L'Ode à la liberté [Livre I]

Chapitre 37 : Méprise - Part I

2661 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/05/2021 07:28

La gamine grelottait. Elle n'aimait pas être plongée dans l'obscurité la plus totale. Et si un Titan venait la dévorer pendant son sommeil. Non, impossible. Le sol tremblerait sous les pas d'un de ses monstres. Puis, les murs la protégeaient. Toutefois, Si elle ne pensait pas à ces géants, elle pensait au Croquemitaine. Cette créature aimait s'en prendre aux enfants et pouvait leur faire peur de milliard de façons.

La blondinette se mit en position assise, serrant ses petits poings, se mordillant la lèvre. Elle devait se montrer plus courageuse que ça. Elle n'était toujours pas sereine à l'idée de s'endormir seule. Elle se recroquevilla légèrement sur elle-même, songeant sérieusement à se réfugier dans le lit de Raphaël. Il pourrait la protéger. Or, pour cela, elle devait errer dans les couloirs en pleine nuit, et l'idée de croiser un fantôme lui donnait la chair de poule. Que faire ?

En fin de compte, sa chambre n'était plus complètement plongée dans le néant. À travers les rideaux noirs - bordeaux en pleine journée - des faisceaux lumineux apparaissaient. Æsma se glissa, or de son lit et se dirigea vers ceux-ci - pour les ouvrir en grand et découvrir la fenêtre qui s'y cachait derrière. Les nuages avaient complètement disparu du ciel, semblant avoir été éradiqué par la lune elle-même. L'astre luisait intensément, éclairant parfaitement le paysage nocturne, enseveli sous la neige. 

Admirant la boule lumineuse, tout aussi belle qu'imposante, les peurs de la petite fille s'estompaient petit à petit. Elle n'entendit pas la porte de sa piaule s'ouvrir, et escalada la banquette - servant de rebord de fenêtre - pour la voir de plus près, collant son nez sur la vitre froide, créant de la condensation à chaque respiration. Elle poussa un petit grognement et essuya la buée sur le carreau, pour continuer sa contemplation.

L'ombre qui entra dans la pièce se trouvait être Raphaël. Après lui avoir raconté une histoire horrifique avant de se coucher, le garçon s'en voulait terriblement. Il savait que sa sœur débordait d'une imagination des plus farfelue Après avoir longuement attendu sa présence et voyant qu'elle n'avait toujours pas pointé le bout de son nez, il voulait s'assurer que tout se passait bien. Approchant à pas de loup, il grimpa à son tour sur la tablette, observant sa petite sœur aux joues rosies.

Prise d'un léger sursaut, en voyant une silhouette apparaître sur sa gauche, Æsma - la bouche béante - regardait Raphaël. Ses pommettes se chauffèrent instantanément, plus qu'elles ne l'étaient déjà, quand elle braqua ses billes vertes dans les deux calcites bleues.

— T'as vu comment la lune est grosse ce soir ? Elle brille de mille-feux, s'exprima la petite à voix basse - toute radieuse.

Le brun lui offrit son plus beau sourire en guise de réponse. La blondinette rougissait de plus belle, tandis que son cœur battait son plein.

— Tu ne devrais pas regarder la lune d'aussi prêt, et aussi longtemps bêta, dit-il - en lui pinçant le nez.

— Mais.... Pourquoi ? Répondit-elle - sans se défendre. Elle est particulièrement jolie ce soir.

— Ouais, mais tu ne vas plus réussir à dormir après et tu vas être anxieuse et chiante toute la journée de demain.

— C'est pas vrai, rétorqua la benjamine - une moue boudeuse.

Boudant le cadet, elle retourna à son activité. Il avait peut-être raison ceci dit. Raphaël était et a toujours été très perspicace. C'est entre autres pour ça qu'elle l'aimait tant. Le garçon avait toujours un tas de choses à raconter.

— Tu crois que les Titans ont froid ? L'interrogea-t-elle. 

— Peut-être. Le Bataillon s'aventure que très rarement à l'extérieur des murs en plein hiver.

