L'Ode à la liberté [Livre I]

Chapitre 35 : Effusion - Part I

2460 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/05/2021 21:51

Dans la cuisine, l'homme le plus fort de l'humanité disposait les pâtisseries, offert généreusement pas Flegel pour remercier une énième fois le Bataillon et surtout son escouade pour leur prouesse. Le nabot espérait que ces délicieux mets ne se fassent pas agresser instantanément par les marmots, surtout pas la morfale de service. Il jeta un coup d'œil à la pendule. Ils ne devraient pas tarder.

Pendant que l'eau finissait de bouillir, Livaï versa une dose mesurée de thé noir dans la panière. Faisant fi de ses principes, il plaça une boîte de sucre sur la table pour les palais le plus fragiles.

La table dressée, les gamins débarquèrent dans le plus grand brouhaha. Le caporal se plaça entre eux et la table, levant son index en direction de Braus. Un regard et un ton menaçant :

— Un pas de plus et je te casse les deux bras, et tu ne pourras plus manger jusqu'à la fin de tes jours.

En temps normal, Braus aurait bravé vents et marées pour de la nourriture, mais face au caporal, elle n'en menait pas large. Elle tressaillit, ne bougeant pas d'un pouce.

— Les autres installez-vous et servez-vous, ordonna-t-il - d'une voix plus douce.

Chacun leur tour, les soldats donnèrent une tape sur l'épaule de Sasha, tout en pouffant. Miss patate serra les dents, presque au bord des larmes. Une réelle torture psychologique quand elle voyait ces « gloutons » se jeter avidement sur les desserts. S'assurant que tout le monde ait eu leur part, le chef d'escouade tactique autorisa enfin à la demoiselle de les rejoindre. La goinfre ne se fit pas prier et grogna sur Mikasa - s'apprêtant à se servir une deuxième fois - et ramassa la plus grosse part, croquant immédiatement dedans, histoire de marquer son territoire. Son petit cirque faisait doucement sourire le caporal, servant aux gamins la boisson chaude.

Un petit sourire imperceptible, mais qui interpella Eren. La première et dernière fois qu'il s'était montré démonstratif, c'était au couronnement d'Historia et jusqu'à preuve du contraire, le petit homme n'était pas du genre à gâté son équipe.

— Caporal, c'est en quel honneur ? L'interrogea-t-il - faisant référence aux pâtisseries.

— Une petite récompense pour tous vos efforts, malgré encore de grosses lacunes sur le ménage.

Mikasa mit une tape sur la main de la goinfre.

— Mais...

— Sasha. Tu devrais peut-être attendre que le caporal se serve, répliqua la jeune asiatique.

— C'est vrai ça. Je t'ai vu te goinfrer en cachette pendant l'entraînement, ajouta Jean.

— Je me disais bien qu'il manquait des petits pains au déjeuné, commenta Armin dépité.

— C'est faux ! Rétorqua la concerné.

— Sacré Sasha, rit Conny - mettant une bonne tape dans le dos de sa camarade. Tu devrais te calmer, sinon tu vas épuiser tout nos stocks de ravitaillement en à peine quelques jours.

Jäger ne se joignit pas à leur conversation, bien trop absorbé par les états d'âme de son chef. L'homme le plus fort de l'humanité semblait être proie au doute. D'ordinaire, c'était un soldat qui ne montrait jamais - ou très peu - ses inquiétudes. Le garçon ne pouvait détacher ses yeux de lui. Était-ce dû à son lien de parenté avec Mikasa ? Eren regardait rapidement du coin de l'œil sa sœur adoptive. Non. Il n'y avait plus aucune tension entre les deux, mais aucun ne cherchait à établir une quelconque relation. Alors à quoi pouvait-il bien penser en ce moment même ?

Un léger frisson s'empara de la petite Ackerman quand elle s'aperçut que son frère adoptif la regardait, pour ensuite contempler le capitaine. Un goût amer en bouche, quand elle avala un nouveau morceau de son dessert envahi son palais. De jour en jour, il était difficile pour elle d'attirer son intention. Elle se sentait à la fois triste et déçue de savoir que d'autres personnes prenaient de l'importance dans le cœur du garçon.

Eren posa le coude la table et enfouit son menton dans sa main pour maintenir sa tête, se souvenant de cet apollon de pacotille - profitant allègrement de la présence d'Æsma. Le Brigadier avait sous-entendu que le caporal Livaï s'était emporté avant-hier. Était-ce dû à cause de cette femme dans le cimetière ? Il était plus que persuadé de l'avoir déjà vu. Où ? Quand ? Comment ? Pour en savoir plus, il devait interroger Livaï, souhaitant aussi connaître la relation entre ses deux-là, reconnaissant que la belladone ne laissait pas de marbre avec sa mystérieuse aura.

Celui qui portait la coupe au bol s'affairait à la vaisselle, conscient qu'on l'épiait, mais préféra ne pas en tenir rigueur. Pas pour l'instant. Il attendait sagement la fin du goûter pour se débarrasser des petits monstres et cuisiner le jeune Titan.


