Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire
Chapitre 62 : Cinq cents ans plus tard (Kairi)
13014 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 12/02/2023 14:20
Je tremblais.
Tellement que j’eus l’impression que mes jambes allaient céder.
Sisu venait de disparaître sous nos yeux, embarquée par les flots.
Comme ça. Sans que nous ne puissions rien y faire.
Lydia tomba à genoux, horrifiée.
- Non… Pas elle…
En temps normal, j’aurais essayé de lui remonter le moral… mais que dire dans un moment pareil ?
- Elle ne méritait pas ça, déclara Riku, qui peinait à cacher sa colère. Pas elle.
Personne ne répondit, mais je lisais sur leur visage que le reste de nos compagnons pensaient la même chose. Dans l’eau en contrebas, des tourbillons se formèrent, et le niveau de la mer commença à diminuer.
- Regardez, dit Boun. Qu’est-ce qu’il se passe ?
Tong se tenait à ses côtés, portant dans ses mains une Noi terrifiée :
- Il semble qu’avec la disparition du dernier dragon, l’eau se retire elle aussi.
Donc Sisu est bien…
- Plus rien ne pourra arrêter le Druun, termina-t-il. Plus rien.
L’eau baissait dangereusement vite. En quelques secondes, elle disparut totalement, rendant possible l’entrée dans Croc du Dragon par voie de terre à partir des forêts environnantes. Or, dans ces dernières, il y avait…
- Cette sale traîtresse se fait la malle ! nous avertit Donald.
Namaari était déjà bien hors de portée, en direction de Croc du Dragon, lorsque les monstres de Maléfique nous barrèrent la route. Ils allaient attaquer, on le savait, mais nous ne pouvions agir. Paralysés. L’un d’entre eux passa à l’attaque dans notre direction, jusqu’à ce qu’un rayon de lumière le détruise en un seul coup. À la place du monstre se trouvait une Keyblade dorée familière. Elle disparut et rejoignit son propriétaire, Maxwell. D’autres, suivirent l’exemple du premier, mais se firent annihiler par Riku, qui ne montra pas la moindre pitié.
- Reprenez-vous ! ordonnèrent Riku et Maxwell.
- Sisu n’est peut-être plus de ce monde, déclara l’argenté, mais cet endroit court à la destruction si on laisse faire Maléfique.
- Tout n’est pas perdu, renchérit Maxwell. On est encore là, pas vrai ?
Leurs paroles me firent l’effet d’un choc électrique. Un dernier monstre ailé essaya de nous avoir par surprise et visa Lydia, qui ne le remarqua pas. Appel du Destin apparut dans mes mains. Mon corps bougea de lui-même, et mon épée réduisit en cendres la créature. Maxwell aida son amie à se relever.
- Ça va ? lui demanda-t-il.
- Oui, répondit Lydia, avant de s’adresser à moi. Merci, Kairi.
Je hochai la tête avant de sourire malgré tout.
- Aucun souci. Maintenant, trouvons un moyen de sauver ce monde et de rejoindre les autres, d’accord ?
Elle réfléchit un instant, avant de répondre avec détermination :
- D’accord.
La force dans son regard ne faisait pas le moindre doute, mais il n’y avait pas que ça : de la colère, celle d’avoir perdu son amie, que je comprenais. En observant le village de Croc, je vis ce que je redoutais : une quantité incroyable de masses sombres tout autour s’avançaient vers lui.
- Il faut vite se rendre à Croc, dis-je aux autres, les Druuns profitent de la disparition de l’eau pour attaquer tout le monde !
- Raya ? demanda Boun.
Aucune réponse. La jeune femme avait disparu dans la confusion.
- Où est-ce qu’elle est passée ? demanda Donald.
À quelques mètres de nous, il ne restait plus que la sacoche de Raya contenant trois morceaux de la Pierre du Dragon et un fourreau d’épée vide.
Sans compter celle de Namaari, il manquait une pierre… et l’arme de la jeune femme. Les Druuns s’approchaient de plus en plus de Croc, voire l’avaient atteint. Les hurlements des villageois nous parvenaient jusqu’ici.
- Il faut la rejoindre. Vite.
- Quel est le problème ? demanda Maxwell.
