Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 38 : Chapitre 37 - Vieil ennemi
5440 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 27/10/2020 10:02
Les premiers rayons du soleil percent les carreaux de la fenêtre de cette chambre et heurtent le côté gauche du visage du jeune homme endormi là. Allongé sur le ventre, il gémit de mécontentement et tourne la tête vers la droite pour échapper à son agresseur matinal.
Le soldat referme les yeux et, après quelques secondes, se rend compte qu'il ne pourra pas se rendormir. De toute façon l'heure a l'air d'être très avancée, au point qu'il devrait déjà être debout et prêt. Ce n'est pas si grave, aujourd'hui c'est relâche.
Il soupire profondément et sent ensuite quelque chose contre lui, un bras l'entoure et la main est accrochée à ses côtes. Il se dresse juste assez pour regarder à sa gauche et observer cette personne qui s'est invitée pendant la nuit : de nombreuses mèches brunes tombent en cascade sur l'oreiller.
Le jeune homme sourit tendrement et expire longuement en s'affaissant de nouveau. Le brun ne se souvient pas être venu ici en sa compagnie ni lui avoir ouvert la porte. Ce qui l'étonne c'est qu'il n'a pas été réveillé par cette intrusion dans son lit. C'est la preuve qu'il a vraiment dormi comme une masse, le titan colossal aurait pu se transformer juste à côté de lui sans que ça ne le réveille, apparemment.
C'est la première fois à sa connaissance qu'elle s'adjuge le droit de s'immiscer dans sa chambre. Enfin, c'est quand même une agréable surprise de la trouver là, de la voir dormir si profondément.
Thomas remarque ensuite une chemise blanche en boule par terre et, c'est vrai qu'en y faisant plus attention, il sent sa peau contre la sienne ainsi que la chaleur de son corps.
Il l'observe, contemple son visage endormi à l'expression paisible, et a la soudaine envie de la tirer du sommeil pour découvrir son expression quand elle se réveille. Mais elle a l'air de si bien dormir qu'il ne peut pas se résoudre à le faire. D'un autre côté, même si sa position est confortable, Thomas sent qu'il a des fourmis dans les bras à force d'être resté trop longtemps dans la même position.
Hésitation.
Finalement, il se décide à la réveiller en douceur. Pour sa première tentative, il bouge un peu et s'étire lentement en espérant que ça suffira mais la jeune femme n'a pas l'air d'en être dérangée. Il essaye alors autrement.
— Mikasa... L'appelle-t-il en murmurant.
Toujours rien sinon un profond soupir. Il glousse.
Il est donc poussé à y aller un peu plus fort. Le brun pivote avec précaution jusqu'à se mettre sur le flanc, ce qui fait lentement tomber sa main sur le matelas. Cette fois c'est suffisant pour qu'elle gémisse de mécontentement et gigote un peu, signe qu'elle se réveille.
Jusque là elle ne semblait pas être gênée le moins du monde par ce rayon de soleil qui c'est insinué dans la chambre mais maintenant qu'elle essaye d'ouvrir les yeux c'est une autre histoire. Elle cache ses yeux avec son bras.
— Déjà..? Demande-t-elle avec une voix encore endormie.
— Mh. Répond simplement Thomas qui l'observe sans en perdre une miette, un sourire indélébile aux lèvres.
Elle retire juste assez sa protection pour ouvrir de petits yeux en direction du jeune homme. Lorsqu'elle remarque qu'il la regarde elle ne peut pas s'empêcher de sourire avant de replacer son bras pour se protéger de lui aussi, afin qu'il ne voit pas sa gêne qui colore ses pommettes à l'idée qu'il la regardait dormir.
Après quelques instants elle se frotte les yeux puis affronte de nouveau le regard du brun dont les yeux bleus percent si facilement ses défenses. Thomas lève une main jusqu'au visage de Mikasa puis dégage minutieusement cette mèche qui encombre son visage pour la ranger délicatement derrière son oreille.
