L'Exécuteur
Ouais ben voilà quoi... Vous avez peu-être compris, j'ai oublié de poster sur ce site... Du coup vous avez trois chapitres d'un coup XD
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« Salut… papa.
Grisha Jaeger. Il était là, dans sa chaise roulante. Jadis il avait été un bel homme, mince mais robuste, un air doux, une voix calme dotée d'un self-control palpable dans n'importe quelle situation… Aujourd'hui ses yeux ternes étaient perdus sur un point fixe, invisible, quelque part sur le mur blanc face à lui. Ses traits étaient tirés, en rajoutant à son aspect misérable. Immédiatement, et comme à chaque fois qu'il se rendait là, Eren se sentit mal. Une nausée sinueuse montait en lui, compressant son estomac. Ses deux mains enserrèrent la main de son père, et il pressa son front sur cet entremêlement de doigts, serrant les paupières.
- Mon fils… tu m'as manqué. As-tu passé une bonne journée ? Est-ce que tout se passe bien à ton travail ? Et est-ce que tu l'aimes toujours autant ?
Ah ! Qu'est-ce que le brun aurait voulu entendre ça ! Pas plus. Seulement ces petits mots, simples, mais qui montraient l'intérêt que portait son paternel à son encontre. Qui montraient qu'il ne venait pas dans cette maudite chambre deux fois par mois pour rien. C'était toujours pareil. Il venait ici broyer du noir, se plaindre, mais c'était justement pourquoi il tenait tant à ce lieu, d'un autre côté. Il se défilait, mais c'était également ces moments qui lui faisaient souffler un coup. C'est en soupirant qu'il se redressa.
Grisha ne pouvait pas répondre. A moins qu'il ne veuille simplement pas. Mais pour Eren, cela revenait au même.
- Tes cheveux sont un peu plus courts que la dernière fois, fit-il remarquer en pinçant une mèche entre son pouce et son index. On vient de te les couper ?
Il renifla.
- Tout se passe plutôt bien de mon côté, enfin si on peut dire. Il y a eu certains… changements.
Son regard glissa sur le bout de ciel qu'on apercevait de la fenêtre. N'y tenant plus, il déballa tout ce qu'il se retenait d'exprimer, plantant ses iris turquoise sur le visage neutre de son paternel.
- J'ai revu maman, tu sais.
Comme s'il espérait la moindre réaction. Mais rien ne sembla transparaitre sur les traits de Grisha, pas la moindre crispation, rien. Le brun abandonna et détourna les yeux.
- On a pas mal parlé. C'était bizarre, mais c'était bien.
Il fronça les sourcils.
- Plus que bien, se reprit-il. C'était fantastique, comme si avec toutes ces conneries qui m'arrivaient elle avait senti que j'avais besoin d'un coup de pouce. Un petit remontant en quelque sorte, un truc auquel m'accrocher.
De nouveau son attention dévia sur son père. Pinçant les lèvres, il se leva et se mit à faire les cent pas, bras croisés. Il n'était toujours pas parvenu à dépasser ce stade de l'indifférence. Il n'était pas quelqu'un de patient.
- Après tout ce n'était pas comme si quoi que ce soit allait sortir de toi, grommela-t-il.
La mine absente et sombre de Grisha lui faisait toujours face, comme s'il désapprouvait.
- Qu'est-ce qu'il y a, tu me juges ? haussa-t-il le ton. Qu'est-ce que tu crois, moi aussi je suis convaincu d'avoir perdu la boule !
Il se planta devant lui.
- Alors arrête de paraître si… affligé. Je fais de mon mieux papa. J'ai toujours fait de mon mieux.
Il se massa les tempes un instant, se calma, se rassit la tête dans les mains.
- Pardon… Je crois que je suis vraiment en train de perdre les pédales. Y a… plein de choses qui me sont arrivées d'un coup. Trop. C'est difficile à supporter, et… et – et tu sais que j'ai toujours eu des soucis du comportement. Ça s'est pas arrangé, cette connerie. En même temps comment ça peut aller mieux avec toutes ces merdes hein… ?