Riku, qui avait compris la raison de mon inquiétude, répondit à ma place :
- Une quantité effroyable de Druuns vont attaquer l’ensemble du monde, et les sbires de la sorcière ne nous faciliterons pas la tâche car elle n’a pas encore rassemblé les pierres. (Il jeta un regard sur le sac laissé par Raya.) Nous avons la majeure partie d’entre elles, mais c’est Raya qui possède la dernière.
- À l’heure actuelle, continua Maxwell, elle est sans doute partie à Croc du Dragon avec.
- Pour quoi faire ? demanda Donald.
L’expression de Maxwell s’assombrit.
- Mets-toi à sa place. Elle vient de perdre sa meilleure amie après avoir choisi de suivre ses conseils, faisant ainsi confiance à l’ennemie. Après tout ça… Il ne fait aucun doute que Raya soit partie tuer Namaari de ses propres mains.
C’était la seule possibilité. Une partie de moi ne voulait pas la laisser faire ; si nous n’agissions pas, elle commettrait quelque chose qui la changerait à jamais et plongerait définitivement son cœur dans les Ténèbres. D’un autre côté, comment agirais-je si je perdais Sora ou Riku ? Etais-je vraiment légitime de m’opposer à sa décision ?
Pas maintenant, Kairi, pensais-je. Tu n’as pas le temps d’hésiter.
- Ne restons pas là, nous dit Tong en saisissant le sac de pierres.
Il se dirigea vers Riku et lui tendit le sac.
- Vos armes sont meilleures que les nôtres, expliqua-t-il. Vous êtes donc les mieux placés pour défendre les pierres.
L’argenté sourit, avant d’écarter d’une main le sac.
- C’est peut-être vrai, confirma-t-il, mais Boun, Noi et toi devriez les garder.
- Comment ça ? demanda Tong, visiblement surpris.
- Nous ne sommes pas d’ici, dis-je. Il vaut mieux que les habitants de Kumandra se protègent les uns les autres, avec notre aide, bien sûr.
- Du coup, vous assurerez nos arrières pendant que nous aiderons les habitants ? demanda Boun.
- Bien sûr ! assura Donald. On se partagera les tâches !
Boun sourit, soulagé, et alla prendre les pierres. Il en donna une à Noi et au trio de singe, une à Tong et garda la dernière. Son regard se dirigea vers le village.
- Bon, les gars, dit-il avec une détermination sans faille. Il est temps pour nous de respecter la volonté de Sisu : allons sauver le monde.
Le combat commença à l’instant où nous avons posé le pied sur la terre asséchée qui nous séparait de Croc. La situation était encore pire que ce que nous pensions. Partout où je posais le regard, un mélange de Druuns et de monstres aux flammes vertes envahissaient mon champ de vision.
- C’est pas vrai… commenta Donald.
- Tout ira bien, les gars, assura Maxwell.
- Comment peux-tu en être si sûr ? demanda Lydia d’une petite voix.
Le brun regarda le ciel.
- C’est l’aube… déclara-t-il d’un air un peu absent. Parfait.
- Maxwell, de quoi est-ce que…
Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase car un monstre volant humanoïde équipés de deux épées (comme ceux que nous avions affrontés lors de notre arrivée dans ce monde) envoya une tornade de feu dans notre direction. D’un même geste, Riku et moi invoquâmes un bouclier magique suffisamment grand pour tous nous protéger. Ce dernier dissipé, Maxwell lança son épée et détruisit notre assaillant d’un seul coup.
- Pas le temps de traîner ici, dit Riku. Boun, Noi, les singes, à l’aide de Tuk Tuk, éloignez les Druuns un maximum autour de nous avec les pierres jusqu’à notre arrivée à Croc. Tong, assiste-les autant que tu peux avec ta pierre et donne-nous un coup de main dès que possible.
- Écrase tout ce qui bouge avec ta hache, grand guerrier ! l’encouragea Maxwell.
Tong dégaina son arme et la serra de toutes ses forces.
- Aucun doute, nous vaincrons !
- Allons-y ! nous dit l’argenté.
Là-dessus, le groupe commença à se ruer vers notre destination en suivant les consignes de Riku. Donald enchantait son sceptre sans arrêt à l’aide de différents sorts de glace ou de foudre et martelait les monstres de Maléfique avec. Lydia, à l’image de Tong, alternait entre détruire des monstres, et repousser les Druuns qui nous visaient avec son Essence de Vent. Boun, Noi et les singes se déplaçaient rapidement tout autour de nous en brandissant leur fragment de Pierre du Dragon, éloignant la calamité. Maxwell, Riku et moi nous chargions de combler les éventuelles failles de notre formation. Un villageois passa près de nous en hurlant. Un des nombreux Druuns qui nous chassaient changea d’avis et le poursuivit.