La jeune femme ressent de nouveau cette vulnérabilité arriver au galop face à son sourire qu'elle aime tant, à la brillance de ses yeux contemplatifs, au frisson causé par cette caresse et à la sensation de s'éveiller lentement avec lui. Elle détourne enfin les yeux et presse ses lèvres l'une contre l'autre.
— Désolée, j'ai frappé mais tu n'as pas répondu... S'excuse-t-elle, comme s'il y avait la moindre trace de colère dans l'expression de Thomas.
Elle se souvient maintenant de la raison de sa venue. Sasha a passé une autre nuit à l'infirmerie et Mikasa n'aime pas trop dormir seule dans une pièce vide, c'est comme ça depuis six ans. Les premières heures de la nuit elle n'a pas réussi à fermer l’œil et ne faisant que tourner et virer dans son lit. C'est pourquoi elle a décidé de le rejoindre parce que, depuis Shiganshina, il est seul dans sa chambre.
Il secoue légèrement la tête en signe de négation puis sourit, lui faisant comprendre qu'elle n'a pas à être désolée, au contraire. Thomas est heureux en ce moment. Celui-ci se laisse d'ailleurs tomber sur le dos pour s'étirer de tout son long et, quand il a fini, Mikasa s'approche pour se lover contre lui avant d'expirer profondément.
Le jeune homme regarde ce bras droit bandé au niveau de l'épaule, là où elle a reçu des débris de lance foudroyante. Son regard descend jusqu'à son poignet où il y a un autre bandage.
— Tu t'es fait quoi là ? Demande-t-il.
Elle lève son bras pour mettre cette partie de son bras en évidence.
— Ça ?
— Mh.
— Rien. C'est...
Elle se tait en se rendant compte qu'elle était sur le point de dévoiler l'un de ses secrets. C'est un réflexe défensif, une habitude qu'elle a prise depuis des années. En soit ce n'est pas quelque chose qu'elle devrait lui cacher plus longtemps, elle lui fait aveuglément confiance et à l'heure d'aujourd'hui les Ackerman et les asiatiques ne risquent plus d'être persécutés, du moins elle l'espère...
— ...C'est un tatouage. Complète-t-elle finalement.
— Que tu viens d'avoir ? Interroge encore le brun, c'est la seule explication pour le bandage.
Mikasa se mord la lèvre, hésite une fraction de seconde puis se redresse pour s'assoir. Elle retire le bandage puis montre ce symbole au jeune homme : un « A » formé de trois épées entouré d'un cercle.
— Tu te souviens, je t'avais dit que ma mère m'apprenait à faire une broderie que je devrai ensuite léguer à mes enfants.
Thomas acquiesce en détaillant ce tatouage.
— C'est ça que je brodais. C'est le symbole de la lignée de ma mère mais je ne sais pas ce qu'il signifie ni pourquoi elle me l'a tatoué. Explique-t-elle.
Le jeune homme se redresse à son tour, le regard toujours fixé sur ce poignet marqué de façon permanente.
— Pourquoi est-ce que tu le caches ?
— Parce que les Ackerman n'étaient pas les seuls à être persécutés, c'est d'ailleurs pour ça que ces bandits voulaient nous emporter ma mère et moi. L'héritage asiatique est devenu très rare, ils voulaient nous vendre dans la ville souterraine, sous Mithras.
— Je vois... Répond le brun en baissant la tête.
Mikasa se rend compte qu'elle a peut-être gâché le moment en parlant des bandits, elle aurait dû se contenter d'expliquer que c'est le signe de sa famille dont elle ne connait pas le nom. Elle observe Thomas, se demande comment changer de sujet. Une idée lui vient et elle n'est pas innocente. Mademoiselle Ackerman plaque ses mains sur les épaules du brun et le fait tomber en arrière grâce à sa force et à la surprise.
Elle s'affale ensuite sur lui pour prolonger ce moment interrompu par sa question. La jeune femme reprend sa position initiale puis ferme les yeux pour profiter pleinement de ce qui ne pourra pas se produire tous les jours.
Pourtant, aussi simple et tendre puisse être cet instant, son esprit ne parvient pas à rester muet comme une tombe. Des mots lui reviennent.
— Parce que je suis amoureux...
