L'Ode à la liberté [Livre I]

Chapitre 34 : Clair-obscur - Part II : Lumière

4135 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/05/2021 19:51

La fillette se tenait le crâne, ravager par une extraordinaire céphalée. Un cortège de chromos des plus sordides et des plus gores défilaient, changeant constamment une partie de l’histoire.

La fillette tremblait comme une feuille, persécutée par le passé. À quel moment son cerveau avait emmagasiné de telles images pour les faire ressurgir brutalement ? Quelle était donc la version originale ?

Des griffes harponnèrent son épaule droite, la faisant sortir de sa torpeur. Madame Traum, la bouche légèrement entrouverte, attrapa le menton de son rejeton - encore tout grelottant - examinant sous toutes les coutures, le visage exsangue de sa progéniture.

— Tu t’en souviens maintenant ? Demanda la génitrice - indifférente.

La gorge complètement asséchée, Æsma ne réussissait pas à produire de la salive. Le nœud qui se formait à l’intérieur, comprimait douloureusement les parois de son gosier. Elle avait l’impression de suffoquer.

— J’hallucine, exhala le serpentaire - réprimant son envie d’envenimer sa victime. Lève-toi.

Jane agrippa l’encolure de la veste du Bataillon, soulevant d’une facilité déconcertante la blondinette. À peine debout qu’elle titubait, exacerbant l’aversion qu’éprouvait sa mère à son égard, mais cette dernière rongea son frein et poussa la gamine à avancer dans la pièce voisine.

Physiquement et radicalement hors service, l’enfant Traum se laissa guider comme un pantin, se triturant laborieusement les méninges.

Dans la salle, trois petites cellules se trouvait sur le mur d’en face. Les deux femmes contournaient la vieille table en bois rongé par les mites, pour s’approcher de celles-ci. Toutes vides, seulement agrémenté par la saleté, de la moisissure et semble-t-il des taches de vins. 

La gamine fit marche arrière heurtant le bord de la table, suffisant à lui donner une nouvelle sueur froide, donnant l’occasion au reptile de ramper jusqu’à elle. Le serpent enroula tendrement sa queue autour de son cou, approchant ses crocs vers sa proie. La victime huma son l’odeur florale et enivrante qui s’en dégageait, paralysé par son regard fielleux. Le prédateur siffla dans son oreille :

— Raphaël, susurra lentement, mais avec acrimonie la vipère.

Le corps engourdi, où un cœur cessa de battre, les deux pupilles vertes rétrécirent. Elle ne comprenait pas. De qui, sa mère, pouvait-elle bien parler ? Un véritable capharnaüm trôné par la souffrance, habitait la blonde - asphyxié par l’étreinte de sa mère.

— C’est toi qui l’as tué, ajouta-t-elle - une pointe de douleur dans sa voix. 

Æsma ferma les paupières, des images plus net et précises en tête.


Âgée de six ans, tout au plus, la fillette courait dans la forêt, où papillons volaient futilement et abeilles butinaient joyeusement. Ces grands arbres, fleurissant sous la douce chaleur du soleil l’émerveillait. Un lieu enchanté pour la gamine persuadée que des fées y logeaient, vivant en harmonie avec la nature. Elle aussi aimerait voler.

L’enfant trébucha contre une racine et se rétama sur la terre encore humide. Des petites flaques d'eau étaient éparpillées à droite et à gauche, rappelant les intempéries de la veille.

Sa robe du dimanche était sale. Enlever toute cette crasse était peine perdue, la situation ne faisait que de s’aggraver. Son genou était écorché. Elle avait mal, mais elle ne devait pas pleurer, les garçons allaient se moquer d’elle sinon. Pensant retirer la boue, son visage était tout barbouiller comme les gorets provenant de la ferme du voisin.

À la sortie du bosquet, elle poursuivit sa course à la recherche de son frère. Son rire guilleret résonnait à travers les hautes herbes. Il n’était pas loin. La fillette aperçue la tête brune gambader et se sauver de nouveau.

