Le destin des Ackerman - Tome 1

Le convoi avance rapidement sur cette large route de campagne en direction du domaine Reiss. Mikasa, Hanji et Livaï sont assis dans le premier chariot. Thomas est sur son cheval, près d'eux, pas loin de sa capitaine.

- J'ai été clair ? On a affaire à Kenny l'Égorgeur, s'il est là-bas il sera le plus grand danger. Dites-vous que c'est comme si vous deviez m'affronter ou même pire en fait, vu son armement. Met en garde le Caporal.

- On n'a aucune chance alors... Soupire Sasha.

- On ferait mieux d'attendre les renf... Commence Conny.

- Hors de question. Coupe fermement Mikasa.

- Oui-oui, si on tarde trop Eren se fera bouffer... Acquiesce Conny.

- Mais d'après ce que vous nous dites Caporal-Chef, l'ennemi n'est pas non plus invincible. Reprend Armin.

- Tu en sais quand même pas beaucoup sur ce Kenny alors que tu as vécu avec lui, comment ça se fait ? Demande Hanji.

- Désolé mais je viens moi-même d'apprendre son nom complet tu vois... Il se tourne vers Mikasa. Un lien de parenté avec toi ?

Mikasa qui était dans ses pensées lève la tête et semble surprise de la question parce qu'elle n'avait pas osé se la poser elle-même. Elle baisse ensuite la tête.

- Mes parents m'avaient expliqué que la famille de mon père, les Ackerman, était victime de persécutions en ville. Ma mère, qui était asiatique, avait dû fuir la cité face à la discrimination. Ils se sont rencontrés dans les montagnes où ils s'étaient exilés. Elle prend une petite pause avant de reprendre. J'ignore pourquoi les Ackerman étaient persécutés.

Livaï observe Mikasa et soupire.

- Dis-moi, il t'es déjà arrivé de sentir fuser en toi une force insoupçonnée ?

La jeune femme relève la tête et rien que son expression prouve que ça lui parle, oui.

- Oui. Répond-t-elle, pensive.

- Kenny Ackerman a aussi vécu quelque chose de ce genre. Un jour, tout à coup, une puissance prodigieuse jaillit des tréfonds de son être et on sait précisément comment agir. Ça m'est déjà arrivé aussi...

Thomas a attentivement écouté cette conversation et est pensif. Ce qu'ils décrivent ressemble un peu à ce qu'il a ressenti quand le soldat des brigades spéciales était sur le point de lui coller une balle entre les deux yeux. Il n'a pas senti de "puissance prodigieuse", c'était simplement de l'adrénaline, mais il s'imagine que c'est le même genre de phénomène mais décuplé chez les Ackerman.

La troupe arrive à la fameuse chapelle du domaine Reiss et ils descendent tous de leurs chevaux. Livaï et Hanji entrent en premier, leurs subordonnés à leur suite. Rapidement ils découvrent une trappe.

- Là, c'est sûrement là. Dit Hanji.

- Bon, voilà le plan... Nous avons récupéré des tonneaux de poudre au campement des brigades spéciales et nous avons quelques outres d'huile. On va les jeter dans la salle puis les faire exploser pour couvrir notre entrée puis nous permettre des les approcher au plus près en les aveuglant.

- Nous avons aussi une ou deux caisses de fumigènes mon cher. Précise Hanji.

- Bien. Mikasa, Thomas et moi jetterons les tonneaux et quand ils seront en bas, Sasha tu sortiras pour tirer dans chacun une flèche enflammée pour les faire exploser. Ensuite tous les trois on s'élance pour supprimer les groupes les plus proches. Les autres vous pourrez nous rejoindre après la seconde détonation. Explique le Caporal-Chef.

Julia écoute attentivement mais elle tremble de peur et de nervosité. Elle n'a déjà aucune expérience au combat mais l'idée de se battre contre des humains qui ont des armes à feu l'effraie encore plus que celle de faire face à un titan.

Thomas le remarque et soupire.

- Julia tu resteras en retrait avec Sasha et Armin, tu t'occuperas de tirer les fumigènes. Ajoute Livaï. Je me chargerai de trouver et éliminer Kenny, je n'ai pas envie qu'il tombe sur l'un de vous.

- A vos ordres. Dit la blonde qui s'est sommairement coiffée.

Thomas est nerveux lui aussi. Il s'était déjà fait la réflexion mais ils vont devoir prendre d'assaut un endroit gardé par des hommes et des femmes parmi l'élite des brigades spéciales qui sont, selon Livaï, rodés au combat contre d'autres humains.

