L'Ode à la liberté [Livre I]

Chapitre 29 : Vielles connaissances - Part III : Hécatombe

3022 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/04/2021 13:11

— Oh fait Hanji, quelle est donc cette piste dont tu voulais nous parler, demanda le taciturne - avachi sur le banc du chariot.

— Oui, je viens justement de finir de lire le rapport d’enquête faite par le Bataillon d’Exploration du le domaine Reiss. Il se concentre principalement sur un événement. Une chose qui s’est produite, il y a exactement cinq ans, arrive le jour de la chute du mur Maria. Pour résumer, souffla Zoe, Rhodes Reiss était un homme de bonne réputation, père de famille de cinq enfants. Son aînée, Frieda était très appréciée de tous. Lors d’une nuit, une tragédie frappe la famille. Des brigands mirent le feu à la chapelle du visage, réduisant le village en cendres. Hélas ce jour-là, la famille Reiss s’y trouvait pour prier. Ainsi toute la famille, à l’exception du père, y périt. Et pour couronner le tout, cet incident s'est produit quelques jours avant que la mère d’Historia ne se fasse assassiner. Rhodes Reiss avait fait des pieds et des mains pour la retrouver, avant de perdre sa famille. Je ne connais pas la raison, mais elle suscite énormément d’intérêt chez beaucoup de monde.

— Les liens du sang ? Peut-être recèle-t-il un secret ?

Le soldat Zoe secoua la tête, ne pouvant confirmer ou infirmer quoi que ce soit.

— Le plus curieux, la chapelle était entièrement détruite, alors qu’elle était faite de pierres. Sans parler de Rhodes Reiss qui est le seul à avoir vu ces soit-disant pillards. Et le point culminant, c’est qu'il a fait rebâtir directement une nouvelle chapelle sur son propre denier. Pourquoi ? Et le plus déroutant, c’est que des familles de la haute-société ont contribué à sa reconstruction, termina Hanji - jetant coup d’œil furtif à son élève.

Tuer ou être tué ? Tel est la question. Un dilemme cornélien sur la vie et la mort. Mourir par procuration ou vivre par résolution. Prise en otage dans ce couloir exigu, sans carrefour, il lui était impossible de voir une issue de secours d’un côté comme de l’autre.

Plus les explorateurs se rapprochaient de la chapelle, plus Æsma s’engloutissait dans les ténèbres.

Par inadvertance, elle entra en contact avec ces yeux incisifs forgés dans le plomb. Errant depuis son plus jeune âge dans le monde à l’envers, un ange exterminateur est venue frapper à sa porte, le guidant dans des chemins plus obscurs, l’abandonnant en milieu de partie. Æsma se sentis prise d’affection pour lui - du moins pour ce gamin qui survivait au jour le jour, baigné dans l’horreur depuis sa naissance.

Des liens étroits et insolites l’unissaient à ces deux Ackerman, si elle avait bien suivi la conversation. Quel était donc cet Éveil dont il évoquait paresseusement ? 

Sans s’en rendre compte, la blondinette se fondait dans cet élément mutagène, n’actualisant pas le processus d’alliage, entravant succinctement son ennemi - qui camoufla son trouble avec une maestria à toute épreuve.

  La tension était palpable lorsque la charrette s’arrêta à destination. 

Les jambes flageolantes, Æsma attendit que toute la troupe descende du char. Acculé, il était temps de faire un choix. Elle se mordit la lèvre inférieure, au point de fendre la chair. Le doute n’était plus permis, il fallait parfois se faire violence pour aller de l’avant. Une bonne claque sur les deux joues, d’un revers de main, elle s’essuya la bouche et rejoignit ses compagnons qui avançaient à la porte d’entrée.

L’intérieur de la chapelle se calfeutrait sinistrement dans un mutisme à faire glacer le sang. Par delà les vitraux teintés, les faisceaux de l’astre céleste dévoilait deux rangées de bancs en bois, parfaitement alignés sur toute la longueur de la paroisse, menant à l’autel dominée par les trois divinités protégeant ses fidèles à l’intérieur de ses murs.

À pas de loups, les soldats avancèrent jusqu’à la table de pierre , dominée par les trois grandes divinités protégeant leurs fidèles dans ce gigantesque foyer. Le passé, le présent et le futur représentés sous une splendide sculpture, façonnée dans le roc.