— Tu penses qu'ils se cachent dans des grottes et font un feu de camp ?

— Les Titans ne sont pas si intelligents que ça, souffla le garçon - créant de la buée sur la vitre pour y faire y dessiner un petit oiseau.

Une fois terminé, il s'assit contre le mur et invita sa petite sœur à le rejoindre. La gamine ne se fit pas prier et se colla dos à lui, toujours disposée à écouter une nouvelle histoire.

— Tu savais que notre aïeul Kyklo était nommé « l'Enfant des Titans » ? Ajouta-t-il.

— Quoi ?!

Raphaël esquissa un petit sourire.

— Peu de gens le savent, mais un carnage s'est passé à l'intérieur du mur Maria. Lors d'une manifestation, les membres du culte du mur, à Shiganshina, ont forcé les militaires à ouvrir la grande porte, persuadés qu'ils devaient vivre aux côtés des Titans, provoquant la mort d'un tiers des habitants du district. Sa mère était présente ce jour-là. Elle était enceinte de lui lorsqu'elle s'est faite dévorer. Quand le monstre l'a régurgité, elle était belle et bien morte. Or, elle arrivait à son terme. Impossible de savoir quand exactement ça à débuter, mais on lui a ouvert le ventre, car les soldats supposaient que c'était peut-être un moyen pour les Titans de se reproduire, mais c'était bel et bien un bébé humain qui était à l'intérieur. Un miracle.

Æsma regarda son frère comme deux rond de flan.

— Mais... ce n'est pas écrit dans les livres d'histoires ça !

— Hmm. C'est vrai...À vrai dire, j'ai surpris maman et oncle Raziel en parler la dernière fois... Et je pense qu'il est préférable de garder cette petite anecdote secrète. Enfin pour l'instant. Quand je serais un explorateur, je découvrirais la vérité à propos de ces monstres, sourit le garçon.

— Tu n'as pas peur ? Demanda-t-elle - presque plaintif. 

— Absolument pas.

— Mais tous les membres de la famille vont dans les Brigades...

— Certes, mais j'ai la ferme intuition que le Bataillon d'Exploration à un rôle capital à jouer pour le sort de l'humanité. J'aimerais faire partie de ceux qui trouveront les réponses à nos questions sur notre passé, sur l'origine des titans etc... Puis, j'ai l'intime conviction que c'est dans mes gênes, dans nos gênes même. 

Un bref instant, elle crut remarquer une lueur de tristesse dans ses beaux yeux bleus, mais le cadet retrouva instantanément sa détermination, puis observa la lune. La blondinette ne pouvait s'empêcher de lui vouer une grande admiration. Elle aimerait tant lui ressembler. 


Calfeutrer au fond de son lit, la blondinette ne possédait aucune motivation pour se lever. Sa mémoire - hantant la majorité de ses rêves - lui revenait doucement, mais sûrement. Depuis toujours, Æsma s'était calqué sur Raphaël.

La désillusion s'emparait d'elle chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. Maintenant un mois que les vétérans suivaient le programme intensif d'Erwin et elle se sentait plus inutile que jamais.

Réussissant à bouger hors du lit, ses doigts effleurèrent son cou. Elle se plaça devant le miroir posé sur le bureau. Pas de marque visible, mais Æsma pouvait encore sentir son étreinte. Elle retira son t-shirt - gardant son haut dans la main gauche. Elle demeura longtemps immobile, contemplant l'œuvre de sa mère sur le reste de son corps. Flottante, elle se permit enfin de toucher le prodigieux coup de pinceaux sur son ventre. Une espèce de grosse tâche teintée de violet et de bleue avait été appliqué sur sa peau.

La blondinette referma ses deux poings tout tremblants, méditant longuement sur les paroles de Gabriel, mais surtout ceux de sa mère. Une curiosité qui lui faisait terriblement défaut. Une fauteuse de trouble, ayant eu l'impudence de supprimer Raphaël de sa mémoire pendant des années entières. Encore aujourd'hui, elle était encore dans le flou. Elle pivota légèrement pour admirer l'autre partie du tableau peint sur son dos. 

