L'Ode à la liberté [Livre I]
Toujours aucune apparition du nabot. Merveilleux ! Rien de plus satisfaisant pour le soldat Traum. La journée de recherche allait donc se terminer sans accroc.
Quelques feuilles se promenaient sur la table, au centre de la pièce. Æsma les rangea sur la pile de documents posés sur le bureau en bordel. Quand est-ce que le chef Zoe se décidera à trier toute cette paperasse ? Sans Moblit, il s’éparpillait dans tous les sens…
Æsma imaginait le beau brun assis sur son fauteuil en pleine élucubration. Elle se livrerait à la contemplation, hypnotisée par le moindre faits et geste de son supérieur. Réalisant qu’il se heurtait à un mur, sa mâchoire anguleuse se bloquerais, retenant le plus longtemps possible un cri de détresse. Il finirait pas céder, décourager, les bras ballants après que les rapports aient pris leur envolé. Ne supportant pas le voir dans une situation aussi désespérée, la blondinette s’approcherait, tel un petit chiot qui accourait pour sauver son maître. Glissant ses mains sur les épaules d’Hanji, elle lui proposerait de faire une pause, pendant qu'elle lui préparait un délicieux thé. Une offre qu'il refuserait poliment, pour la simple et bonne raison qu’il aimerait profiter de ce petit massage improvisé. Il pointerait son nez en l’air pour faire face à sa subalterne. Æsma se laisserait happé par ces deux billes teintées de brou de noix qui sonderait son âme, prêt à la dévorer à tout instant. Elle se laisserait envouter par son regard magnétique, mais finirait par promener son regard un peu plus bas, prête à céder à la tentation…
Le soldat Traum laissa échapper un petit cri d’effroi, sentant quelque chose tapoter son épaule. Elle se retourna sur le qui-vive pour faire face à l’individu.
— Eren ! S’exclama-t-elle, à moitié surprise.
Ses joues s'enflammèrent aussitôt. Instinctivement, elle poussa d'une main son camarade pour garder une certaine distance, pour enfouir son visage dans l’autre. Combien de temps était-elle restée planter là, à rêvasser ?
Un - ou peut-être deux - cœur avait frappé un grand coup, après ce simple contact furtif et rapide.
Obligé de reculer d'un pas, Eren, déconcerté, la bouche entre-ouverte, observait sa camarade. Il détourna les yeux sur la tables du laboratoire. Qu’est-ce qui pouvait bien la mettre dans tous ses états ? Se demandait-il.
La honte. La jeune fille espérait qu'elle n'avait pas pensé trop fort, n'osant imaginer l’expression qui lui incombait. Difficile de regarder son camarade dans les yeux. Elle sentait encore la chaleur du brasier envahir ses pommettes. Quelle conne suis-je, s’injuria-t-elle.
Ses yeux scrutèrent dans les moindres détails la fibre du tissus, constatant par la même occasion, que le soldat Jäger portait son haut favori. Celui qu’il avait pris en trois exemplaire. Ce haut en coton, de couleur beige, était un poil trop grand pour son gabarit. Le lacet en suédine était parfaitement ajusté, laissant entrevoir ses clavicules. Malgré le vêtement ample, on pouvait voir que ce n'était pas un petit maigrichon non plus.
— Je m’inquiétais.
Les mains du jeune homme commencèrent à bouger légèrement, contraignant la blondinette à relever la tête. Elle fronça les sourcils interrogatif. Pourquoi semblait-il embarrassé ? Le caporal aurait-il encore fait des siennes ? Aucune marque apparente sur le visage du jeune homme pourtant.
— Je ne te voyais pas sortir du bâtiment, dit Eren.
— Je n'ai pas encore fini de ranger, répondit Æsma, se frappant le tête.
Sans dire un mot, Eren se dirigea vers la table. Il ramassa les fioles qui se promenait sur la table. Il balaya la salle du regard, à la recherche de l’armoire, ou plutôt de la bibliothèque accroché au mur, non loin de la grande fenêtre. Il lisait avec attention les étiquettes de chaque bouteille, pour les remettre à leur place. Une sensation de déjà-vu s’emparait de lui. En vérité, il ne connaissait rien et ne pipait rien à tout ce charabia, pourtant cela lui semblait évidant de placer tel article sur cette étagère et non une autre.
Le jeune Titan eu un bref sursaut, sentant une présence derrière lui. Une main - prête à s’agripper pour ne pas tomber - se posa sur son épaule Deux pommes vertes le fixait comme deux ronds de flan.
— Wouah Eren. Je ne me doutais pas que tu avais des connaissances en chimie.
— Hein ? Mais non… Je… j’ai seulement suivit mon instinct, bredouilla Jäger.