Le jeune homme repense à ce jour où il a été traqué et a tué un homme. Ce dernier avait l'air d'aimer tuer, d'aimer s'en prendre à des innocents et faire souffrir les autres, peut-être est-ce une bonne chose qu'il soit mort mais avoir du sang d'un autre sur les mains est... Déroutant. Comment font les autres pour tuer sans scrupules ? Non, ce n'est qu'une façade. Thomas regarde l'intérieur de sa main gauche et serre les dents.

Ils ouvrent brusquement la porte puis Mikasa, Livaï et Thomas jettent chacun un tonneau qui roule rapidement jusqu'en bas de ce grand escalier. Tout de suite après ils sortent de leur cachette. Le soldat Ralle laisse passer Sasha devant afin qu'elle tire sa première flèche sur l'un des tonneaux pour en libérer la fumée et aveugler la division centrale.

Les trois mêmes qui ont lancés les tonneaux s'élancent directement à l'aide de leur équipement tridimensionnel en se cachant dans la fumée noire et épaisse qui commence à prendre pleine possession des lieux. Les autres vont tirer des fumigènes pour réduire d'autant plus la visibilité des soldats des brigades spéciales.

- Ils sont trente-cinq planqués derrière les piliers ! S'époumone Livaï.

Thomas jette un coup d'œil en direction de Mikasa, leurs regards se croisent, ils hochent la tête et chacun tire un grappin d'un côté opposé pour se séparer et couvrir plus de terrain.

Peu de temps après Conny, Jean et Hanji se lancent aussi dans les airs pour participer à la bataille. Une deuxième explosion détonne et une épaisse fumée s'ajoute à la précédente. Leur plan fonctionne à merveille pour l'instant puisqu'il prive les brigades spéciales de leur avantage du terrain mais réduit aussi nettement l'efficacité de leur armement anti-personnel à distance.

Thomas peut voir Jean surgir derrière l'un des soldats et lui trancher la gorge. Conny se fait viser mais un fumigène vient le couvrir et, l'instant suivant, quand deux tirs traversent la fumée, il n'est plus là, il se repositionne et fond sur le soldat qui vient de tirer pour abattre ses lames sur lui. La coéquipière de l'homme qui vient d'être abattu met en joue Conny pour le venger mais une flèche vient se loger dans sa poitrine et elle s'écroule, disparaissant dans la fumée.

A son tour Hanji transperce un homme et se retrouve aspergée de sang frais juste avant que le troisième et dernier tonneau n'explose.

- Mais d'où elle sort elle putain ! Hurle de terreur un membre de la division centrale en voyant Mikasa qui est insaisissable et impossible à suivre.

Elle tournoie sur elle-même, fait des feintes de corps, utilise parfaitement le terrain et fond sur eux à une vitesse incroyable avant de les découper un par un dans des mouvements tous plus acrobatiques et précis les uns que les autres, transperçant leurs lignes avec une aisance terrifiante.

Thomas la regarde faire un instant, véritablement bouche bée. Il ne sait pas si elle anticipe la trajectoire des balles ou si ses réflexes sont si affûtés qu'elle les esquive.

Un tir fuse près de l'oreille du jeune homme : il avait perdu sa concentration en regardant Mikasa, il doit se ressaisir. Il se tourne sur lui-même en enclenchant son grappin droit et disparaît dans la fumée noire. Il remonte en tournoyant, libère son deuxième câble puis rembobine le premier, un deuxième tir détonne : c'est le moment. Il change brusquement de trajectoire en essayant de garder la vitesse accumulée puis plante ses deux grappins dans le ventre du soldat qui vient de lui tirer dessus. Une fois dirigé vers lui à vive allure, il retire ses grappins à temps et abat ses deux lames horizontalement là même où les harpons l'ont touché. Le pauvre homme reste pendu à son filin, sans vie.

Monsieur Ralle ne se relâche pas et reprend de la hauteur pour trouver une nouvelle cible. C'est en observant les lieux qu'il voit Livaï tuer si vite trois soldats qu'il a l'impression qu'il les a eu en même temps.

Son regard est attiré par un groupe de trois personnes qui essayent de se repositionner hors de la fumée pour choisir une proie. Il fronce et se décide à perturber leurs intentions initiales, les éloigner ne serait-ce qu'une minute ou deux soulagera ses compagnons.

Son plan est d'attirer leur intention et de les écarter du cœur du combat puis essayer de les éliminer un par un. Il ne sait absolument pas si ça va marcher, peut-être qu'ils ne mordront pas à l'hameçon mais chaque seconde gagnée rendra le combat moins inégal dans le reste de la grotte.

