L'automne d'une vie
Ne lisez pas ce chapitre si vous êtes sensibles aux sujets comme l'automutilation. Je n'encourage pas cette pratique loin de là.
Elle s'enferma dans la salle de bain au carrelage blanc. Elle s'adossa lourdement contre la porte -blanche, elle aussi- et tomba à terre, incapable de tenir debout. Ses jambes la lâchèrent et elle sentit ses larmes se mettre à couler sur ses joues. Elle s'était pourtant juré de ne pas pleurer. De ne plus pleurer. Mais c'était plus fort qu'elle. Impossible de se retenir. Impossible d’intérioriser sa tristesse, cette fois, parce que ça faisait tellement, tellement mal, et qu’elle savait très bien qu’elle aurait pu les sauver.
Tu es coupable. C’est de ta faute. Ils sont morts tous les deux, et pas toi? Comme quoi, parfois le monde est injuste. Tu aurais du mourir à leur place. Meurs. Meurs. Meurs. Suicide-toi. À quoi ça sert de s’accrocher à la vie? Qu’est-ce qu’il te reste?, lui murmurait incessament la petite voix dans sa tête, celle qu’elle connaissait par coeur, qui hantait son coeur et noirciçait ses moments de bonheur.
Comment aurait-elle pu contenir ses larmes alors que sa famille de coeur venait de mourir ? Par sa faute, qui plus est.
Elle se recroquevilla sur le sol humide de la pièce. Si elle avait été seule, elle aurait hurlé, de toutes ses forces. Mais elle ne voulait pas alerter quelqu'un. Elle voulait à tout prix rester seule, avec ses pensées.
Quand le flot de ses larmes commença à se tarir assez pour qu'elle parvienne à y voir clair, elle rampa sur le carrelage jusqu'à atteindre le lavabo. En s'appuyant dessus, elle réussit à s'élever assez pour apercevoir son reflet dans le miroir.
Son reflet ?
Etait-ce vraiment elle, cette fille aux traits tirés, à la peau pâle comme la neige, aux yeux bleus fatigués, aux cernes immenses ? Etait-ce vraiment elle, cette fille qui ressemblait immensément à un fantôme ? Cette fille qui semblait porter toutes les douleurs et les plaintes du monde sur ses épaules.
Son poing s'écrasa violemment contre le miroir. Il ne devait pas lui manquer tant de forces que ça, car la glace explosa en plusieurs morceaux. L'un d'eux vola et entailla au passage la joue de la jeune fille. Elle ne prêta aucune attention au liquide chaud qui s'écoulait lentement de la plaie. Peu lui importait tout ce qu'il pouvait arriver à son corps. Si seulement elle pouvait l'écorcher jusqu'à que ses forces s'en écoulent. Mais elle n'en avait même pas le courage. Quelle lâche...
Prise d'un élan de rage, elle saisit un bout de verre brisé du miroir. Elle le prit et le serra si violemment que sa paume en pâtit. Elle ne semblait plus réellement sentir la douleur. Comme déconnectée de son corps, âme détachée.
Elle agrippa de sa main libre une mèche miel de ses longs cheveux. D'un geste vif et en aucune cas empreint de regrets, elle coupa sa mèche. Sans hésiter ne serait-ce qu'une unique seconde, elle coupa toutes les autres à l'aide du verre cassé. Pas uniformément, en carré. Certaines mèches lui arrivaient encore au bassin, tandis que certaines n'atteignaient pas ses épaules. Elle déployait toutes ses forces à tailler sa longue chevelure en de longues mèches inégales.
Quand sa rage retomba un peu, sa première pensée fut pour Levi. Que penserait-il si il la voyait comme ça ? La trouverait-il lamentable ? L'engueulerait-il comme à son habitude ?
Depuis qu'elle l'avait embrassé à sa fête d'anniversaire, elle ne pouvait s'empêcher de vouloir être à ses côtés à chaque seconde qui passait. Elle était incapable de lui parler sans sentir ses joue chauffer et rougir jusqu'à la racine des cheveux.
Elle voulait être plus qu'une simple camarade à ses yeux. Elle voulait être plus qu’une copine de passage. Elle voulait passer le reste de sa vie à ses côtés, ne plus jamais le quitter. Elle voulait pouvait respirer son odeur de café quand elle le souhaitait, pouvoir s'en ennivrer dès qu'elle n'allait pas bien...