La course poursuite n'était pas de tout repos. La gamine s’arrêta devant l'entrée d’un petit bâtiment en pierre. Nul doute que le malin s’est réfugié à l’intérieur, pensant pourvoir la semer aussi facilement. Elle prit son courage à deux mains et emprunta le chemin qui descendait directement dans une cave. Il n'y avait personne aux alentours.

L'un des chemins était tacheté de sang accédant à une salle semi-éclairée, soudainement animé par des cris. La petite fille n’avait pas fait attention à son frère, derrière elle, présent lui aussi, très essoufflé

Persuadé que sa petite sœur le suivait toujours, il avait jeter un coup d’œil derrière lui. Personne. Retournant sur ses pas, il aperçut la fouineuse devant la maisonnette en pierre, et disparaître à l’intérieur de celle-ci disparaisse à l’intérieur - il attrapa son poignet pour sortir de cet endroit, trop lugubre à son goût, mais le bambin se détacha de son emprise, tout aussi apeurée par ces bruits, mais trop curieuse pour voir ce qu’il se tramait.

Deux hommes torturaient littéralement un autre assit les yeux bandés et les mains en sangs. Aucun n’ongle ne subsistait. Les mercenaires décidèrent donc d’arracher la langue de ce dernier pour exaucer son vœu : le silence éternel.

« Æsma ! » Le brun avait emboité le pas, témoin lui aussi. Cherchant à protéger sa petite sœur, il l’enlaça contre lui, pour lui camoufler le reste de la scène.

— Putain, que font ces gosses ici ? Beugla le premier.

— Où est Anderson ?! il était censé surveiller les environs !

La personne en question apparu, une bouteille vide à la main. Il s’excusa auprès de ses collègues de s’être soudainement assoupi. Remarquant, les deux enfants, il attrapa le garçon pour lui demander comment et pourquoi ils étaient là, ce qu'ils avaient vu.

Le garçon batailla pour se défaire de son emprise, agitant ses jambes dans les airs, réussissant enfin à lui assener un coup sur le thorax. Fou furieux, l’alcoolique rattrape le gamin pour le secouer dans tous les sens et le jeter contre la table, lui bazardant la bouteille en verre. La nuque ayant heurté le coin de la table, le garçon ne bougeait plus. Le second homme s’affola.

À deux doigts de s'en prendre au deuxième enfant, un soldat des Brigades sortit de la porte qui se trouvait dans l’autre coin de la pièce. Adam Rovdyr…


Il était impossible pour les barrières de retenir le torrent d’eau qui ruisselait sur son affreux minois. Æsma essayait de secouer vivement la tête de droite à gauche, mais elle suffoquait encore plus.

Voyant que le parasite refusait d’admettre ses torts, Madame Traum relâcha sa caresse et recula d’un pas pour mieux la calculer. Ce monstre pleurnichait de plus belle. Entrainée depuis son jeune âge, première de sa promotion, gravissant les échelons avec aisances, l’ancienne Brigadière - après avoir attendu de longues minutes - se rua, allongeant son bras pour percuter le cou de l’exploratrice, se retrouvant sur la surface de la table qui se brisa sous son poids.

Æsma se cambra, ressentant une vive douleur dans le dos. Or, elle n’avait pas le temps de se concentrer dessus, recevant un coup dans l’estomac, puis un deuxième, puis un troisième. Puis rien. Alors qu’elle essaya de se mettre en position assise :

— Tu m’as volé tout ce qui m’était précieux et cher dans ce monde ! Il est mort par ta faute ! Hurla la mère.

La blonde reçu une nouvelle frappe en plein visage, l’obligeant à rester à terre et subir les nouvelles salves sans broncher, où le mal de crâne était à son apothéose - s’estompant seulement lorsque sa vue commença à se troubler et que les cris devenaient inaudible. 

Remarquant que le rejeton était semi-conscient, Jane s’accroupit l’empoignant par les cheveux, lui sommant de rester éveiller. Elles n’avaient pas encore terminé. Elle la relâcha, s’apprêtant à recommencer. Au moment que son pied allait toucher une énième fois l’enfant, une barrière de chair s’érigea pour contrer le coup et protéger le monstre.