S'assurant qu'ils n'étaient plus tous les deux dans la pièce, Livaï attaqua sans détour.

— Qu'est-ce que tu me veux Eren ? L'interrogea-t-il - regagnant l'évier pour continuer la plonge.

Assiettes en mains, le brun restait comme deux ronds de flan.

— La façon dont tu me matais prêtait à confusion tu sais et n'est pas passé inaperçu. Pas auprès de la taciturne en tout cas.

Le niais piqua un fard, remuant la tête dans les sens.

— Ce n'est pas ce que vous croyez ! Je ne vous matais pas ! Je me posais tout simplement des question, se justifia le garçon - tout en piaillant.

— Accouche.

— Je... sans vous manquer de respect caporal, j'ai l'impression que quelque chose ne va pas.

L'intéressé leva un sourcil, invitant son interlocuteur - d'un hochement de tête - à poursuivre.

— Au début, je pensais que cela avait un lien avec Mikasa, mais j'ai réalisé que cela ne datait que depuis quelques jours seulement. À force de vous côtoyer, j'arrive à voir quelques bribes de vos émotions. Sans vouloir me vanter hein ! Mais depuis qu'on s'est croisé au cimetière, vous paraissez vraiment contrarié et quelque peu inquiet.

Le caporal leva les deux sourcils, avant de retrouver son air placide. Il récupéra les assiettes toujours sous le joug de son élève et continua le nettoyage. Était-ce la blondinette qu'il l'avait envoyé pour glaner les informations ? Bien pensée de sa part... après tout, il l'avait envoyé balader de façon faramineuse.

— Tout aussi curieux que ta copine, lança-t-il.

Eren inclina sa tête, toujours aussi interrogatif. Ne comprenant pas à quoi il faisait allusion, il se doutait tout de même de qui il parlait. Si seulement elle était « MA » copine, pensait-il silencieusement. Il secoua de nouveau la tête en signe de négation.

— Je ne savais pas qu'Æsma était venue vous voir, répondit le soupirant - frustré qu'elle est prise les devants sans lui.

— Je vois... dit le mentor - quelque peu pensif, remarquant clairement son élève désappointé. Tout ce que je peux te dire, c'est que cette femme est une ancienne camarade d'Erwin et que possiblement, elle pourrait nous aider dans nos recherches.

— Vraiment ? s'enquit le jeune homme.

Remarquant la mauvaise humeur de son chef et qu'il ne voulait absolument pas lâcher d'autres informations, le garçon se ravisa et termina de débarrasser la table. Il se raidit l'instant d'après, se tâtant encore à se confier.

— Qu'est-ce qu'il y a encore, s'impatienta le nabot.

— Cette femme... Je crois que je l'ai déjà vu.

— Quoi ?

— Pas dans mes souvenirs, mais ceux de mon père, dit Eren.

Livaï déposa l'ustensile dans le lavabo, tourna le mitigeur pour stopper l'eau et attrapa le torchon pour s'essuyer les mains, puis le reposa. Il pivota en direction du soldat Jäger.

— Tu as toute mon attention gamin.

Le brun se gratta le crâne.

— J'aimerais bien vous en dire plus, mais je ne sais toujours pas comment accéder à ses souvenirs.

Le teigneux se mordit l'intérieur des joues avant de claquer la langue.

— Est-ce que cela t'aiderais, si je te dis que cette femme est la mère de la morveuse ? Lâcha-t-il.

— Quoi ?! Cria l'adonis.

Une atmosphère pesante s'empara des lieux, mais n'avait pas l'effet escompté. Non. Cela ne permettait pas à Eren de pénétrer dans les réminiscences de son père. Par contre, il provoquait chez lui un pincement au cœur, se souvenant parfaitement de la journée passé aux côtés de « son amie ».

— C'est impossible, s'écria-t-il - presque souffrant. Æsma m'a affirmé encore la dernière fois qu'elle n'avait pas revu ses parents ces trois dernières années.

Une kyrielle de questions et de conjectures débordaient dans la caboche du moineau. Ni la blondinette, ni cette femme ne s'étaient adressées la parole. Sa camarade ne lui avait rien dit et lui aurait éventuellement menti sur tout le reste.

— J'en conclus que vous êtes toujours au point mort, ajouta son chef - réalisant le fossé qui s'érigeait négligemment tous les deux.

Ne souhaitant pas rentrer dans le vif du sujet, Livaï espérait détourner l'attention d'Eren en le déstabilisant sur leur « relation ».

— À mon avis, si elle ne s'est pas confiée à toi, c'est qu'elle voulait tout simplement profiter de votre rencard.

Un mot qui ne manqua pas de faire décrocher la mâchoire au Titan - au teint parfaitement rouge. Ce godiche ne savait plus comment parler et observait son caporal avec des yeux de merles en frit, tandis que son cœur faisait des siennes. Était-ce pour ça qu'elle avait insisté pour qu'ils passent une journée en tête-à-tête ?