Il reprit la main de son père dans les siennes.
- Mais tu sais, j'ai rencontré des gens. Je vais pas rentrer dans les détails, mais ce sont des personnes bien, j'en ai le sentiment. Ils combattent pour une bonne cause. Et je me sens…, commença-t-il au bout d'un temps, hésitant. Je me sens davantage à ma place. Je suis rassuré en quelque sorte, de ne plus être seul.
Un mince sourire franchit finalement la barrière de ses lèvres.
- J'ai quelques difficultés avec l'un d'eux d'ailleurs. Mais je vais arranger ça. Et je pense que je suis en train de merder vu la manière dont je m'y prends. Non pas que ça ne fonctionne pas, soupira-t-il, mais disons plutôt que c'est ma façon de faire qui n'est pas très orthodoxe. Enfin de toute manière rien ne peut être pire que maintenant, donc pourquoi pas tenter hein ? Et si ça tourne au vinaigre je m'éloignerais. »
Eren commença à se dire que son père ne devait rien piger à son charabia. Non pas qu'il soit convaincu qu'il l'écoute réellement, ne serait-ce que d'une vague oreille, mais on ne sait jamais n'est-ce pas ? Pendant la dizaine de minutes qui suivit il lui parla de la petite routine, lui massant distraitement les doigts. Au bout de cette durée, trois petits coups secs vinrent heurter le bois de la porte. Le brun ne répondit pas, sachant qui se trouvait là. Il se leva et fit bientôt face à un homme de taille moyenne blond, âgé d'une cinquantaine d'années.
« Hannes, sourit-il, l'étreignant avec douceur.
Puis ils se séparèrent rapidement, les mains du blond restant posées sur ses épaules.
- Eren, fit-il, les yeux pétillants. Comment vas-tu ? Laisse-moi te regarder. Tu as changé ! s'exclama-t-il au bout d'un temps, lâchant un petit sifflement.
- Ça ne fait que quatre ou cinq mois, rit notre infirmier, se dégageant de l'emprise.
Hannes tapota un doigt pensif sur son menton.
- Ce doit être les cheveux, ils sont aussi longs que ceux d'une fille.
- Eh n'exagère pas, vieil ivrogne, riposta le brun aussitôt.
Le plus vieux aimait le taquiner, il savait qu'Eren réagissait au quart de tour, pour sa plus grande joie. Un semblant de relation oncle neveu s'était établie entre eux depuis longtemps. Il n'était en réalité que son parrain, mais ce terme n'était encore pas suffisamment proche de la vérité. Hannes faisait partie de la famille, c'était une évidence. Enfin c'était tout comme.
- J'ai presque arrêté je t'assure, dit-il pour sa faible défense. Mais si ça t'intéresse, sache que j'ai un petit whisky dans mon placard qui n'est pas de très mauvaise qualité, si tu vois ce que je veux dire.
Le sourire du plus jeune s'étira encore.
- Je vois parfaitement, et ton offre m'a l'air fort alléchante, mais je doute que tu tiendrais face à mes talents.
- Ah, qui est l'ivrogne maintenant ! fit le blond d'un faux ton exaspéré. Je parlais de dégustation, dé-gus-ta-tion ! Ces jeunes… toujours à boire jusqu'à l'amnésie… Quel gâchis.
- N'exagérons rien.
- Tu ne me la feras pas à moi, ricana Hannes en lui donnant un coup de coude dans les côtes et le dépassant, s'asseyant sur la chaise que le brun avait utilisé juste avant. Alors, comment va le vieux bouc ?
Le blond ne s'était pas adressé directement à Eren pour cette dernière phrase, et il sut qu'il était temps qu'il s'en aille.
- On se voit rapidement, fit-il une fois près de la porte.
- Cela va de soi, répliqua son parrain d'une voix distraite.
- A la prochaine. »
Il n'attendit pas qu'il réponde et referma la porte derrière lui, ses yeux tombant malencontreusement, sans vraiment le vouloir, sur son père assit dans le fauteuil roulant. Sur la couverture crème cachant l'endroit où aurait dû se trouver ses jambes. Aurait dû.
