant avait toujours été humble et bon enfant malgré son statut, prévenant et chevaleresque à l'égard des femmes (particulièrement envers sa bien-aimée) et un incorrigible romantique, Ulrich quant à lui était plus pragmatique et n'avait d'élégance que l'apparence tant il était vaniteux, hautain et égocentrique. De plus, il s'était forgé une réputation de coureur de jupons et montrait peu d'égards à l'égard des femmes. Et surtout, il était loin d'être le genre d'homme à se mouiller ou à se jeter à l'eau pour les autres, au sens propre comme au figuré.

De ce fait, il faisait parti de ces rares humains qu'Ariel dépréciait. Si elle fait fait sa connaissance à la place d'Éric une douzaines d'années plus tôt, elle aurait vite fait de regretter d'être tombée amoureuse de lui et d'avoir signé un pacte avec Ursula pour être avec lui... Pour peu qu'elle pût tomber amoureuse d'un individu pareil. Cela n'aurait que virer au drame à coup sûr.

Elle avait beau le supporter car il était un membre de la famille de l'homme qu'elle avait épousé, elle n'aimait pas la manière trop familière qu'il avait de l'aborder, de lui parler ou de la fixer du regard quand ils étaient dans la même pièce. Et même ce soir, le visage du duc était trop près du sien quand il lui fit part de ses condoléances.

— Merci, cousin Ulrich et bien le bonsoir à vous aussi, répondit sèchement l'ancienne sirène.

— Mais enfin, pourquoi tant de froideur ? demanda Ulrich d'un ton faussement outragé. Je sais que vous venez de perdre votre mari, mais c'est aussi de mon cousin dont on parle. Vous n'imaginez pas à quel point je suis bouleversé.

Un autre détail qui différenciait Ulrich de son cousin décédé, son manque de naturel.

— Pauvre Éric ! reprit le duc. Il était comme un frère pour moi !

— Mes condoléances ! lâcha Ariel sans grandes convictions.

— Ah ! Un peu de sympathie et de compassion ! s'exclama Ulrich. Voilà ce que j'attendais ! Nous allons finalement passer aux choses sérieuses !

— Quelles choses ? demanda Ariel suspicieuse.

— Je vous en parlerai plus en détail dans la salle du conseil, si vous daignez bien m'y rejoindre, lui répondit le duc. Ah, et j'ai pris la liberté de convoquer votre conseiller. Il vous attend avec le notaire de la famille.

Décidément, ce duc ne manquait pas de toupet. Son cousin était à peine enterré et il se comportait comme si le château lui appartenait et ses occupants sous ses ordres.

Ariel accepta cependant l'invitation. Ulrich venait de parler de notaire. Cela devait être d'une grande importance.


L'ancienne sirène ne tarda pas à se rendre dans la salle du conseil où il y trouva comme convenu Grimsby, Ulrich qui l'invita à s'assoir et le notaire, l'homme le plus sinistre qu'elle ait jamais vu sur terre. C'était un homme sans âge et tellement émacié qu'avec son teint blafard les cernes qu'il avait sous les yeux, on aurait dit un mort-vivant. Même son regard mauvais indiquait à l'ancienne sirène qu'elle était en présence d'un individu particulièrement rabat-joie et maussade.

— Mes condoléances, gente dame, maugréa-t-il d'une voix grave et âpre quand Ariel prit place. Bien, puisque nous sommes tous présent, parlons de succession.

— Et bien, il me semble évident que toutes les possessions de notre regretté prince reviennent à sa veuve ici-présente ainsi que sa fille, suggéra Grimsby.

— Vous avez un testament pour le certifier ? demanda le notaire.

— Je... Bien sûr que... Je vous l'ai fait parvenir le lendemain du décès d'Éric, dit le conseiller pris au dépourvu.

— Je n'ai jamais reçu de tel ces six derniers jours, protesta le notaire. Et je vérifie toujours mon courrier.

— V-v-vous en êtes bien certain ? bredouilla Grimsby

— En cinquante ans de carrière, je n'ai jamais égaré un document, dit sèchement le notaire.

— Peut-être n'y a-t-il jamais eu de testament, suggéra Ulrich qui ne semblait pas perturbé bizarrement. Après tout, mon cousin n'a jamais été dans la paperasserie, plus dans le laisser-aller et au jour le jour...

— Il existe ! s'impatienta Ariel. J'ai vu Éric le rédiger et le remanier maintes et maintes fois au cas où un drame lui arriverait.

Après tout, le prince avait frôlé la mort au moins deux fois durant la période où il faisait la connaissance de l'ancienne sirène. Il était normal que depuis lors et avec l'arrivé d'un enfant, Éric avait pris conscience que sa vie ne tenait qu'à un fil.