Elle voulait qu’il lui appartienne.
Aki se mit à hurler en tenant sa tête. Elle s'était promis de n'emettre aucun bruit, et pourtant.
Elle regrettait tant. De ne pas avoir pu sauver Haru et Yuki. D'être si faible, si lâche. Aussi petite. Aussi immature. Assez naïve pour espérer approcher, apprendre à connaître Levi. Espérer qu’ils puissent former un couple durable. Si peu courageuse.
Elle se détestait tant.
Elle voulait mourir.
-Aki.
La voix, grave, qui provenait de l'autre côté de la porte, la fit sursauter. La personne qu'elle souhaitait absolument qu'il reste le plus loin possible, et paradoxalement qu'elle voulait toujours avoir à ses côtés.
Levi.
-Aki.
Il répéta son nom plusieurs fois, sa voix prenant une teinte légèrement plus inquiète.
La petite blonde essuya ses larmes et renifla.
-Caporal.
Sa voix était brisée. Aiguë. Elle était déjà trahie.
-Aki, putain de merde, qu'est-ce qu'il te prend ?! Pourquoi tu t'es enfermée ?
Elle sentait clairement son inquiétude. Elle aurait pu la palper tant elle était forte.
-Caporal, calmez-vous...
-Tu déconnes j'espère. Réponds.
-Caporal..
-Aki.
-Calmez-vous.
-Comment tu veux que je me calme ?!
Un long silence suivit cette question.
Levi le brisa.
-Qu'est-ce que tu as fait ?
Un autre silence.
-Aki, putain, qu'est-ce que tu as fait ?!
La blonde resta silencieuse.
Le brun, derrière la porte, commençait à s'énerver. Il se raisonna en se disant qu'engueuler quelqu'un d'aussi fragile que la blonde n'était pas la solution. Mais il était tellement inquiet qu’il avait du mal à se contrôler.
-Aki. Réponds.
L'adolescente aux yeux bleus sentit une détresse inconnue dans la voix du Caporal.
-Je vais bien. Caporal, je vais bien...
Elle mentait. Elle mentait tellement. Et malheureusement, les mensonges n'étaient pas son point fort. Pour décrédibiliser encore plus ses paroles, des sanglots s'échappèrent de sa bouche.
-Ouvre-moi.
Non. Il n'était pas question que le brun la voie comme ça. Elle ne voulait pas.
-Ouvre.
Non !
-Aki... Ouvre-moi.
Elle le sentait à bout de nerfs. L'inquiétude et la colère qu'il s'efforçait de contenir le rongeait.
Sa tête tournait. Elle n'arrivait plus à voir clair et la voix du brun résonnait en mille échos dans son esprit.
Dans un dernier effort, elle se traîna jusqu'à la porte et la déverouilla.
Incapable de rester consciente plus longtemps, elle s'effondra tête sur le carrelage. La dernière chose qu'elle entendit fut la voix de Levi.
***
Elle ouvrit les yeux, se dit que tout allait bien. Puis elle se souvint qu'elle était désormais seule face à cette putain de vie et elle voulut s'en aller, les rejoindre.
Elle mit un moment à réaliser que Levi était assis contre le mur, les yeux clos et la tête penchée. Il dormait ?
En penchant la tête vers ses propres bras, elle remarqua le bandage entourant son poing et sa paume. Elle effleura aussi sa joue, et un pansement s'y trouvait. Elle se blessait volontairement pour qu'on la soigne ensuite...
Elle repoussa lentement la couette et s'assit au bord du lit.
Le miroir à gauche de Levi lui renvoyait son image. Elle aurait voulu briser tout les miroirs de ce monde tant elle haïssait son reflet.
Elle se haïssait elle. De toutes ses forces.
La blonde, s'efforçant de repousser ses pensées, posa doucement un pied par terre et retint un cri de douleur. Un tesson de verre devait s'être enfoncé dans son pied. L'autre n'avait rien, heureusement. Elle se voyait donc réduite à marcher à cloche-pieds si elle en avait la force.
Après quelques pas, elle dû s’appuyer contre le mur. Marcher lui demandait beaucoup d’efforts.
-Aki ?
Elle sursauta et se retourna.
-C-Caporal ?
-Oh, putain, Aki, tu m’as foutu une trouille bleue…
Il la prit dans ses bras.
-Ne refais plus jamais ça.
