Le destin des Ackerman - Tome 1
Annie est là, étendue au sol parmi ces innombrables éclats de cristal, ne montrant aucun signe de vie. Tout le monde retient son souffle, le regard fixé cette traîtresse, sur cette jeune femme qui, à elle seule, a massacré des dizaines de soldats du bataillon d'exploration.
Chaque âme ici présente redoute son réveil mais pas forcément pour des raisons similaires ou évidentes.
Livaï ne détourne pas les yeux de cette petite blonde toute menue mais dont l'apparence cache une redoutable combattante. Il ne cligne même plus des yeux et, parfaitement et complètement concentré, ses doigts sont fermement agrippés aux poignées de son équipement tridimensionnel, prêt à tirer deux lames pour fondre sur mademoiselle Leonhart. Il n'est pas du genre à s'enflammer ni se laisser consumer par la vengeance mais aujourd’hui fait exception, face à une situation exceptionnelle, dans l'expectative de se confronter à une personne malheureusement exceptionnelle.
Sa rancœur ne trouve pas uniquement sa source dans ces nombreuses vies qu'elle a ravi ce jour là, mais aussi dans le meurtre des membres de son escouade dont certains étaient ses amis voire plus dans le cas d'une petite rousse.
C'est Petra, d'ailleurs, qui cristallise par sa seule mort la haine et la colère de trois hommes, tous bruns étrangement.
Eren fixe cette silhouette familière, ses cheveux blonds et lisses, son nez à la forme si particulière, la capuche de son haut blanc, le blason qui figure sur son épaule... Lui qui n'a jamais cru au fait que Annie puisse être le titan féminin — même au dernier moment et c'est bien ça qui les a empêchés de la capturer, reste indéniablement attaché à elle et, pour ceux qui le connaissaient assez à cette époque, il y avait sûrement plus que du respect entre ces deux là. Élève privilégié de la blonde pendant les entraînements au corps à corps, Eren était déjà impressionné par sa force, son sang-froid et sa technique avant même qu'ils ne réitère l'expérience sous leurs formes titanesques. Aujourd'hui encore, en détaillant son apparence, il ne peut toujours pas savoir clairement si ses sentiments pour elle sont positifs ou négatifs.
C'est bien ce qui a peiné Mikasa, à l'époque. La brune doit être la personne la moins torturée par Annie mais ce n'est pas pour ça qu'elle est la plus raisonnable et la plus objective la concernant. Ennemie de l'humanité, traîtresse, meurtrière de masse, premier amour d'Eren... Un seul de ces qualificatifs suffit à la jeune Ackerman pour justifier qu'elle soit éliminée.
Elle hésite à poser sa main sur l'épaule de son frère pour le ramener de sa contemplation mais elle se rétracte lorsque son regard se pose sur Armin.
Le nouveau capitaine du bataillon observe son ancienne camarade avec un regard brillant, mélange de peur et d'admiration, d'appréhension et de bonheur. Qu'est-ce que tout cela, pourquoi ses émotions sont dans un tel foutoir à la vue de cette blonde qui a bien failli tous les tuer ? Des images fusent dans son esprit, imposant peu à peu à sa vue des souvenirs de moments passés avec Annie. Le plus marquant est sûrement ce moment — pendant la 57e expédition — où, sous sa forme de titan, elle s'est baissée et a délicatement retiré sa capuche pour le regarder droit dans les yeux. Monsieur Arlelt se demande encore comment il ne s'est pas fait dessus à ce moment précis.
Le souvenir de leur face à face à l'entrée d'un souterrain de Stohess serait un bon candidat au titre de souvenir le plus marquant mais, au beau milieu de toutes ces choses qui lui reviennent subitement, il se rend compte qu'il est tétanisé.
Jean, de son côté, n'est plus ou moins dérouté que ses deux compagnons à ses côtés : Sasha et Conny. Tous les trois ressentent la même chose qu'envers Reiner et Bertolt, en moins fort certainement puisque le cadet Leonhart — à l'époque — était bien plus distante et discrète. Le soldat Kirschtein a posé ses mains tremblantes sur ses crosses mais ne peut rien faire de plus que de regarder, à l'affût du moindre mouvement, à l'instar du nabot aux cheveux rasés et de miss patate.