— Tu m’impressionneras toujours, sourit Traum.
Les deux pierres émeraudes s’illuminèrent. Personne ne le complimentait de la sorte. Ni même Armin ou Mikasa. Enfin, Armin le soutenait, mais avait tendance à toujours tout remettre en question. Mikasa ne voyait en lui, qu'un gros bébé à protéger. À moins qu’Æsma se contentait de peu ou était le genre de personne à caresser les gens dans le sens du poil - ce qui serait étonnant au vue de son aversion profonde pour le capitaine Livaï - l’égo du jeune Titan s'en voyait ravi. Cela faisait un bien fou qu'une personne le considérait en tant que tel.
— Avant d'éprouver quoi que ce soit à mon égard, commença Eren sur un ton amusé, tu ferais mieux de tout remettre en ordre.
Les joues de la blondinette - qui l’observait les yeux écarquiller - s’empourprèrent. Un air malicieux se dessina ensuite sur son visage. Comme si une idée machiavélique germait dans sa tête. Elle mis un petit coup de poing amical sur le bras d’Eren.
— Aucune personne, aussi belle ou intelligente soit-elle, ne sera à la hauteur d’Hanji, répliqua-t-elle sur le même ton, avant de se hâter pour ranger le reste. Elle s'arrêta en cours de route, comme si elle se souvenait de quelque chose d’important. D'ailleurs, il faut que je te dise quelque chose après !
Un sourire des plus resplendissant et sincère s’offrait au jeune Titan. Une image qu'il tentait de graver soigneusement dans sa mémoire.
À chaque fin de repas, les adolescents se rejoignirent pour aller au point de rendez-vous. Ensemble. Un petit rituel apprécié des deux - pour papoter de leur journée et partager les nouvelles connaissances acquises.
Même s’il ne se passait rien d’extraordinaire, qu'il n'y avait rien à se dire, chacun aimait la compagnie de l’autre. Ils leur arrivaient parfois de profiter d'un long silence pour admirer la lune.
Une nuit, Æsma promit à Eren d’aller observer les constellations ensemble, quand ce serait la bonne période.
Plus le grand moment approchait, plus Eren était pressé de revoir ses amis. Il savait pertinemment que les soldats Arlelt et Ackerman choisiraient le Bataillon d’Exploration. Ils étaient inséparable. Il avait hâte de leur présenter Æsma.
Mais ce soir, il n’avait pas envie de parler de tout ça, ni de ses ambitions. Non. Il voulait savoir ce que la blondinette avait à dire. Elle semblait exciter depuis la fin d’après-midi. Un véritable ver de terre.
Il observait du coin de l’œil sa camarde qui errait dans le sentier. Même dans la pénombre, il apercevait les joues rosies de Traum. Or, une boule se formait dans on ventre. Il avait l’intuition ce qui allait suivre ne lui plairait pas.
Enfin assis sur le rocher qui surplombait les plaines sauvages, laissant apparaître à l’horizon une étendue d’arbre, Æsma balança ses jambes dans le vide. Elle regarda un bref instant la voûte céleste, puis inspira un grand bol d’air frais.
— Hanji, dit-elle.
— Hanji ? Murmura Eren, dans l’incompréhension.
— Dans trois jours, j’accompagne Hanji à la capitale ! s’extasia Æsma, joignant et frappant ses mains pour exprimer sa joie.
Le jeune Titan observait son amie, suspicieux.
— Qu’est-ce que vous allez faire là bas ?
— Nous allons nous rendre chez les Brigades Spéciales. Ils possèdent pas mal de matériaux rares.
— Mais pourquoi ?
— Pour améliorer nos armes, voyons ! C’est aberrant que le Bataillon possède des sabres aussi merdique. Alors, on va leur faire un petit coucou et sommer de nous donner quelques matériaux pour perfectionner nos lames.
— Oh ! C’est… super ça ! Mais, vous allez vous absenter pour combien de temps ?
— Euh… Aucune idée, répondit la jeune fille, qui effleura sa lèvre inférieur avec le bout de son index. On n’a pas encore entamé les négociations. Je ne sais absolument pas combien de temps cela va duré. Quelques jours… Deux semaines tout au plus, le temps de fabriquer les prototypes.
Peu importe. Du moment qu’elle passait du temps avec le chef Zoe, tout lui convenait. Or, ce soir, elle oublia Hanji se laissant distraire par Eren. Le garçon avait un jolie profil. À en juger par les critères élaborés par les filles de son ancienne brigade, il faisait aisément partie du top dix.
Le brun soupira profondément désespéré, ne manquant pas d'attirer toute l’attention de la blondinette.
— Que se passe-t-il ? Demande-t-elle.
— Ça va faire bizarre.