Les deux escouades se préparaient pour faire face à leur redoutable adversaire, terré sous l’édifice. Une fois passer par la trappe, les soldats longèrent ce long couloir froid et lugubre. L’ennemi se trouvait derrière cette grosse porte en bois fait de noyer. 

Les tonneaux préalablement fixés sur des roues -où des bonbonnes de gaz et des sacs remplis de poudre y étaient attachés - dévalèrent les escaliers. Le moment idéal pour faire une entrée grandiose.

Sasha armée d’une flèche enflammée, tira sur un des tonneaux, permettant à Mikasa et Livaï de passer à travers l’écran de fumée. Le reste de l’équipe envoya des fumigènes verts pour couvrir leur trace. 

Trente-cinq hommes armés se planquaient derrière ces innombrables piliers. 

Æsma inspira profondément. Le loup allait dévorer l’agneau, allant boire jusqu’à la dernière goûte de sang de ce dernier pour obtenir un pouvoir qui semblait lui revenir de droit. Lequel ? Pourquoi ? Pas le temps de se poser de questions. Eren - et Historia - devaient être sauvées. La blondinette laissa échapper toutes ses angoisses, tapa du pied et se déploya ses ailes aux côtés de ses camarades parés au combat.

N’ayant pas le temps d’admirer ce lieu obscurément fabuleux, où l’entièreté de la grotte se voyait recouvert d’un cristal bleuté et scintillant, rappelant les frimas hivernaux. Le petit chionis débusqua sa première proie et d’un battement d’aile trancha sa nuque. Le liquide vitale de sa première victime se blottit subtilement et caressa son doux plumage.

Brusquement pris de maux de tête, le volatile perdit l’équilibre peinant à reprendre son envol, réussit in-extremis à atterrir sur ses deux pattes après avoir agripper le piton sur le pilier d’en face, atterrissant sur un petit balcon. 

Putain, ce n’est vraiment pas le bon moment, pesta Æsma - une respiration saccadé ramenant tous les affres qui rongeait son esprit. La seconde qui suit, un autre condisciple se dévoila, braquant son arme sur elle. La balle quitta la chambre pour venir effleurer la poitrine de la demoiselle, qui se laissa engloutir dans la brume. Le chasseur ayant perdu sa proie se vit perdre ses deux bras, s’abattant sur le givre. 

Ce paysage translucide - où le bleu et rouge s’enlacèrent - l’écœurait, à tel point que si le temps avait été plus clément, elle aurait volontiers vomis toutes ses tripes.

Au décollage, la blondinette croisa la route de son mentor poursuivant une grande femme blonde, évitant somptueusement les deux coups porter. Proche de la mort, l’ennemie enclencha son filin, plantant son piton dans l’épaule gauche du chef d’escouade de recherche et l’envoya valser contre un pylône de diamant. 

Le sang se propageait dans ses veines, se diffusant hâtivement de l’aorte au cœur. L’épicarpe était à deux doigts de se fissurer. Les pulsations accélérées étaient à deux doigts de fissurer l’épicarpe, frappant sauvagement les murs de la prison.

Le soldat Traum jeta ses lames sur la criminelle, oubliant tous les beaux principes qu’elle s’évertuait à suivre à la lettre. Sans attendre de savoir si cette « salope » avait survécu ou non à l’attaque, la protégée d’Hanji dégaina de nouvelles lames, transperçant sa poitrine.

Æsma lâcha prise, plaquant ses mains sur sa tête, s’agenouillant, espérant estomper l’atroce douleur. Des images brouillées défilaient, ne pouvant entrevoir quoi que ce soit, étourdi par le paysage qui l’entourait.

Sa migraine cessa quand elle aperçut l’ombre d’un rapace brandissant sa lame pour faire dévier une balle. Elle croisa un bref instant son regard acéré, avant qu’il ne reprenne son envol, ne revenant quelques minutes plus tard après que l’ennemi ait décampé. Cela n’augurait rien de bon pour le Bataillon, qui ne pouvait pas avancer, bloqué par le filet qu’avait ingénieusement installé Kenny et ses sbires.

Livaï se planta derrière Æsma, un regard attentif. Voilà qu’elle dégobillait toutes ses tripes devant ses beaux yeux. Il faut une première fois à tout, pensa-t-il - flairant un problème encore équivoque.