Hanji se tourne vers Thomas, certaine qu'il va avoir une réaction violente et déraisonnable. Elle se souvient de ce jour où Erwin l'a amené jusqu'ici pour, il faut le dire, jouer avec ses sentiments pour assurer sa loyauté et donc la capture de Erik Müller. Malgré son intelligence, sa connaissance de l'humain et tout ce temps passé avec ce brun dans la même escouade, elle est incapable de savoir ce qu'il se passe dans sa petite tête d'adolescent qui a déjà parcouru tant de chemin. Le nouveau Major revient à la traîtresse et soupire.
Le soldat Ralle dévisage celle qui a mis fin aux jours de sa sœur, curieusement calme. Bien sûr qu'une part de lui voudrait se précipiter pour étrangler cette traînée, cette personne qui a menti et trompé la confiance de toutes les personnes ici présentes pendant trois longues années avant de leur planter un couteau dans le dos. Mais en cet instant de flottement que tous vivent, le visage de Lise lui vient. Toutes les deux ne sont pas si différentes, après tout. Certes, mademoiselle Niso n'a tué personne mais les sacrifices ont été les mêmes. Pourrait-il se résoudre complètement à tuer Lise maintenant qu'il sait tout ce qu'elle a fait ? Non, définitivement non. Mais celle qui l'a privé d'une personne aussi rayonnante que le soleil, c'est autre chose.
Il se tourne vers les autres puisque, contrairement à eux, il n'est pas entré dans cette sorte de torpeur étrange. Il les observe rapidement, un à un, et s'étonne qu'aucun d'eux ne bouge le petit doigt ni n'ait de réaction plus vive que cela. Pourquoi sont-ils ainsi paralysés ?
Alors il bouscule le soldat des brigades spéciales pour entrer dans cette gigantesque cellule et se dirige rapidement vers mademoiselle Leonhart.
— Merde, merde, merde... Prononce Jean en voyant ce brun s'avancer.
— Thomas..? Appelle Mikasa dans un murmure parce que sa voix s'est dérobée en voyant ce cristal de déliter sous leurs yeux.
Il dépasse les deux officiers pour rejoindre Annie. Ils ne le retiennent pas mais restent très vigilants. Thomas s'agenouille et passe sa main et presser son index et son majeur au creux de son cou pour prendre son pouls : elle est vivante.
Il la fait alors doucement rouler jusqu'à ce qu'elle soit sur le dos. Ce qui l'étonne c'est comme on dirait qu'elle vient de s'endormir alors qu'elle est enfermée là-dedans depuis des mois. Elle ne semble pas être déshydratée et n'a aucune marque quelconque sur le peu de peau qu'il peut voir.
— Major, il faudrait l'emmener dans une autre cellule. Suggère Thomas.
Le soldat Ralle passe un bras de la blonde autour de ses épaules puis la soulève, après avoir passer une main sous ses genoux et l'autre dans le haut de son dos. Son petit gabarit et sa légèreté aident forcément, c'est une plume.
Livaï soupire et dégrippe ses lames d'un coup sec, à se demander comment il peut encore être surpris par l'inconscience de ce gosse.
— Ce mioche n'en rate pas une... Souffle-t-il.
De l'autre côté des barreaux, les anciens membres de la 104e sont abasourdis par ce qu'il se déroule sous leurs yeux.
— Thomas est le petit frère de Petra, non ? Demande Conny.
— Ouais, c'est pour ça que j'ai cru qu'il allait la trucider...
Mikasa observe ce jeune homme qui transporte la traîtresse, précédé par Livaï qui l'emmène vers une plus petite cellule pourvue d'un lit, et ne sais pas quoi penser. Comme très souvent avec lui, il est très difficile de savoir ce qu'il se passe dans sa tête et donc de prévoir ce qu'il s'apprête à faire. Soit il agit sans réfléchir soit il trompe son monde. Qu'est-ce que c'est, là ?
Les deux Ackerman sortent de la cellule et tous peuvent détailler de près le visage endormi à l'apparence si paisible d'Annie le temps que Thomas passe près d'eux.
Après trente secondes de marche, Livaï ouvre une cellule non loin de celle d'Erik Ackerman.
— Pose-la ici, on va faire surveiller sa cellule et attendre qu'elle se réveille.
Thomas acquiesce et au moment où il entre dans la cellule, seulement éclairée par la torche accrochée au mur du couloir, il peut voir que la jeune femme dans ses bras grimace et gémit très doucement. Il se penche pour la déposer délicatement sur la paillasse.
— Il faudrait peut-être la... Il ne finit pas sa phrase mais tiraille doucement entre son pouce et son index la veste de son uniforme.