Grisha avait chassé le meurtrier de Carla jusqu'au bout. Necro. Il fallait bien qu'il lui tombe dessus un jour ou l'autre. Justice avait été rendue. Il avait tué ce connard de ses propres mains, mettant feu à son corps alors qu'il était encore vivant. Cet assassin avait vécu mille souffrances, il avait mérité son sort selon Eren. Mais Grisha n'avait pas mérité le sien. Il n'avait pas mérité de vivre quatre ans dans la dépression et l'obsession. Il n'avait pas mérité d'être viré de son boulot aussi rapidement. Il n'avait pas mérité de perdre ses jambes en accomplissant sa vengeance. Et il n'avait, au grand dieu non, pas mérité de passer le restant de sa vie dans un état de légume déplorable.
N'y tenant plus, il sortit son portable. Il avait reçu un message de Mikasa. Immédiatement un sourire s'étala sur son visage. Heureusement qu'elle était là, avec l'autre petit blond. Et en parlant des deux loups...
« On boit un verre avec Armin au Terminus, tu nous rejoins quand tu as terminé ? »
Évidemment que oui. Elle se doutait qu'il avait le moral dans les chaussettes, comme à chaque fois qu'il allait voir son père.
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« Je ne suis pas stupide tu sais, tu peux me le dire.
- M-Mikasa, je t'assure que je prends une grenadine parce que ça me manquait. Et puis zut, j'ai pas toujours envie d'alcool tu sais !
La noiraude soupirait tandis qu'Armin pouffait dans son coin.
- Tu prends cette boisson à chaque fois que tu viens d'avoir une soirée arrosée, fit-elle remarquer.
- Très arrosée, corrigea immédiatement le blondinet.
Eren lui fit les gros yeux, l'air de dire « par pitié n'en rajoute pas une couche ».
- Ah tu vois, Armin me soutient.
Il baissa les bras. Ce n'était pas la peine de continuer d'argumenter.
- Je fais c'que j'veux de toute façon, bouda-t-il.
Ce qui fut une réponse semblant convenir à sa sœur de cœur. Elle avait parfaitement saisi.
- Tant que tu n'es pas allé voir ces deux imbéciles, marmonna-t-elle, scrutant son visage par-dessous ses cils.
- Non, soupira-t-il. Ne t'inquiète pas. J'étais juste avec un ami.
Et elle sut qu'il disait la vérité. Mais elle pencha tout de même la tête sur le côté, intriguée. Tout comme Armin.
- De qui s'agissait-il ? demanda ce dernier.
- Vous connaissez pas, répondit-il évasivement, préférant ne pas s'attarder là-dessus.
Ses deux amis le comprirent et s'échangèrent un regard entendu.
- Tant que ce n'est pas quelqu'un de dangereux, dit le blond.
- Et que ça ne te met pas dans le pétrin, renchérit Mikasa.
Bon, sur ce dernier point c'était assez délicat. Parce qu'Eren était clairement en train de se foutre dans la merde. En revanche…
- C'est quelqu'un de bien, les rassura-t-il.
- Mmh ? fit Armin, l'incitant à continuer.
L'infirmier s'accouda à la table, sa joue dans sa paume, perdant son regard sur les immeubles chics qui longeaient l'autre côté de la rue. Nous étions à la toute limite de la zone sécurisée, et bien que les forces de l'ordre soient particulièrement présentes par ici, la rue marchande de ce quartier était vraiment sympa.
- Nous avons plusieurs goûts en commun.
Se défouler, faire le grand ménage dans la ville.
- Il est très franche, on peut lui faire confiance facilement.
Trop facilement, ce qui l'avait incité à en déballer un brin trop sur sa vie, comme sa passion pour le Parkour. Chose qui était un lien pas si ténu que ça avec l'Exécuteur.
- Et puis il est très attentif, il faut bien lui céder ça. Quoi ? grimaça-t-il en remarquant le sourire en coin qu'arboraient les deux comparses, soucieux d'en avoir trop dit.