- Attention !
Malgré mon avertissement, le villageois continua sa route. J’allais m’élancer pour l’aider, mais j’étais bien trop lente. Une des calamités l’engloutit et le laissa. Il se transforma aussitôt en une statue de pierre et le Druun créa un clone de lui-même. Tout cela s’était passé en un instant.
Un sentiment de tristesse et de colère m’envahit. Si j’avais été plus rapide…
Maxwell, qui avait assisté à la scène, déclara :
- À cette vitesse, nous n’y arriverons jamais. Ils sont des milliers !
- Et ils sont bien plus dangereux que des Sans-Cœurs, ajouta Donald.
Ils avaient raison, si on ajoutait à cela le fait qu’ils se multiplient à chaque pétrification, nos chances de sauver ce monde diminuaient à chaque instant.
Pourvu que Raya soit encore indemne…
Maxwell m’observa attentivement, avant de finalement déclarer :
- O.K. C’est le bon moment.
Il se concentra et sa Keyblade scintilla d’une lumière vive. Il brandit son arme et poussa un hurlement de défi, projetant cette lumière entre nous et notre destination. La lueur se modela en deux rangées d’une bonne dizaine de boucliers antiques de lumière pure dans les airs. Maxwell abaissa son arme et les boucliers l’imitèrent, créant un immense fracas. Enfin, il donna un coup horizontal et chacune des rangées alla dans une direction opposée, en emportant les Druuns avec eux. Notre ami avait réussi à nous créer un couloir jusqu’à destination presque vide de tout ennemi !
- Incroyable, commenta Lydia, ce que je comprenais parfaitement.
Même Riku était bluffé, tellement, qu’il ne dit pas un mot. De même que les autres.
- Mec, fit Boun après s’être remis, t’aurais pas pu faire ça plus tôt ?
- Pas vraiment, répondit simplement le brun en jetant un regard au ciel.
- Bien joué, Maxwell, le félicita l’argenté. Il nous reste plus qu’à nous rendre au village en éliminant les sbires de la sorcière sur le chemin.
- Dépêchons-nous, conseilla le brun. Je ne sais pas combien de temps mes projections vont tenir.
Un hurlement effroyable retentit à l’horizon, si puissant que nous dûmes plaquer nos mains sur nos oreilles.
- Qu’est-ce que c’est que ça ?! m’exclamai-je.
Mes amis ne répondirent pas, fixant quelque chose devant nous, bouché bée. En suivant leur regard, je compris ce qui les maintenaient dans cet état. Et c’était loin d’être une bonne nouvelle.
Au-dessus de la plus haute tour de Croc, quelque chose flottait. Quelque chose en forme de serpent. En me concentrant un peu plus, je vis… Je vis…
- Un dragon ? fit Tong.
- C’est… C’est pas possible, murmura Boun. Sisu était censée être la dernière !
- Elle l’était, confirma Riku en continuant de se battre. Regardez plus attentivement.
La créature ressemblait à Sisu, mais cela s’arrêtait là. Vu la facilité avec laquelle nous la voyions malgré la distance, le monstre était facilement au moins dix fois que notre amie, l’air capable de s’enrouler autour de l’immense tour du village. Comme si cela ne suffisait pas, des flammes vertes semblaient émaner de son corps en permanence.
- Cette chose n’est pas un dragon comme Sisu, déclarai-je. Mais une nouvelle créature de la sorcière.
Soudain, le dragon ennemi cracha en l’air une boule de feu vert gigantesque au-dessus de sa tête qui explosa en milliers de gerbes de flammes. Nous croyions tous que ces derniers nous visaient, mais c’était faux. Chacune des gerbes atteignit les Druuns. D’abord, rien ne se passa. Puis, ils se mirent à vibrer, comme sur le point de s’auto-détruire ou quelque chose de ce type. Au lieu de quoi, les calamités changèrent de couleur, arborant une couleur noire et verte familière, dégageant des flammes de la même couleur.
Ce dragon étrange… qu’est-ce qu’il fait aux Druuns ?