Entend-elle d'abord. Mikasa aimerait savoir ce que ça signifie vraiment, ce que ça implique et si elle le ressent, elle aussi. Cette question la hante et à chaque fois que son regard se pose sur ce brun suicidaire elle cherche des similitudes entre leurs comportements.
Et s'il s'avérait qu'elle ne partage pas le même sentiment pour lui, que fera-t-elle ? Cela voudrait dire qu'elle s'est servie de lui pour combler un cruel manque affectif qu'elle n'obtient pas d'une autre personne...
— Tu devrais aller te reposer aussi et... Fais attention avec lui.
La brune serre les dents avec force. Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ?
Thomas ne la sent plus bouger d'un pouce alors il se recule juste un peu et voit qu'elle est pensive.
— Mikasa. Appelle-t-il avec une voix douce, un chuchotement.
— Mh ? Sursaute-t-elle. J'étais encore..?
Il acquiesce en souriant.
Elle détaille son air amusé, se délecte de son air heureux et apaisé jusqu'à ce que ses yeux tombent sur ses lèvres, ce pêcher de gourmandise dont elle a été privée pendant ces dernières semaines. C'est ce qui la rend si indécise et hésitante. Mikasa ressent du désir et une attirance indéniables pour ce brun aux yeux bleus et ça présence lui est indispensable, c'est un fait. Mais, dans le même temps, elle a l'impression de trahir quelqu'un d'autre...
Alors quel est la meilleure chose à faire : se trahir soi-même et ses pulsions ou trahir ces six dernières années ?
Pendant qu'elle réfléchit encore, Thomas s'extirpe de leur étreinte pour se lever. En se dirigeant vers son armoire il attrape cette chemise en boule et la jette en direction de Mikasa qui l'attrape au vol. Elle se lève à son tour et s'étire.
La jeune femme remarque d'ailleurs que le brun détourne rapidement le regard, sûrement pour éviter de se rincer l’œil puisqu'elle est en petite tenue. Ça l'amuse tant c'est inattendu, parce que leurs corps n'ont plus de secrets l'un pour l'autre. Elle comprend qu'il résiste toujours, que les mots de son père doivent trotter dans son esprit encore résigné.
Thomas enfile son pantalon, ses bottes puis déplie une chemise. C'est à ce moment là que trois coups sont donnés sur la porte. Il s'y dirige naturellement après avoir rapidement boutonné sa chemise.
— Attends ! Lance Mikasa à voix basse, rassemblant ses affaires de la veille pour les enfiler à la hâte.
Quand elle est pratiquement prête il entrouvre la porte et Armin se tient derrière celle-ci. Ce dernier remarque d'ailleurs tout de suite Mikasa qui est en train de terminer d'enfiler ses cuissardes.
— Salut Thomas. Dit le blond.
La porte s'ouvre plus en grand.
— Capitaine. Salue le brun.
Armin rit légèrement.
— Pas de ça entre nous s'il te plaît, j'ai encore du mal pour l'instant, haha...
Thomas remarque Eren qui est appuyé plus loin contre la balustrade en bois, les bras croisés, l'air désintéressé.
— Je peux t'aider ?
— Oui euh... Je viens te prévenir que l'heure de la cérémonie de remise des médailles a été un peu avancée et... J'aimerai aussi te parler de quelque chose. Annonce le capitaine Arlelt.
Mikasa apparaît près du brun.
— Salut, Armin.
Eren tourne brusquement la tête en leur direction en entendant cette voix familière et féminine qu'il ne penserait pas entendre, pas ici. Il reconnaît sa sœur, sur le pas de la porte de la chambre du soldat Ralle, à ses côtés.
— Mikasa ? S'étonne-t-il, des yeux grands ouverts qui oscillent entre elle et Thomas. Qu'est-ce que tu fous là ?
Ça dépasse ses craintes. Quand il les avait entendu discuter dans le mitard, c'était une preuve évidente qu'ils sont plus proches qu'ils ne veulent bien le laisser paraître mais quelques doutes étaient encore possibles. Là, c'est un violent retour à la réalité pour lui.