Il contourne un pilier à l'aide d'un câble et le retire quand l'angle lui semble bon pour aller en direction des membres des brigades spéciales.

Mikasa - qui passe par là pour se repositionner après avoir été prise en chasse par un autre groupe de la division centrale - le voit faire et ne comprend pas ce qu'il croit pouvoir accomplir en fonçant droit sur six canons pointés sur lui. Il honore pourtant ce qu'il aime faire en combat : attirer l'attention, détourner la vigilance, donner l'impression d'un avantage puis frapper au bon moment lorsque l'ennemi a un surplus de confiance.

Quand il arrive vers eux et qu'ils l'ont vu, il utilise ses talents d'acteur pour feinter la surprise et la peur puis se retourne immédiatement en faisant mine de fuir.

- Là, en bas ! Tuez-le !

Dès qu'il voit que les canons se pointent vers lui, le jeune homme essaye d'adopter une trajectoire difficile à anticiper et attend que quelques coups soient tirés. Les premiers instants il va voltiger de pilier en pilier en traçant une route quasiment circulaire. Trois coups de feu se font rapidement entendre, très vite suivi d'un autre. La femme du groupe se détache de la formation pour essayer de prendre le jeune homme à revers, ce que le soldat Ralle ne voit pas.

Il fait un rapide calcul dans sa tête : ils sont trois ce qui veut dire qu'ils ont six cartouches et quatre ont été tirées. L'un - voire deux - d'entre eux a forcément besoin de recharger. C'est donc sa chance.

Il rembobine ses filins et se laisse tomber en chute libre sur deux mètres pour disparaître dans la fumée. Il plante ensuite le harpon de son câble gauche dans un pilier puis libère du gaz. Il fait ainsi demi-tour et utilise de nouveau du carburant, se retrouvant derrière les deux soldats en remontant.

Thomas voit que celui du milieu est en train de recharger mais, de toute façon, en arrivant dans leur dos - qui est leur angle mort - ils ne pourront rien faire. Il fond lames en avant vers l'homme qui ne peut plus tirer et le transperce de part en part avant de dégripper ses lames et de tout de suite se cacher derrière un pilier de roche luminescente.

Le coéquipier hurle avec effroi en voyant son compagnon en chute libre avec deux lames dans le corps. Il n'a pas eu le temps de voir d'où le coup est venu. Il regarde tout autour de lui, affolé par cette menace invisible. Il prend alors de la hauteur.

Mikasa - qui a assisté à toute la scène - ne l'avait jamais vu se battre et elle comprend mieux pourquoi Keiji le surnommait le suicidaire : il n'est pas aussi rapide ni aussi fort qu'elle ou Livaï mais il n'hésite pas à se mettre en grand danger pour faire penser à ses ennemis qu'ils ont l'avantage et ainsi les emmener là où il le veut avant de refermer son piège sur eux. Son audace et son insolence se sont révélées payantes cette fois-ci. En tout cas, c'est un adversaire imprévisible.

Mais Thomas est trop concentré sur sa cible et ne voit pas le troisième soldat du groupe qui arrive au dessus de lui, ayant échappé à sa vigilance.

Mikasa l'a vu débouler et elle sent son cœur faire un bond dans sa poitrine lorsque les deux canons se pointent vers le jeune homme. Elle change brusquement de direction et se dirige rapidement vers ce soldat qui prend en traître son compagnon. La brune n'a qu'une seule envie à cet instant : détruire cette vie.

Le tir se fait entendre et la roche bleutée et brillante de la structure éclate à l'impact. Thomas protège de justesse son visage mais il sent sa peau être tailladée sur tout son flanc gauche, des éclats se plantent dans sa chair. Il se retourne rapidement pour voir d'où vient le tir lorsqu'il remarque qu'il a été manqué de peu, vraiment très peu.

Il voit Mikasa retirer sa lame du torse d'une femme d'une trentaine d'années qui s'effondre et disparaît dans l'épaisse couche de fumée quelques mètres plus bas.

Il serre les dents, frustré qu'elle lui ait encore sauvé la mise. Décidément, sans elle il serait déjà mort une vingtaine de fois...

- Putain... Je douille... Dit-il en se laissant ensuite tomber dans la fumée, il ne peut plus prendre en chasse le groupe qu'il poursuivait et doit se replier.

