Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 63 : Les Princesses de Cœur (Kairi)

11755 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/04/2023 14:20

La pluie me réveilla.

Non pas une pluie désagréable, mais une véritable marée de fraîcheur. Un peu comme si j’avais marché dans un désert des jours durant avant de tomber sur un oasis.

L’eau ruisselait sur moi, réveillant chaque pore de ma peau, et mon esprit par la même occasion. Peu à peu, je repris conscience de mes sens et de mon environnement.

Je regardai mes mains. Comme le reste de mon corps, ils n’étaient pas en pierre ! Il n’y avait plus aucun Druun à l’horizon, juste le soleil bien haut dans le ciel, qui m’éblouissait de sa lumière.

Quelqu’un toussa à mes côtés.

-         On dirait que ça a marché, fit Riku.

Je le pris aussitôt dans mes bras.

-         Et très bien marché !

-         Tu vas bien ? lui demandai-je sans desserrer mon étreinte.

-         Après cette douche improvisée ? Beaucoup mieux.

-         Yahoooooo ! Le pouvoir de la confiance, les gars !

Boun, en pleine forme, dansait de joie, aux côtés d’un Donald d’excellente humeur.

-         Bien joué, Raya et Namaari ! Scandait-il.

Ces dernières se regardaient en souriant, riant presque, de soulagement. Leur dispute, leur rancœur, leur haine l’une envers l’autre n’était plus qu’un lointain souvenir. De mon point de vue, elles ressemblaient juste à deux amies se retrouvant après une longue absence. Cela me fit vraiment chaud au cœur de les voir ainsi.

-         Ça va aller ?

Maxwell, bien réveillé, aida Lydia à se mettre debout.

-         Oui, répondit-elle, sortie de son inconscience, l’air un peu plus en forme. Que s’est-il passé ?

-         Je t’expliquerai plus tard. Retiens juste que tout va bien maintenant ; c’est le principal.

-         Eh, fit le capitaine, tu danses plutôt bien pour un canard boiteux !

Donald piqua une crise. Il était si facile de l’énerver !

-         Couac ?! Tu vas voir ce qu’il sait faire le canard boiteux, grommela-t-il en laissant surgir son sceptre.

-         Donald, dit Maxwell avec inquiétude, tu ne vas quand même pas lui lancer un sort ?

Le canard le regarda. Il n’avait pas l’intention d’attaquer Boun, mais son bec se tordit en un sourire malicieux.

-         Merci du conseil, Maxwell.

-         Quoi ? Mais je…

Boun écarquilla les yeux.

-         Tu ne vas quand même pas…

Le canard s’élança à ses trousses, sceptre bien en l’air, en lançant de fausses incantations. Boun n’eut d’autres choix que de fuir tantôt en courant tout autour de nous, tantôt en se cachant derrière Raya ou moi. « C’est pas du jeu ! » lançait-il à son poursuivant qui, pour toute réponse, rétorquait : « Ne bouge pas. Je ne suis qu’un canard boiteux après tout, pas vrai ? ».

Ce cirque eut pour effet d’amuser la galerie, y compris Tong, Noi et les singes, qui riaient aux éclats, comme nous autres. Des rires d’amusement, certes, mais surtout des rires de joie, sachant le monde épargné et enfin en sécurité.

-         Bon, les amis. (Les yeux se tournèrent vers Raya, pendant qu’elle fixait le ciel.) Et si on allait voir comment se porte le monde ?

 

 

Peu après, à la sortie du trou où nous étions tombés, la première âme que nous rencontrâmes fut Tuk Tuk, l’énorme animal à carapace de Raya, qui lui lécha goulûment le visage. Autour de nous, des gens qui retrouvaient les leurs, des parents qui retrouvaient leurs enfants, sans aucune statue de pierre ni autre Druun à l’horizon. Des élans de joie et de soulagement s’élevaient parmi les décombres du village qui fut autrefois le plus prospère du pays. Pays qui n’avait plus rien d’asséché, avec cette pluie salvatrice qui continuaient d’arroser abondamment le sol, ramenant à la vie la terre, de même que les disparus, dévorés par le fléau. Comme si ce tableau ne débordait pas suffisamment de joie, le clou du spectacle lui-même nous vînt des cieux. Des dragons, non pas un ou deux, mais une véritable marée d’entre eux, surgirent de derrière une cascade où l’eau recommençait à couler. Ils étaient tous différents. Tous bienveillants. Tous magnifiques. La plupart d’entre gambadaient gaiement dans les airs avec les leurs, profitant de leur magie pour se jouer des lois de la gravité, tandis que d’autres venaient au contact des humains ; comme si les cinq cents dernières années n'avaient jamais eu lieu.

-         C’est incroyable ! Ne pouvais-je m’empêcher de m’extasier.

Les autres, bien qu’ils fussent silencieux, arboraient une expression disant qu’ils pensaient la même chose. Comment aurait-il pu en être autrement, après tout ?

Un grand nombre de dragon décida de passer au-dessus de nous et de se diriger au milieu d’une mer ressuscitée. Puis, d’une même volonté, ils utilisèrent la lumière laissée par leur traversée céleste pour dessiner dans les airs un symbole qui m’était inconnu. Au milieu de ce dernier, quelque chose d’un bleu éclatant émergea de l’eau et s’éleva. En plissant les yeux, je vis qu’il s’agissait d’un genre d’animal, roulé en boule.

-         Les gars, commença Maxwell, cette chose, ce ne serait pas…

Raya courut la première, en direction de cet animal, non, ce dragon, à l’air si familier. Plus nous nous rapprochions, plus mon excitation grandissait. Notre course nous mena au beau milieu d’un champ, toujours sur l’île de Croc du Dragon, où le dragon nous rejoignit. Celui qui nous avait accueilli à bras ouvert depuis notre arrivée dans ce monde. Celui grâce à qui le monde a été sauvé.

-         SISU ! s’écria Raya, au bord des larmes, heureuse de retrouver notre amie autrefois perdue.

Pour toute réponse, Sisu lui envoya de l’eau à l’aide de sa queue. Riku et moi n’avons pas été épargné.

-         Et de deux, commenta l’argenté.

Raya et Sisu se regardèrent quelques instants.

-         J’ai... Très faim, déclara Sisu.

-         Si vous voulez, j’ai encore des fruits secs, proposa Raya sur un ton pince-sans-rire.

-         Je n’ai pas faim à ce point !

Les deux amies se jetèrent dans les bras l’une l’autre et profitèrent d’une longue étreinte. En me voyant, Sisu fit de même, serrant Raya et moi tendrement. Je fichais qu’elle soit mouillée, j’étais juste heureuse qu’elle soit là.

-         Contente de te savoir de retour.

Tong s’approcha et Noi sauta de ses mains pour rejoindre la crinière de Sisu et de l’embrasser aussi fort que le permettaient ses petits bras.