Il ne sait pas quoi dire et Mikasa semble figée sur place en voyant le regard colérique d'Eren se poser sur elle, comme si elle venait d'être prise en flagrant délit. Elle panique soudainement, sans même se demander si elle a vraiment fait quelque chose de mal.
— Je... Euuuuuh... J'avais besoin d'un truc. Lance-t-elle maladroitement avant de se précipiter pour sortir, bousculant Armin.
Thomas hausse un sourcil et la regarde s'éloigner à pas rapides. Il est pris de court, il ne comprend pas ce qu'il vient de se passer. Quand il revient à Armin, Eren est aussi dans son champ de vision et il semble bouillir sur place, les poings serrés.
— Qu'est-ce qu'il y a entre vous au juste ? Demande le titan assaillant avec un ton agressif, fusillant du regard le brun aux yeux bleus.
La soldat Ralle fixe son camarade sans sourciller, parfaitement calme d'apparence. Pourtant, intérieurement il est confus. Ce qu'il se passe est déroutant, le comportement de Mikasa très étrange. Est-ce qu'elle voulait le cacher ? Si oui, pourquoi ?
Il décide alors de ne pas la trahir avant d'en savoir plus et va essayer de la couvrir.
— Rien qui devrait autant t'inquiéter. Elle avait juste besoin que je lui prête de la pommade. Ment monsieur Ralle.
— De la pommade ? Redemande Eren, pas certain d'avoir saisi.
— Oui, pour aider ses blessures à guérir. Soutient Thomas avec aplomb.
— C'est bizarre, elle ne m'a pas parlé de blessures. Rétorque Eren qui cherche la faille.
— Parce qu'elle ne veut pas t'inquiéter, tu es déjà assez préoccupé en ce moment.
Eren voit rouge, est-ce qu'il le défi là ? Il n'aime pas du tout son ton qu'il trouve condescendant, comme s'il jubilait de savoir des choses que lui ignore. Armin comprend qu'il doit désamorcer la situation.
— Eren, on se retrouve au réfectoire. Dit-il en s'interposant, il a peur qu'ils en viennent aux mains, connaissant le tempérament sanguin de son ami d'enfance.
Monsieur Jäger acquiesce, jette un dernier regard plein de dédain à Thomas puis tourne les talons. Ce dernier s'écarte et laisse entrer Armin.
— Excuse-le, il est un peu surmené en ce moment...
— Je comprends, mais on l'est tous. Bref, tu voulais me parler de quoi ?
— Ah euh, oui... Est-ce que tu accepterais de devenir mon lieutenant ?
Thomas est déstabilisé, il ne s'attendait vraiment pas à ça. A son sens il y a bien meilleurs candidats.
— Moi..?
— J'en ai discuté avec Julia et elle t'a très bien vendu... Mais je comptais déjà te le proposer. Elle m'a aussi prévenu que tu dirais sûrement que Judith serait plus qualifiée mais comme tu le sais elle est convalescente pour plusieurs semaines... Explique le capitaine.
Le brun se gratte l'arrière de la tête, gênée par cette confiance qu'Armin place en lui.
— ...Et puis tu es le meilleur de l'escouade au combat, tous le monde te fait confiance et te considère déjà comme un leader.
Le soldat Ralle tombe des nues, depuis quand est-il considéré comme un leader... Juste parce qu'il les a sauvées à Shiganshina ?
— D'accord, je ferai ce que je peux. Répond enfin Thomas.
— Donc... Tu acceptes ? Demande Armin pour avoir confirmation.
Son interlocuteur acquiesce.
— Alors félicitations pour votre promotion, Lieutenant Ralle.
— Merci, Capitaine Arlelt. Rétorque le brun en exécutant un salut militaire.
Armin en sourit et donne une tape amicale sur l'épaule de son second.
— On part dans une heure pour la cérémonie.
— Ça marche.
Sur ce Armin ouvre la porte et s'en va, laissant là Thomas qui soupire une fois qu'il est seul.
— Hé bah putain... Souffle-t-il pour lui-même.