C'est à ce moment là qu'il voit Hanji aux prises avec la seconde de Kenny Ackerman. Cette dernière manque ses deux coups de feu mais attaque le capitaine avec son grappin qui se plante dans l'épaule droite de celle-ci. Thomas voit sa supérieure s'écraser contre un pilier et tomber au sol, laissant derrière elle une traînée de sang sur toute cette hauteur. Tout le monde voit Hanji tomber et tous en sont horrifiés, ça leur met un coup au moral. Armin et Moblit se précipitent pour aller la chercher et vérifier que tout va bien.

La division centrale sonne le repli et tout le monde peut donc souffler un peu, vérifier l'état de son matériel, son stock de lames et de gaz mais surtout soigner sommairement les blessures éventuelles.

Tout le monde se retrouve à l'entrée du tunnel qu'ont emprunté les soldats des brigades pour fuir.

L'ensemble du groupe a l'air d'aller bien et de ne pas avoir la moindre égratignure à part Hanji qui est encore dans les vapes et Livaï qui saigne de la joue gauche mais c'est une coupure superficielle. Thomas arrive juste après, avec tout le côté gauche de son corps qui saigne. Livaï est le premier à le voir et c'est vrai que vu comme ça, il a l'air d'être grièvement blessé.

- Thomas !

Mikasa et Jean se tournent pour regarder dans la même direction que le Caporal-Chef et découvrent à leur tour ce qui est, en fait, plus de peur que de mal. Le soldat Ralle marche lentement en leur direction en retirant les quelques éclats qui n'ont pas profondément pénétrés ses tissus, en gémissant. La brune grimace en imaginant la douloureuse sensation de ses blessures. L'officier se dirige vers le jeune homme.

- Merde... J'suis devenu l'humain à mille carats... Commente monsieur Ralle en retirant un autre copeau de cristal de sa chair.

Sasha et Conny derrière lui gloussent, Mikasa soupire mais n'en demeure pas moins amusée.

- Retire ta chemise. Ordonne Livaï.

Le jeune homme déboutonne puis retire sa chemise en gémissant doucement et son supérieur l'examine rapidement.

- Quelqu'un a des bandages sur lui ?

Sasha se dirige vers eux et tend au Caporal-Chef un rouleau de tissu qu'il ne prend pas.

- Bon ça n'a pas l'air si grave... Rassure l'officier.

- Comment va le capitaine ? Demande Thomas.

- Ça va, elle perd un peu de sang et a perdu connaissance mais rien de grave.

Thomas acquiesce, rassuré.

- Sasha, occupe-toi de Thomas. Ordonne Livaï qui s'engouffre dans le tunnel en éclaireur pour essayer de deviner le plan de l'unité de Kenny pour les accueillir dans cette deuxième partie de la grotte.

- Oui Caporal-Chef ! Dit Sasha qui va rapidement s'affairer à retirer l'ancien bandage et le remplacer.

Elle s'occupe aussi de retirer aussi délicatement qu'elle le peu les morceaux de roche qui ont élu domicile dans l'épiderme de Thomas. Il est obligé de lever son bras gauche pour laisser tout son côté accessible. En plus de la douleur, ce n'est vraiment pas agréable de sentir ces éclats être retirés. L'autre chose gênante est d'être ainsi à moitié nu et à la vue de tout le monde.

Sasha fait ce qu'elle peut mais elle n'est pas la plus douée du groupe en premiers secours... A chaque fois qu'elle retire un bout de cristal elle appuie avec une compresse et fait un tour de son torse avec le rouleau de tissu. L'affaire prend quelques minutes mais finalement le soldat Ralle redevient opérationnel.

Il décide de laisser sa chemise là, de ne pas la remettre puisque dans l'état où elle est ce n'est plus la peine. Il réinstalle le harnais de l'équipement tridimensionnel et il soupire quand la plaque de métal qu'ils ont dans le dos touche sa peau : c'est froid !

Julia rejoint tout le monde avec une caisse - à moitié vide - de fumigènes, elle s'employait à les rassembler dans celle-ci.

Le groupe s'avance finalement dans le tunnel et voient au loin un filet qui les empêche de passer, la division centrale a tout prévu. Livaï remarque une ouverture dans le plafond mais elle est obstruée par des planches.

Quelques instants plus tard une lumière intense et jaunâtre irradie cette seconde partie de la grotte.

- Cette lumière...

- Un titan. Dit Livaï.

- Eren ! S'écrie Mikasa qui sait que ça signifie qu'il est sur le point de se faire dévorer.

Très vite le sol se met à trembler puis les parois rocheuses aussi. D'énormes blocs de pierre commencent à se fissurer et menacent de tomber.

- Caporal ! S'écrie Armin en montrant le plafond en direction de la brèche qu'ils avaient vu plus tôt. Celle-ci est ouverte.