-         Ravi de sentir à nouveau votre glorieuse puanteur de dragon, déclara-t-il.

La mignonne petite Noi faillit tomber à terre mais Tong la réceptionna à temps.

-         Il va falloir revoir ta façon de complimenter les gens, commenta Maxwell.

-         C’était un compliment, confirma le guerrier.

-         Je vais le considérer comme tel alors, dit Sisu.

-         Comme tu veux. Enfin bref, bon retour parmi nous.

Maxwell avait tendu la main, pourtant le dragon prévoyait autre chose. En une fraction de seconde, Maxwell et Riku (qui était proche de lui) furent pris dans une étreinte surprise. Aucun des deux n’était d’humeur à repousser le dragon le plus sympa de tous les temps. Enfin, cela valait plus pour Maxwell, qui riait, que pour Riku, ce dernier se contentant simplement de sourire.

-         Comment tu te sens ? demanda timidement Lydia. Je veux dire, après ce qui s’est passée…

Lydia n’échappa pas non plus au câlin, ce qui la fit rosir ses joues.

-         Tout va bien, t’inquiètes, assura Sisu. Je suis la grande Sisudatu, pas vrai ?

La jeune fille dans ses bras lui répondit avec un beau sourire. Très vite, il ne resta plus qu’une dernière personne. Namaari un peu à l’écart, nous regardait sans oser approcher plus. Sans doute par crainte de se sentir de trop. Sisu plongea ses yeux dans ceux d’une Namaari hésitante, l’air coupable et, surtout, profondément désolée. Finalement, elle se décida et forma un cercle avec ses doigts, signe de respect mais Sisu s’en fichait. Le gentil dragon l’attrapa elle et le reste d’entre nous dans un grand câlin.

Je pouvais sentir le cœur de Sisu battre dans sa poitrine, dans un rythme qui, curieusement, se synchronisait avec le mien.

 

L’étape suivante fut de déposer chacun chez soi. Croc du Dragon étant le plus proche, Namaari rejoignit sa mère la première. Cette dernière salua Sisu avec le plus grand respect. Puis, cela fut au tour de Tong, d’être déposé à Dos, à l’aide des autres dragons. Malgré les ravages causés par nos précédents combats ici, les habitants s’attelaient déjà à la tâche de la reconstruction. À l’entrée du village, une femme tenant un bébé ressemblant curieusement au guerrier l’attendait, sourire aux lèvres.

À Griffe, Noi et le trio de singe s’excitèrent tellement que les dragons qui les portaient faillirent les lâcher un peu trop violemment. Un peu plus loin, une femme, inquiète, scrutait les environs. Lorsque son regard croisa celui de la petite, son visage s’éclaircit et elle courut la rejoindre.

Boun, ne voulant pas lâcher son bateau, avait préféré nous suivre par la mer. Quand le village de Queue du Dragon apparut à l’horizon, le lieu de notre rencontre avec Raya, Sisu et Boun, ce dernier donna un coup sur la coque de son navire, intimant à Sisu, qui l’aidait à avancer sous l’eau, d’accélérer.

Un groupe de cinq personnes l’attendaient sur le port.

-         Hé ! fit l’un d’entre eux. C’est Boun !

Sous les cris de joie des siens, il accéléra de plus belle.

Enfin, nous terminâmes notre voyage à Cœur du Dragon, le foyer de Raya. Les dragons nous déposèrent au pont reliant à l’entrée du village avant de repartir dans les cieux. Raya, qui avait choisi de chevaucher Tuk Tuk, descendit de sa monture, les yeux rivés sur quelque chose. Sans un mot, elle avança timidement, retirant son grand chapeau circulaire. Seul sur le pont, un homme à la peau bronzée comme Raya, ses cheveux noirs soyeux remontés chignon, ramassa un genre d’étendard, avant de tourner la tête. Ses yeux s’écarquillèrent :

-         Ma colombe ?

N’y tenant plus, le père et sa fille se précipitèrent dans les bras l’un de l’autre. Je ne voyais pas le visage de Raya de ma position, mais elle devait sans doute exprimer les mêmes sentiments que son ba : un profond soulagement accompagné de larmes de joie dues aux retrouvailles avec l’être aimé. Quelques tendres secondes plus tard, le chef de Cœur du Dragon nous aperçut, plus particulièrement Sisu, qui se détacha de nous, seule. Le père de Raya écarquilla les yeux devant la créature la plus célèbre du monde :

-         C’est… c’est vraiment elle ?

Raya hocha la tête en souriant. Immédiatement, il salua Sisu à la manière que le voulait la tradition de ce pays.

-         Chef Benja, dit le dragon, vous pouvez être fier de votre fille. Ne lui en voulez pas, elle a amené quelques amis.

Derrière nous, une multitude de personnes affluèrent des bois. En voyant qui était à leur tête, je compris qu’il s’agissait du peuple de l’ensemble des villages.

-         Comment est-ce qu’ils nous ont suivi ? s’étonna Maxwell.

-         On s’en fiche ! rétorqua Donald sur un ton d’où ne dénotait pas une trace de colère.

Namaari, Boun, Noi et Tong, chacun accompagné de leur peuple respectif, posèrent un genou à terre avant de saluer la grande Sisudatu, très vite imitée par le reste des villageois, comme une seule et même personne.

Raya… Sisu… Vous avez réussi !

-         Papa, déclara Raya, bienvenue à Kumandra.

Le père et la fille se sourirent mutuellement et, avec une joie palpable, laissèrent les villageois pénétrer dans l’enceinte du village de Cœur du Dragon, débutant ainsi l’unité tant attendue des peuples de ce monde.

 

Le village de Raya était magnifique. La dernière fois que nous étions venues, nous avons juste survolé celui-ci et du ciel, il était juste triste et vide, peuplé de statues. Là, c’était différent. Même si, à cause des évènements d’il y a six ans, il y avait plus de décombres que de maisons encore debout. Aux côtés des dragons, les humains aidaient à reconstruire le village, qu’ils en soient originaires ou non. « Après tout, ils viennent tous de Kumandra, pas vrai ? », commenta Riku. Le village vivait en harmonie avec la nature, un peu plus terre à terre que Croc du Dragon – je n’en avais vu que des ruines, mais c’est l’impression que le village me faisait – avec ces hautes tours. Là où Croc repoussait ses champs à l’extérieur, Cœur les accueillait en son sein.

-         Faites gaffe où vous mettez les pieds, conseilla Donald. Ce serait dommage de ruiner leurs plantations.

-         Personne n’a vécu ici pendant des années, objecta Maxwell. Je pense pas que ça change quoi que ce soit.

-         À part si tu as prévu de manger une tomate vieille de six ans, renchérit Riku.

