L'Ode à la liberté [Livre I]
La brise se répandait sur le visage des deux jouvenceaux, qui se scrutait mutuellement.
— Delroy et moi ? Répéta le jeune fille - nébuleuse.
Sa main toujours accrochée au poignet de sa camarade, Eren referma son étreinte - doucement, mais fermement, de peur qu’elle ne s’échappe. Si Delroy avait nié depuis le début, son « amie » aurait peut-être la décence de lui dire la vérité. Cependant, il doutait. Après sa dernière conversation en tête-à-tête avec le caporal, il ne cessait de se questionner sur l’intégrité de sa camarade.
Prise d’un léger spasme, le regard dans le vide, Æsma, ancrant ses fesses sur les mollets, déposa sa main libre sur son genoux, pliant les doigts à l’intérieur de celle-ci. Ses yeux verts dévièrent sur la partie du sol granuleux qui permettaient de mettre encore la distance entre eux. Delroy n’aurait pas tenu sa promesse ?
— Si vous pensiez être discret, c’est raté, lâcha abruptement le garçon - impossible de contenir sa jalousie plus longtemps. C’est vrai, tu pourrais très bien dire que tout cela ne me regarde pas, mais je pensais sincèrement que nous étions proches. Plus que n’importe qui d’autre. Qu’on partageait plus que des mêmes centre intérêts…
— Que..mais… Je… balbutia la blondinette - cafouilleuse. Toutefois, elle s’aperçut que quelque chose ne collait pas, mais tenta une question un peu hasardeuse. Qu’est-ce que Delroy t’a dit ?
— Que vous ne sortiez pas ensemble, et pourtant hier soir, je vous ai vu dans les bras l’un de l’autre ! Brailla-t-il.
Arrêtant de respirer une brève seconde, une petite étincelle éclata sur l’un des cent milliards de neurones, démarrant le courant électrique du réseau. L’information circula à travers les synapses, activant l’axone de chacune d’entre elles et toutes les dendrites, permettant d’arriver à destination. Les muscles de l’exploratrice se contractèrent à l’unisson.
Passant du teint pâle au rouge, les pupilles se dilatèrent spontanément dans cette paire de perles vertes et le cœur tabassait sévèrement la porte de prison. Æsma secoua vivement la tête, comme pour se débarrasser d’un insecte dans les cheveux, jusqu’à provoquer un tournis, la forçant à stopper son geste. Elle se tint le côté avant droit du crâne.
— Abruti ! Laissa-t-elle échapper dans la panique.
Le brun délivra sa coéquipière de son emprise, mais toujours obscurci par la jalousie.
— Ouais, un abruti de première, qui s’est laissé aveugler par ses sentiments et tu as joué avec…
Ses paroles avaient l’effet d’un coup de poignard en plein cœur. Il y avait quiproquo. Delroy n’est et ne sera qu’un ami. Un très bon ami. Même si elle préférait que ce soit Eren, elle pouvait compter sur le grand brun basané et se reposer sur ses épaules dans les moments les plus critiques. Il n’y aura jamais rien de plus entre eux. Comment mettre les choses au clair sans tout lui révéler ? Elle ne souhaitait pas lui dire les véritables raisons, par peur d’empirer la situation.
— Eren, je…
— Hey, s’éleva une troisième voix.
En un instant, le front des deux amoureux se cognèrent violemment l’un contre l’autre. Un choc qui ne manqua pas de les rendre ahuris, se caressant le haut du visage tout en se fixant hébété. Ils regardaient enfin dans la même direction pour voir l’homme qui avait provoqué une commotion cérébrale dans leur petite tête.
En chœur, ils déglutirent priant pour leur salut.
— Besoin que je m’occupe de votre cas à tous les deux ? Menaça le capitaine Ackerman - le regard acéré.
En parfaite harmonie, les marmots firent non de la tête et se remirent aussitôt debout, avec un énorme mal de crâne.
— Dépêchez-vous.
Les tourtereaux opinèrent de la tête silencieusement et se dépêchèrent de grimper aux arbres, à l'aide de leur équipement..
Le capitaine Livaï avait raison, et ferait mieux d’appliquer ses conseils à la lettre. Depuis qu’Eren avait fait « sa » rencontre, la majorité de ses principes passaient au second plan. La blondinette l’avait dévié de ses objectifs, alors qu’il n’avait été qu’une source de distraction à ses yeux. Recentre-toi abruti, se rabâcha-t-il - augmentant la pression du gaz, pour prendre de la vitesse. Protéger Armin et Mikasa, reconquérir le mur, connaître les secrets de son père, venger sa mère et éradiquer tous les Titans. Voilà le plus important. Pour y parvenir, il devait devenir encore plus fort. Il ne devait plus laisser son esprit sans dessus dessous.