Elle était incapable de répondre. Elle ne voulait pas lui parler. Elle voulait qu’il l’oublie. Elle voulait qu’il s’en aille, elle voulait qu’il l’embrasse, elle voulait…
-Je suis désolée…
-Ouais bah t’as intérêt à l’être bordel de merde, je me suis fait un sang d’encre.
Il effleura ses cheveux et replaça une de ses mèches derrière son oreille.
-Ça te va plutôt bien, les cheveux comme ça. Ça fait chaotique. C’est pas mal. J’aime bien.
Le brun essayait de la rassurer, de lui faire penser à autre chose. Ses cheveux étaient une belle catastrophe, et il le savait aussi bien qu’elle.
-Aki, comment tu vas ?
C’était une question anodine, en apparence, mais il attendait une vraie réponse. Pas un simple “ça va” machinal. Il voulait savoir ce qu’il se passait dans sa tête, ses peurs, ses envies…
La blonde sentit qu’il voulait qu’elle lui ouvre son coeur, qu’elle lui parle.
-Je… ça va.
Et voilà. Elle avait menti.
Sa voix mourut dans sa gorge et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Pas encore…
Levi sentit sa gorge se serrer à cette vue. Il était vraiment censé se faire avoir par son “ça va”?
-Pleure, gamine. Ça te fera du bien. Viens là.
Ce n’était absolument pas son genre, mais il l’amena contre lui et lui caressa doucement les cheveux.
Il voulait lui faire oublier, il voulait la voir sourire, il voulait tellement de choses qu’il ne pourrait jamais avoir.
-Merci, Caporal, articula précautionneusement la blonde contre lui.
-Mmmm.
Il était plongé dans ses sensations, la blonde contre lui, et il savait qu'elle ne pensait pas à lui mais à deux morts. Il en voulait plus, tellement plus, mais ce n’était pas le moment.
-Aki… Je crois que tu devrais me parler.
-Je ne crois pas, Levi.
-Je me fous de ce que tu penses. Parle-moi, bordel! Tu as 16 putain d’années et tu pleures mille fois plus qu’un adulte normal!
Il appuya son front contre le sien.
-Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête?
-Caporal, je ne suis pas sûre que ce soit une bon-
-Mais je n’en ai rien à foutre!
-Levi…
Elle leva les yeux vers lui, et lui sourit difficilement.
-Je vais bien.
-Je sais que tu mens.
Il se pencha vers elle et l’embrassa en faisant bien attention de ne pas la brusquer.
Il murmura contre ses lèvres:
-Je sais ce que ça fait de se sentir coupable, Aki. Mais c’est pas ta faute. Tu n’y es pour rien.
-Si j’avais été là, j’aurais pu…
-Mais tu n’étais pas là. À quoi ça va t’avancer de regretter?
Il saisit son poignet et le serra fort. La blonde retint un cri. Il avait vraiment appuyé si fort que ça?
-Wow, désolé, je ne voulais pas te faire mal…
Il remonta sa manche pour vérifier qu’elle n’avait rien.
-Oh, bordel de merde, dis-moi que c’est une blague.
Elle retira brusquement son poignet.
-De quoi vous parlez ?
Elle le savait très bien. La pâleur de son visage le prouvait.
Le brun sentit une colère sourde monter en lui. Il avait envie de lui mettre une baffe, et à la fois il voulait la serrer le plus fort possible contre lui et lui assurer que tout irait bien.
Il choisit la seconde option, heureusement.
Et cette fois, c’était à son tour de pleurer. Il en avait trop vu. Pourquoi fallait-il qu’elle s’obstine à se faire du mal ? Elle avait brisé une glace à mains nues, complètement ruiné ses cheveux, et maintenant, il découvrait qu’elle se mutilait ? Mais qu’est-ce qu’il allait apprendre ensuite ?!
-Aki, je t’aime. Putain, je suis complètement fou de toi. Qu’est-ce qu’il te manque pour que tu sois tellement déterminée à souffrir ?
Pour faire une déclaration, il aurait pu trouver meilleur timing...
Quand la blonde réalisa qu’il pleurait, elle sentit son sang se glacer. Levi. Le soldat le plus fort du bataillon d’exploration. Pleurait ?
-Levi, je…
Il la coupa en déposant ses lèvres sur les siennes.