-         Tiens, j’en vois une ! (Maxwell ramassa un fruit très suspect.) Tu veux goûter, Donald ?

L’expression du pauvre canard me fit éclater de rire, me faisant oublier les combats qui n’avaient eu lieu que quelques heures plus tôt. Lydia même esquissa un sourire que ne purent cacher ses cheveux.

Accompagnés de tous les amis que nous nous étions faits jusqu’ici, nous continuâmes le chemin en direction du palais royal, guidés par Raya.

Une fois devant, Boun laissa échapper un sifflement.

-         Eh bah ! fit-il. T’aurais pu me donner plus de jade lors de notre rencontre !

-         Compte là-dessus, rétorqua Raya en souriant.

La jeune femme ouvrit les portes du palais, découvrant un hall immense aux pierres vertes et motifs dorés. Il aurait pu être magnifique s’il n’avait pas été à moitié détruit.

-         Désolée pour euh, le désordre, s’excusa gauchement Raya.

Son père nous rejoint, ayant fini de parler aux habitants revenus à la vie.

-         On m’a proposé de l'aide pour réparer le palais.

-         Quel genre d’aide ? s'enquit sa fille.

Un groupe de dragons descendit des cieux en courant.

-         Bonjour, chef Benja, fit l’un d’eux après un signe de tête respectueux à Sisu. C’est quand vous voulez.

-         Facile à dire, Anggun, grommela celui à ses côtés dans un bâillement. J’ai encore sommeil, moi.

Le dénommé Anggun poussa un soupir d’agacement.

-         Ça fait cinq cents ans qu’on dort.

-         Et alors ? s’indigna son compère. Il me faut du temps pour récupérer.

-         Tu vois, Joko ? C’est pour ça que t’es toujours célibataire.

Anggun nous devança, suivi par les autres dragons qui gloussaient entre eux. Mais Joko n’avait pas lâché l’affaire.

-         Quoi ? Quel rapport avec... Reviens ! s’écria-t-il avant de le poursuivre.

Un silence gêné s’installa parmi nous.

-         Pour des créatures divines, observa Maxwell, elles ont un comportement très…

-         Humain ? suggérai-je.

-         Oui. Oui, c’est tout à fait ce que j’allais dire.

Le chef Benja parcourut chacun d’entre nous du regard, l’air sincèrement heureux de nous voir, bien que nous le rencontrâmes le jour même seulement.

-         Excusez-moi du retard, dit-il, mais je crois que nous n’avons pas été correctement présentés. Je m’appelle Benja, et je… dirige Cœur du Dragon.

-         C’est le chef, traduisit Raya avec fierté. Ou le roi, si vous préférez.

Le roi de gratta l’arrière du crâne, un peu gêné d’être présenté de la sorte.

-         Vous êtes aussi humble et respectable que ce que nous avait dit Raya, déclarai-je.

-         J’essaye de l’être, répondit-il.

Là-dessus, les présentations se firent et nous racontâmes au chef Benja les péripéties que nous avions vécues depuis notre arrivée dans ce monde (en passant sous silence notre origine réelle). J’appris au passage qu’avant de nous rencontrer nous et Boun, Raya avait réussi à réveiller Sisu des profondeurs d’une rivière après six ans de recherches et à récupérer la pierre de Queue du Dragon avant de se faire poursuivre par Croc.

À la fin de notre récit, le roi nous salua, mais il ne s’adressait plus seulement à Sisu.

-         Vaillants guerriers, dit-il, merci d’avoir pris soin de ma fille.

-         Elle n’est pas facile, assura Tong.

-         Du tout ! ajouta Boun.

Pour confirmer, Noi et les singes croisèrent les bras en secouant vigoureusement la tête. Raya eut un petit rire.

-         Oh, ça va !

Chef Benja rit à son tour de bon cœur.

-         D’ici quelques minutes, constata-t-il, les dragons devraient avoir fini.

-         Maintenant que j’y pense, dit Riku, c’est formidable que les dragons décident de vous aider. Et un peu surprenant.

Le père de Raya observa l’argenté, remarquant sans doute l’intelligence brillant dans ses iris cyan.

-         Je vois pourquoi tu penses cela. Comme ma colombe vous l’a dit : à l’époque, les dragons vivaient en harmonie avec les humains. Il arrivait que ces derniers interagissent et s’aident mutuellement.

-         Comment est-ce qu’un humain peut être utile à un être aussi puissant qu’un dragon ? demanda Riku.

-         Oh, fit Sisu. Tu n’as pas idée à quel point !

Anggun le dragon revint vers nous pour nous signaler que les chambres étaient réparées, même si le reste du palais restait encore à faire. Le roi invita Riku, Maxwell, Donald, Lydia et moi à y prendre place pour nous reposer. Les autres décidèrent de retourner auprès de leur famille.

-         Prenez votre temps, conseilla l’argenté avec bienveillance. Ce répit, on l’a mérité. Après, nous chercherons un moyen de partir.

Le reste du groupe acquiesça avant que chacun n’entre dans « sa » chambre. Sora, Riku et moi vivons sur une île, dans une maison classique, alors, pour nous, la définition d’une chambre ne ressemblait en rien ou presque à ce qui se présentait sous mes yeux. Il y avait un lit, là, je m’y retrouvais. Après, ça se gâtait : la chambre était plus grande que la totalité de ma maison, décorée de tapisseries vertes ornées de symboles d’or rappelant la cohabitation entre les humains et les dragons, sans oublier la végétation, semblant faire partie intégrante des meubles, avec ses fleurs si belles que Chai en serait jaloux. À l’autre bout de la pièce, une grande fenêtre révélait un panorama magnifique sur Cœur du Dragon et ses environs, sous la lumière du soleil matinal. En bref, la chambre en elle-même était luxueuse, sans aller dans la vanité, un peu à l’image du reste du village. N’ayant pas l’énergie d’admirer le paysage longtemps, je me dirigeai vers le lit avant de m’y écrouler ; assez grand pour deux personnes, je n’hésitai pas à prendre tout l’espace possible. Sans surprise, il ne me fallut que peu de temps pour m’endormir.

 

Quand j’ouvris les yeux, la lune était déjà haute dans le ciel, fournissant assez de rayons pour éclairer ma pièce sans avoir besoin de lanterne. N’ayant pas vraiment envie de rester dans la chambre, si confortable fut elle, je pris la décision de sortir du palais pour prendre l’air.