Les « nouveaux » Druuns se chargèrent immédiatement de nous poursuivre, quitte à laisser certains habitants fuir.
- Ce monstre… c’est quoi au juste ? demanda Boun. D’où est-ce qu’il sort ?
- Maléfique a vraiment atteint un autre niveau, commenta l’argenté avec colère.
Maxwell jura.
- Saleté de sorcière, dit-il avec une haine profonde avant de s’adresser à nous. Vite, je ne sais pas si mes boucliers vont tenir longtemps !
Nous l’avons écouté avant de nous diriger vers Croc du Dragon le plus vite possible. Sur le chemin, Riku, Lydia, Maxwell, Donald et moi éliminions les monstres, tandis que Boun, Noi, Tong et les singes éloignaient au maximum les Druuns des projections de Maxwell à l’aide du pouvoir des pierres. En courant, Maxwell envoyait sur ses projections des orbes de lumière, renforçant ainsi ses boucliers. Une fois enfin arrivés à l’entrée du village, il fit volte-face.
- Qu’est-ce que tu fais ? lui demandai-je.
- Je gagne du temps. Pour nous, (Il fit un mouvement de tête en direction des villageois.) et pour eux aussi.
Maxwell se concentra avant de brandir sa Keyblade. Au même moment, les boucliers avancèrent en une même ligne vers les Druuns, les repoussant plusieurs dizaines de mètres plus loin, agrandissant la voie de sortie.
Partout autour de nous, le chaos régnait. La majeure partie des habitants se ruaient le plus vite possible vers la sortie du village, vide de tout ennemi pour le moment. Certains se réfugiaient comme ils le pouvaient, sans essayer quoi que ce soit ou encore tombait à genoux, vides de toute émotion.
Un grondement sourd nous alerta.
- Le village ne va pas tenir ! nous prévint Donald.
- Ce n’est pas le seul problème que nous avons sur les bras, rappela Riku en gardant les yeux rivés au ciel.
Le dragon de Maléfique était là, courant dans les airs comme Sisu le faisait et crachant des gerbes de flammes hors du village.
- On l’attaque ? suggéra Donald.
Riku allait répondre lorsque Boun pointa du doigt quelque chose.
- Pas maintenant. Regardez !
À l’entrée de la plus haute tour du village, je reconnus une silhouette féminine, vêtue d’un chapeau circulaire et d’une longue cape rouge. Le plus marquant, c’était l’épée qu’elle tenait fermement.
- Raya ! (Je me tournai vers Riku.) Je vais la voir.
Sans lui laisser le temps de répondre, je m’élançai aussitôt vers elle, accompagnée de Boun, Tuk Tuk, Tong et du quatuor. Le temps de notre trajet, elle était entrée, puis ressortie, en plein combat acharné contre Namaari. Boun et moi l’appelâmes à plusieurs reprises, sans succès.
- Raya ne nous remarquera pas, conclut Tong. Elle est complètement aveuglée par la colère.
Malheureusement, Tong avait raison. Avec la… la disparition de Sisu, elle ne pouvait qu’être dans cet état. Peu à peu, les Ténèbres dévoraient son cœur. Et peu à peu… je sentais cet étrange lien que nous possédions se briser. Même si je lui parlais, pas sûr qu’elle m’écoute. Soudain, deux Druuns franchirent les murs entourant le village et se dirigèrent vers les deux jeunes femmes.
- Attention ! hurlai-je.
Raya repoussa d’un coup d’épée son opposante et brandit sa pierre, repoussant violemment les nuages amorphes. Enfin, elle m’adressa un regard glacial :
- Dégage, Kairi.
Dès qu’elle eut prononcé ces mots, son fragment fit quelque chose d’étrange. Boun, à côté de moi, poussa un cri de surprise en regardant sa pierre, réagissant exactement comme celle de Raya :
- Le pouvoir des pierres, dit-il, il disparaît !
Effectivement, son éclat s’amenuisait mais il y avait aussi autre chose : quelque chose d’obscur semblait remplir la pierre, produisant au passage une lumière verte de mauvais augure. Guidée d’un étrange sentiment, je regardai le dragon. Ses flammes… se renforçaient ?
Et mon esprit fit le lien.
Ce que j’avais en tête me paraissait improbable, mais avec Maléfique, il fallait s’attendre à tout.
