L'Ode à la liberté [Livre I]
Æsma se creusait les méninges tentant de se remémorer les récits de « L’histoire d’Eldia : entre mythe et réalité » cherchant à faire le lien avec les écritures de « L’Edda ». L’unique similitude qu’elle trouvait : les Géants qui s’apparentaient au Titans et encore… Les Jötnar constituaient aussi bien une menace pour les Dieux que les Hommes, mais n’avaient aucun secret pour eux. Plus ils s’approchaient de la vérité sur l’origine des Titans, plus le mystère les entouraient - celant des secrets bien plus obscurs sur leur passage. Si seulement, la capture du Titan Féminin lors de la cinquante-septième expédition n’avait pas échoué…
Ne pouvant rien faire de plus à l’heure actuelle, Traum rangea les documents et remercia les soldats, quittant les lieux - les secondant quelques minutes après.
Ah et pourquoi ces fossiles traînaient à la bibliothèque, s’interrogea la demoiselle perpétuellement dans l’élucubration, lorsqu’elle mit le nez dehors. Aucun livre ou document ne faisait référence à ces cailloux. Peut-être quand fouillant l’île de fond en comble comme le suggérait sa génitrice… Enfin, à part des livres d’histoires, de sciences, de faunes et de la flore pour la plupart peu pertinent et pourtant interdit, elle devait se contenter de ça présentement.
Une masse plus conséquente grouillait sur la grande place, condamnant Æsma à se laisser ensevelir par la vague de chair, si elle voulait atteindre la pharmacie.
Se faufilant bien tant que mal dans la marée, elle trouva enfin un rocher pour reprendre son souffle - bousculant par inadvertance un soldat. S’excusant dans un murmure, l’individu réajusta sa capuche pour dissimuler quelques mèches de cheveux sauvages et se volatilisa aussitôt dans la foule. Si leurs regards se sont croisés qu’une infime seconde, la voix familière suffisait à elle seule pour que la jeune fille se sente en danger - essayant de ne pas perdre des yeux la cible. Qui s’amuserait à suffoquer sous cette tonne de vêtement par ce temps ensoleillé ?
Perdant sa trace, elle suivit le chemin que le soldat avait emprunté, détectant à nouveau celui-ci vêtu de sa cape des Brigades Spéciales. Le mieux à faire était de suivre en toute discrétion, gardant une distance respectable pour ne pas se faire repérer. Sa mère, Xaver, maintenant elle ? Pourquoi l’avoir envoyé ? Ils n'ont vraiment pas froid aux yeux… Et si c’était un piège ? Étrange… Elle ne se dirige pas vers les sous-sols, se disait Æsma - maintenant en mission d’infiltration.
À force de se perdre dans ses réflexions, elle perdit de nouveau sa cible et se trouva dans cul-de-sac en bifurquant hasardèrent dans la ruelle suivante. Vu l’état des fenêtres et des portes, ces bâtiments devaient être abandonné depuis belle lurette.
Super… marmonnait-elle.
La personne qu’elle poursuivait, sortie de son terrier et se précipita sur elle, un coup de pied dans l’abdomen, obligeant Æsma à atterrir sur la vieille porte en bois - cédant facilement sous son poids. Par réflexe et surtout de justesse, elle attrapa le soldat par le col pour l’emporter dans chute, dévalant ensemble les escaliers d’un vieux sous-sol humide.
L’ennemie retomba sur ses deux pattes, tel un félin et envoya un coup de patte circulaire dans les côtes de la blondinette. Reculant pour se protéger des griffes de son adversaire, l’exploratrice se protégea le visage, essayant au mieux d’esquiver les nouvelles frappes - se prenant malgré tout un hammer-kick, suivit d’une balayette.
— Bon sang, toussota Æsma - laissant une flasque écarlate tombée au sol. J’étais loin de me douter que tu savais te battre.
— J’ai une bonne mémoire visuelle. Bordel, qu’est-ce que tu fou là ?!