 

Le village de Cœur était encore très peuplé malgré l’heure ; certains dormaient à la belle étoile et d’autres discutaient encore avec des dragons ou d’autres humains. Plus personne ne travaillait, mais je fus heureuse de constater que la reconstruction du village avançait bien. Pas besoin de se presser ; maintenant que le Druun avait disparu, le temps ne leur manquait pas. Sur mon chemin, je croisai Raya, en pleine discussion détendue avec Namaari et Sisu, riant aux éclats toutes les trois. J’aurais bien voulu les rejoindre mais… mon cœur me dit qu’il valait mieux les laisser pour le moment. Plus loin, Benja organisait une réunion avec les autres chef de village, y compris la mère de Namaari, pour, semblait-il, décider du futur de Kumandra. Je ne voyais Tong, Boun et Noi nulle part, sans doute devait-il se reposer comme Riku et les autres. Au vu des récents événements, rien de plus normal.

Une brise légère caressait mon visage et jouait avec mes cheveux. Je pris plaisir à juste me balader, profitant de l’arôme sucré et frais de la flore qui m’entourait et saluant les habitants que je croisais.

« Une des sept Princesse de Cœur et une Gardienne de la Lumière. Pourtant si faible… »

Je m’arrêtai net. Le combat contre le dragon de flammes vertes me revint. Enfin, un moment en particulier. Encore une fois, j’avais été protégée. Si Maxwell n’avait pas été là…

-         Euh… Kairi ?

Je sursautai, non sans un petit cri. Je dis volte-face et tombai nez-à-nez avec Lydia.

-         Tu m’as fait peur !

Elle détourna le regard, l’air désolée, et reprit d’une petite voix.

-         Pardon… ce n’était pas mon intention.

-         Aucun problème, m’empressai-je de la rassurer. C’est juste que… Attends. Depuis combien de temps est-ce que tu es derrière moi ?

-         Depuis… ton départ du palais.

En voyant mon expression, elle ajouta :

-         Je t’ai appelé plusieurs fois, mais tu ne m’as pas entendu. Alors j’ai attendu le meilleur moment pour ne pas trop te déranger.

-         Donc ça fait plus de dix minutes que tu attends ?

Mon amie hocha la tête.

-         Lydia… Ce n’était pas la peine de te donner tant de mal. Je ne mords pas, tu sais !

Elle hocha une nouvelle fois la tête, signe qu’elle avait compris.

J’imagine que c’est sa façon d’être. N’empêche, pourquoi est-elle aussi timide ? Je ne pense pas être si effrayante…

Je me promis intérieurement de l’aider à ce sujet quand nous serions plus proches. Si elle en a envie, bien sûr.

-         Comment te sens-tu ? Lui demandai-je. Après tout ça ?

En quelques jours, elle avait survécu à une attaque de son monde par les Sans-Cœurs, avait été forcée de le quitter le temps de trouver une solution, affronté Maléfique et des alliés avec nous, combattu aux Enfers avant d’être séparée de son ami. Et ça, sans même parler de tout ce qui s’était passé ici. N’importe qui aurait craqué, mais pas elle :

-         Je crois que ça va, répondit-elle. Ma tante Lysanna et Thomas me manquent, c’est sûr, mais je ne peux pas… je ne peux pas m’apitoyer sur mon sort.

Je la regardai. Elle avait encore peur, peur par rapport à ce qui nous attendait au bout de notre voyage, peur d’échouer à sauver les siens. Pourtant, elle faisait son maximum pour le cacher. Avec un sourire, je lui dis :

-         Belle parole, Lydia. Tu es bien plus forte que tu ne le penses.

À mon compliment, la jeune fille s’empourpra.

-         Je… J’essaye.

Plus loin, Raya et Namaari s’entraînaient ensemble à mains nues. Malgré leurs coups qui semblaient assez violents, elles n’essayaient pas de s’entretuer. Elles s’amusaient, même. Lydia les observaient intensément.

-         Tu admires vraiment Raya, n’est-ce pas ?

-         Oui, admit-elle. Elle a été capable de surmonter sa méfiance des autres alors que son passé ne l’y aidait pas. À tel point qu’elle a été capable de sauver le monde. Et cette façon de se battre… Incroyable. En plus, elle est très gentille.

-         C’est vrai. À la voir maintenant, elle dégage l’aura d’une véritable princesse.

Lydia écarquilla son œil visible, comme si elle se souvenait de quelque chose.

-         Ça me revient ! Kairi, c’est quoi une « Princesse de Cœur » ?

Surprise par sa question, je lui demandai pourquoi est-ce qu’elle me la posait maintenant.

-         Au château du roi Mickey, le Numéro III t’avait présentée comme Princesse de Cœur et dit que tu étais importante. Je m’en suis souvenu lorsque Raya a dit que Benja était roi, en quelque sorte, ce qui fait d’elle la princesse de Cœur du Dragon. Mais j’imagine que ce n’est pas la même chose.

-         Et tu as raison, confirmai-je avant de regarder le ciel.

Je n’avais raconté cette histoire de Princesse à personne ; je n’en avais jamais eu besoin. Maintenant que j’étais sur le point d’en parler, cela me faisait un drôle d’effet.

-         Eh bien, pour te répondre, il faut remonter loin dans le passé. Bien des siècles plus tôt… quand les mondes n’en formaient encore qu’un seul.

Je voyais bien que ma dernière phrase l’avait choquée, mais Lydia garda le silence.

-         Oui, les mondes n’ont pas toujours été séparés. La raison de cette division ressemble à celle de Kumandra. Tu vois, il y a longtemps, les gens vivaient en paix, bercés par la douce chaleur de la Lumière. Tout le monde L’aimait et La chérissait. Et malheureusement…

-         Ils se battirent pour elle, devina Lydia. Comme ce monde avec la pierre de Sisu.

-         Exact. Les gens voulaient La garder pour eux-mêmes. C’est là… que les Ténèbres naquirent dans leurs cœurs.

L’air devint étrangement plus froid. Un frisson me parcourut l’échine.

-         Les Ténèbres se propagèrent, dévorant la Lumière de même que le cœur de beaucoup de monde. L’Obscurité recouvrit tout et le Monde Unique disparut.

-         Comment est-ce que ces Ténèbres ont disparu, alors ?

-         Eh bien, des petits fragments de Lumière avaient survécu dans le cœur des enfants. Dans le cœur de sept enfants, les seuls au monde à posséder un cœur pur, totalement dénué de Ténèbres. À l’aide de cette Lumière, ces enfants purent reconstruire le monde. Mais il était bien différent de l’ancien, se composant de morceaux de celui-ci. Comme tu l’auras deviné, le nouveau monde dont je parle, est celui dans lequel nous vivons actuellement.

-         Ces enfants n’ont pas fait le choix de le faire comme avant ?

Je secouai la tête.

-         C’est plus compliqué que ça, expliquai-je. La Véritable Lumière repose encore au plus profond des Ténèbres, c’est la raison pour laquelle le Royaume de la Lumière est encore brisé en morceaux, chacun formant un monde.

À la fin de mon récit, Lydia resta silencieuse. Dans l’obscurité, ses cheveux blonds semblaient presque briller.