-Je ne veux plus jamais voir aucune putain de cicatrices sur tes poignets, Aki. Et pas sur une seule autre partie de ton corps. Si il le faut je-
Il allait dire “te déshabillerait pour vérifier” mais ça sonnait vraiment très bizarre.
-Je vérifierais chaque jour, j’en ai rien à foutre, ne fais plus jamais cette connerie Aki, qu’est-ce qu’il te faut de plus, pourquoi…
-Je veux mourir, Caporal.
Un seul regard l’informa qu’elle le pensait vraiment. De tout son coeur.
-Je n’en peux plus. Je n’ai pas la force.
Elle secoua la tête.
-Je ne veux plus vivre. Je suis tellement fatiguée de tout ça…
***
“Don't be that way, fall apart twice a day… I just wish you could feel what you say… Show, never tell, but I know you too well, kind of mood that you wish you could sell…”
La voix basse de la blonde l’avait sorti de son sommeil durement trouvé, et il se dit qu’il y avait de bien pires façons d’être réveillé.
Levi avait les yeux fermés et Aki devait croire qu’il dormait encore , mais ce n’était pas le cas.
“If teardrops could be bottled, there’d be swimming pools filled by models, told that tight dress is what makes you a whore… If I love you was a promise, would you break it, if you're honest ?”
Il connaissait assez de son “anglais” pour savoir que “I love you” signifiait “je t’aime”. Ç’aurait pû être une chanson d’amour, mais il avait le sentiment que c’était bien loin d’être le cas. Son timbre était beaucoup trop triste.
-Oï, Aki. Encore réveillée?
Il tourna la tête vers elle et la regarda. La faible lumière du clair de lune lui suffisait pour discerner les larmes dans ses yeux.
-Ça va?
C’était une question complètement idiote. Elle pleurait.
-Oui.
Levi s’assit à son tour contre le bois de son lit.
-Écoute, je sais à quel point ça fait mal. Mais ça va s’atténuer. Ça fera moins mal au bout d’un moment.
Il hésita quelques instants, cherchant les mots justes. Il n’avait pas l’impression qu’il y en aie.
-Il faut juste que tu continues à vivre comme avant. Ça fait un putain de vide, je sais. Et je suis désolé d’avoir à te le dire, mais c’est pas comme si ils reviendront.
La jeune fille ferma les yeux et se passa une main sur le visage. Puis sa vieille manie revint et elle commença à se ronger ce qu’il restait de ses ongles.
-Aki. Tes ongles.
Elle fixa ses mains et les reposa sur ses genoux avant de le regarder.
-Levi. J’ai juste besoin de temps. Ça ira mieux quand j’aurais réalisé. En attendant, ça ne sert à rien d’essayer. C’est dans ma tête.
-J’ai l’impression de te voir mourir à petit feu.
-Ce n’est pas -
-Si, c’est le cas.
Il la regarda, l’air soucieux. La blonde inspira un grand coup avant de reparler. Il remarqua les larmes qui menaçaient de couler au bord de ses yeux, et il aurait tant voulu pouvoir faire disparaître sa douleur d’un claquement de doigts, parce que ça le tuait de la voir comme ça.
-Je vous ai réveillé ?
-Pas important. Tu peux continuer à chanter ?
-Ça ne vous dérange pas ?
-Au contraire. Et puis t’as l’air de te sentir mieux après, alors…
Elle hocha la tête et, après qu’il se soit allongé, l’imita et posa la tête juste à côté de la sienne.
“If I love you was a promise, would you break it, if you're honest ? Tell the mirror what you know she’s heard before…I don't wanna be you, anymore.”
Elle savait que cette fois, avoir Levi à ses côtés ne suffirait pas. Elle avait un long chemin à faire pour se remettre de la perte des deux adolescents, mais il était trop étroit pour que le caporal se joigne à elle. C’était sa propre force qui lui permettrait de se lever chaque matin, de manger, se doucher, d’aller s’entraîner comme si tout allait bien. Et si cette force n’était pas suffisante, alors tant pis. Elle resterait dans cet état proche de la dépression toute sa vie, incapable de sentir un sentiment joyeux, comme si son bonheur était profondément endormi quelque part tout au fond d’elle et qu’il n’était pas près de se réveiller.