De son côté, Mikasa arrive dans sa chambre vide et s'adosse à la porte fermée avant de respirer un grand coup. Son esprit est assailli par la culpabilité. Pourquoi est-ce qu'avoir été vue dans la chambre de Thomas par Eren lui a fait cet effet ?
La jeune femme essaye de calmer ses tremblement et ses palpitations. Lorsqu'elle parvient enfin à reprendre le contrôle, elle affiche cet air neutre qu'elle revêt si souvent comme une armure puis se dirige vers son armoire pour se préparer.
Le fait d'être déchirée en deux de la sorte la fait souffrir plus qu'autre chose. Les mots d'Armin lui reviennent, notamment ceux qu'il prononça la veille quand elle vint le trouver.
— Pour moi être amoureux c'est un sentiment très fort et difficile à expliquer mais qu'on reconnaît tout de suite. L'attirance, le besoin de plaire, chercher son attention et les contacts physiques...
Elle soupire.
Deux heures plus tard, tous les membres du bataillon d'exploration — excepté Judith — se présentent au bâtiment administratif où la plupart d'entre eux se sont déjà rendus la veille pour l'audience concernant les carnets de Grisha Jäger.
Cette fois c'est une grande salle de réception décorée avec goût et au fond de laquelle un trône surplombe le reste des lieux, sur plusieurs marches. Le nombre de personnes présentes est forcément plus grand que lors de l'audience. Des officiers et soldats de tous les corps d'armée sont là.
Le groupe de héros entre dans la salle et vont attendre patiemment. Sasha prend place sur un fauteuil à droite de la salle, contre le mur, pour éviter de trop se fatiguer, Conny veille sur elle. Armin, Eren et Mikasa sont ensemble et discutent, même chose pour Frock et Jean. Thomas est dans son coin un peu plus loin à observer les gens dans la salle.
Julia s'approche de son ami.
— Pas trop stressé..? Demande-t-elle avec un regard fuyant.
Il hausse les épaules.
— Toi oui hein ? Il sourit et se redresse.
— Je n'aime pas vraiment quand tout le monde me regarde... Et puis j'ai l'impression de ne pas mériter cette médaille. Survivre est un exploit ? Ce n'est même pas de mon fait d'être encore en vie...
— Hé, Julia... Tu crois vraiment qu'il n'y a que les soldats qui font des exploits arme en main qui méritent d'être félicités ? Comment est-ce qu'on se serait battus si tu n'avais pas fait tout ce travail de recherches avec Hanji ?
Elle lève des yeux brillants vers lui.
— C'est facile d’idolâtrer des soldats mais si on ne leur met pas d'armes entre les mains ou ne leur donne pas de plan d'attaque, qu'est-ce qu'ils font ? Alors ne te sous-estime pas, tu fais un travail formidable. Il y a des gens qui se tournent vraiment les pouces, regarde-moi. Je ne suis ni un bon soldat qui a eu l'un des titans ni un intellectuel qui a servi à quoi que ce soit pour nous donner une chance de victoire...
La jeune femme fronce, en colère qu'il estime que sauver la vie de Judith et elle n'était rien.
— Comment peux-tu me demander d'arrêter de me sous-estimer alors que tu fais pareil ? Si tu n'étais pas dans cette escouade, deux personnes de plus seraient mortes.
Julia se tourne pour cacher son visage derrière son profil et ses mèches de cheveux, elle ressent vraiment de la colère contre lui mais pas seulement... Cette colère est aussi dirigée contre elle-même.
— Tu t'es conduit de façon admirable. Tu aurais pu nous laisser mourir, balayées par le souffle, et rester avec l'escouade tactique. Tu aurais contribué à vaincre Reiner et Bertolt. Alors ne dis pas que tu ne sers à rien, je me sens déjà assez coupable de t'avoir empêché de briller pendant cette bataille. Ajoute-t-elle, la tête baissée.
Thomas soupire.
— Bon... Partons du principe qu'on mérite tous les deux alors.
Elle acquiesce seulement, ça ira pour cette fois.
— Salut les héros des murs ! Dit quelqu'un qui s'adresse au groupe.