- Armin, Moblit et Julia emmenez Hanji dehors. Les autres avec moi.

- A vos ordres !

Tout le monde passe par la brèche.

Quelques minutes plus tard Mikasa arrive en premier et attrape de justesse Historia qui, balayée par le souffle, allait s'écraser contre la roche. Livaï arrive à sa suite.

- File les clés ! Dit-il en direction de l'héritière de la famille royale. Elle les lui jette puis Jean, Conny et lui vont s'occuper de détacher Eren.

Thomas et Sasha arrivent en dernier.

- ...Sauvez-vous vite ! Dit Eren, paniqué.

- Boucle-la et écoute, on a des types armés aux trousses en plus du titan ! Explique Jean.

- Ce titan... Il est encore plus énorme que le colossal. Remarque Sasha.

- La voûte va... Attention ! Hurle Mikasa en direction des quatre personnes plus avancées alors qu'un énorme morceau menace fortement leur position.

Jean termine de libérer la main droite de Eren et ils se reculent juste à temps.

- En arrière !

Tous regardent ce titan se transformer et traverser peu à peu le plafond de la grotte.

- Ça craint, on n'a plus aucune issue ! Remarque Jean.

Eren se met à sangloter et se laisse tomber le long de la parois rocheuse.

- Pardonnez-moi tous... Je ne sers vraiment à rien du tout. Au fond je n'ai jamais représenté aucun espoir pour l'humanité...

Le regard d'Eren tombe sur un flacon qui porte une étiquette sur laquelle est noté "Armure".

- Tu nous joues le grand héros tragique ? Commence Jean.

Eren se tourne vers lui.

- T'as jamais accompli quoi que ce soit tout seul, je te signale.

- Tu baisses les bras, y'a rien de nouveau. Taquine Conny.

- Mais ne nous y habitue pas trop ! S'impatiente Sasha.

- Enfin, c'est sûr que ça va être chaud de manœuvrer là-dedans... Affirme Conny en regardant la grotte s'effondrer.

- Je vais porter Eren. Annonce Mikasa.

- C'est impossible, nous sommes coincés ici...

Thomas observe tous ces rochers, tous ces fragments de la voûte qui se détachent : il est impossible de passer entre, même pour le plus agile d'entre eux.

- Alors on ne fait rien et on attend de tous se faire écraser ou ébouillanter ? S'énerve Historia, il y a presque du dédain dans son regard. Même Mikasa n'est pas tendre avec Eren en le regardant perdre espoir. Parce qu'on est des ennemis de l'humanité ?

- Désolé de toujours faire peser la décision sur toi, mais... Eren, c'est à toi de voir. Termine Livaï.

Eren voit le souvenir d'une situation similaire lors de la 57e expédition extra-muros, sa décision de ne pas se transformer avait condamnée l'escouade tactique à se faire tuer par le titan féminin. Le jeune Jäger se tourne alors vers Thomas qui perdit sa sœur ce jour là, à cause de son incapacité à prendre la bonne décision au bon moment. Ce dernier l'observe en retour et hoche la tête.

- Je te fais confiance. Dit-il.

Eren reste bloqué une seconde, ses larmes mélangées au sang qui a coulé sur son visage continuant de ruisseler. Les mots du petit frère de Petra finissent de décider Eren. Le parallèle est évident. Ce jour là Petra essayait à tout prix de convaincre Eren de faire confiance à ses camarades pour le bien de l'opération. Thomas vient de lui dire le contraire et n'hésite pas une seule seconde à placer toute sa confiance en lui, à lui confier sa vie, malgré tout.

Alors pour éviter de faire la même erreur que ce jour là, parce que Thomas lui a pardonné la mort de sa sœur, parce qu'il est le seul à pouvoir tous les sauver, Eren attrape ce flacon et se redresse brusquement puis court droit devant en hurlant, croquant la fiole en verre dans le même temps.

Une deuxième transformation apparaît devant les yeux de tous.

Dès que le titan est formé, Eren se concentre et des sortes de racines de cristal sortent de son corps et commencent à former une sorte de dôme autour de lui pour les protéger des chutes de pierres.

- Tous derrière Eren, vite !

Deux minutes plus tard, ils sont complètement protégés sous la structure générée par Eren et le titan lui-même est devenu une statue faite de cette roche bleue et brillante. Mikasa et Jean se précipitent pour aller récupérer Eren dans la carcasse de son démon.

- Eren ! Appelle Mikasa qui creuse dans la nuque du titan à l'aide de l'une de ses crosses. Eren !