- Et… physiquement ? questionna Armin mine de rien, se triturant les ongles.
- Il n'est pas très grand.
Il avait répondu cela si vite que le blond ne put s'empêcher de lâcher un rire, et Mikasa de plisser les yeux, moqueuse.
- Quoi d'autre, voulut-elle savoir.
Mais le brun avait compris ce qu'ils insinuaient, et il les arrêta tout de suite :
- Eh, c'est pas du tout ce que vous croyez !
- On ne croit rien, rétorqua la jeune fille.
- On constate simplement que tu rougis jusqu'à la racine des cheveux, pouffa l'autre.
Une fois de plus Eren lui fit les gros yeux. Armin, sale traître, tu t'exprimes un peu trop aujourd'hui… Notre protagoniste sentit en effet que ses joues s'étaient réchauffées, à son plus grand malheur.
- Qu-je suis gêné par vos sous-entendus totalement infondés, c'est tout !
Non mais c'est vrai quoi.
- Tu nous le présenterais ? demanda Mikasa.
Là ce fut tendu. Eren avait parfaitement décidé de ne pas faire rencontrer Levi, Le Chien, à qui que ce soit. Il garderait ses amis à l'abri de tout danger, comme il se l'était toujours promis. Nous entrions là sur un terrain difficile.
- Je ne préfère pas pour le moment, dit-il sincèrement.
Les deux amis comprirent qu'insister ne servirait à rien.
- C'était juste histoire de te donner notre feu vert, le taquina une dernière fois Armin en lui faisant un clin d'œil. Mais si tu veux le garder pour toi je comprends.
Eren soupira discrètement de soulagement. Ces deux-là étaient parfois trop insistants, surtout une certaine noiraude. Celle-ci prit d'ailleurs la parole d'une voix douce :
- C'est bien que tu rencontres d'autres personnes, Eren. On s'inquiétait un peu pour toi depuis quelques semaines déjà, mais tu as l'air d'aller mieux. Tu es plus…
- Réveillé, termina Armin. Animé.
Mikasa hocha la tête.
- Nous sommes rassurés, conclut-elle avec un sourire.
Eren fut immédiatement adoucis. Ces deux-là parvenaient bien facilement à rendre son cœur tout mollasson.
- Rooh arrêtez, grogna-t-il en détournant la tête, les joues gonflées et rosies.
- Regarde on l'a embarrassé, dit Armin, hilare.
La noiraude pouffa derrière sa main, approuvant vivement.
- C'est pas cool. » ronchonna l'infirmier, mais il ne put empêcher les coins de sa bouche de se relever.
Il avoisinait maintenant les vingt heures, Eren avait encore pas mal de temps devant lui et il aurait bien cassé la croûte ici, mais il savait que ses amis étaient plus raisonnables et ne tarderaient pas à rentrer chez eux à présent. Alors qu'Armin payait et Mikasa était partie aux toilettes, il laissa ses yeux vagabonder sur les tables voisines. Le Terminus était une brasserie plutôt réputée par ici, enfin il le supposait puisqu'elle avait été au minimum pratiquement remplie à chaque fois qu'il y mettait les pieds. Elle était située sur une place pas très grande mais animée, dotée d'un manège et d'une petite fontaine où des gosses y faisaient trempette quand la température le permettait. La Police était davantage présente au fur et à mesure que le couvre-feu approchait, mais elle se faisait suffisamment discrète pour que le coin conserve son apparente atmosphère de plénitude. Fixant sans vraiment les voir les clients alentour, ses iris pensifs tombèrent sur quelque chose qui attira son attention.
Ou plutôt quelqu'un.