— Sasha ! Appelle Livaï.
Le soldat Braus se présente rapidement devant la cellule.
— Aide Thomas à lui retirer son uniforme.
— Quoi ? Lui aussi il...
— On n'a pas le temps, dépêchez-vous. Ordonne-t-il en tournant les talons pour rejoindre Hanji qui n'a pas quitté la cellule initiale.
Thomas s'occupe de retirer les bottes, Sasha se démène avec la veste en cuir. Pendant quelques minutes ils vont faire ça avec précaution puis quand viendra le tour de son vêtement à capuche et de son pantalon le jeune homme se recule et va chercher des habites simples et amples qui lui seront plus confortables.
Le temps qu'il revienne Annie est en sous-vêtements, il n'ose pas entrer et donne deux coups contre la porte pour que madame patate vienne chercher de quoi l'habiller.
— Merci. Dit-elle avant de retourner vers le titan féminin afin de terminer sa tâche.
Deux bonnes minutes passent.
— Thomas. Appelle Sasha quand elle a terminé.
Le jeune homme entre dans la petite pièce sombre et observe celle qui a mis fin aux jours de sa sœur dormir paisiblement dans une tenue confortable, la couverture tirée jusqu'à ses épaules.
— Tu crois qu'elle se réveillera..? Demande mademoiselle Braus.
— J'en sais rien. Je me demande surtout ce qui a brisé son cocon. Répond le brun.
Des pas se font entendre dans le couloir, Hanji et le caporal se présentent devant la cellule. Le major semble excité face à cet évènement surprenant. Elle leur fait signe de sortir de là, ce qu'ils font sans rechigner.
Au moment où Thomas se retourne, Annie ouvre à peine les yeux et, ayant le visage en sa direction, voit une touffe de cheveux bruns ainsi que ce blason du bataillon dans le dos.
— Eren..? Prononce-t-elle faiblement.
Thomas sursaute et se retourne lentement vers elle.
— Un problème ? Demande Livaï.
— Non, rien. Ment Thomas qui les rejoint de l'autre côté des barreaux.
Hanji ferme la porte derrière eux et fait deux tours avec la clé.
— Bien, il ne nous reste plus qu'à attendre qu'elle se réveille. Repars pour Trost avec ton escouade, Armin et son équipe vont rester avec moi. Dit Hanji.
— Entendu, on se met en route.
[ Le lendemain matin - District de Trost ]
Eren et Mikasa sont autour d'une table du réfectoire, seuls dans cette grande salle. C'est ce qui est déprimant ici depuis que la quasi totalité des effectifs ont été tués durant la bataille de Shiganshina : la caserne est un lieu fantôme.
La jeune femme lève sa tasse contenant une boisson chaude dont la fumée se condense sur ses pommettes et le bout de son nez. Elle souffle à intervalles réguliers pour refroidir la surface. Eren la regarde faire et pianote des doigts sur la table, l'air préoccupé.
La brune aspire bruyamment un peu du liquide brûlant du bout des lèvres puis repose la tasse. Elle remarque ensuite qu'Eren la fixe, elle l'interroge du regard.
Il se redresse et s'appuie sur le bord de la table à l'aide de ses coudes.
— Qu'est-ce que tu faisais dans la chambre de Thomas hier matin ? Est-ce que vous avez...?
Le visage de Mikasa devient rouge comme une tomate et elle secoue la tête, paniquée par cette question. Elle retrouve un semblant de contenance et regarde son frère droit dans les yeux malgré le rouge qu'elle a aux joues.
— Non. Je t'ai dit que j'avais besoin de quelque chose. Répond-elle en fuyant son regard.
Il hausse un sourcil et observe ces marques de gêne. Il lui laisse le bénéfice du doute, c'est sûrement son insinuation qui la rend mal à l'aise.
— Besoin de quoi ?
C'est clair qu'elle n'était pas prête à ce qu'Eren les surprenne et encore moins à cet interrogatoire. Elle doit rapidement trouver quelque chose mais son regard inquisiteur la déstabilise. La jeune femme désigne finalement l'écusson sur son épaule gauche du bout du doigt.
— Ça commençait à se décoller et il a de quoi coudre. Répond-elle.
Deux versions différentes, c'est la confirmation qu'ils cachent quelque chose, Eren en est maintenant certain, plus aucun doute n'est possible.
— Je vois. Prononce-t-il en baissant les yeux vers son propre petit-déjeuner. Je pensais qu'on pouvait tout se dire.