Haletant, Gabriel s’assit pour soulever sa sœur et l’enlacer dans ses bras, fusillant la mère du regard - qui avait reculer de quelques mètres pour observer la scène.

— Tu t’échines encore à protéger cette garce, dit Jane - prise d’un petit fou rire.

Le grand frère silencieux resserra son étreinte.

— Tu sais aussi bien que moi qu’elle à gâcher ta vie, tout autant que la mienne.

— C’est faux… murmura-t-il - relevant les yeux vers sa mère.

— Toujours aussi effronté, rétorqua-t-elle, s’essuyant la sueur de sa mâchoire.

Voir son ainé porter secours à cette enfant non désirée l’écœurait, ayant l’intime conviction « qu’elle aurait dû mourir à sa place ».

— Tout est de ma faute ! cria Gabriel - plein de rage.

Le lieutenant referma aussitôt la bouche, se mordant les joues intérieures. L’expression glaciale et meurtrière de la belladone, lui donnait des frissons. Contre toute attente, elle ne l’attaqua pas. Elle se caressa le menton, semblant mesurer les paroles de son fils.

— C’est vrai, souffla-t-elle sur un ton plus doux - esquissant un sourire carnassier, si tu avais surveillé ton frère et l’autre, comme je te l’avais ordonné, il ne serait pas mort. 

Jane se redressa croisant les bras - l’index de la main droite sur le menton - scrutant sa descendance. Quel piètre tableau que voilà, pensa-t-elle, se rappelant soudainement des paroles de son ancien camarade. Le portrait craché de leur père Stephen, avec leurs yeux verdoyant, quelque peu rebelle. Physiquement, seulement, ces deux-là avaient hérité du caractère de la mère dans sa plus tendre jeunesse. Seul le cadet s’était dénoté avec son tempérament plus doux, plus sérieux et…

— Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?!, s’éleva une voix en panique.

Hanji accouru vers les deux enfants. Son lieutenant et son subalterne entraient à leur tour dans la pièce, découvrant avec stupeur leur collègue en piteux état. Gabriel semblait refuser de lâcher Æsma, alors que le chef d’escouade voulait s’assurer qu’elle respirait encore. Et fort heureusement, elle était encore vivante. Le binoclard foudroya du regard la mère, puis le grand blond qui arriva à ses côtés :

— Tu es prête à me dire ce que je veux savoir maintenant ? Interrogea le Major - s’adressant indirectement à son ancienne camarade, les yeux rivés sur les soldats.


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Jane invita uniquement le Major à entrer dans le bureau - laissant Hanji et Moblit dans le couloir. Le reste du Bataillon présent pour cette enquête, musardait dans le reste de le manoir des Traum - qui ne semblait pas cacher quoi que ce soit - à l’exception de Delroy. Le soldat avait préféré accompagné Gabriel et Aloysius, pour rester auprès de sa co-équipière.


Enfin, pour l’instant, seul le frère était au côté d’Æsma à l’heure actuelle. Henchman suivait Rovdyr, descendant des escaliers pour accéder de nouveau au premier étage, mais au lieu de reprendre les escaliers au rez-de-chaussée, Al pris le couloir de gauche et le longea durant cinq minutes avant de prendre celui de droite qui donna accès à une sortie. 

Derrière la porte, se trouvait un grand balcon. Le vent soufflait à l’extérieur, faisant virevolter sa belle crinière négligemment attaché, contrairement à Delroy qui avait parfaitement attaché la sienne en chignon.

— Wouah, s’exclama le dernier - époustouflé par le paysage.

Dans ce panorama, se trouvait le jardin, accompagné d’un grand lac. Le brun s’aventura jusqu’à la rambarde pour admirer la vue, ressentant une soudaine mélancolie. Peu importe la beauté de la nature, la paix qui pouvait y régner, se cachait toujours dans l’ombre, la noirceur de la vie et personne ne pouvait y échapper. Il se pencha sur le rebord du balcon, posant ses bras dessus avant d’y déposer son menton barbu, plus pessimiste que jamais.