Il fallait que ça soit lui, évidemment. Levi bien entendu. Accompagné de trois hommes qu'Eren ne connaissait pas, et semblant plus âgés. Ils étaient plongés dans une conversation à l'allure sérieuse, mais le noiraud paraissait ailleurs. Enfin surtout vraiment lassé de la chose. Son regard devait lui aussi vagabonder à droite et à gauche comme le faisait celui du brun. Inévitablement il allait le remarquer, et Eren parvenait difficilement à détourner son attention du gérant. Fait vraiment chier. Il ne fallait surtout pas qu'il se ramène. Il devait à tout prix rester loin d'Armin et Mikasa. Évidemment Levi le remarqua, mais au plus grand étonnement de l'infirmier, il ne lui fit pas signe. Ses traits se détendirent uniquement le temps d'une demi-seconde sous le coup de la surprise, puis le masque habituel revint. Eren fronça les sourcils avec interrogation. Ah. Peut-être que le noiraud non plus ne souhaitait pas qu'il rencontre ses compagnons de table. S'agissait-il de rebelles ? Il les étudia un peu plus. Le regard de chacun brillait d'une force inratable, et leurs postures démontraient qu'ils étaient sur un certain qui-vive perpétuel. Eren savait reconnaître ça. Ils étaient des personnes importantes. Peu importe la raison, que ça soit des rebelles, simplement des personnalités politiques ou ne savait-il quoi d'autre, ce qui était sûr était que ces trois inconnus avaient un certain grade, un certain niveau pour notre société. Notre protagoniste reporta son attention sur Levi, celui-ci le fixant également. Eren était assez sûr de lui pour ce dernier, puisque, bien que le noiraud porte des lunettes de soleil, son cou était tordu dans sa direction, dans un angle pas suffisamment naturel pour que ça soit du pur hasard.
« Voilà, tout est payé, intervint Armin, sortant notre brun de sa torpeur en le faisant sursauter.
- Ah, merci Arm', c'est super sympa, répondit-il en lui jetant un coup d'œil, mais son regard partant ensuite de nouveau directement vers le gérant.
- C'est pas ta grenadine qui va me ruiner, s'exclama-t-il un poil trop fort en riant, farfouillant dans son sac à la recherche d'un habituel tictac.
Et là, Eren ne comprit pas trop comment mais il sut que Levi avait entendu son ami blond. Il vit son menton se baisser légèrement, sûrement pour regarder le verre de grenadine presque vide face au brun, puis il haussa un sourcil moqueur, ses lèvres esquissant un sourire en coin. L'infirmier aurait pu jurer qu'il se fichait de lui, et il lorgna les deux grands verres de bières qu'avaient pris Armin et Mikasa. C'était d'autant plus flagrant. Après la petite cuite d'hier soir il n'avait pas voulu boire de nouveau. Une main s'agita devant son visage.
- Hé ho Eren, je m'en vais, lui signala le blond.
- Ah, oui ! s'exclama-t-il. Pardon !
Bref coup d'œil en direction du noiraud, qui s'était légèrement détourné, mais dont la bouche avait frémi. Il se moquait encore de lui…
- Qu'est-ce qui peut te distraire autant ? marmonna Armin en arquant un sourcil, sur le point de se tourner vers l'objet de son attention.
- Rien ! se récria notre infirmier en le prenant soudainement dans ses bras. Tu m'avais manqué Arm'. Faut qu'on se revoie plus rapidement cette fois-ci.
Le blond en oublia immédiatement ce qu'il était en train de faire, son attention se dirigeant sur son frère de cœur, qu'il serra en retour.
- Désolé 'Ren, la fac de médecine me prend un temps fou. Et puis tu es pas mal occupé également…
« Comme toujours », faillit-il ajouter, se retenant à temps, mais le brun s'en était aperçu. Il ne pouvait nullement rétorquer, son ami avait parfaitement raison, il avait de plus en poche d'irréfutables arguments.
- Pardon, ne trouva-t-il qu'à dire, tout comme les autres fois que le sujet revenait sur la table. J'essaye de me libérer –
- Tu n'as pas à te justifier, le coupa Armin, je comprends.
- Merci. » soupira-t-il en libérant le petit blond.