— Mon dieu... Hanji avait raison à votre sujet, constata le nabot - presque contrarié. Eren, il est temps que nous ayons une petite conversation d'homme à homme.

Les neurones s'entrechoquaient de plus bels, ne permettant toujours pas au jeune homme d'émettre un son quelconque. Il réussit tout de même à diriger son regard sur ses pieds, faisant semblant d'admirer ses chaussures flambant neuves. Qu'entendait le caporal par homme à homme ? Ils n'allaient tout de même pas lui parler de ... Eren ne préférait même pas y penser, secouant vivement la tête. « Malheureusement » il se remémora Æsma allongé dans l'herbe, habillé de son haut serré en col v, dévoilant son cou. Un haut épousant parfaitement le galbe de son buste. Il s'était permis cette frivolité qu'un millième de seconde, préférant converger vers ses lèvres qu'il désirait ardemment embrasser.

Livaï avait réussi à désarçonner son adversaire, ayant carrément l'impression de faire face au plus grand débile de l'humanité et claqua des doigts pour le ramener sur Terre.

— C'est pas en restant oisif, que tu arriveras à quoi que ce soit, marmonna-t-il.

Eren ne pipait toujours pas un mot, mais était plus attentif que jamais.

— Si ça ne tenait qu'à moi, je te dirais de tout laisser tomber. Notre travail ne nous permet pas de lambiner et de se laisser aller à de telles futilités. Ceci dit, au vu des récents événements, beaucoup de choses ont changé et vont encore changer. Le chef d'escouade tactique se racla la gorge et poursuivit, mais vous êtes dans la fleur de l'âge et ce serait dommage de passer de belles occasions, vous passez sous le nez. Eren, si ce n'est pas un Titan qui te vole ta copine, quelqu'un d'autre s'en chargera.

Sans préavis, l'aspirant frappa le mur se trouvant à sa droite, créant une petite fissure sur les petites pierres apparentes

— Alors ça, je ne le permettrais pas, s'insurgea-t-il brutalement. Personne. Je ne laisserais Æsma à personne.

Surpris pendant une seconde, le chef d'escouade tactique fronça irrémédiablement les sourcils. Il s'approcha du soldat et le balaya d'un coup sec. Le jeune explorateur se retrouva le cul à terre, sidéré par ce qu'il venait se passer - et surtout par son propre comportement.

— Jäger, tu vas vite calmer avant que je ne m'occupe personnellement de ton cas, fulmina-t-il - s'accroupissant à sa hauteur et posant son index contre la poitrine de dernier.

Un changement d'humeur des plus drastique qui tracassait le teigneux.

— Ce n'est pas la première fois, lui fit-il remarquer.

— Je... pardon... bafouilla Eren.

— Si tu oses encore péter les plombs de la sorte, je ferai en sorte d'occuper tes journées et tes nuits, sans que tu ne vois l'ombre de tes camarades et surtout pas celle de la morveuse.

Les sourcils noués, le jeune Titan avait la désagréable sensation d'avoir été trompé et qu'on l'avait poussé à agir de la sorte. Un avertissement qui heurta la sensibilité du garçon, ressentant le couteau invisible planté dans son cœur, que quelqu'un s'amusait à remuer. Il agrippa le pan de son haut, pinçant légèrement sa poitrine, espérant stopper la souffrance qu'il l'assaillait. On avait servi à ce Rovdyr, la petite Traum sur un plateau d'argent et il n'était pas là pour intervenir. Or, quelque chose de plus douloureux transperçait son organe vital et il n'en connaissait pas encore les raisons. Il tentait de reprendre son souffle tant bien que mal.

— Excusez moi, chef... Je... Je ne sais vraiment pas ce qu'il m'a pris. C'est comme... dit le brun - tout bredouille et cherchant ses mots, finissant par avouer le fond de sa pensée, la simple idée de savoir Æsma au côté d'un autre homme ne me plaît absolument pas. Ça me rend fou. Je serais capable d'éliminer tous mes opposants. Je ne veux pas la voir dans les bras d'un autre. J'ai cette envie... Non, je ressens comme un besoin de la posséder entièrement. Je ferais tout le nécessaire pour qu'elle soit et reste à mes côtés.

— Mon dieu, ce que la puberté ne te fait pas dire, souffla Livaï - irrité. Eren, les sentiments ne se contrôlent pas, mais ce n'est pas une raison pour se laisser dominer par la colère ou la peur. Si ça peut te rassurer, Traum est complètement raide dingue de toi.

L'aspirant rougit, à la fois honteux et soulagé.

— Par contre, la jalousie ne mène à rien de positif. Æsma n'est pas un objet. Si elle décide d'être avec un autre, tu n'auras pas d'autre choix que d'accepter sa décision, ajouta le chef - très acerbe.

Eren se contenta de mordiller férocement la lèvre inférieur, plantant les ongles dans la paume de ses mains.


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