Al préféra se mettre la nature à dos, posant les lombaires contre le rebord et croiser ses bras - regardant du coin de l’œil l’équipier d’Æsma.

— Désolé d’avoir réagi un peu excessivement tout à l’heure, dit-il - passant une main dans sa frange.

— Quand j’ai dit qu’Æsma avait participé à la séance de torture ? 

L’apollon opina de la tête, quelque peu amère. Il se retourna pour faire face au paysage idyllique et posa ses mains sur la rambarde, se balançant sur ses pieds, hésitant encore à parler, mais Delroy adorait crever les abcès.

— Du peu que j’ai vu, je suppose qu’elle a déjà été témoin de ce genre chose étant plus jeune… Mais comment s’est-elle retrouvée là-dedans ? Le questionna-t-il choqué.

— Si elle s’est embardée là-dedans, c’est « à cause » de Gabriel, mais c’est aussi de ma faute, souffla-t-il. Ce jour-là, nos parents devaient se réunir pour je ne sais quoi encore et nous ont formellement demander de garder un œil sur Raphaël et Æsma.

Le coéquipier de la blondinette se redressa légèrement, un sourcil interrogatif.

— Raphaël ?

— Ah ouais… Forcément… murmura Al. Pas grand monde est au courant. Raphaël était le cadet de la famille.

— Était ?

— Ouais, justement je vais y venir. Comme je disais ce jour là, pendant que les parents s’occupaient de leurs petites affaires, nous étions de « corvée » Gab et moi pour jouer les nounous. Mais à dix ans, on préférait aller flâner dans l’artillerie de nos parents ou s’amuser avec les équipements tridimensionnels. On a suggéré à Raph’ de jouer un peu plus loin dans la forêt avec Æsma, pour ne pas se les coltiner toute la journée. Et arriva ce qui arriva. On avait pas vu l’heure passé, et c’est là qu’on a commencé à s’inquiéter, car on ne les trouvait nul part. On a bien dû passer deux bonnes heures à les chercher en vain. C’est à cet instant qu’on a pensé à regarder vers la maisonnette. Un lieu où lequel mon père m’a toujours interdit de m’introduire. Là où on a retrouvé Æsma aujourd’hui, ajouta-t-il. Mais il y avait déjà une petite troupe sur place. C’est là que j’ai reconnu mon grand-père, transportant sur ses épaules Æsma. Elle était complètement déphasée. Grand-père nous a ordonné de ne pas poser de question et de le suivre sur-le-champ. C’est plus tard dans la soirée, en épiant la conversation qu’on a appris ce qu’il s’était passé.

Aloysius marqua une pause et se mordit la lèvre inférieure - comme pour se punir. Il raconta ensuite ce qu’il s’était passé dans le sous-sol, puis débita :

— Cette histoire aura eu l’effet boule de neige. Raphaël serait peut-être le fruit d’un adultère. Enfin, c’est ce que suggérait le père. Æsma n’aurait jamais dû voir le jour. Jane a fait un déni de grossesse jusqu’au bout, ce qui explique en partit pourquoi elle la haït depuis sa naissance. La mort de Raphaël n’aura fait qu’empirer les choses. Stephen à complètement délaissé son éducation, se plongeant corps et âme dans le travail. Gabriel s’en voulait terriblement. Il pensait et pense encore que tout est de sa faute. Il a carrément tout sacrifié pour satisfaire l’exigence de sa mère et protéger sa sœur. Et moi, si j’avais été moins con, je n'aurais pas forcé Gabriel à

laisser tomber son frère et sa sœur, pour qu’on puisse s’éclater tranquillement dans notre coin. 

Delroy profita de ce moment pour expirer tout l’oxygène qu’il avait emmagasiné dans les poumons. Ce moment était libérateur, mais redevenait vite oppressant, quand il observait le lieutenant se pincer l’arête du nez, puis la seconde d’après, voir une douleur indescriptible se dessiner sur son visage. 