— Je peux te poser la même question. Comment as-tu réussi à t’évader ? Reiner et Bertolt sont à ta recherche non ? Et Historia, elle sait que tu es ici ?
La jeune femme dévoila enfin son visage, mais demeurait silencieuse.
— Putain Ymir, dis moi ce que tu fais là, alors que ça fait plusieurs mois que tu as fui avec ses deux connards !
— Si seulement tu me fais sortir d’ici et m’emmènes au point de rendez-vous.
— Ton point de rendez-vous ? Tu veux dire que Reiner et Bertolt ne sont pas loin ?!
— Tu le sauras seulement si tu m’aides.
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Quittant la boutique de prêt-à-porter, l’exploratrice n’en revenait toujours pas. C’était d’une facilité déconcertante de se procurer de faux papiers malgré les changements de loi. À croire que les murs recelaient plus d’ennemi qu’elle ne laissait paraître… Maintenant, qu’elle avait modifié l’apparence d’Ymir, les filles pouvaient déambuler en toute tranquillité.
— J’ai ouï dire qu’Annie se cachait dans ce district.
Silencieuse, la blonde attendit que la rouquine dévoile le fond de sa pensée.
— Armin. Ce jour-là, Armin a dit qu’ils torturaient Annie dans les sous-sols d’Utopia.
— Tu es donc là en repérage pour confirmer ou réfuter ses propos.
— Possible.
— Et si je te dévoile son emplacement, tu m’en dis un peu plus ?
Ymir haussa les épaules, étudiant sa demande de négociation. Il n'y avait que ça qui fonctionnait avec elle. Cette fille était pire que le caporal Livaï ou le Major Erwin pour ce qui était de cacher ce qu’elle pensait vraiment. Ce genre de comportement avait le don de sérieusement irrité la demoiselle en quête de réponses.
— Je marche, finit par répondre son interlocutrice.
Rebroussant chemin, Æsma ne se voyait pas repartir dans une démarche administrative en retournant dans les geôles. Elle devait à tout prix trouver un prétexte pour y retourner sans élever de soupçons, surtout en emmenant « un inconnu » - parce que oui, Ymir était devenu Loge Wagner. Un cousin de la jeune fille, suivant les traces des Inocencio.
Le seul motif qu’elle trouva plausible pour retourner dans la cellule : Un papier du Major Erwin qu’elle avait oublié de donner au Commandant Dorke. Néanmoins, les soldats de cet après-midi s’en foutaient allègrement - ces moins-que-rien déjà saoule ne voulaient pas se prendre la tête et laissèrent les deux soldats passer.
Rien d’étonnant quand Æsma remarqua l’absence des militaires dans la cellule. Vraiment des tirs au flanc, pensait-elle - or, ce n’était pas le moment de se plaindre, cela arrangeait bien ses affaires et celles d’Ymir.
— Alors c'est donc vrai. Cette pétasse s’est cristallisée. Hmm, solide comme jamais. Hé Annie, tu m’entends ? c’est Ymir !
— Elle ne va pas te répondre… On ne sait même pas comment briser ce machin. À moins que tu connaisses la solution.
— J’aimerais bien me vanter, mais malheureusement mes connaissances sur les Titans restent encore limitées. Je n’ai pas accès à tous les souvenirs de mes prédécesseurs. Et Sieg ne m’accorde pas autant de confiance que Reiner et Bertolt.
— Sieg ?
— Sieg.
— C’est qui ?
— Ça c'est un secret.
— Tu vas au moins me dire pourquoi tu voulais absolument t'assurer qu’Annie soit vivante.
— Après. J’ai encore envie d’admirer la vue. C'est incroyable quand même. Je ne me serais jamais douté qu’ils étaient de mèche tous les trois. Plus solitaire qu’elle, tu meurs, toujours seule dans son coin. À part ces deux clampins de Thomas et Mihna qui mangeaient à sa table… Tu auras quand même foutu une sacré merde Annie. À cause de toi, je ne peux plus être au côté d’Historia. Je suis obligée de rester au côté de l’autre abruti de Reiner qui me surveille sans cesse. Bertolt aussi tu me dira. Un grand romantique d’ailleurs. Tu savais qu’il était amoureux de toi ?