-         Donc… ces enfants, seraient les Princesses de Cœur.

-         Nos prédécesseurs, oui.

-         Ce sont forcément des femmes ?

Je marquai une pause.

-         Bon sang, Lydia, je ne me suis jamais posé la question ! Tout ce que je sais, c’est que, pour ma génération de Princesses, c’est le cas.

-         Ah bon ? Tu les as déjà rencontrées ? Qui sont-elles ? demanda Lydia avec un enthousiasme que je ne lui connaissais pas.

-         Oui, il y a deux ans… (Je préférais taire les conditions de notre rencontre, parce qu’elles n’étaient pas très joyeuses.) Elles s’appellent Cendrillon, Jasmine, Blanche-Neige, Aurore, Belle et la plus jeune, Alice.

-         Comme c’était ? D’être avec des personnes au cœur pur, comme toi ?

-         Assez particulier, et très rassurant, lui répondis-je. Tout le monde veillait les unes sur les autres, malgré nos origines bien différentes, avec une bienveillance sans égal. C’était comme avoir six sœurs, sans les querelles. Je ressentais… Je ressentais un puissant lien entre nos cœurs, reliés comme les mailles d’une chaîne. (Je posai une main sur ma poitrine.) Quand je me trouvais à leur côtés, je savais qu’elles étaient comme moi. D’ailleurs, je ne les ai plus vues depuis un moment. J’espère qu’elles vont bien…

Mon amie resta silencieuse, m’observant avec attention. Puis, son regard se perdit dans les étoiles.

-         La capacité de tout reconstruire, dit-elle, la lumière la plus pure qui soit, une véritable importance dans ce monde… Décidément, être une Princesse de Cœur semble tellement agréable…

Je ne répondis pas ; Lydia avait l’air si sûre dans ses propos que je n’osai pas la contredire.

Soudain, Lydia s’étira longuement.

-         Je vais retourner me coucher, déclara-t-elle avant de me sourire. Merci pour la discussion, Kairi.

-         Merci à toi, lui répondis-je. La prochaine fois, essaie de parler plus fort si tu m’appelles, d’accord ?

-         D’accord. Oh, et une dernière chose.

Elle commença à jouer avec ses cheveux, nerveuse.

-         Tu as dit plus tôt que j’admirais Raya. C’est vrai, elle est forte et extrêmement gentille quand on la connaît un peu. Tu possèdes aussi ces qualités, Kairi. C’est pourquoi… (Elle me regarda droit dans les yeux, chose assez rare chez elle.) C’est pourquoi la Princesse de Cœur du Dragon n’est pas la seule personne que j’admire.

C’est sur ses mots que Lydia s’en alla précipitamment, sans me laisser le temps de réagir. Le vent soufflait toujours de sa brise habituelle ; il n’était plus glacé comme tout à l’heure, mais d’une agréable chaleur. Ou alors peut-être était-ce mon imagination ? Je restai là, à regarder le ciel tout en pensant aux paroles de Lydia. La lune, continuant sa course dans le ciel, passa sur moi ses rayons, révélant sans doute un sourire béat à mes lèvres.

 

 

Le lendemain, nous nous réveillâmes à midi. Raya et Sisu vinrent nous chercher dans nos chambres déclarant que le repas était prêt et aussi que le chef Benja souhaitait nous parler.

-         Tu penses que c’est pour nous aider à partir ? demandai-je à Riku.

-         J’espère. De toute façon, ça ne peut pas nous faire de mal de l’écouter.

Une fois dans la salle à manger, après avoir salué tout le monde : Raya, Sisu, le chef Benja, Namaari et sa mère. Cette dernière nous remercia chaleureusement pour notre aide avec le dragon de feu. On nous servit à manger, cette sauce que nous avait fait découvrir Raya en suivant la recette de son père. Évidemment, c’était délicieux !

Une fois le ventre plein, le père de Raya nous expliqua :

-         D’après ma fille, vous venez… d’autres contrées, est-ce bien cela ?

Aucune parole ne fut échangée, mais tout le monde s’accorda pour laisser Riku parler.

-         Exact. Notre serions bien repartis nous-mêmes sans vous déranger d’avantage, mais notre moyen de transport a été détruit.

Namaari haussa un sourcil.

-         Et vous avez survécu ?

-         De justesse, avoua l’argenté. Quoi qu’il en soit, nous sommes coincés.

-         Peut-être pas, dit le chef Benja. Oh et puis, Riku, vous ne nous dérangez pas du tout. C’est le moins que nous puissions faire pour vous rendre la pareille.

-         Vous avez aidé à protéger un pays qui n’est pas le vôtre, intervint la cheffe Virana. Cela est plus qu'admirable.

Leur éloges nous touchèrent beaucoup.

-         Merci beaucoup, répondit simplement Riku.

Le père de Raya se tourna vers le seul dragon présent dans la pièce.

-         Grande Sisudatu, si vous voulez bien…

-         Compris !

Comme une flèche, elle détala par la porte. Namaari et sa mère échangèrent un regard. À en juger par leur expression…

-         Namaari, dame Virana, demandai-je, avez-vous quelque chose à nous dire ?

Après quelques instants, Namaari prit la parole et regarda Raya :

-         À propos de ce qu’il s’est passé il y a six ans…

La jeune femme l’arrêta gentiment.

-         Ce n’est pas la peine, dit-elle. Tu as rassemblé les pierres et accepté notre confiance. Ce faisant, tu as sauvé le monde. Avec nous. Je te l’ai déjà dit.

-         Oui, mais… Ce n’est pas tout.

Maxwell leva un sourcil.

-         Comment ça ?

Là, ce fut la mère de Namaari qui prit la relève :

-         Il y a quelques semaines, nous… nous avons eu de la visite. À Croc.

Les autres porteurs et moi ne fûmes pas surpris d’entendre ça.

-         Maléfique ? devina Donald.

Les deux hochèrent la tête.

-         Qui est-elle ? demanda le chef Benja.

-         Un problème, résuma Maxwell.

-         Comment est-ce que cette Maléfique a pu entrer à Croc sans permission ? demanda Raya.

-         Un genre de portail obscur s’est ouvert en pleine salle du trône, expliqua Namaari. Elle en est juste sorti. Évidemment, les gardes s’en sont pris à elle, mais elle les a vaincus aussi facilement que des mouches.

-         Nous pensions que cette sorcière s’emploierait à la destruction de Croc à elle seule, poursuivit Virana, or elle avait d’autres projets.

-         De quel genre ? demanda Donald.

La mère de Namaari eut un air profondément coupable.

-         En échange d’un pouvoir plus grand que tout ce que j’avais connu, un pouvoir capable de protéger les miens pour de bon, il fallait que je récupère la totalité des morceaux de la Pierre du Dragon.