Peut-être que Levi pourrait l’aider un peu, après tout. Après sa famille, voilà celle de coeur qui y passait aussi. Elle ne savait plus comment s’y prendre pour oublier. Pas oublier, vraiment, mais atténuer la douleur. Après tout, on ne lui avait pas gentiment donné un mode d’emploi “Comment passer outre la perte d’un être cher” quand ses parents étaient morts. Ç’aurait été bien sympathique, tiens. Mais rien de tel n’existait, car chacun faisait son deuil à sa façon. Seul, accompagné. Vite ou lentement. Complètement ou seulement en partie. En essayant d’oublier ou, au contraire, en gardant précieusement tous les souvenirs liés au défunt. Aux défunts, dans son cas.
Et la jeune fille ne voulait pas oublier. Elle ne voulait pas les oublier, eux. Parce qu’ils avaient été deux magnifiques personnes, qu’ils avaient laissé leurs traces sur cette Terre et qu’ils méritaient entièrement que quelqu'un se souvienne d’eux. Même si ce quelqu’un n’était qu’elle, coupable, si banale.
Elle se blottit contre le brun, laissant ses larmes s’échouer sur le tissu vert émeraude de son t-shirt. Les gouttes d’eau salées formèrent rapidement une tache plus sombre, pile où se situait le coeur du brun. Et Aki se dit que s’était ça qu’elle ressentait, pour le moment: un trou noir dans son coeur. Elle savait qu’elle n’avait pas complètement réalisé et que tout empirerait les jours suivants, quand elles ne les verrait pas ensemble à la table du déjeuner, dehors assis dans l’herbe, déambulant dans les couloirs main dans la main et parlant de tout et de rien…
Putain, mais qu’est-ce qu’elle avait mal. Qu’est-ce qu’elle avait mal.
Ils n’étaient plus que des souvenirs, des fantômes qui la hanterait longtemps, longtemps. Combien de temps s’écoulerait jusqu'à ce qu’elle puisse penser à eux sans se mettre à pleurer? Combien de temps s’écoulerait jusqu'à ce qu’elle puisse rire de tout coeur? Combien de temps s’écoulerait jusqu'à ce qu’elle ne prenne pas chaque geste de Levi pour de la pitié? Parce qu’elle le savait, elle faisait pitié. Elle était tellement faible, tellement plus que lui, et après tout peut-être qu’il ne restait avec elle que parce qu’il avait honte de l’abandonner dans un moment si crucial, peut-être qu’il ne l’aimait plus et que dès qu’elle irait mieux, il l’abandonnerait…
Et s’il mourrait, lui aussi?
Qu’est-ce qu’elle ferait? Qu’est-ce qu’elle aurait? Qu’est-ce qui lui resterait?
Aki murmura doucement, la voix entrecoupée par ses sanglots: “Ne me laisse pas, Levi, pas toi aussi, j’ai besoin de toi dans ma vie, ne meurs pas, je t’aime, je t’aime...”
“Je t’aime, Aki. Et je reste ici. Je ne bouge plus. Je ne te lâche plus.”
Le brun caressait doucement ses cheveux, comme s’il savait à quel point elle était conflictée intérieurement, comme s’il voulait lui dire que tout allait bien, ça finit par s’arranger, je te le promets, la douleur va s’atténuer et tu auras à nouveau l’impression d’être vivante. Il ne s’était jamais senti aussi atteint par la tristesse d’autrui, tout ça c’était nouveau pour lui, et il n’avait aucune idée de comment la réconforter, il ne savait même pas si il en avait le droit, si il en était capable, si elle le lui permettrait, ou si c’était à elle et à elle seule de combattre ses démons. Peut-être pourrait-il l’aider. Peut-être. Il le voulait. Il l’espérait. Mais la blonde avait beaucoup d’étapes à franchir avant de s’en sortir. Comme s’accepter tel qu’elle était. Et ça, Levi aurait beau lui exposer toutes ses qualités et les lui répéter mille fois par jour, rien n’y ferait, car c’était sa bataille, et elle devait la gagner seule.
Il se sentit s’endormir quand elle avait commencé au moins sa dixième chanson. La petite main de la blonde était dans la sienne, et l’autre du brun s’était échouée sur la hanche d’Aki, sous son t-shirt.
“I’m tired of tending to this fire, I’ve used up all I’ve collected, I have singed my hands…”
Comme d’habitude la petite rubrique “Mais quelle chanson l’auteure a-t-elle utilisées? “:
-idontwannbeyouanymore, Don’t smile at me, Billie Eilish
-Leave the city, Trench, Twenty one pilots