Levant les yeux au ciel, Æsma se planta au côté d’Ymir pour observer la belle au bois dormant, ressentant énormément d’animosité à son égard. Si elle épargnait le fait qu’elle avait tué énormément d’explorateurs et ce citoyens, prisonnière et cachée de tous, Annie Leonhart accaparait de temps à autre les rêves d’Eren.
— Je me demande s’il est au courant.
— Qui ça ?
Un sourire énigmatique aux lèvres, Ymir échevela son ancienne collègue.
— Comment ça se fait que tu sois ici toute seule. Où sont les autres ?
— Ailleurs. Si tu t’étais mieux renseignée, tu saurais que Christa reprit son identité et est maintenant reine de ses murs. Depuis votre fuite, il s’est passé énormément de choses…
— Je sais déjà tout ça. Enfin, je sais ce que l’autre veut bien nous donner comme information. J’en saurais davantage quand je retrouverais Sieg.
— Tu insinues qu’il y a un espion dans l’enceinte de nos murs. Un autre Titan intelligent peut-être ?
— Non, cette personne est loin d’être notre allié. Et je comprends justement maintenant qu'ils cherchent un terrain d’entente avant que le Bataillon parte à la reconquête de Maria.
— Des négociations ? Pourquoi faire ? S’enquit Æsma - plus inquiète que jamais.
— Emmène moi à cette adresse et je t’assure que tu apprendras ce que tu as envie de savoir, répondit l’autre - tendant un bout de papier, un sourire machiavélique dévoilant de charmante pommettes tacheté.
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La rouquine délia enfin sa langue et débuta son récit, pendant le trajet. Ymir venait du monde extérieur, confirmant une des folles théories d’Hanji sur la nature des Titans.
Un peu plus de soixante ans de cela, Ymir avait été accueillie par un homme d’église. Elle fut présentée comme l’une des descendante de la famille royale - alors qu’elle n’était qu’une simple enfant et médiante. Les soldats Mahr qui avaient eu vent de l’histoire, ne tardèrent pas à les arrêter et les amenés sur l’île, leur injectant le Sérum Titanesque.
Alors qu’elle n’était qu’un Titan Pur, elle rencontra la route de Reiner, Bertolt et Annie, ainsi qu'un de leurs amis - l’ancien détenteur du Titan Mâchoire, qu’elle dévora. Ainsi, elle obtint ses pouvoirs et retrouva sa forme humaine et une vie. C’est en volant et espionnant qu’elle avait eu vent de l’existence d’Historia, la poussant à s’enrôler dans l’armée.
Æsma ne savait plus où donner de la tête. Entre ça, la caverne des Reiss, la bibliothèque, plus rien ne devait l’étonner.
— Donc, si je résume, on t’a envoyé ici pour s’assurer qu’Annie est encore vivante et selon dans l’état que tu la trouves, ils comptent nous attaquer d’ici peu de temps pour la récupérer. Qu’est-ce qui se passerait si on l’avait tué à temps ?
— Ça aurait été plus compliqué. Dès qu’un détenteur d’un des neufs Titans Primordiaux meurt avant d’être dévoré, il est impossible de récupérer son pouvoir. Sieg m’a dit que le pouvoir s’installait directement chez un nouveau-né, et c’est plus compliqué à retrouver sa trace.
— Sauf si Eren avait décidé de la bouffer.
— Vraiment ? Ricana discrètement Ymir. Celui-là alors…
— Ymir, il faut que tu convainques ce Sieg de ne pas nous attaquer. On n’est vraiment pas paré à cette éventualité. Du moins, on n'est pas suffisamment armé pour contre-attaquer. C’est trop tôt.
— T’es marrante toi, se moqua la rouquine. Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ?
Bonne question. Pas de réponse. Même elle n’en avait aucune idée. Æsma réalisa enfin quelque chose.