-         Ce pouvoir, intervint Raya, ce serait celui de commander aux créatures de feu ?

Namaari hocha la tête.

-         Et pour ces Druuns verts ? demandai-je en proie à un souvenir soudain.

-         Non. Pour eux, nous n’y sommes pour rien.

Riku m’observa.

-         Tu te souviens de quelque chose ?

-         À Griffe, expliquai-je, les Druuns autour d’elle étaient de cette couleur. Et… on aurait dit qu’elle les contrôlait.

Le reste de mon auditoire écarquilla les yeux.

-         Contrôler un fléau ancestral ? s’étonna le chef Benja. Ce n’est pas possible !

-         Pourtant, c’est bien ce que j’ai vu. Elle n’avait aucune pierre, pourtant les Druuns ne lui faisaient rien.

Namaari ajouta :

-         Je ne sais pas si ça peut aider, mais à son arrivée, Maléfique prit la pierre de mère. Aussitôt, une lumière verte étrange s’en dégagea avant qu’elle ne reprenne sa teinte bleue habituelle.

Riku croisa les bras, en intense réflexion.

-         Une idée ? lui demanda Donald.

-         Oui, mais j’espère me tromper, dit-il sans conviction.

Soudain, Namaari parut se souvenir de quelque chose.

-         Si j’ai bien compris, Maléfique est votre ennemie ?

-         Exact, confirma Maxwell. Pourquoi ?

-         Dans ce cas, il faut que vous sachiez une chose.

Son expression s’assombrit. Mon cœur n’aimait pas ça.

-         Avant que le village ne soit détruit, j’ai vu votre ami. « Araen », je crois.

Araen ! Avec tout ce qui venait de se passer, je l’avais complètement oublié. Je me suis senti honteuse.

-         Est-ce qu’il va bien ? lui demandai-je aussitôt.

-         Très bien, assura la cheffe Virana. Sois en assurée.

J’aurais voulu pousser un soupir mais l’expression des deux femmes ne m’aidaient pas.

-         Où est-il ? demanda Maxwell. Maintenant que Kumandra est hors de danger, on pourrait aller le chercher.

-         La dernière fois qu’on l’a vu, se souvint Donald, c’était il y a deux ou trois jours, autour de Dos du Dragon. Il ne devrait pas être loin.

Je le pensais aussi. Pourtant, nous nous trompions lourdement, comme j’allais l’apprendre de Namaari :

-         C’est là, le problème. Il a rejoint la sorcière… et est parti à ses côtés.

Le silence s’installa parmi nous, le temps de digérer l’information. Pourtant, malgré ces quelques instants, nous avions toujours du mal à accepter ce que nous venions d’entendre.

Riku se leva si vite qu’il en fit tomber sa chaise.

-         Il a fait QUOI ?

Trahi ? Araen nous aurait… trahi ?

Ça ne pouvait pas être possible. Il ne s’entendait pas bien avec tout le monde, mais il avait survécu avec nous ! Ensemble, nous avions affronté Maléfique à Disneyville et aux Enfers. Comment est-ce qu’il aurait pu délibérément choisir de la rejoindre ? Lui qui se désignait comme un Grand Héros…

-         Cet idiot… Pourquoi est-ce qu’il a fait ça ?! s’exclama Donald.

Raya croisa mon regard. Elle m’avait prévenu. 

-         C’est ma faute, déclara-t-il. Si je ne l’avais pas affronté…

Maxwell observait attentivement la réaction de chacun d’entre nous à la nouvelle. Ne pouvant plus se résoudre à garder le silence, il déclara sur un ton parfaitement neutre :

-         Je ne pense pas qu’il nous ait vraiment trahi.

Les regards se tournèrent vers lui.

-         Comment ça ? lui demandai-je avec un regain d’espoir.

-         Riku nous a dit qu’Araen avait évoqué un ou une certaine « Nel » ? (Il s’adressa au concerné.) C’est bien ça ?

Riku, encore déboussolé, répondit avec un hochement de tête.

-         À mon avis, après sa défaite face à Riku, Maléfique a dû lui proposer de l’aider à retrouver Nel et Yuki, en échange d’un service. Araen était seul et blessé dans son amour-propre, alors il a accepté.

-         Sauf qu’elle l’utilise, intervint Riku avec colère. Rien de plus. À l’instant où elle n’aura plus besoin de lui, cette sorcière l’abandonnera.

-         Il faut qu’on fasse quelque chose ! déclarai-je. Il ne se rend pas compte de ce qu’il fait.

Donald me lança un regard triste.

-         Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse, Kairi ? Araen l’a rejoint de son plein gré !

-         Il ne veut plus nous voir, dit Lydia d’une petite voix. Araen a fait son choix.

Non… Ça ne pouvait pas être le cas. Je ne le connaissais que depuis peu mais, je sentais au plus profond de moi qu’il n’apprécie pas le fait d’être avec Maléfique. Il ne nous restait plus qu’une chose à faire :

-         Nous devons croire en lui.

Au vu de leur silence, je décidai de poursuivre, une main sur ma poitrine.

-         Tôt ou tard, son cœur lui fera reprendre raison. D’une façon ou d’une autre. Je sais… Je sais que quand le moment viendra où il aura le choix entre la Lumière et les Ténèbres, il fera le bon. L’attendre est la seule solution pour le moment.

J’avais dit cela avec une telle conviction que j’en fus surprise moi-même. Personne ne réagit, pourtant j’avais l’impression que mes paroles commençaient à faire leur effet. Maxwell sourit.

-         Kairi a raison, affirma-t-il.

-         Quand nous le reverrons, dit Riku avec fermeté, je l’aiderai à ouvrir les yeux. Hors de question que je laisse Maléfique manipuler un gamin à nouveau.

-         Nous te soutiendrons, dit Donald. Araen est pénible, très pénible même, mais il reste l’un des nôtres.

-         Son cœur, répéta Lydia. Si Kairi le dit…

Araen avait commis une erreur. Il ne le savait pas encore, mais la sorcière se servait juste de lui. Aucune chance qu’elle l’amène où Yuki et Nel se trouvent.

Si… Non. Quand nous le retrouverons, nous le sauverons !

Raya regarda chacun d’entre nous.

-         Vous vous êtes décidés, on dirait.

-         On dirait bien, acquiesça son père. Cela étant, le problème de votre transport n’est toujours pas réglé. Heureusement, dame Sisudatu ne devrait plus…

La porte s’ouvrit brutalement, laissant passer Sisu, accompagnée d’une dizaine de dragons inconnus.

-         J’ai amené quelques amis qui pourraient aider pour votre petit problème de, euh, locomotion.

-         Salut ! firent quelques-uns avec gentillesse.

L’un d’entre eux se détacha du groupe ; plus grand, d’une belle couleur argentée avec son immense corne, il était indéniablement le leader.