Ses yeux papillonnèrent le temps d'un battement de cils vers Levi, qui les regardait franchement, sans le cacher aux trois hommes qui étaient de toute façon trop absorbés dans leur conversation. Le noiraud était situé trois tables plus loin, dans la rangée d'en face, et était par conséquent sensiblement de dos à eux. Sa chaise étant décalée d'un poil dans leur direction, sa position devait être moins inconfortable.
Il y eut un instant de planage, comme un vide, durant lequel ils s'observèrent. Eren avec curiosité, le gérant de Titania comme avec hésitation. Deux secondes après ce dernier avait brusquement détourné la tête, lançant une phrase à ses compagnons de table comme s'il ne s'était jamais retiré de la discussion. Mais, alors que le brun remettait son sac sur ses épaules, ses pupilles vinrent derechef se poser sur Levi. Celui-ci était clairement crispé et semblait employer un ton cinglant envers l'un des trois hommes, un grand maigrelet à l'air fatigué. Cependant, alors qu'il était en train de parler, le noiraud jeta un coup d'œil en coin à notre protagoniste. Eren lui fit un sourire qu'il voulait compatissant, accompagné d'un petit hochement de tête. Levi parut ralentir dans la progression de sa phrase, à peine, mais suffisamment pour que son homologue hausse un sourcil et se tourne vers notre brun. Il n'eut en revanche le temps de le dévisager qu'une demi-seconde puisque le gérant de Titania reprit de plus belle avec véhémence, sa voix claquant furieusement bien stagnant à un volume trop bas pour que le jeune infirmier puisse saisir des mots au vol. Et pourtant il tendait discrètement l'oreille. Mais ça avait été presque comme si le noiraud avait détourné l'attention de l'homme maigre exprès. Eren reporta ses yeux sur Mikasa, qui revenait des toilettes de la brasserie.
« On décolle ? demanda-t-elle.
- On décolle, confirma Armin.
- Mh. » fit le brun, sur un ton empli de déception.
Mais celle-ci n'était pas vraiment dirigée vers ce à quoi il s'attendait. Non, elle concernait étonnamment Levi. Notre protagoniste en était à moitié stupéfait. D'un côté il était intrigué par la conversation que menait le noiraud avec les trois hommes, mais d'un autre – et le principal – il voulait poursuivre cet étrange échange physique avec lui. Voire même venir carrément lui parler une fois qu'Armin et Mikasa seraient partis. Cependant il doutait qu'il oserait. Et c'était ça qui le surprenait réellement. Depuis quand Eren Jaeger n'osait-il pas ? La réponse était presque évidente : il était intimidé. Certes il appréciait Levi, il était au courant de ça, et cela le mettait un peu mal à l'aise de s'entendre aussi bien avec lui alors qu'il était le Chien et lui l'Exécuteur si détestable. Mal à l'aise n'est pas le terme exact. Il avait honte. Honte de son comportement mauvais, presque pervers, de cacher son identité derrière une autre, comme s'il jouait avec le noiraud. Chose ironique puisqu'il avait également l'impression du contraire, se prenant tellement la tête pour le lien qu'il entretenait avec le gérant. Comme maintenant.
Intimidé, disais-je donc. Levi était quelqu'un d'impressionnant, de fort. Il transpirait la puissance, à travers chacun des mots qu'il choisissait avec soin, à travers chacun des rares gestes vraiment significatifs qu'il esquissait. Il faisait attention à TOUT. Un profond « respect » fleurissait dans la poitrine d'Eren. Un respect encore interrogatif, mais bien présent. D'autant plus après sa récente soirée en compagnie du noiraud.
« Je vais rester un peu ici, dit-il tout à trac.
- Tu es sûre ? enchaîna directement Mikasa. Tout seul ?
- Il fait bon pour l'instant, et j'ai bien envie de me griller quelques clopes près de la fontaine, se justifia-t-il.
- Pas trop quand même, le gronda-t-elle gentiment.
- Promis ! » rit-il en lui faisant une bise sur la joue.