— Et j'ai dû mettre le bureau sens dessus dessous avant de mettre la main sur ce fichu document, insista à son tour Grimsby. J'ai dû le relire une dizaine de fois avant de le confier à un coursier.

— Et bien disons que c'est la faute du coursier qui a fait preuve de laisser-aller, en conclut Ulrich nonchalant.

— De toutes manières, je ne crois qu'en ce qui est écrit noir sur blanc, dit le notaire. Les paroles s'envolent, les écrits restent, tel est ma devise.

— Mais qu'est ce que ça change ? demanda Ariel perplexe et impatiente.

— Cela change le fait que sans document pour le certifier, ni vous et ni votre fille ne pouvez être bénéficiaire de quoi que ce soit, expliqua le notaire.

— Q-q-QUOI ? s'écria Ariel qui en tombait des nues. C-comment... ? Mais enfin, c'est absurde ! Je suis la femme d'Éric. En tant que tel...

— Vous étiez la femme de mon cousin, la corrigea Ulrich. Jusqu'à ce la mort ne vous sépare, c'étaient vos vœux devant le prêtre. Et maintenant, c'est chose faite.

— M-mais même, en tant que tel, ma fille et moi devrions être les premières bénéficiaires, se défendit la jeune sirène.

— Dans votre prétendu "monde aquatique", peut-être, intervint le notaire avec un air dédain lorsqu'il évoqua le monde natal d'Ariel. Ou qu'importe l'endroit d'où vous venez. Mais ici, le premier bénéficiaire d'un héritage se doit d'être par défaut l'aîné mâle de la famille du disparu. C'est la loi.

— Qui a écrit une loi aussi absurde ? demanda Ariel contrariée, pour qui les règles injustes et dépourvues de sens étaient sa bête noire.

— L'arrière-grand-père de feu votre mari, répondit Grimsby désolé.

— Ha, douze ans qu'elle est parmi nous et elle ne sait toujours rien du fonctionnement de notre bon royaume ! soupira Ulrich avec condescendance. Comme je vous l'ai dit, cher notaire, c'est d'un triste.

Sur le moment, Ariel eut une vie folle de filer une claque à ce duc qui la prenait de haut et dû se ressaisir. Mais elle se retint, elle savait d'expérience que la violence ne résoudrait rien dans ce genre de situation.

Le notaire retourna à ses papiers et reprit :

— Bien, étant donné que notre regretté prince était fils unique, que sa "chère" épouse n'a pas daigné lui donner d'hériter mâle (il lança un regard noir et froid à l'ancienne sirène qu'elle prit comme une insulte) et qu'aucun document ne certifie que vous êtes les premières bénéficiaires de son héritage, tout ce qu'il possédait de son vivant revient donc à... son cousin ici-présent, le duc Ulrich. Conformément à la loi.

Ariel comprit alors mieux l'air satisfait et fier du duc depuis son arrivé au château et son attitude de faire comme chez lui. Dès l'instant où Éric était décédé et son testament égaré, la château lui appartenait désormais, y compris le personnel. Et son manque de surprise ne faisait que confirmer qu'il le savait depuis le début. Pire encore, il venait d'hériter le titre de prince. Et l'ancienne sirène pensait que cette journée ne pouvait pas être pire

— Mes félicitations, prince Ulrich, dit Ariel avec amertume. Mais que devenons-nous, Mélodie et moi ?

— Et bien, nous en venons à la partie la plus délicate, répondit Ulrich d'un ton un peu trop léger. En temps normal, j'accepterai de vous héberger dans mon humble demeure ou ma résidence secondaire.

— Mais ?

— Je viens de trouver le grand amour. La femme parfaite. Mon âme sœur. Ma moitié. Celle pour qui j'ai accepté à renoncer à toutes les autres femmes. Ha, quel dommage que je ne puisse la présenter à mon cousin.

Ariel émit un léger rictus incrédule à l'idée que ce duc qui accumulait les aventures sans lendemain pût prétendre avoir trouver le grand amour.

— Le souci c'est que cette femme, aussi magnifique soit-elle, souffre d'un léger et insignifiant défaut, reprit Ulrich. Elle est jalouse comme un tigre et ne supporte pas la rivalité. La simple présence d'une femme qui pourrait rivaliser sa beauté suffit à ce qu'elle se fasse des idées. Et qui suis-je pour la tourmenter de la sorte ?

La femme "parfaite", qu'il disait ! songea Ariel. Et puis, comment pouvait-il vivre le grand amour avec une femme aussi jalouse et peu sûre d'elle même ?