- Laissons-la, conseillai-je en m’efforçant de ne pas repenser au regard de haine de mon amie. Il faut d’abord protéger les habitants. Occupez-vous d’éloigner le Druun tout en sauvant un maximum de personnes.
- Et toi ? demanda Boun, inquiet.
Le dragon était toujours au-dessus de nous, occuper à transformer d’autres Druuns. Mon regard croisa celui de Riku, qui dirigeait avec les autres les habitants vers la sortie. Je pointai le monstre du bout de ma Keyblade. Il hocha la tête avant d’avertir les autres.
- J’ai un dragon à détruire.
Tong suivit mon regard.
- Très bien, dit-il. Nous essaierons de ne pas vous gêner.
Je hochai la tête avant de courir vers mes alliés, qui firent de même.
Ce fut Riku qui commença le combat. En courant, il concentra une énergie noire et blanche du bout de son épée et la fit se diviser en orbes qui explosèrent au contact du ventre du dragon, seule partie non couverte de flammes vertes. La créature poussa aussitôt un hurlement assourdissant, qui tenait plus du cri de colère que de douleur.
- Encore un qui fait un boucan pas possible ! s’exclama l’argenté en se couvrant les oreilles.
Le monstre nous observa, l’air d’enfin nous remarquer. Il ressemblait vraiment aux dragons que j’avais vu à Cœur du Dragon, en accompagnant Sisu et Raya, avec ses longues cornes et sa crinière. À la différence que celle-ci semblait faite de flammes et ses yeux étaient entièrement violets. Soudain, il ouvrit la gueule.
- À COUVERT ! hurla Riku.
Nous nous éloignâmes aussitôt du monstre lorsque ce dernier envoya une salve de flammes gigantesques. Heureusement, personne ne fut atteint. Lorsqu’il s’en rendit compte, le dragon se dirigea vers nous, prêt à donner un coup de griffes assez dangereux pour nous transpercer sans la moindre difficulté. Nous nous tenions tous prêt à esquiver, or impossible de savoir qui il visait, vu que nous étions éparpillés. Il avançait toujours. Un homme passait par là en boîtant. Le problème, c’était qu’il se trouvait à quelques mètres devant moi.
Et j’étais la cible du dragon.
Je pouvais juste esquiver au dernier moment, mais j’aurais été la seule protégée. Je courus de toutes mes forces.
Je n’y arriverai jamais à temps !
Je secouai la tête. J’étais la plus proche. Il fallait que j’y arrive.
Mes jambes accélérèrent encore plus.
Le dragon se rapprochait dangereusement.
Encore un effort !
Le monstre se prépara à attaquer, mais j’étais là. In extremis, j’invoquai un bouclier transparent, protégeant le villageois et moi-même. Le contact entre les griffes et ma protection produisit une onde de choc puissante, repoussant même le dragon. Malheureusement, le dragon se ressaisit et s’apprêta et attaquer une nouvelle fois. Voyant une ouverture, Riku surgit de nulle part et donna un coup de Keyblade à la patte du monstre qui amorçait son coup. Le dragon émit un cri de douleur en se redressant légèrement, montrant son ventre.
Riku et moi échangeâmes un regard.
- O.K., lui dis-je.
Le point faible de l’ennemi était exposé ; c’était le moment d’attaquer. Le dragon ne comprit pas ce qu’il se passa ensuite. Mon ami et moi le rouâmes de coups d’épées à deux, parfaitement synchronisés, comme si nous nous étions battus ensemble depuis des années. Aucune de nos attaques ne blessait ni ne gênait l’autre, et nous parvenions à enchaîner l’ennemi sans qu’il ne puisse se rétablir. Enfin, jusqu’à ce que je m’aperçusse que le dragon contractait son corps.
- Riku !
- Compris !
Nous nous éloignâmes lorsque le dragon abattit un coup de croc, heureusement dans le vide.
Le villageois resta figé un moment, à faire un aller-retour du regard entre le dragon et moi.
- Merci infiniment, dit-il.
- Je vous en prie, lui répondis-je. Maintenant, mettez-vous à l’abri !
Il hocha la tête et suivit les conseils de Boun, à dos de Tuk Tuk, qui le conduisit à la sortie, pierre magique à la main. Je reportai mon attention sur l’ennemi.
Loin d’être vaincu, le dragon envoya à nouveau une salve de feu, sur Riku cette fois-ci, qui regardait dans la direction du villageois lui aussi.