Mikasa sursaute et remarque son air vexé.
— Quoi, mais..?
— Il m'a dit que tu étais venue chercher de la pommade. Annonce sèchement Eren.
La jeune femme sent une goutte de sueur froide couler le long de ses vertèbres.
— Merde... Se dit-elle.
Mikasa est désorientée. Pourquoi cherche-t-elle à cacher la véritable raison... A-t-elle honte ?
Le positif dans tout ça c'est que Thomas n'a pas hésité à essayer de la couvrir alors qu'elle la planté là. Est-ce que Eren lui a posé des questions sur eux ? Si oui qu'est-ce que le soldat Ralle a répondu ?
Elle serre ses doigts autour de sa boisson chaude.
La jeune femme voudrait expliquer à Eren qu'elle l'a rejoint pendant la nuit par besoin du réconfort des bras du soldat Ralle parce qu'elle adore s'y trouver. Elle aimerait lui dire tout ce qu'elle ressent quand ils sont tous les deux : cette sensation de liberté, la façon qu'il a de la rendre vulnérable, son regard perçant qui donne l'impression qu'il peut lire en elle comme dans un livre ouvert. Non vraiment elle ne peut pas lui dire que son souffle se coupe dès qu'ils sont proches l'un de l'autre.
— Pourquoi lui, hein ? Il ne t'a pas fait assez de mal comme ça ? Je t'ai vu le regarder avec colère ces dernières semaines. N'oublies par non plus qui est son père et donc que c'est possible qu'il nous trahisse un jour, regarde ce qu'il a fait avec Annie... Pour moi c'est la preuve qu'on ne peut pas lui faire confiance. Dit Eren pour la raisonner.
Mikasa souffre des mots qu'elle entend. Son esprit est confus, perdu. Elle n'en croit rien, la brune n'a jamais cru une seule seconde qu'il puisse être à la solde d'un officier corrompu.
Eren assoit sa domination psychologique en jouant sur une corde qu'il sait très sensible : la jalousie. Il a très bien vu ce regard noir qu'elle lançait à Annie, d'autant plus lorsque Thomas s'est dépêché — contre toute attente — de prendre soin d'elle.
Mikasa ne sait pas quoi dire. Elle ne prend cependant pas les mots de son frère comme de la jalousie ou de la possession. A son sens il essaye juste de la protéger d'un garçon qui joue peut-être avec elle dans le but de l'utiliser. Après tout, il est possible qu'elle se trompe depuis le début sur le compte de Thomas, il ne l'a jamais aimée.
La paranoïa s'installe lentement et tout se remet en question dans l'esprit de la jeune femme.
— Tu ne veux pas en parler, très bien. S'impatiente Eren devant le manque de réponse.
La jeune Ackerman se sent misérable. Une sensation désagréable saisit son cœur : elle a l'impression d'être manipulée. S'approcher d'elle, réussir à passer ses défenses, trouver comment l'adoucir pour attirer sa sympathie, lui donner ce dont elle manquait pour qu'elle devienne lentement mais sûrement accro, la rejeter en prétextant qu'ils sont cousins parce qu'il ne devait plus avoir besoin d'elle et puis quand même lui tourner autour comme un vautour pendant les semaines qui ont suivi pour qu'elle ne puisse pas se le sortir de la tête...
Non, ce n'est pas possible...
Ils ont parlé de ce rêve qu'ils ont en commun, cette promesse de tout se dire et de tout partager, les choses qu'il a faites pour elle... Comment tout cela pourrait être un mensonge ? Se cacherait-il un traître derrière ce regard mystérieux et impénétrable ?
Mikasa serre les dents et les yeux, maintenant. Il lui est impossible d'accepter cette conclusion parce qu'au delà des mots, il y a des choses qu'il n'aurait pas pu feindre. Les regards qu'il lui lance, son cœur qui s'emballe à son contact, cette tension palpable entre eux, cette façon passionnée et éperdue qu'il a de l'embrasser...
Eren se lève alors qu'il a seulement engloutit la moitié de son repas.
— Je vais voir le caporal, fais-moi signe quand tu auras ouvert les yeux. Dit-il en tournant les talons.
La jeune femme est perdue et torturée. Eren fait quelques pas et, avant de sortir du bâtiment, jette un regard en direction de sa sœur qui semble désemparée.
[ Quelques heures plus tard - District de Stohess ]
— Annie... Annie !