— Ressaisis-toi, dit-il froidement - la tirant par le col pour la remettre sur pied. 

À peine prononça-t-il ces mots que la caverne s’illumina, aveuglant les soldats sur son passage.

— Eren, cria Mikasa.

Ils ne pouvaient pas rester planter ici, au risque de se faire écrabouiller par la caverne qui n’allait pas tenir sous les tremblements de terre. Ils ne pouvaient pas non plus s’enfuir, sans sauver Historia et Eren.

— Caporal ! Par la brèche, là, s’écria Armin - désignant une entrée au plafond.

— Armin, Moblit, emmener Hanji et Æsma avec vous et trouvez un moyen de sortir de ce trou, on se charge du reste !

 

 

Rebrousser chemin était long et fastidieux, mais la sortie était facile d’accès, malgré toute les secousses, faisant tanguer les explorateurs.

Une fois sortis de la chapelle, ils s’éloignèrent aussi vite qu’ils pouvaient - avec un Hanji éveillé mais en très piteux état. À mesure qu’ils mettaient de la distance entre le bâtiment et eux, le sol se craquellait jusqu’à engloutir l’édifice.

En « sécurité » les soldats se laissèrent tomber à terre. Un peu de répit, aussi court soit-il, ne leur ferait pas de mal.

— Chef !

Affolée, Æsma rampa sur ses genoux jusqu’au blessé.

— Votre épaule !

Une main maculée de rouge se leva pour la stopper dans sa course. Nul besoin de s’inquiéter selon, en pointant du doigt un ennuie d’une autre envergure se profilait sous leurs yeux.

Bouche bée, les yeux grand ouverts, la blondinette observa le ver de terre aussi gigantesque, non, infiniment plus grand que le Colossal, se hisser à l’extérieur de la brèche et défiler sur le champ. D’ici, on pouvait sentir la chaleur ardente que son corps dégageait. Drôle de déviant que voilà, puisque celui-ci se dirigeait en direction du mur Sina. Du haut de son mètre soixante, elle n’était pas de taille à l’affronter et après leur défaite avec le Colossal, il ne valait mieux pas prendre de risque. Elle regarda ses collègues plongés dans une contemplation canonique.

Chacun reprenant ses esprits, les explorateurs se dirigeaient vers le gouffre, dans l’espoir de retrouver leurs camarades dans la cavité profonde et en ruine. 

Vagabondant aux alentours depuis une bonne trentaine de minute, une tête brune surgit d’une crevasse à quelques mètres plus loin de la grotte ouverte. Missa Patate les salua, avant de retourner à l’intérieur pour annoncer la bonne nouvelle à ses amis - tous vivants.

 

Ses muscles jusqu’à là dur comme un roc, se ramollissent à la première apparition d’Eren. Apaisée, Æsma se laissa enjôler par un moment fugace, secouant la tête pour chasser de son esprit des pensées peu convenables - surtout dans le cas présent.

Le Titan de Rhodes Reiss avait déjà pris de la distance. Fort heureusement pour eux, il n’était pas aussi rapide. Ils pouvaient encore le rattraper et trouver une solution pour l’éliminer avant qu’il n’arrive vers la civilisation.

Enfin, c’est ce qu’ils pensaient, mais après avoir croisé en chemin le Major, ce dernier ordonna à ses soldats de se diriger au district d’Orvund. C’est là-bas que le père d’Historia semblait se rendre.

En tout cas, il n’était aucunement difficile de perdre sa trace, laissant une traînée de feu sur son passage.

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District d’Orvund

 

Un bruit sourd résonna dans ses oreilles, tandis qu’elle fixait la scène le regard nébuleux. Un filet de sang calina son visage juvénile.

 

Le serviette posée sur le visage, Æsma persista à astiquer les taches de sang - disparu depuis fort longtemps - se remémorant son premier homicide. Elle se débarbouilla encore le visage avec l’eau froide du robinet, dans l’espoir d’effacer toute l’encre écarlate qui se répandait indéfectiblement sur sa peau. La blondinette en était à son cinquième coup d'essai et en vain. Elle sentait encore l’odeur de la mort émaner d’elle.

Le regard inexpressif, elle jeta un coup d’œil sur son propre reflet, s’habituant à la migraine qui durait depuis pas mal de jours. Derrière elle apparut le capitaine Livaï, se posant contre le pas de la porte, les bras croisés. Super, il ne manquait plus que lui pour égayer cette fabuleuse journée.