- Riku ! hurla Maxwell.
- Ne t’inquiète pas, le rassurai-je. Il n’a rien.
- Quoi ? Mais…
Le dragon contemplait son œuvre, un feu ardent vert à l’endroit où se trouvait Riku, persuadé d’avoir atteint l’argenté. Une sphère obscure me rejoignit très vite avant d’exploser légèrement en produisant un peu d’énergie noire, et mon ami réapparut.
- C’était moins une, admit-il.
- On te l’avait bien dit, jubila Donald à l’attention de Maxwell.
Ce dernier, soulagé (de même que Lydia à ses côtés), eut un petit rire.
- C’est vrai. Désolé.
Je jetai un œil à l’entrée du bâtiment où Raya se battait plus tôt. Personne.
Elles sont sans doute à l’intérieur.
Aucune des deux n’était sortie pour le moment, alors impossible de savoir si elles étaient encore en vie ou…
Reste concentrée.
Le monstre s’éleva à nouveau dans les airs en courant dans le vide, comme si ses pattes touchaient un sol invisible. Cette fois, il était moins haut dans le ciel. Sans doute cherchait-il à nous atteindre plus facilement. Le dragon vola autour de nous en cercle, et se mit à cracher des boules de feu gigantesques dans notre direction. Avec le pouvoir de la Keyblade, il était possible de les renvoyer assez facilement. Le problème était que le dragon ne visait pas que nous. Pour être exact, il ne visait pas du tout : il attaquait au hasard. Pourtant, ses yeux fonctionnaient bien ; il savait où nous étions, pourtant ça ne l’empêchait pas d’agir comme ça. Je dus faire appel à toutes mes forces pour protéger les habitants, nos nouveaux amis, et le reste du groupe si nécessaire en même temps. Chacun faisait son maximum : Riku, Maxwell et moi surveillions de près les villageois et les écartions du danger avec nos épées si besoin, Lydia nous imitait en frappant les boules de feu au bon moment, les renvoyant partout, sauf sur nous, et Donald contre-attaquait en produisant grâce à sa magie des blocs de glace. De temps en temps, le dragon essayait de nous prendre par surprise en fonçant sur nous subitement, sans succès. Pendant le combat, je m’aperçus que le monstre prenait soin à n’épargner aucun bâtiment, sauf celui où Raya se trouvait, ce qui confirma mes soupçons. Les yeux du dragon brillaient d’une colère surnaturelle, comme s’il nous en voulait vraiment. Ce regard. On aurait dit…
Celui de Raya.
Le lien se brisait toujours. Je ne pouvais pas laisser faire ça.
- Tout le monde, écoutez-moi !
Les regards se tournèrent vers moi.
- Envoyez-moi un maximum de boule de feu avec vos Keyblades jusqu’à ce que je vous dise d’arrêter.
Lydia me regarda comme si j’avais perdu la tête. Maxwell, sincèrement inquiet, me demanda :
- Tu… Tu es sûre ?
- Oui, affirmai-je.
Riku hésita un instant, puis finit par répondre :
- Très bien.
Pour tout vous dire, cela me surprit un peu qu’il accepte aussi vite. Je le remerciai d’un geste de la tête. Je savais ce que je devais faire. Utiliser quelque chose que je maîtrisais encore très peu : mon Essence.
Instinctivement, je frappai le sol avec mon épée. Un dôme de lumière juste assez grand pour m’y tenir m’entoura. Je brandis mon épée et attendis. Des sphères de feu envoyées par mes camarades commencèrent à arriver. La première arriva à proximité et ma Keyblade l’absorba. Aussitôt, une douleur intense m’envahit, comme si je brûlais de l’intérieur.
Résiste, me sermonnais-je.
Une deuxième sphère fut absorbée. La douleur s’intensifia
RESISTE !
Malgré cette pensée, la totalité de mon corps voulait s’écrouler et une bonne partie de mon esprit était sur le point d’abandonner.
Juste un peu plus… Et le dragon le sentira passer.
Quand je reçus les trois autres, je crus que mon corps faillit complètement me lâcher pour de bon.
- STOP ! hurlai-je.
J’avais la vision trouble et les autres sens engourdis ; je ne savais même pas si les autres m’avait entendu. Du coin de l’œil, je distinguai le dragon, continuant à voler en décrivant des cercles autour de nous. Ses mouvements étaient donc faciles à prédire. J’attendis qu’il se trouve à l’exact opposé du bâtiment de Raya.