Deux minutes suffiront à le sortir de là et il semble faible, à bout de forces.

- La voilà, l'autopétrification. Dit Livaï.

Eren reprend ses esprit et se redresse, regardant à son tour son chef-d'œuvre.

- Et la carcasse reste en place. C'est un sacré progrès.

- Le flacon... Ça me revient, j'ai croqué un flacon sur lequel était marqué "armure" avant de me transformer. Répond Eren.

- Et grâce à ce pouvoir que tu n'avais jamais réussi à maîtriser, tu nous as protégés. Tu as dressé cette impressionnante structure en un clin d'œil. C'est une architecture complètement délirante... Et cette grotte a dû être bâtie comme ça. Ce qui veut dire que l'on peut reboucher le mur Maria désormais. Dit Livaï. On a vu tomber alliés comme ennemis, on a perdu du temps et des force en cours de route...

Tout le monde baisse la tête, Thomas est d'autant plus touché par ces mots et il serre dans son poing le collier de Petra.

- ...Ça n'a pas été facile, mais on touche enfin notre objectif. Termine l'officier.

- Caporal-Chef ! S'écrie Sasha qui descend depuis une faille dans la nouvelle voûte. On a ouvert une issue !

- Armin est sain et sauf, Hanji, Moblit et Julia aussi ! Ajoute Conny.

- Bon travail.

Sur ce Thomas actionne son équipement et se dirige vers la faille pour sortir de cette grotte puis rejoindre son escouade.

Il voit Hanji allongée au sol, Armin, Moblit et Julia à ses côtés. Il les rejoint.

- Capitaine ! Dit-il.

- Tiens... Répond faiblement Hanji avec un petit sourire.

- Comment vous sentez-vous ? Demande Thomas, inquiet.

- Rien de grave. Sasha nous a expliqué ce qu'il s'est passé, ce sont d'excellentes nouvelles. Affirme Moblit.

- Et toi t'as encore trouvé le moyen d'être couvert de sang, pourquoi tu t'arranges toujours pour être couvert de sang ? Demande Hanji qui a l'air d'être amusée malgré tout.

Thomas sourit.

- Je n'en sais rien capitaine, sûrement parce que j'aime bien qu'on prenne soin de moi. Répond Thomas.

Julia lève un regard surpris vers son camarade en entendant ses mots...

...Puis se souvient du massage qu'elle lui avait fait un matin. Elle évitait jusque là de la regarder puisqu'il est torse-nu mais là ses yeux tombent inévitablement sur le haut de son torse et cette fameuse zone qui provoque en elle des sentiments qu'elle ne contrôle que difficilement.

Hanji remarque le regard envieux de la jeune femme posé sur le corps de son camarade ainsi que ses joues qui rougissent à vue d'œil.

- Thomas, tu devrais aller te changer. Retourner en ville comme ça ne ferait pas très distingué. Dit-elle en souriant pour éviter que Julia ne fasse un arrêt cardiaque.

- Oui capitaine. Approuve Thomas qui se lève immédiatement et va jusqu'aux chariots pour trouver une chemise.

Julia baisse la tête et tapote ses joues en fixant le sol pour se calmer. Hanji et Moblit sourient.

Les deux escouades montent à cheval. Julia, Eren et Historia prennent place dans un chariot. Avant de partir Erwin Smith les rejoint.

- Tout le monde va bien ? Demande-t-il en s'approchant du chariot.

- A part Hanji ça va. Répond Livaï.

Elle lui fait un signe de sa main gauche ensanglantée.

- Rien de trop alarmant, visiblement... Bravo à tous pour votre travail.

- Tu auras droit à un rapport dense mais d'abord il faut s'occuper de ce gros morceau. Dit le Caporal-Chef.

- D'où sort ce titan ? Questionne Erwin.

- C'est Rhodes Reiss. On a besoin de ton avis à ce sujet.

Le major réfléchit l'espace d'une seconde puis se tourne vers la monstruosité qui rampe sur le sol.

- Pas le temps d'en discuter ici, retournons au mur Sina.

- Tu comptes laisser ce monstre arriver jusque là-bas ? Demande Livaï.

- Jusqu'à Orvud, pour être exact. Affirme Erwin avec tout son aplomb.

La troupe part ensuite, précédée par les soldats qu'Erwin Smith a amené avec lui.

Thomas galope près du chariot et a les yeux qui dévient régulièrement sur la blessure de Hanji, il est inquiet. Elle finit par le remarquer.

- Je vais finir par rougir si tu n'arrêtes pas de me reluquer, Thomas. Dit-elle pour le taquiner.