Le soldat Traum s'approcha de son camarade pour sonder son esprit. Visiblement, quelque chose le tracassait et cela n’avait aucun lien avec les expériences ou les journées à trimer pour le nain de jardin.
— Pourquoi soudain cet air tourmenté ?
Eren, ne répondait pas, égaré dans les flots. À moins, que ceci soit une feinte. Une ride du lion se dessina sur le visage de la blondinette. Elle se colla doucement à lui. Ses yeux se plissèrent afin déceler la moindre faille, afin d’y trouver une réponse.
Lorsque qu’elle entra en contact avec lui, le corps d’Eren se paralysa, subissant des martèlements intempestifs au niveau de la cage thoracique. Cet effet le contrariait. C’était à la fois désagréable et stimulant. Il ne se doutait pas d'être d'une sensibilité tactile et Æsma avait tendance à interagir de la sorte. Surtout avec lui. Une partie de lui aimerait le croire, mais il n'y avait pas d’exception à la règle.
Dans la famille, les hommes dominaient par leur nombre, Æsma était donc habituée, à être entouré de garçons dès son plus jeune âge. Bien qu'elle n'est conneu la tendresse qu’à travers son grand frère et son meilleur ami. Elle n'avait aucune conscience de l’impact et l'importance de ses gestes envers les personnes extérieur à ce petit cercle.
De la main, il ébouriffa les cheveux de sa camarade, profitant pour la pousser et gagner un nouvel espace.
— Je suis un peu déçu, dit-il. Je vais devoir me taper toutes les tâches ingrates, pendant que toi, tu vas te prélasser à la capital avec ces petits bourgeois. T'es une vraie petite veinarde.
— Traduction. Je vais te manquer, répondit-elle malicieuse.
Eren tira une mine faussement dégoûté.
— Je n'irais pas jusqu’à là, répondit-elle. Æsma se décala et tira sur quelques mèches de ses cheveux, afin de retrouver une coiffure convenable. Ils vont refuser à coup sûr. À mon avis, on va devoir très vite sortir nos cartes maîtresses. Enfin, maintenant que tu le dis. Ouais, j'suis une petite veinarde. Je ne vais plus voir la tronche de l'autre abruti. Je vais bien profiter de ces quelques jours…
— pour te rapprocher d’Hanji.
— Quoi ?!
— Tu es amoureuse d’Hanji, non ?
Æsma émit un son presque inaudible. Cette réponse criante de vérité la laissait pantoise. Elle ne s'était jamais confié à qui que ce soit sur le sujet. Ou que très brièvement avec Hitch.
— J’apprécie … J’admire … beaucoup… simplement le chef … depuis toute petite, bafouillait-elle rougissante.
La blondinette se redressa, se mordant l’intérieur de la joue. Elle était à la fois gênée et soulagée. Elle baissa la tête, presque honteuse face à ses sentiments.
— C’est si évident que ça ? Demanda-t-elle terrifié.
— C'est écrit sur ton front.
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Avant de partir à la base officielle, les deux soldaient passaient leur dernière soirée, contre l‘arbre. Æsma avait emprunté quelques livres avant de quitter à son domicile.
Cette fois-ci, l'histoire narrait l’histoire d’un géant - une légère similitude physique avec les Titans - qui s'était fait dévoré par trois frères. La créature était la source de toute création.
Très vite, Eren cessa d’écouter, un peu trop fasciné par les lèvres de sa camarade, qui se mouvaient à chaque syllabe. Refusant de louper une seule miette, il observa attentivement les contours de son visage. Æsma gardait encore de bonne joues, et son petit nez légèrement relevé, lui conférait un air espiègle. À l’inverse, ses grand yeux possédaient quelque chose d’innocent. La pleine lune révélait son côté sensible, qu'elle semblait bien dissimuler derrière son caractère bien trempé.
L’envoutement s’annula à l'arrivé d’Hanji et Livaï. Que faisaient-ils ici ? Eren et Æsma n’avaient pas vu le temps passé, qu’ils en restaient hébétés. Ce qui allait suivre n’allait rien arranger.
Æsma et Eren échangèrent à plusieurs reprises des regards. Les deux chefs d'escouades venaient d'offrir à leur subalternes, une veste en cuir marron. Excitée comme une puce, le soldat Traum s’empressait de l’enfiler. Le jeune Titan lui prit le temps de contempler le magnifique emblème cousu au dos du manteau.
Ne pouvant contenir sa joie plus longtemps, Æsma enroula son bras, autour de celui d'Eren pour le féliciter, exigeant de fêter ça.
De nouveau, les yeux du brun croisèrent ceux de la blondinette. Quelque chose semblait avoir changé, lui donnant l’illusion d’être un héros. Et pas n'importe lequel.