Æsma peinait à suivre le rythme de son collègue, qui ne daignait même pas se retourner lorsqu’elle l’appelait.
— Mais quelle tête de mule, il va vite se retrouver à court de gaz.. Et l’autre connard, toujours là au mauvais moment, grogna-t-elle.
Traum regarda un instant derrière son épaule. Au moins, le nabot ne les collait pas, ayant du probablement rejoindre Conny - son partenaire de la semaine. Enfin, c’est ce qu’elle espérait. Ce nain de jardin apparaissait toujours comme par magie dans les moments les plus importants. Elle se mordit ensuite l’intérieur de la joue, regrettant d’avoir douté un seul instant de la loyauté de Delroy. Une promesse était une promesse…
Un drôle d’objet, quasi-invisible au premier coup d’œil, fendait l’air, arrivant tout droit sur le jeune Titan. Avant que l’objet volant non identifié ne vienne percuter son œil gauche, le temps se figea quelques secondes, quelque chose chatouilla le haut de sa colonne vertébrale puis s’étala partout dans son corps, comme pour créer une armure afin de le protéger de ce qui allait suivre. Après avoir reçu le coup, le garçon perdit l’équilibre.
Voyant son ami perdre l’équilibre, l’exploratrice se précipita vers lui pour lui éviter une chute mortelle. L’attrapant au vol, elle se dépêcha de les déposer au sol. Eren s’assit aussitôt, une main sur son œil. Remarquant qu’il pissait littéralement le sang, Æsma s’agenouilla heurtant et dérapant brutalement sur le sol, déchirant légèrement son pantalon au niveau des genoux.
Alors qu’elle s’approchait de lui pour examiner sa blessure.
— Ne me touche pas, gronda ce dernier - refusant prestement qu’elle le touche.
Les yeux d’Æsma s’écarquillèrent.
— Mais Eren ton œil !
— Ne me touche pas, j’ai dit ! Gueula-t-il plus fort.
La main qui s’apprêtait à entrer en contact avec le garçon, se referma aussitôt sur elle-même, se retenant de ne pas faire dans la violence et revient enfin vers son propriétaire.
— Eren faut tu ailles à l’infirmerie… murmura la jeune fille.
— Bordel, mais qu’est-ce que ça peut te foutre ? De toute façon, je n'ai pas besoin qu’on me soigne, j’ai la capacité à me régénérer !
— Hé ! Ça va que se passe-t-il ?
Plusieurs bottes ne tardaient pas à atterrir sur le sol. Si les soldats n’avaient rien vu, ils avaient parfaitement entendu Eren braillé à des kilomètres. Armin, Delroy, Mikasa, et Sasha étaient là.
Tel un pantin, Æsma se releva et passa à côté de ses camarades. Tandis que les deux amis d’enfance du Titan se précipitaient vers lui, Henchman s’avança vers Traum. Cette dernière frappa sèchement sa main qu’il tendait vers elle et quitta les lieux sans adresser ni un mot, ni un regard.
Le grand basané observa son amie quitter les lieux, avant de considérer l’état d’Eren. Il se dirigea vers lui, sourcils froncés.
Une ambiance électrisante se propageait autour d’eux, Miss patate extérieure à tout ceci, discerna sur le chemin de terre une balle perdue. Elle la ramassa, se souvenant des paroles du Major. Ce matin, avant de débuter l’exercice, il avait décidé d’utiliser des balles à blanc pour parfaire leur entraînement. Qui sait ce qui pouvait se passer lors de la prochaine expédition. Un frisson parcouru l’échine de la chasseuse. Les cartouches factices pouvaient déjà occasionner des blessures, alors des réelles…
— Il s’est passé quoi encore ? Demanda froidement Delroy au petit brun - pendant que les deux acolytes l’aidaient à se relever.
Jäger leva les yeux dans sa direction, un regard emplit de haine, assez pour aider Henchman à comprendre un bout de l’histoire. Contrairement à d’autres, il arrivait à Delroy parfois de répondre directement par la violence.
N’ayant pas pu réagir au premier coup pour protéger Eren, Mikasa se rua sur son coéquipier, le plaquant au sol. Elle ne chercha pas à le molester, se contentant de le maîtriser au sol. Cependant, le grand basané ne comptait pas se faire marcher dessus aussi facilement et réussi à se dégager difficilement de son emprise.
Aux premières loges, Armin hésitait à converser avec Delroy et tenter de faire barrage ou inversement. Devait-il discuter en premier lieu avec Eren, dont le sang bouillait sévèrement dans ses veines ?
— Puis-je m’inviter à votre petite réunion secrète ?
Par miracle, un supérieur, le plus adorable de tous, débarqua à point nommé, suivi de Jean.
Le lieutenant Berner marcha vers eux suspicieux, analysant chaque expression, posture et état physique des jeunes vétérans.