-         Bonjour, dit-il d’une voix mélodieuse. Mon nom est Ainur. (Son regard bleuté se posa sur chacun des porteurs.) D’après ce que Sisu m’a dit, vous venez de… très lointaines contrées, n’est-ce pas ?

-         Oui, acquiesçai-je. Mais nous ne pouvons pas vraiment…

-         Je comprends. Cela perturberait l’équilibre du monde. Voire bien plus.

Riku et moi échangeâmes un regard. Est-ce qu’il savait pour l’existence des autres mondes ? Ou était-ce seulement notre imagination ? Ainur sembla lire dans nos pensées.

-         Anciens comme nous sommes, nous avons vu… certaines choses. Et puis, ne vous inquiétez pas, nous assura-t-il. Nous ne sommes qu’une poignée à être au courant et nous savons aussi à quel point il est important que cela ne s’ébruite pas.

-         Eh, fit Sisu. De quoi tu parles, Ainur ?

L’un des autres dragons répondit à notre amie :

-         On t’expliquera plus tard, Sisu.

Pourtant, quelque chose me disait qu’ils ne lui expliqueraient rien du tout.

-         Merci à vous, dit Donald, un peu perdu.

-         Je vous en prie, répondit Ainur.

-         Maintenant que les présentations sont faites, allons à la crypte, il y aura plus de place, proposa le père de Raya.

Sur le chemin pour la crypte, Riku vînt accoster Lydia, à la grande surprise de cette dernière.

-         Au fait, pendant le combat contre ce Dragon-Druun…

-         Druunragon, corrigeai-je en forçant un peu, sentant que Lydia n’était pas trop à l’aise avec l’argenté.

-         « Druunragon » ? Pourq… Oh. Pas mal.

-         Merci beaucoup.

-         Bref, cette véritable tempête que tu as provoquée était surpuissante, mais manquait de contrôle.

-         Oui… admit-elle d’une petite voix. Je ne suis qu’une incapable.

-         Une incapable ne peut pas lever un vent aussi fort, objecta Riku. Ni même manier la Keyblade.

Lydia regarda ses mains, puis commença à jouer avec ses cheveux.

-         Tu as un très grand potentiel, je peux le sentir, continua Riku. Ton seul problème, c’est le manque de maîtrise. C’est pourquoi, (Il lui sourit en lui tendant la main.) dès que nous aurons du temps, je t’aiderai à t’entraîner. Enfin, si tu veux bien.

La blonde mit quelques secondes avant d’assimiler les paroles de Riku. Enfin, elle répondit timidement à sa main tendue.

-         M… Merci beaucoup.

-         Compte aussi sur moi, ajoutai-je. Je ne vais pas laisser l’argenté faire le boulot tout seul !

Maxwell, silencieux jusque-là, s’imposa à son tour :

-         C’est ma meilleure amie, je vous signale. Hors de question de rester derrière !

-         Pareil pour moi ! S’agita Donald avant de déclarer avec assurance : Tu vas recevoir les leçons du meilleur sorcier de tous les temps.

Riku haussa un sourcil avec un sourire moqueur :

-         Tu sembles si sûr de toi… Je me demande ce qu’en penseraient Maître Yen Sid et Merlin…

Donald s’empourpra et partit dans une logorrhée balbutiante où il était question que le canard plaisantait, ce qui ne convainquait personne.

C’est avec des éclats de rire que nous arrivâmes à destination.

 

J’avais déjà mis les pieds à la crypte : quelques jours plus tôt, quand Sisu m’y avait emmenée avec Raya pour parler de son passé, il y a cinq cents ans. Je n’aurais jamais pensé y revenir après tout ça. Il s’agissait d’un bâtiment en pierre grise du palais encore délabré, assombrie par la végétation, véritable maîtresse des lieux, malgré un toit ouvert. Ainur indiqua le milieu de pièce. Les dragons se concentrèrent et, à la surprise générale, un portail entièrement blanc apparut, maintenu par les créatures divines.

-         Vous êtes prêts ? nous demanda Ainur.

-         Une seconde. (Riku s’approcha de moi.) Tu veux le faire ?

-         Je vais essayer.

-         Laisse-toi guider par ta clé. C’est tout.

Les autres échangèrent des regards, visiblement perdus.

-         Qu’est-ce que vous comptez faire ? demanda Maxwell.

Donald écarquilla les yeux : il avait la réponse.

-         Ils vont s’assurer que nous puissions revenir ici, répondit-il.

Soudain, Sisu se mit à léviter. (qui donc ? « léviter » peut-être?)Paniquée, elle gigota dans tous les sens.

-         Sisu ! Appela Raya. Qu’est-ce que tu fais ?

-         Je n’y suis pour rien ! assura-t-elle.

-         Ce n’est rien grave, promis-je.

Un rayon de lumière partit de la poitrine de Sisu jusqu’à aller dans les airs, quelques mètres au-dessus de nos tête. Aussitôt, une serrure de lumière géante y apparut pendant qu'Appel du Destin surgissait dans mes mains. Malgré n’en avoir jamais vu en vrai, d’après les dires de Sora et Riku : il s’agissait d’un Verrou Céleste.

-         Écartez-vous, conseilla mon meilleur ami.

Je me concentrai et une lumière vînt éclairer mes paupières. Quand je les ouvris quelques instants plus tard, le décor n’était plus le même. Je me trouvais à présent au centre d’un lieu sombre et nuageux, comme au beau milieu du ciel, seulement éclairé par une mystérieuse lumière dorée, passant entre les interstices des nuages.

Toujours plus haut, le Verrou m’attendait. Obéissant à mon cœur, je levai mon épée en direction de l’objet céleste. Un faisceau de lumière en jaillit et atteignit ma cible. Un immense « clac » de quelque chose que l’on déverrouille retentit, puis la lumière du Verrou envahit mon champ de vision.

Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais de nouveau dans la crypte.

-         Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Lydia.

Je la regardai sans comprendre.

-         Pendant un instant, expliqua Maxwell, nous étions ailleurs…

-         Je confirme, déclara Namaari, un peu perdu elle aussi. Vous aviez tous disparu.

-         Sauf Donald, termina Raya.

Nous avions tous disparu sauf lui ? Comment ça ? Serait-ce lié au Verrou ?

Riku croisa les bras, aussi troublé que moi.

-         Vous voulez dire que vous m’avez tous vu ouvrir le Verrou ? demandai-je.

Maxwell, Lydia et Riku hochèrent la tête.

-         Tous les porteurs de la Keyblade se sont téléportés dans cet espace noir et doré, pensa ce dernier à voix haute. Ça ne peut pas être une coïncidence.

-         On dirait que seuls nous pouvons assister à une telle scène, conclut Maxwell. Intéressant.