Traversant prudemment le ponton en bois, Æsma contemplait la nappe s’infiltrant dans la plaine cæruléum, indiquant le chemin à suivre sur le bas-côté droit. Sur la ligne d’arrivée du sol boisée, un volatile - les pattes appuyées sur le tronc coupé - se distinguait par la finesse de ses ailes, une poitrine bien bombante lui conférant ventre moins rebondi que ses congénères. Son plumage grisâtre contrastait avec sa poitrine blanche et ses rémiges beaucoup plus sombres. Il était bien différent des autres oiseaux, aussi bien par le physique que son attitude. Il ne fuyait pas quand les filles arrivaient à sa hauteur, se contentant de les fixer. Contemplant la calotte incroyablement noir de ce dernier, la blondinette tenta une approche en tendant sa main vers l’ovipare immobile - acceptant de se faire caresser sur un moment de courte durée, procurant une sensation indéchiffrable intense, se sentant connectée par cet animal pourvu d’aile goûtant chaque jour à la liberté. Ce dernier prit son envol à l’approche d’Ymir commençant à s'impatienter.
Descendant la pente assez raide pour leurs jambes, l’exploratrice loupa de lever plus haut le pied droit, s’emboutissant contre une racine enfoui dans un tas de feuille et aux branches d’un arbre cinq pas plus bas, sous les moqueries d’Ymir. Elle inspira et expira bruyamment montrant son agacement et dévala la côte avec la hâte d’en finir.
Longeant la rivière, Traum se questionnait sur l’endroit, suivant seulement son instinct et son intuition pour le lieu de rendez-vous. Non, elle ne faisait que suivre Ymir depuis le début. Implorant silencieusement pour que cela ne soit pas une embuscade, elle laissa la rouquine prendre les devant, maintenant une distance pour pouvoir passer se sauver.
Le cours d’eau disparaissait quand les filles pénétrèrent dans la pépinière dévoilant des arbres étalant sur leurs branches une denrée rare à la forme oblongue et ventrue à sa base. Cueillant l’un de ses doux fruits vert partiellement rouge sur un sommet de sa surface, Ymir croqua dans celui-ci pour goûter le jus sucré
— Bordel que c’est bon de manger une poire, s’extasia-t-elle.
— Vraiment ? Tu penses vraiment que c’est le moment de manger ?!
— Miss patate te dirait que si.
— Mais tu n’es pas Miss Patate. Allons y, maugréa l’autre demoiselle - veillant à ne pas tourner le dos à son ennemi.
Évoquer Sasha, obligeait Æsma à s’interroger sur la réaction de ses camarades s’ils venaient à apprendre l’existence d’autres peuples dans le monde entier - continuant à vivre comme « paisiblement » sans craindre de se faire manger par un Titan, puisqu’un peuple s’occupait personnellement de les envoyer sur l’île. Ce n'était qu’une partie visible de l’iceberg, il y avait encore plein de choses à voir sur la surface avant de regarder dans l’abysse… Rien ne tournait vraiment rond dans cet univers sauvage et impitoyable, toujours à répondre avec sadisme et cruauté. Rien de tel pour démoraliser la jeune fille.
Le chemin se terminait enfin grâce à une petite clairière abritant une cabane en bois.
La blonde regrettait de rien n’avoir pris sous la main pour contre-attaquer, subitement oppressée par ce qui se trouvait à l’intérieur, réalisant que sa soif de curiosité lui avait retiré tout once de logique, la poussant à commettre - comme toujours - des stupidité sans nom.
Dans la bicoque s’apparentant à une salle de séjour, se voyait jouir d'une cheminée, d’une petite cuisine et d'une grande étagère avec divers vivres pour survivre aux grands hivers. Cette même pièce possédait un canapé face à l’âtre, d'un bureau au fond de la pièce avec un lit. Au centre de cette cahute, se trouvaient une table et ses habitants aux airs très familiers : Une fleur aux pétales brunes lui lançant ses épines venimeuses et assis en face d'elle un animal sauvage à la robe blonde portant ces deux loupes pour mieux repérer sa proie.