Les images se mélangent, une lumière aveuglante irradie l'endroit où elle se trouve. Il est impossible de capter le moindre son qui pourrait lui donner une indication de l'endroit où elle est, tout est diffus. Ses membres sont comme paralysés et c'en est douloureux. Son rythme cardiaque s'accélère.
— Il est trop tard pour te demander pardon... Dit encore cette voix familière, cette silhouette agenouillée devant elle.
Les yeux grands ouverts, elle fixe cet homme qu'elle identifie comme son père.
— Mais s'il te plaît, promet-moi que... Tu reviendras un jour.
Soudain elle voit un titan à la peau couverte de braises et aux yeux verts perçants courir vers elle à quatre pattes, déchaîné et hurlant comme une bête.
La jeune femme se réveille en sursaut.
Elle est en nage, respire lourdement et son cœur bat la chamade. Est-ce qu'elle vient de faire un cauchemar ?
Sa vision est encore un peu floue et elle se dresse sur son coude en regardant rapidement autour d'elle.
Une cellule ?
Elle porte sa seconde main à son crâne douloureux, elle a des vertiges. Les impressions qu'elle a sont très étranges. La seule chose dont elle se souvient c'est d'Eren qui lui tape dessus jusqu'à faire sauter la tête de son titan puis... Trou noir.
Comment est-elle arrivée jusqu'ici ? Est-elle toujours sur l'île du paradis ou ses compagnons l'ont ramenée à Mahr ?
Dans tous les cas, combien de temps a-t-elle dormi ?
Annie s'assoit dans son lit en expirant profondément à cause de ce réveil difficile et regarde les vêtements qu'elle porte en tirant dessus. Ils ressemblent plus ou moins à ce qu'elle a l'habitude de porter pour dormir.
Soudain, elle remarque qu'une ombre ayant une forme humaine s'étend sur le sol de sa cellule : quelqu'un l'observe depuis l'extérieur. Elle jette un coup d’œil par dessus son épaule et aperçoit deux billes bleues la fixer avec intensité. A plus y regarder ce visage lui dit quelque chose mais ses souvenirs font défaut, pour l'instant.
Elle détourne le regard et soupire : elle est toujours sur l'île puisque cet homme porte un uniforme du bataillon d'exploration.
Voilà donc ce qui a dû se passer : Eren a réussi à la vaincre et à l'immobiliser puis le bataillon a ouvert sa nuque pour l'en extraire. Elle doit être enfermée ici depuis.
Mais combien de temps a pu se passer depuis ce qu'il s'est passé à Stohess ? Est-elle même encore dans ce district ?
Machinalement elle passe ses mains dans ses cheveux et s'en saisit pour les mettre dans le bon ordre pour faire sa coiffure habituelle mais au dernier moment elle se rend compte qu'elle n'a pas de quoi attacher ses mèches blondes.
L'ombre disparaît et elle laisse tomber ses mains tout comme ses cheveux.
Thomas marche rapidement en direction de l'ancienne cellule dans laquelle était Annie. Il pense pouvoir trouver Hanji et Armin par ici. Le jeune homme pousse la lourde porte qui grince en s'ouvrant.
— Major, elle est réveillée. Dit-il.
Hanji a ses lunettes sur le crâne, ses cheveux ne sont pas attachés et sa veste est sur le dossier de la chaise sur laquelle elle se balance.
— Ah ! S'exclame-t-elle.
Les deux pieds avant de la chaise heurtent le sol et elle se lève d'un bond.
— Où est Armin ?
— J'en sais rien, peut-être à la surface en train de lire son bouquin. Répond l'ancien capitaine qui s'étire puis s'applique à se coiffer sommairement.
Thomas tourne les talons et se dirige vers l'entrée du souterrain pour annoncer à Armin qu'Annie est réveillée. Cette dernière intrigue le jeune homme et c'est bien pour ça qu'il compte sur son nouveau supérieur pour avoir quelques réponses. De ce qu'il a compris tous faisaient partie du même régiment d'entraînement alors ils devraient la connaître un minimum.
Il lui faut plusieurs minutes de marche pour rejoindre la surface et il trouve effectivement le Capitaine Arlelt assit sur un muret à parcourir le livre de son enfance, offert par Historia. Julia est à ses côtés, lisant autre chose. Le blond se retourne quand il entend quelqu'un approcher.
— Ah, il y a du nouveau du côté d'Annie ?
— Oui, elle vient de se réveiller.