-         Quoi qu’il en soit, reprit Riku en regardant les dragons. Ce n’est pas le plus important pour le moment.

Les résidents de ce monde, eux, restèrent très patient.

-         Je n’ai pas tout compris, dit le chef Benja, mais est-ce le moment des adieux ?

Donald lui sourit.

-         Plutôt des « au revoir », en fait.

-         Tant mieux, déclara Namaari, rassurée.

Raya, Sisu et elle s’avancèrent vers nous.

-         Eh bien, notre voyage est terminé, il semblerait, dit Raya.

Sisu, l’air triste, nous adressa quand même un large sourire :

-         Vous allez beaucoup nous manquer.

Donald croisa les bras, l’air nonchalant.

-         Vous ne vous ennuierez pas trop sans nous ?

-         Ça ira, (Elle fit un signe de tête en direction de Sisu.) j’ai déjà pas mal de boulot ici !

-         Hé ! s’indigna Sisu. Je suis le dragon le plus gentil de la galaxie !

Raya eut un petit rire, très vite accompagnée par le reste d’entre nous.

-         Plus sérieusement, dit Namaari, merci pour votre aide.

-         Grâce à vous, nous avons pu sauver le monde et… (Raya jeta un regard furtif à son amie retrouvée.) retrouver nos proches.

Derrière elles, le sourire de son père et celui de la cheffe Virana s’élargirent.

-         Nous n’y sommes pour rien, dis-je. C’est vous qui avez décidé de vous faire confiance les uns les autres. Et c’est cette force qui unit qui est parvenue à bout du Druun. Nous n’avons fait que donner un petit coup de main.

Raya mit une main sur sa poitrine.

-         Ça recommence, dit-elle.

En voyant nos regards, elle expliqua :

-         Ces derniers temps, je sens quelque chose d’étrange dans mon cœur. (Elle réfléchit un instant.) Comme une chaleur agréable, un genre de lien qui m’unit… qui m’unit à toi, Kairi.

Cette nouvelle me fit un choc.

-         Je ressens la même chose. C’est faible, mais…

-         C’est bien là, confirma Raya.

Ce lien, cette connexion aussi minime soit elle, me rappelait celle que j’avais avec…

Ce n’est pas possible, me disait ma raison. Pourtant…

-         Quoi qu’il en soit, déclara Sisu. Prenez soin de vous un maximum.

-         Passez le bonjour à Boun et aux autres, dit Maxwell.

-         On est désolé de ne pas les attendre, ajouta Donald, mais nous sommes assez pressés.

-         Ils comprendront, assura Raya. Oh, et une dernière chose. Lydia (La concernée sursauta à l’appel de son prénom.). Je ne suis peut-être pas aussi douée à l’épée qu’eux, mais si tu veux des conseils en arts martiaux, Namaari et moi t’aideront. Ça te va ?

La nouvelle Porteuse eut besoin de quelques instants. Puis, elle éclata :

-         Oui ! (Se rendant compte qu’elle parlait bien plus fort que d’habitude, le son de sa voix redescendit énormément à nouveau.) Merci…

Après quelques dernières accolades et embrassades, le trio s’éloigna de nous pour rejoindre les chefs Benja et Virana., nous faisant de grands signes de la main. Riku se tourna vers Ainur.

-         Bien, devina ce dernier. Nous pouvons alors commencer. Ensemble, visualisez un lieu que vous connaissez tous, conseilla le leader. Le portail vous y conduira.

-         La Salle du Trône du château Disney, pensa aussitôt Riku. Une fois là-bas, nous pourrons trouver un vaisseau neuf et partir à la recherche des autres.

Le reste du groupe acquiesça sans la moindre hésitation.

-         Très bien. (Ainur ferma les yeux.) Je vois… Le lien a été établi. Vous pouvez y aller.

À peine finit il sa phrase qu’un monstrueux pressentiment m’envahit.

Les Ténèbres, détecta mon esprit.

À en voir l’expression de Riku, il avait senti la même chose. Même Ainur et le reste des dragons trembla.

-         Un tel pouvoir… hoqueta le leader. Comment…

-         Que se passe-t-il ? demanda la cheffe Virana.

Le portail s’assombrit, prenant peu à peu une teinte verte obscure.

-         Évidemment, grommela l’argenté. Ça aurait été trop facile.

Riku se tourna vers nous ; une expression au visage qui voulait tout dire.

-         Tu en es sûr ? demanda Donald en avalant sa salive. Si Maléfique a trafiqué ce portail…

-         Nous n’avons aucun moyen de savoir où est-ce qu’il mène, termina Riku. Peut-être ce chemin nous mènera à notre destination, peut-être directement à l’endroit où les autres se trouvent ou alors complètement ailleurs. Alors pas le choix.

-         Comme souvent, bougonna Maxwell.

-         J’y vais en premier. Si je ne vois aucun danger, alors…

-         Impossible, coupa Ainur.

Contrairement à quelques instants plus tôt, ses amis dragons et lui fournissaient des efforts considérables pour garder le portail ouvert.

-         Je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir tenir. Ni même s’il est possible d’ouvrir à nouveau ce passage.

-         Alors allons-y ensemble, proposai-je.

Le regard déterminé, quoiqu’avec une frayeur sous-jacente que nous nous efforcions de réprimer, le groupe avança comme un seul homme en direction de notre moyen de sortie.

Après un dernier regard adressé à nos hôtes, qui essayaient de nous encourager du mieux qu'ils pouvaient – probablement au moins aussi inquiets que nous – nous fixâmes le chemin droit devant nous.

-         Nous n’avons aucune idée de ce qui attend de l’autre côté, prévint Riku. Nous pourrions même mourir à peine le pied posé là-dedans. J’ai horreur de ça, mais il va falloir quand même y aller.

-         Pour retrouver nos amis, rappelai-je, et empêcher la sorcière de nuire tant que cela est encore possible. Peu importe le danger derrière ce massage, tout se passera bien. Je le sais.

Le sentiment d’appréhension que j’avais, provenant des Ténèbres qui se dégageaient du portail, ne s’en était pas allé une seule seconde.

Mais cela ne suffirait pas à nous arrêter.

La peur cédant finalement face à la détermination et à l’espoir, l’espoir de tomber sur le reste du groupe, l’espoir d’atteindre Disneyville, l’espoir de trouver un moyen quelconque de vaincre la sorcière définitivement, nous mîmes finalement un pas dans l’ouverture.

La lumière obscure envahit intégralement mon champs de vision. Bientôt, je ne vis plus du tout la crypte et ce qui avait devant nous demeurait un mystère.

Peu importe.

Pensant fort à la personne que je souhaitais le plus revoir, à ses yeux bleus pétillants et son magnifique sourire, je continuai à avancer.

Serrant de toutes mes forces le porte-bonheur de Sora contre mon cœur.

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