C'était Raphaël qui désirait suivre les traces de son ancêtre. C'était Raphaël qui s'intéressait aux Titans. C'était Raphaël qui désirait plus que tout devenir un explorateur à part entière. C'était Raphaël qui lui avait donné goût à tout ça. La petite sœur n'avait fait que suivre bêtement le mouvement, alors qu'elle n'était qu'une bonne à rien, poltronne et sans personnalité.

Quelqu'un frappa à la porte.

— Æsma, rév... 

La concernée se dépêcha de remettre son haut, pendant qu'on ouvrait la porte. Bordel, mais qui donc se permet de rentrer sans s'y être invité, pensa-t-elle au même instant. 

— Oh tu es déjà debout. 

Mikasa se tenait au pas de la porte. Les deux jeunes femmes se fixaient un bref instant droit dans les yeux, avant de fuir du regard chacune de leur côté. Æsma releva les yeux un instant, observant à travers le miroir. L'Asiatique semblait être légèrement gênée. Aurait-elle vue ? L'idée que d'autres personnes apprennent ce qu'il s'était réellement passée, ne lui plaisait pas. 

— C'est le caporal qui m'envoie. Tu es en retard. Tout le monde est déjà sur le terrain. Il vaut mieux que tu te dépêches, si tu ne veux pas passer un sale quart d'heure avec ce nabot. dit le soldat Ackerman - se triturant une mèche de cheveux. S'apprêtant à quitter les lieux, cette dernière rajouta, cette semaine tu es avec Eren.

La porte se referma aussitôt, laissant la blondinette interdite. 

Depuis leur retour de l'enquête, la relation entre lui et elle s'était quelque peu dégradé, pour des raisons obscures. Des fois, ils allaient entamer une discussion des plus futile et dès qu'ils arrivaient à un sujet « épineux » comme Delroy, le jeune Titan semblait se refermer dans sa coquille. Ses changements d'humeurs intempestives ne l'aidaient guère à comprendre ce qui n'allait pas. Qu'avait-elle fait de mal pour qu'il la fuît comme la peste ?


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Comme par hasard ! De la pointe des pieds, Eren raclait machinalement le sol. C'était « la » semaine où ils devaient travailler en équipe, et mademoiselle Traum jouait les retardataires. Plusieurs raisons se bousculaient dans la tête du brun. Il regarda méchamment en direction de monsieur Henchman, qui depuis trois semaines, lui répétait à maintes reprises qu'il ne s'était rien passé entre eux. Pourtant, hier soir, il les avait tous les deux surpris en train de se faire un câlin à l'abri des regards curieux. 

Alors qu'il songeait sérieusement à lui refaire le portrait, Mikasa revînt du baraquement - seule. Sa sœur adoptive informa les supérieurs qu'Æsma n'allait pas tarder à arriver, étant déjà debout quand elle était venue pour la réveiller. Comme à chaque fois que quelque chose la troublait, elle se cachait derrière son écharpe rouge. Il l'interrogea du regard, mais elle avait déjà les yeux rivés sur Delroy - son coéquipier pour cette semaine. Il en fallait peu pour que les neurones du jaloux s'entrechoquent. Mais c'était sûr ! Pesta-t-il silencieusement.

Au bout d'une quinzaine de minutes, la blondinette apparue. Mains sur les genoux, jambes légèrement fléchis, elle regardait son équipier reprenant péniblement son souffle - s'excusant plusieurs fois.

À part émettre un grommellement, le garçon cacha ses mains dans les poches de sa veste, évitant de regarder les yeux printanier de la belle blonde. La semaine allait être affreusement longue. Entre ce qu'on lui disait et ce qu'il se passait, le garçon allait devenir fou.

Les épaules de Traum s'affaissaient de plus en plus, lorsqu'elle le voyait en pétard. Comment ? Elle ne savait pas, mais il fallait absolument qu'elle rattrape ses bourdes avec lui, avant de louper le coche. 

Jäger jeta un rapide coup d'œil sur sa camarade, qui visiblement avait oublier de s'équiper de son harnais. 