Julia affiche un air surpris quand elle remarque que le capitaine est exagérément heureux de cette nouvelle.
Il se lève sans attendre en refermant brutalement son livre puis prend le chemin du souterrain. Les deux compagnons échangent un regard surpris mais amusé. Julia se lève à son tour et s'approche de son ami.
— Tu avais envie de faire dans la simplicité aujourd'hui ? Demande Thomas en remarquant qu'aujourd'hui sa coiffure se résume à un ruban qui lie toutes ses mèches tombantes dans son dos.
— Mh ? Interroge-t-elle du regard, ne comprenant pas à quoi il fait allusion.
— Tes cheveux. Précise-t-il en souriant.
— Oh... Oui, euh... Je n'ai pas trouvé de miroir dans le souterrain alors...
— Ça te va bien aussi, ça fait moins solennel, je trouve.
La jeune femme touche ses cheveux en baissant la tête, gênée par le compliment.
— Je vois...
Thomas lève une main vers le visage de la jeune femme et écarte doucement la mèche qui tombe sur le côté gauche de son visage et la dégage à peine pour regarder la coupure sur sa joue, vestige de Shiganshina.
Elle frissonne à ce contact inattendu.
— Ça cicatrise bien.
— Mh-mh, je ne devrai pas avoir de cicatrice disgracieuse... Répond-elle.
Le jeune homme désigne l'entrée du souterrain et elle acquiesce, entamant la marche.
— Qu'est-ce que tu lisais ? Questionne-t-il pour faire la conversation.
— Rien de très utile, j'étudiais les rapports sur les différentes expériences menées sur le cristal qui retenait Annie Leonhart prisonnière. Heureusement qu'il s'est brisé de lui-même sinon je crois bien que l'on n'aurait jamais pu l'en extraire.
— Maintenant il faut espérer qu'elle sera au moins un peu coopérative. Commente le jeune homme.
— Thomas... Commence la blonde sur un ton plus sérieux.
— Oui ? Il se tourne vers elle, surpris par le ton qu'elle emploie.
— Tu ne comptes pas faire de bêtise avec Annie ?
— Comment ça ? S'étonne-t-il parce qu'il ne comprend pas vraiment la question ou plutôt, ce qu'elle entend par « bêtise ».
— C'est elle qui a tué ta grande sœur lors de la 57e expédition extra-muros en l'écrasant contre un arbre, alors j'ai trouvé bizarre qu'hier tu ne sois pas rentré dans cette cellule pour lui faire du mal. Qu'est-ce que tu comptes faire ?
Il soupire. Elle vient sans doute de réciter mot pour mot l'un des rapports sur l'expédition qu'elle vient de nommer. Heureusement qu'aujourd'hui il est habitué à cette façon qu'elle a de donner ce genre de détails, comme s'il était important de le faire.
— Rien, vraiment rien. Bien sûr que j'ai eu envie de l'étrangler dès l'instant où elle est sortie de ce machin. Mais ça n'aurait servi à rien... Ça n'aurait pas ramené Petra et ça nous priverait d'éventuelles informations vitales. Tu me vois te priver de lecture ? Termine-t-il sur le ton de la plaisanterie.
Julia sourit.
— Je suis rassurée, des fois c'est difficile de savoir ce qu'il se passe dans ta tête. Dit-elle.
Thomas ne répond pas, il est pensif.
— Elle est peut-être amoureuse d'Eren... Lâche-t-il en se parlant à lui-même.
Julia lui jette un regard étonné mais ne l'interrompt pas dans le fil de ses pensées. Ses yeux se posent sur les courbes de son cou où les coupures récoltées quand il l'a sauvée de l'onde de choc sont encore visibles.
Les deux compagnons marchent tranquillement jusqu'à arriver à la cellule où est enfermée Annie.
— ...Ne verras pas d'objections à ce qu'on te pose quelques questions ? Demande Hanji, accrochée aux barreaux.
Les yeux bleus d'Annie dévient brièvement vers les deux nouveaux arrivants, elle reconnaît le jeune homme qui l'observait à son réveil et maintenant qu'elle voit plus clair ça confirme son impression de déjà vu. Elle revient à Hanji avec son expression impassible, elle a vraiment l'air ennuyée.
— Bon écoute, la situation est simple tu...
— J'ai dormi combien de temps ? Demande la prisonnière qui tourne légèrement la tête en direction d'Armin.
— Environ trois mois. Répond-il.
Elle baisse la tête et se mure dans le silence.