Il sursaute un peu et ouvre grand ses yeux, prit au dépourvu par cette remarque. Il rougit légèrement.

- Pardon capitaine, je...

- Je vois bien que tu es inquiet mais ce n'est rien. Récapitulons plutôt nos informations.

Mikasa qui est juste derrière Thomas observe Eren qui a l'air abattu.

- Rhodes Reiss a donc révélé l'existence d'un titan originel dont Eren détient actuellement le pouvoir. Commence Hanji.

Thomas va détourner son attention de cette conversation, toutes ces théories et légendes sur les titans : trop peu pour lui. Ses pensées sont beaucoup plus préoccupées par la reprise du mur Maria et il se demande bien comment ils vont faire.

Certes Eren peut maintenant générer des structures grâce à son titan mais il ne suffira pas de se pointer là-bas et de mettre de la roche bleue pour colmater. En cinq ans énormément de titans ont dû élire domicile entre les murs Rose et Maria sans compter ceux qui doivent encore affluer depuis Shiganshina.

Avec les crises récentes, avec toutes les pertes enregistrées en dix jours, le bataillon n'a sûrement pas les moyens de lancer une opération de grande envergure afin de reconquérir ce tiers de terres perdues par l'humanité depuis des années.

Une heure plus tard ils entrent dans la cour d'un bâtiment administratif de l'armée. Tout le monde met pied à terre et une conversation s'en suit pour parler de l'avenir d'Historia Reiss qui devrait monter sur le trône et ainsi devenir la reine des murs.

Suite à cela, un officier de la garnison fait irruption dans la cour et demande aux membres du bataillon d'exploration - qui ont participé au sauvetage d'Eren et Historia - de bien vouloir entrer puis monter pour aller en salle de conférence, afin de discuter du plan pour mettre Rhodes Reiss hors d'état de nuire.

Lorsqu'ils sont tous dans le couloir à attendre que les portes de la salle leurs soient ouvertes, chacun s'occupe comme il peut ou en profite pour échanger sur un sujet particulier.

Hanji et Livaï discutent avec Erwin, certainement pour lui raconter plus ou moins en détails les évènements dans la grotte sous le domaine des Reiss. Mikasa et Armin s'occupent de Eren qui a meilleure mine mais semble indéniablement épuisé. Sasha mange deux rations de survie en même temps - une dans chaque main - pour se remettre de la bataille mais Conny et Jean essayent de réfréner son appétit vorace. Moblit s'occupe de Julia qui veut vérifier avec lui tout ce qu'elle a noté dans son carnet afin de ne rien oublier, ça fait partie de son travail d'assistante de recherches pour Hanji.

Thomas est seul et un peu éloigné du groupe, les bras croisés. Il regarde le sol et repense à tout ce qu'il s'est passé en une dizaine de jours, c'est à dire depuis qu'il a intégré l'escouade du capitaine Hanji Zoe.

Ses pensées vont rapidement se focaliser sur ses anciens camarades du 128e bataillon d'entraînement. Est-ce qu'ils vont bien ? Est-ce qu'ils ont été bien traités, surtout dans le cas de Josh ? Il aimerait les retrouver pour le constater lui-même mais de ce qu'il a entendu dans le couloir, demain tous les effectifs devraient être dépêchés ici au cas où le plan initial ne fonctionnerait pas et demanderait donc d'aider à l'évacuation.

Thomas lève la tête et observe ces petits groupes formés par affinité ou intérêt après ce qu'il s'est passé aujourd'hui et il se rend bien compte que, malgré le temps passé en quasi cohabitation avec l'escouade tactique ou encore les dernières heures en leur compagnie, il ne s'est pas intégré au groupe et ne se sent pas à sa place parmi les escouades d'élite, au final.

Nifa et Keiji lui avaient donné l'impression inverse parce qu'il s'entendait vraiment bien avec eux et d'ailleurs s'ils étaient là, Thomas serait certainement en train de rire parce que Nifa voudrait s'occuper de son moindre petit bobo ou alors parce qu'elle et Keiji se chercheraient des noises pour décompresser.

Certaines choses seraient différentes aujourd'hui si ces deux là n'avaient pas disparus d'une façon aussi indigne. Il n'aurait, par exemple, pas repoussé Mikasa... Mais d'un autre côté est-ce qu'elle serait venue vers lui sans ce drame ? Etait-il seulement digne d'intérêt à ses yeux ? Non, bien sûr que non. La jeune femme ne pense qu'à Eren, ne voit que par Eren et quand il n'est pas là elle ne pense qu'au moment où elle pourra le retrouver. Comment pourrait-il rivaliser avec un homme qui peut se changer en titan, a sauvé des centaines de milliers de vies et fait partie de l'élite depuis plusieurs mois ?