Il les raccompagna jusqu'au bout de la place, et après leur avoir fait signe se dirigea au niveau de la fontaine. Il s'assit sur son rebord, sortit une clope de son paquet et la craqua, abritant la flamme de sa main. C'est alors que des chaussures lustrées apparurent dans son champ de vision. Il sourit. Quand il releva les yeux, Levi se tenait là, bien droit, cigarette au bec.
« Hey gamin, tu me prêterais ton feu ?
Le brun lui tendit sans rien dire, tout sourire.
- T'es sérieux ? fit le gérant platement, tenant le petit briquet bic rose du bout des doigts.
- Eh pas de jugement ! Y en avait plus d'autre au bureau de tabac ! riposta-t-il, l'air scandalisé.
Un mince sourire vint apparaitre le long de la bouche du noiraud. Eren fut intérieurement rassuré.
- Bon, au moins mes conneries ont le mérite de te dérider un peu, dit-il tout bas.
Levi arqua un sourcil interrogateur.
- Tes amis là-bas, répondit l'infirmier à la question muette, ils n'ont pas l'air très marrants dans leur discussion.
- Ce ne sont pas mes « amis », marmonna le plus vieux.
Eren ne demanda rien. Il savait quand il valait mieux ne poser aucune question, bien que se retenir de le faire ne soit pas toujours chose aisée.
- En tout cas tu semblais vouloir t'échapper à grands pas de la table.
- Ouais, grogna-t-il en crachotant la fumée de sa clope. Je leur ai dit que j'avais besoin d'un briquet. Eux ne fument pas.
Le brun l'étudia minutieusement, moqueur.
- Et que tu ailles si loin pour en demander un à un inconnu ne va pas les surprendre ?
- J'en ai sincèrement rien à foutre. Ils me trouvent déjà pas nets de toute façon.
- Alors autant le leur confirmer, comprit le brun, retenant un rire. Et tu fais souvent ça, rester taper la discute avec un « inconnu » ?
Les lèvres du gérant s'étirèrent.
- Parce que tu te considères comme tel, le mioche ?
- J'aimerai surtout pouvoir affirmer l'inverse en étant sûr de moi, rétorqua le plus jeune.
Il le cherchait, sans savoir pourquoi, mais c'était clair et net. Le noiraud fronça les sourcils, méditant un court laps de temps.
- Alors faisons en sorte que ça soit le cas, proposa-t-il.
- Avec plaisir, répliqua Eren du tac-au-tac, affichant une mine réjouie.
Il tendit sa main, comme s'il fallait sceller un marché. Levi hésita un instant, puis la serra de bonne grâce. Au contact de leur peau les lèvres de ce dernier s'étirèrent longuement, dévoilant ses dents blanches et la peau rose pâle de ses gencives. C'était la deuxième fois que notre brun le voyait sourire de la sorte, et il ne lâcha pas les doigts du noiraud tout de suite, les gardant fermement dans sa paume chaude. Quant au bout d'un moment ce fut plus long que coutume, il le laissa reprendre sa main, écartant la sienne en vitesse, gêné.
- A bientôt, gamin, fit le gérant en s'éloignant, la démarche un peu hésitante, mais toujours cette mine joyeuse collée au visage. Et n'oublie pas que je t'ai donné mon numéro. »
Notre brun ouvrit la bouche pour répondre, mais l'autre s'était déjà retourné et éloigné.
- J'en ai parfaitement conscience ! » lui lança-t-il.
Avant même que Levi n'ait rejoint sa table, l'infirmier avait écrasé sa cigarette et s'était levé. Il voulait rentrer chez lui à présent, et était assez irrité. Putain, il appréciait vraiment la compagnie du noiraud. Trop. A son plus grand dam. Le sourire franche que celui-ci avait affiché quelques secondes plus tôt lui avait fait rater un bordel de battement de cœur. Quel con. Et en cet instant, la seule chose qui lui avait traversé l'esprit était qu'il aurait vraiment voulu lui retirer cette fichue paire de lunettes noires.
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Fin du chapitre les enfants ! A la revoyure ! Y a eu un petit côté romance qui s'est propagé là, nan ? Ok ok…
Beuzouilles ~