Les regards se tournent vers cette jeune femme que Thomas se souvient avoir croisé lors de leur cavale, il y a des semaines de cela.
— Hitch ! Tu es venue... Répond Jean.
La jeune femme qui appartient aux brigades spéciales fait un salut de la main.
— J'allais pas manquer votre remise de médaille.
— Ah, je vois.
Jean est embêté et détourne les yeux.
— Tu sais, Marlo... Commence-t-il après une hésitation de deux secondes.
La fameuse Hitch se redresse et ouvre plus grands les yeux à l'évocation de ce nom.
— Il a été brave jusqu'au bout. Dit Jean.
Elle baisse la tête.
— J'imagine...
— Pas vrai Frock ? Raconte-lui. Encourage Jean en posant la main sur l'épaule du roux qui n'a pas l'air très à l'aise.
— Oui. Dit-il seulement avant de prendre une posture plus droite. J'ai intégré le bataillon en même temps que Marlo Freudenberg, il était un peu devenu le meneur des recrues. Face à une situation désespérée, alors que le bataillon entier allait être décimé et que nous avions tous baissé les bras, il a su trouver les mots justes pour nous galvaniser.
— Ah bon... Souffle Hitch.
— C'était un type exceptionnel. Ajoute Frock.
— Je sais. Prononce presque sèchement la jeune femme qui est pensive. D'ailleurs... Ça doit être pour ça qu'il ne m'écoutait jamais. Ajoute-t-elle tristement en fixant le sol.
— Mais à la toute fin, il a sans doute regretté d'être venu.
Hitch lève un regard surpris et déboussolé vers le roux puis se retourne presque complètement, Thomas peut voir la souffrance dans son expression.
— Merci. Gaffez bien à la cérémonie qu'on rigole ! Dit-elle avec une voix tremblante parce qu'elle se retient sûrement de pleurer.
Thomas foudroie Frock du regard, il ne l'aimait déjà pas beaucoup, là c'est encore pire.
— Ça va pas ? Pourquoi t'as sorti ça ? Reproche Jean.
— J'étais obligé, il faut bien que quelqu'un dise la vérité. Se défend Frock.
Alors que tout le monde reste pantois et le regarde d'un air surpris, une voix brise ce silence relatif dans la conversation.
— Du con.
Le groupe se tourne vers l'origine de cette phrase et remarque Thomas qui s'est redressé et fixe Frock avec froideur. Le roux serre les dents et les poings.
Armin intervient pour désamorcer la situation.
— J'ai appris que tu t'étais démené pour tenter de sauver le major Erwin.
— Oui. C'est lui qui aurait dû être choisi, pas toi, et je suis pas le seul à le penser. Répond Frock de façon cinglante.
Armin est touché par cette réponse et reste la bouche entrouverte.
— C'est aussi l'avis de tous ceux qui ont lu le rapport : tous se demandent pourquoi ce choix !
Eren se met tout de suite en opposition pour défendre son ami.
— Qu'est-ce que tu sais d'Armin pour dire ça ? Je t'écoute !
— Rien du tout. J'ai pas grandi avec lui et je suis pas spécialement son ami. Répond Frock avec un sourire insolent. Mais je sais pourquoi c'est lui qui a survécu... Parce que le caporal et vous avez été aveuglés par vos sentiments et avez utilisé l'injection au mépris de tout jugement rationnel ! Vous avez été incapables de sacrifier ce qui vous était précieux.
Eren fronce et s'approche de Frock en le menaçant du regard.
— Je crois qu'il est temps que tu la boucles.
— En fait, Eren, au fond de toi, t'es toujours persuadé d'avoir raison. C'est pour ça que tu lâches jamais, comme un gamin buté qui n'écoute rien. Rétorque Frock.
Mikasa pose sa main sur l'épaule de son frère adoptif pour qu'il se calme et éviter que ça n'aille plus loin. Thomas fixe méchamment Frock et s'apprête à s'avancer mais il est retenu par Livaï.
— C'est bon, Eren, allons voir ailleurs. Dit calmement Mikasa.