Il soupire. Peut-être aurait-il dû rester chez lui et trouver un travail peu reluisant, se faire insulter par son père en rentrant le soir, lui disant qu'il est un incapable, qu'il est une honte pour la famille et autres joyeusetés du genre.

Il voit des jambes s'arrêter devant lui et lui faire face, il relève donc la tête et se rend compte que Eren est là.

- Ah, Eren, je ne t'avais pas vu pardon.

Mikasa est derrière son frère adoptif et évite tout contact visuel avec l'homme qui l'a lâchement rejetée il n'y a pas si longtemps.

- C'est rien, j'aimerai te remercier d'être venu nous secourir Historia et moi. Dit Eren avec un sourire franc.

- Tu n'as pas à me remercier, je fais partie de l'escouade de Hanji alors c'est...

- Quoiqu'il en soit merci pour tes mots quand je doutais de moi. Interrompt Eren. On a dû te raconter ce qu'il s'est passé lors de la 57e et maintenant tu sais que c'est ma faute si Petra est...

- Ce n'est pas de ta faute et je ne peux pas t'en vouloir pour ça. Quelqu'un m'a dit que ça ne sert à rien de chercher un coupable quand nos camarades disparaissent, ce serait leur enlever la liberté qu'ils ont prise en s'engageant et celle qu'ils cherchaient à trouver en se battant dans le bataillon. Elle connaissait comme nous tous les risques et je pense qu'elle ne changerait rien si on revenait en arrière. Elle me manque beaucoup... Mais je me dis que là où elle est maintenant plus rien ni personne ne peut lui faire de mal. A nous d'honorer sa mémoire et son sacrifice.

Les derniers mots arrachent un sourire à Eren qui semble aussi ému par le discours que surpris par la maturité et la sagesse qui transpirent des mots de son camarade. Il serre la main de Thomas et pose son autre main sur son épaule.

- Merci, beaucoup. Eren lâche la main de son camarade puis tourne les talons.

Le regard de Thomas dévie sur Mikasa qui croise son regard et encore une fois, chacun bloque pendant une seconde en ne sachant pas quoi dire ni quoi faire.

Le moment est pourtant idéal mais la jeune femme ne peut pas oublier le souhait qu'il a formulé. Elle ne peut donc pas laisser s'exprimer son envie de le serrer dans ses bras, sincèrement, pour lui prouver qu'il se trompe sur son compte ou encore pour le remercier d'avoir choisi de les accompagner. Après tout, même s'il a fait l'erreur de ne pas rendre ce qu'elle lui a donné, sa présence ces derniers jours a été plus bénéfique qu'elle ne veut bien l'admettre. Mais elle respecte son choix et détourne finalement les yeux avant de rejoindre Eren.

- Mikasa..! L'appelle Thomas qui prend son courage à deux mains après un instant à la regarder s'éloigner.

La brune s'arrête à un mètre de lui mais ne se retourne pas, elle attend patiemment qu'il s'exprime.

- Je... Merci pour tout à l'heure et... Je te présente mes excuses pour ce que j'ai dit l'autre nuit, c'était... Désolé.

La jeune femme serre les poings, elle ne peut pas faire autrement que se remémorer ses mots.

- Ce n'est pas vrai que je ne t'apprécie pas. Lâche-t-elle, toujours de dos, sur un ton de reproche.

Il ne peut pas s'empêcher de sourire légèrement, forcément touché par cette révélation inattendue.

- Ce n'est pas vrai non plus que je ne veux pas m'attacher à toi. Avoue-t-il, soudainement gêné, intimidé peut-être aussi en sachant qu'elle pourrait avoir une énième pulsion violente envers lui après ses mots.

Mikasa se retourne à moitié et jette un regard en direction du soldat Ralle. Déstabilisée par ce qu'elle entend puis surprise par l'expression du visage de son interlocuteur, elle l'observe pendant un court moment.

Malgré cela, elle ne peut quand même pas encore lui pardonner son comportement qui est compréhensible mais qu'il a dirigé contre la mauvaise personne, après tout ce qu'elle a fait pour lui.

Elle soupire.

En voyant sa réaction, Thomas serre les dents et sent son estomac se nouer.

- J'aurai dû être là pour toi comme tu l'as été pour moi. Ajoute le jeune homme.

- Tu aurais dû, oui. Conclut sèchement Mikasa qui tourne définitivement les talons.