— Elle avait complètement rayé de sa mémoire Raphaël. Les souvenirs qu’elle avait de lui, elle les avait remplacés avec l’un de nous deux. Je ne sais pas ce qui a été le plus dur. Conserver ce secret le plus longtemps possible et voir son pote culpabiliser et se flageller chaque jour de son existence ou bien avoir eu l’envie irrésistible qu’Æsma retrouve la mémoire pour que cela cesse. La majorité des souvenirs qu’elle avait de moi encore maintenant étaient factice et je devais jouer le jeu. Et plus je jouais le jeu, plus je m’attachais à elle. Et plus je m’attachais à elle, et plus ça devenait pesant de lui mentir. Donc, quand le Major Erwin m’a raconté ce qu’il comptait faire, je n'ai pas hésité un seul instant.

Un zéphyr caressa de nouveau le visage de ses deux soldats - qui se regardèrent dans le plus grand des silences.

L’explorateur Henchman avait la désagréable sensation que l’épée de Damoclès s’était subtilement glissé au-dessus de lui et tournoyait lentement. Même s’il avait appris énormément de choses sur son amie, cette histoire dissimulait encore beaucoup de choses derrière elle. Il semblerait que l’affaire n’eût pas été ébruitée au-delà de ses deux familles. La réaction de ces « mercenaires » paraissait excessive. Il y avait d’autres moyens de faire taire des enfants… Pourquoi avaient-ils torturé cet homme ? Qu’est-ce que le grand-père de Rovdyr avait espéré obtenir ? À moins qu’il cherchait à faire taire le malheureux ?

— Tu dois penser que je suis… Le lieutenant Rovdyr se retourna de nouveau en direction du bâtiment, s'arrêtant brusquement de parler.

Il paraissait moins serein tout d’un coup. Curieux, Delroy se tourna lui aussi pour découvrir ce qu’il le tracassait. Sur le pas de la porte, se trouvait Gabriel. Le frère d’Æsma exhibait une mine effroyable. Les vaisseaux sanguins s’étaient drastiquement dilatés à l’intérieur de ses yeux tout gonflé. 

— Delroy, si tu veux aller la voir, tu peux, dit-il froidement.

Le brun était à deux doigts de s’exécuter, mais le regard assassin que le frère Traum lançait à son ami d’enfance, le faisait douter sur les choses à faire. L’équipier d’Æsma tituba soudainement, quand Aloysius lui mit une grosse tape amicale dans le dos, un sourire aux lèvres :

— T’inquiète pas, même si il en meurt d’envie, il ne me balancera jamais de ce balcon.


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— Et crois moi, je n’ai pas étouffé cette affaire par plaisir, maugréa Traum, s’éloignant du Major.

— Et justement, c’est là que les choses deviennent plus intéressantes, souligna Smith. Qu’est-ce qui était encore plus important, que demander justice pour le meurtre de ton fils ?

Jane claqua sa langue, pour ne pas cracher son venin. Elle posa ses yeux d’ébène sur le portrait de son défunt fils mis en évidence sur le bureau. Erwin fit de même retrouvant les mêmes caractères physiques de la mère, à l’exception des yeux…

— Ce qui s’est passé dans le sous-sol ce soir-là, le gouvernement n’était pas au courant. Pas même Rhode Reiss, lâcha la lady - attirant toute l’attention du Major. 

— Donc, tu admets que ta famille était proche de la lignée royale.

— Mes ancêtres peut-être, mais au fil des générations, comme les Ackerman et la lignée asiatique de ses murs, les membres de ma famille ont également préféré prendre leur distance avec eux. D’où le fait de ne pas se mettre autant en avant. Pareil pour les Rovdyr. Nous avons plus ou moins les mêmes objectifs. 

— Qui est ?