— Mikasa était plus raisonnable. Elle avait finit par se faire une raison, elle. Dit encore Frock.
La jeune femme semble touchée et choquée par ses mots, elle retire sa main de l'épaule de Eren.
Jean vient séparer Eren et Frock. Thomas devient fou en remarquant l'air triste de Mikasa et commence à s'avancer pour aller le chopper par le col mais le Caporal l'intercepte. Le soldat se débat pour se soustraire à l'emprise de Livaï mais ce dernier le tient fermement.
— Du calme, il a le droit de s'exprimer lui aussi, ça ne changerait rien de lui faire la tête au carré. Dit-il calmement.
— Ça suffit, qu'est-ce qui vous prend ? Frock, on est là pour rendre hommage à nos morts. Adresse Jean à ses camarades.
— Ça t'avance à quoi de ressasser le passé ? Demande Conny qui prend le parti de ses amis.
— Vous ne vous êtes pas rebellés contre vos supérieurs, vous. Lâche le roux qui n'en finit plus. Mais vous n'avez pas arrêté Eren et Mikasa non plus. Vous vous êtes contentés de regarder. A quoi bon ces médailles et ces hommages ? Disons toute la vérité aux potentielles nouvelles recrues, qu'aucun dégonflé comme moi ne regrette de s'engager ! Qu'est-ce qui attend le bataillon, sans le major ? Évidemment les troufions dans mon genre ne serviront de toute façon que de chair à canon. Mais même des pions comme nous ont le droit de savoir où ils mettent les pieds.
Tous restent silencieux et ne savent pas quoi dire. Mikasa toise le roux avec une expression neutre voire vide, Eren a été calmé et Armin est véritablement touché par ces mots. Livaï lâche Thomas qui serre les dents aussi fort qu'il le peut pour ne pas s'en mêler parce qu'il sait que s'il ne ventile pas, Frock va se prendre une coup de poing en pleine poire pour que ses idées se remettent en place.
— Frock a raison. Lâche Armin. C'est le major qui aurait dû survivre, je n'ai pas le potentiel nécessaire pour changer les choses.
Eren pose sa main sur l'épaule de son meilleur ami et le secoue un peu au passage.
— Comment tu peux en être si sûr ?
Armin ne répond pas, ne réagit pas.
— Moi en tout cas, j'en sais rien. Quel était le bon choix ? Personne ne peut prédire l'avenir. Et d'abord, est-ce que t'as pu aller voir de l'autre côté du mur ? Tu sais ce qu'il y a là-bas ?
— La mer... Répond Armin.
— C'est ça, la mer ! Tu ne l'as pas encore vue. On ne sait encore rien de rien sur les lacs de feu, les terres de glace ou les plaines de sable. Un champ des possibles infini s'est ouvert. Je suis sûr qu'à l'extérieur la liberté nous att...
Eren se stoppe net et semble choqué, comme dans ces moments où il décroche et devient subitement absent mais là c'était d'autant plus flagrant puisqu'il s'arrête de parler alors que tout le monde l'écoutait.
— Hé les mioches ! C'est l'heure, en rangs. Dit Livaï qui part devant.
Les onze derniers membres du bataillon d'exploration se mettent en place sur les marches du trône et la reine Historia Reiss entre dans la salle une fois que les deux autres corps d'armée se sont mit en rangs, laissant une travée centrale.
Le silence se fait dans la salle, Historia s'avance jusqu'à son trône puis se tourne vers l'assistance en faisant un salut caractéristique : main droite sur le cœur. Les soldats du bataillon sont agenouillés en faisant le même geste, tête basse.
Suite à cela un officier s'avance avec un écrin rouge sur lequel reposent les médailles que la reine s'apprête à offrir. Elle se saisit d'une première et la passe autour de la tête de Hanji Zoe, nouveau major. Elle présente ensuite sa main droite dont l'ancien capitaine se saisit doucement pour y déposer ses lèvres.
Vient ensuite le tour de Livaï puis celui de Eren. Lorsque ses lèvres touchent le revers de cette main, il y reste collé quelques secondes puis recule brusquement la tête, restant figé avec une expression profondément choquée et marquée.