— On t’attends, s’exprima-t-il impassible.

Derrière lui, elle remarqua Delroy comprenant que le Major avait terminé de mettre son plan au point. Elle tourna la valve pour que l’eau cesse de couler et se joignit à eux, un regard emplit de haine envers son rival, un regard chaleureux envers son équipier.

Tout le long du chemin, elle se frotta la partie antérieure de sa tête, sous les yeux scrutateurs et discrets du petit homme, décidé à interroger - à l’occasion - le commandant lors d’un petit tête à tête.

 

Dans la salle de réunion, tout le Bataillon et les hauts-gradés de la Garnison d’Orvund étaient présents.

Le regard se posa aussitôt sur cette silhouette pas des plus corpulent, mais outrageusement bien bâtit, même sous ces vêtements amples. Ses yeux printaniers luisaient face à ces deux pierres précieuses, plus raffinées que jamais. Æsma se débarrassa d’une mèche rebelle, la déposant derrière son oreille, un sourire timide au lèvre avant de se ranger aux côtés de Delroy et Jean.

Le Major Erwin exposa son plan. Encore un programme périlleux, mais remettre en cause la stratégie de ce fin tacticien n’en valait pas la peine. Il savait anticiper, mieux que quiconque malgré ses maigres connaissances sur ce monde, comme la majorité de la population à l’intérieur des murs. Une mémoire affectée depuis plus d’un siècle et qui aurait pu être de nouveau altérée si un des Reiss avait mangé Eren. Un mystère seulement résolu à moitié.

 

Une fois les préparatifs terminés, le soleil entamait sa journée. Une ribambelle de canons étaient prêts à accueillir le Titan encore loin des viseurs. Une majeure partie disposés au sommet du mur, les autres à l’extérieur au pied du rempart. Encore quelques minutes et les boulets pourront s’envoler.

Une artillerie des plus dérisoires pour le centre du mur, aucunement apprêter pour ce genre d’événements. L’inégalité était plus forte que jamais à travers ces fallacieux remparts, navrant la demoiselle originaire de ces murs. Toujours pleines d’incertitudes, elle détourna les yeux en direction du Major. Il jouait gros, certifiant que la suite des évènements allait ouvrir un nombre incalculable de portes vers leur nouvel avenir. 


Le Titan Reiss au pied du mur s’éleva au pied du mur, dégageant de la vapeur bouillante, plus ardente que son grand frère de plus petite taille.

Signe pour le Bataillon de jouer carte sur table.

Comme ses compagnons, Æsma plongea le sceau dans le tonneau récupérant de l’eau et le déversa sur le haut de son crâne. Elle poussa un soupir d’air, pas mécontente de se rafraîchir.

Armin se mit en place derrière le tonneau - orné de d’explosif et d’un équipement tridimensionnel - attendant le signal. Une fois lancé, le garçon appuya sur les queues de détente, relâchant aussitôt son emprise pour, laissant le tonneau foncer droit sur la gauche du monstre.

La première partie se déroula avec succès, maintenant, c’était à Eren d’intervenir pour cette deuxième phase.

Envoûtée par le tableau animé par la grâce et la détermination de son ami transformé en Titan, Æsma commença à éprouver une certaine attirance pour celui-ci - mais autant que son porteur. Elle dévora le spectacle dans le plus grand des silences, lui rappelant sa toute première mésaventure avec son premier Titan. Cette fois-ci, ils étaient mieux préparés. Le mélange déflagrant de soufre, de salpêtre et de charbon de bois s’avérait plus efficace que du gaz comprimé, bien plus efficace que les prototypes du dernier raid. La fille Traum nota ces petits détails dans un coin de sa tête, réfléchissant à la fabrication de nouvelles armes.

Il était temps d’achever la dernière phase lorsque des débris de chair se baladaient dans le ciel. Ne cherchant pas à tout prix à savoir quel était le bon morceau, la blondinette découpa en tranche tout ce qui les bloque de viande proche du mètre dix, jusqu’à ce qu’une nouvelle explosion apparaît. Après quelques minutes dans le flou, il semblait que quelqu’un ait réussi à porter le coup de grâce, au vue des lambeaux de chair qui s'évaporaient dans la nature.

 


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