Elle se dirigea vers la fenêtre pour contempler l’extérieur, vide de sens à son goût. Le commandant du Bataillon la rejoignait, réduisant une nouvelle fois sa sphère intime, mais elle ne tombait pas dans le piège aussi facilement.

— Oh mon dieu Erwin, je te trouve bien pressé, soupira la belladone. Au risque de te décevoir, je ne peux pas t’apporter entière satisfaction à vrai dire. Je n’en sais pas plus que je le souhaiterais.

— Si tu en sais autant que Kenny Ackerman, cela me convient. Il n’a pas trop été bavard avec son neveu, vois-tu.

— Kenny… murmura la femme grimaçante. Le seul que je n’aurais jamais réussi à rencontrer, malgré tout les efforts du monde.

— Un mal pour un bien peut-être. De ce que j’ai compris, les Ackerman sont dotés d’une force incroyable.

— Oui, oui, « l’éveil ». Les Ackerman sont également un « sous-produit de la science des Titans ».

Le Major recula d’un pas légèrement surpris, et surtout subjuguer par la succube - esquissant encore un de ses sourires énigmatiques des plus ensorcelants.

— Nous sommes tous au même point sur cette histoire, même si j’ai glané quelques informations supplémentaires en parlant avec Grisha Jäger.

— Tu connaissais le docteur Jäger ? 

Le bellâtre se rapprocha de nouveau vers elle.

— Pas du tout. Nous avons juste eu l’occasion de nous rencontrer deux-trois fois. C’est grâce à moi qu’il a eu le Titan Originel, d’ailleurs.

— Je vois… 

— Mais je ne te dirais rien de tout ce qu’il m’a dit, vous le découvrirez bien assez vite en allant reconquérir le mur Maria. Enfin, faudrait-il que vous surviviez à vos prochaines expéditions d’ici là, rit-elle sournoisement.

— Mon petit doigt me dit qu’il y a un mais, commenta le grand blond.

— On ne peut rien te cacher à toi ! C’est vrai. Il y a un « mais ». À vrai dire, ce qui se cache dans la cave de Jäger n’est pas ma priorité. Il y a des choses sur cette île que je souhaite découvrir et elles ne trouvent pas forcément au Sud de ces enceintes. Des documents hautement confidentielles, concernant toutes les lignées insensibles au pouvoir de l'Originel, mais qui ont tout de même servi les Fritz. C’est pour ça que je t’ai délibérément mis sur notre piste. C’est le moment que nous collaborions. La dame coupa la chique au Major, posant délicatement ses mains sur son torse, manifestant une certaine avidité à son égard. Comme au bon vieux temps.

Pourquoi les fleurs épineuses sont les plus attirantes, se demandait Erwin, ayant le sentiment d’être acculé, détestant être le suiveur. Encore une fois, c’était elle qui le menait à la baguette.

— Tu sais Jane, j’ai délibérément laissé gagner Naile.

— Oui, ton attirance pour les Titans était flagrante. Ça depuis le début, mais autant que ce Zoe, dit-t-elle - un nouveau sourire plus malfaisant se dévoilait sur ses lèvres pulpeuses. En tout cas, ça aura permis à Mary de faire trois beaux-enfants. Tous de Naile.

Erwin ferma un instant les paupières, avant de planté ses yeux polaires dans ses deux météorites.

— Ce sera tout pour aujourd’hui. Avec ce que nous avons trouvé chez les Rovdyr, nous allons pouvoir améliorer nos armes. Je reviendrais vers toi en temps et en heure pour la suite. Merci de m’avoir accordé de ton temps Jane. 

Le Major quitta la petite bulle qui les enfermait depuis un peu trop longtemps et se dirigea vers la porte.

— Pas d’autres questions mon ami ?

La main qui s’apprêtait à tourner la poignée se figea. Il pivota légèrement la tête pour regarder une dernière fois la sorcière :

— Non. J’ai eu les réponses que je voulais. À bientôt Jane.

À peine sortit du bureau que le binoclard se précipita sur lui

— Alors ? Demanda celui-ci.

— On peut rentrer, répondit le commandant.

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