Tout le monde le regarde, se demandant ce qu'il lui arrive.
— Eren..? Appelle Historia.
Thomas est en dehors de la salle, la cérémonie vient de s'achever. Il a préféré sortir rapidement pour prendre l'air. Le jeune homme tripote cette médaille verte qui porte en son sein le blason du bataillon d'exploration. Pensif, son regard reste fixé sur ce bijou qui symbolise tant de choses.
Ses pensées sont aussi dirigées vers son père, celui qui l'a élevé et qui lui a dit tant de choses blessantes. Le contenu de la lettre lui revient et l'envie lui prend de se rendre à Karanes pour se recueillir sur la tombe de cet homme dont la seule faiblesse a été de ne pas supporter la trahison, Thomas la personnifiait.
Se rendre là-bas et présenter cette médaille ne sera pas une revanche mais un simple accomplissement, une façon de lui montrer qu'il a eu raison de s'excuser dans sa lettre.
Mais ce qui lui ferait le plus plaisir, c'est d'emmener cette médaille sur la tombe de Petra. C'est elle qui aurait dû la recevoir aujourd'hui, aux côtés de son amant avec qui elle serait allée jusqu'au bout du monde s'il le faut.
Il aimerait tant lui parler...
Depuis qu'il est dans le bataillon il n'a presque pas eu le temps de penser vraiment à elle ni de mesurer à quel point son deuil est impossible. C'est plus qu'un manque, c'est un trou béant que jamais rien ni personne ne pourra remplacer, même pas toutes les médailles possibles.
Est-ce qu'il existerait un titan capable de communiquer avec les morts voire les faire revenir à la vie ? Il soupire, c'est idiot comme raisonnement. Le monde n'est pas un conte de fée ni un royaume magique. Il ne pourra plus jamais faire plus qu'imaginer sa grande sœur et son sourire réconfortant.
Alors que le groupe composé de ses dix camarades sort de la salle en discutant, un soldat des brigades spéciales fait irruption dans le couloir et court vers Hanji.
— Major Hanji Zoe ! Appelle-t-il, essoufflé.
— Mh ?
— Vous êtes demandée d'urgence à Stohess !
Hanji entre comme une furie dans cette grande pièce souterraine et fixe tout de suite son regard vers la cellule, là où devrait être un cristal dans lequel repose Annie Leonhart.
Tout le groupe la suit et entre dans la salle avec une minute de retard. Frock est resté à la surface.
— Qu'est-ce que..? Demande Hanji en choppant un soldat des brigades.
— On ne sait pas..! On a entendu un énorme craquement et...
— Ouvrez ! S'énerve Hanji qui est véritablement hystérique.
Le soldat obéit sans hésiter et attrape son trousseau de clés en tremblant.
Une fois la porte ouverte, tout le monde ne s'approche pas à part Thomas qui emboîte le pas de son ancien capitaine. Il se fait retenir par Livaï.
— Ce n'est pas le moment, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Reste avec les autres, j'accompagne Hanji. Ordonne le caporal qui a profité du chemin pour s'équiper.
Mikasa et Eren ont le regard rivé sur leur ancienne camarade prisonnière de son propre fait et remarquent cette énorme fissure. Hanji s'approche pour observer cette marque qui prend presque toute la hauteur de cette cage de cristal. Elle fait signe au responsable des lieux d'approcher.
— Dis-moi, quand tu as entendu le craquement c'était aussi grand ou ça a évolué depuis ?
— Non, c'était à ce niveau quand j'ai envoyé quelqu'un vous prévenir. Il le montre avec son doigt.
— Bon, il me faudrait un...
Un autre craquement résonne dans cette grande pièce quasiment vide. Tous ouvrent de grands yeux en voyant les deux extrémités se rejoindre puis cette matière étrange s'effriter rapidement. Hanji recule et se tient sur ses gardes, Livaï n'est pas loin, prêt à bondir au cas où.
Soudain, un autre craquement plus sonore encore se fait entendre. Le cocon d'Annie vole en éclats et libère la jeune femme qui s'effondre au sol, inerte.