L'ancienne sirène en avait presque de la peine pour le cousin de feu son mari.

— Et en quoi cela nous regarde ? demanda-t-elle alors.

— Vous ne comprenez toujours pas, chère cousine... Pardon, ex-cousine ? lui répondit Ulrich. Je ne peux décemment pas vous garder ni dans mon ancien ni dans ma nouvelle demeure. Ni vous ni votre fille. Vous êtes trop ravissante. Assez pour qu'elle se fasse des idées...

Était-elle censée prendre cela pour un compliment ?

— Une minute, ma fille aussi ? demanda Ariel. Mais, elle n'a pas encore douze ans !

— Ça reste assez pour qu'on devine quelle femme elle sera une fois adulte, insista Ulrich. Après tout, les chiens ne font pas des chats.

— M-mais alors, v-vous voulez dire que... ?

— C'est exact, ma chère, répondit Ulrich d'un air faussement désolé. J'ai bien devoir vous mettre à la porte, vous et votre fille.

— Mais enfin, vous ne pouvez pas faire ça ! s'indigna Grimsby à son tour. Princesse Ariel est parmi nous depuis douze ans ! Elle est de la famille, depuis le temps...

— Ha-ha-ha, mon château, mes règles ! l'interrompit Ulrich. Et vous étiez peut-être de la famille quand vous étiez mariée à mon cousin mais encore une fois, jusqu'à ce que la mort vous sépare. Et Éric n'étant plus désormais de ce monde, vous êtes comme une étrangère. En fait, vous êtes une étrangère, si on réfléchit bien...

— Comment... osez-vous ? pesta Ariel tellement au bord de l'explosion qu'elle en tremblait et serrait le poing jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la paume.

— Allons, je suis bon-enfant, je vous laisse à vous et votre fille trois jours à compter de demain pour faire vos bagages et quitter mon château. Passé ce délai, je me verrai hélas contraint d'employer des méthodes disons... Plus musclées.

— Espèce de... Et où devrions nous aller, Mélodie et moi ? Où allons nous vivre ?

— J'y ai réfléchi et je me suis arrangé avec le couvent d'Andersen, lui répondit Ulrich. Je suis sûr que ses charmantes nonnes se feront un plaisir de vous accueillir et de vous héberger.

Le couvent Andersen. De loin le pire endroit où Ariel et Mélodie pussent atterrir. Siégeant dans un coin reculé du royaume, c'était une maison dirigée par de vieilles biques encore plus rabat-joies que le notaire et où l'on devait faire vœu de pauvreté, de chasteté et surtout d'obéissance, vœux sur lesquelles les nonnes étaient intransigeantes. La moindre désobéissance, la moindre divergence, la moindre déviance était considérée comme de l'hérésie et sévèrement châtiée. Clairement pas un style de vie convenable pour l'ancienne sirène et sa fille car trop attachées à leur liberté, même en acceptant de vivre dans la pauvreté et la chasteté.

Aussi, les nonnes de ce couvent vouaient une sainte horreur envers tout ce qui provenait de l'océan, allant jusqu'à les diaboliser.

Donc non seulement, on envoyait Ariel et Mélodie dans un endroit au sein duquel le mode de vie ne correspondait pas du tout à la leur mais en plus, elles n'y seraient jamais acceptées en tant que tel. Où leur origine était honnis.

Et ce petit noble avec son sourire suffisant, qui avait déjà posé ses pieds pleines de boues sur la table du conseil, avait le culot de l'annoncer à l'ancienne sirène comme s'il les envoyait dans un camp de vacance.

Ce fut décidément le pire enterrement auquel Ariel put assisté. Cela ne suffisait pas qu'on la privât de l'homme de sa vie, il fallait qu'on la dépossédât de tous ses biens et qu'on l'envoyât avec sa fille dans un lieu le plus austère, intransigeant et intolérant qui fût.


— Bien, je pense que ce sera tout pour aujourd'hui, annonça le notaire. Je vous demanderai juste votre signature sur cette attestation.

— Rappelez-vous, gente dame, je vous laisse trois jours à compter de demain avant de partir de votre plein gré, insista Ulrich une fois l'entretien terminée. Au crépuscule du troisième jour, je m'installe officiellement et j'expulse les indésirables.

Ariel détestait de plus en plus cet odieux personnage. À l'entendre, elle et sa fille ne valaient pas mieux que des rats ou des cafards.

D'autant que le délai de trois jours et le crépuscule du troisième pour date limite sonnèrent en écho dans l'esprit de l'ancienne sirène. Comme un mauvais souvenir. Un souvenir qu'elle aimerait oublier.

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