— Jean, va retrouver Erwin. Dis-lui de stopper tout entraînement ce matin et que nous allons devoir faire un rappel à l’ordre aujourd’hui.
L’officier ne discuta pas, mais regarda rapidement en direction de la dévoreuse de patate qui haussait les épaules.
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Une fois très très loin des autres, Æsma stoppa sa marche, se sentant quelque peu nauséeuse. Il n’y avait pas pire journée.
Elle aurait aimé pouvoir s’expliquer, pouvoir lui dire qu’il était tout ce qu’elle avait de plus précieux à ce jour. Aucun homme ne l’égalait. Elle ne supportait pas non plus qu’une autre personne rôde autour de lui. Se disputer avec lui, lui fendait le cœur. Elle était prête à tout pour lui. Elle brûlait d’envie d’être sienne et de ne faire qu’un avec lui.
« Ne me touche pas ». La jeune fille s’accroupit et se massa la poitrine gauche, drôlement douloureuse. Sa vision commençait à lui faire bizarrement défaut.
Un énorme grincement résonna derrière elle, avant qu’elle ne se prenne une petite rafale de vent, lorsque que quelque chose de lourd atterrit sur le sol. Grimaçante, elle se retourna pour découvrir le mannequin en bois à terre. Quelques mètres avant, et elle aurait été aplati comme une crêpe. Elle n’était pas aussi malchanceuse que ça…
Les soldats s’étant chargé d’éliminer le « monstre » n’étaient autre que le caporal et Conny. La blondinette se hâta d’essuyer la poussière dans ses yeux, avant que ces deux-là ne la remarque.
Évidement, que l'autre tactiturne avait évidemment flairé sa présence, et se trouvait déjà face à elle, en train de l’inspecter de la tête au pied.
— Il est où ton copain, la morveuse ? Demanda-t-il - les yeux rivés sur les genoux de l’exploratrice, avant de la regarder de nouveau.
Livaï croisa les bras, attendant toujours une réponse, mais cette dernière semblait avoir fait, vœu de silence. La demoiselle, se mordant l’intérieur de la joue, baissa légèrement la tête, rangeant quelques mèches de cheveux derrière son oreille. Il savait dès le départ que mettre ces deux-là ensemble était une très mauvaise idée - que tôt ou tard, elle n’apporterait que des soucis…
— Ça va Æsma ? L’interrogea le petit Springer. Euh chef, je pense qu’il faudrait l’emmener à l’infirmerie.
Étonnement, le clown de service, s’immisça entre les deux, un peu confus. Aurait-il peur d’assister à une altercation entre ces deux-là ? En même temps, il ne saurait comment les stopper, s’ils venaient à se battre. Il ne donnait pas cher de sa peau. Un fumigène bleu apparu dans les airs. Sauver par le gong, murmura Conny soulagé.
— Oh regardez ! L’entraînement est terminé. C’est l’heure d’aller manger. Cool, cool, cool, ria nerveusement Conny.
— C’est ça, part devant, j’ai deux-trois mots à dire à notre camarade, dit Livaï - un ton étrangement calme.
La tête d’œuf se redressa, plus agité que jamais. Le regard assassin de son supérieur suffisait amplement pour qu’il déguerpisse d’ici, abandonnant sa camarade à son triste sort.
Seul à seul, le capitaine Ackerman entra dans le vif du sujet.
— Eren a dit ou fait quelque chose de travers ?
À part s’être emporté à plusieurs reprises, et qu’il délire complètement à propos de Delroy et moi, rien à signaler, dit la jeune fille dans sa tête.
Qu’est-ce qu’il en avait à faire des problèmes de « gamin » comme il aimait à les appeler - pour mieux les rabaisser. De toute manière, tout ça ne le regardait pas. Lui-même se gardait bien de dire les choses, surtout quand celles-ci étaient de la plus haute importance. Encore plus quand cela la concernait elle. Ce salaud avait le chic de lui voler tout ce qu’elle désirait. Hanji, Eren ou simplement cette femme, qui semblait lui porter une attention toute particulière. La haine qu’elle éprouvait pour l’homme le plus fort de l’humanité, s’intensifiait à chaque secondes, s’amplifiant dès qu’elle se noyait dans ce liquide joliment irisé.
— Æsma ? L’appela Livaï - remarquant la mine anormalement assombrie de la morveuse.
— Et vous, vous comptez me dire comment vous connaissez « ma » mère ? Rétorqua-t-elle - sans préambule.
L'adversaire confus, il fallut moins d'un millième de seconde pour que la gamine pénètre dans la brèche, assénant un second coup.
— Non. Voilà ce que vous m’avez répondu la dernière fois. Je n’ai qu’une seule chose à vous dire : ca-po-ral. Allez vous faire foutre, fulmina la blondinette - avant de fuir les lieux.