— C'est pas possible, soupira-t-il. Æsma ! 

La jeune fille tressauta surprise.

— Æsma, ton équipement, gueula-t-il.

La blondinette eut un mouvement de recul et examina son propre corps.

— Merde ! Paniqua-t-elle. Encore désolé Eren, je... je me dép...

— Je commence l'entraînement sans toi, dit-il en lui tournant le dos et l'abandonna sur place, se dirigeant vers le terrain.

Arrivé au bosquet, l'explorateur s'en voulait de toujours régir comme le pire des abrutis et arrêta sa marche un instant pour se retourner.

Le Titan se frappa le front. Pourquoi ? Agrippant ses doigts dans sa crinière, il s'accroupit. Pourquoi avait-elle choisi un autre en si peu de temps ? Pourquoi ne lui avait-il tout simplement pas avouer ses sentiments dès qu'il en avait eu l'occasion ? Pourquoi s'était-il épris d'elle et pas d'une autre ? Quelque chose clochait chez lui... Et il ne comprenait toujours pas ce mécanisme, trop complexe à son goût. Il revoyait encore Delroy prendre dans ses bras Æsma et Æsma rendre son étreinte...

— Eren !

La personne qui scanda son nom, le dépassa de quelques mètres à peine le garçon et fit un petit dérapage pour se retourner face à lui et tombant à quatre pattes.

— Eren, est-ce que ça va ? Lui demanda-t-on.

Reconnaissant que trop bien la voix de sa coéquipière, il leva malgré tout les yeux vers elle. Toute haletante, elle l'observait et semblait se faire du mouron.

Ce qui était véritablement le cas du côté de l'exploratrice, supposant que de nouveaux flash-back concernant son père avait ressurgi brusquement. En voyant l'expression de ce dernier, elle imagina que les réminiscences survenues soudainement ne devaient pas être jolie à voir.

— Pourquoi ? Lui demanda-t-il à voix basse - désespéré.

— Qu'est-ce que tu as vu ? L'interrogea-t-elle - inquiète. 

— J'ai tout vu.

La blondinette resta un moment dubitative, profitant de reprendre un peu d'oxygène.

— Je ne peux pas t'aider, si tu ne me dis rien, commenta-t-elle.

Plus angoissée que jamais, Æsma s'agenouilla, approchant sa main vers celle d'Eren espérant pouvoir le réconforter et lui montrer qu'il pouvait se confier à elle. 

Le brun voyant cette main arriver vers son visage, l'attrapa au vol. Il se laissa tomber sur les genoux, se relevant légèrement, refusant de tomber dans le piège - tenant toujours le poignet de la blondinette.

— Te fou pas de ma gueule Æsma, tu sais très bien de quoi je parle, aboya-t-il.

Recevant le vent de plein fouet, la blondinette - la bouche entrouverte, les perles vertes écarquillées, le teint livide - dévisageait stupéfaite son ami. Si il ne parlait pas de ses souvenirs à lui, alors... Impossible, se dit-elle intérieurement. Comment a-t-il pu découvrir la supercherie ? Elle avait fait promettre à ses collègues et le Major, de ne rien divulguer à propos de ce qu'il s'était passé avec sa mère. Mikasa lui aurait soufflé deux trois mots ? Non, il disait d'avoir tout vu. Quand ? Comment ? Elle s'est toujours montrée prudente, faisant même en sorte de ne jamais se retrouver dans la salle de bain commune en même temps que les autres filles. 

À mesure qu'Eren analysait la moindre micro-expression qui se dessinait sur le visage de cette fille dont il était tombé amoureux, son cœur se fissurait davantage, exprimant parfaitement de son côté le dégoût.

La gorge nouée, les entrailles emmêlées, Æsma commençait à suffoquer. Il connaissait la vérité et maintenant, il était déçu. Il la détestait pour ce qu'elle était : une pièce rapportée - complètement factice par-dessus le marché.

— Ça dure depuis combien de temps ? La questionna-t-il - un ton à la fois douloureux et plein de haine. Delroy et toi, ça fait combien de temps ?

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