Mon corps me faisait toujours aussi mal. Cette chaleur me dévorait, consumant mon corps peu à peu.
À la seconde même où le dragon atteignit l’endroit que je visais, je donnais un coup de Keyblade dans cette direction en hurlant de toutes mes forces. Mon épée relâcha le fléau qui me menaçait sous la forme d’un arc de flammes d’un blanc si éclatant qu’il était impossible de le regarder directement. Mon attaque atteignit le monstre de plein fouet. Celui-ci poussa un cri de douleur avant de s’écrouler non loin de nous.
Maxwell siffla.
- Bien joué, commenta-t-il.
- Comment te sens-tu ? me demanda immédiatement Riku.
Cette douleur insupportable avait disparu, mais la fatigue gagnait énormément de terrain ; cette technique m’avait beaucoup vidé. Mon corps tremblait légèrement et cela nécessitait une certaine force mentale pour ne pas tomber.
- Bien, répondis-je.
Mon Essence… Absorber la magie pour la renvoyer à l’adversaire sous forme d’attaque de lumière.
Serait-il possible que ce pouvoir soit en lien avec ma condition de Princesse de Cœur ?
Pas le temps d’y penser pour le moment. Riku m’observait toujours, puis déclara :
- O.K. Si tu le dis. (Il me sourit.) Avec un coup pareil, cette créature a dû le sentir passer.
Cet instant de répit ne dura qu’un instant. Le dragon se mit à scintiller son corps se modela sous nos yeux pour former… pour former…
- Un Druun ?! s’exclama Donald. Comment est-ce même possible ?
- Donald, répondit Maxwell sans lâcher le monstre du regard. Je crois que ce n’est plus la peine de se poser la question.
Ce qui se trouvait devant nous était indéniablement un Druun, bien que différents des autres, normaux comme corrompus par le dragon. Certes, lui aussi était vert et noir, produisant des flammes vertes depuis l’intérieur de lui-même, mais sa taille n’avait rien à voir. Ce Druun était si volumineux qu’il semblait capable d’engloutir un petit bâtiment en entier.
Le fléau sans forme se dirigea vers nous à une vitesse surprenante. Sur son chemin, un groupe de quatre personnes essayèrent de lui échapper.
- Non ! fis-je.
Hélas, cela ne changea rien. Le groupe se fit engloutir par la créature et ils furent pétrifiés en une fraction de seconde.
C’est pas vrai…
- Boun ! hurla Riku. Nous avons besoin de la pierre !
Le capitaine nous rejoignit, toujours à dos de Tuk Tuk. Quand il vit le Druun immense, il se figea un instant, mais se força à reprendre courage.
- Qu’est-ce que c’est que ce Druun ? Et il est passé où ce faux dragon ?
- On t’expliquera plus tard, répondit Donald. Là, tout de suite, nous avons besoin de toi et de Tuk Tuk.
- Très bien, répondit-il. Je dois faire quoi ?
Riku lui raconta rapidement ce qu’il s’était passé il y a peu avant d’exposer ce qu’il avait en tête. Boun eut l’air très étonné lorsque l’argenté arriva au passage où le dragon devînt un Druun, pourtant il resta silencieux. À la fin du récit de l’argenté, Boun demanda :
- Ça a l’air facile mais, euh, t’es sûr que ça va marcher ?
- Ce truc a changé de forme pile quand Kairi lui a envoyé cette attaque. À mon avis, il y a une raison précise derrière ça et c’est lié au fait que le Druun est invulnérable à tout sauf une chose.
- La Pierre du Dragon, terminai-je.
- Exact. Le dragon s’est métamorphosé pour se donner un peu de répit. En utilisant le pouvoir de la pierre assez longtemps…
- Il sera obligé de retrouver son autre forme, comprit Boun.
- Et on le détruira.
Le jeune garçon montra la pierre.
- Très bien. (Tuk Tuk se roula en boule et se dirigea vers le Druun, Boun toujours sur sa carapace.) Alors couvrez-moi !
Toujours à dos de l’animal, Boun se dirigea vers le monstre qui, sentant le pouvoir de la pierre, commença s’éloigner. Malheureusement pour lui, il était bien trop lent pour Tuk Tuk. Boun le rattrapa alors sans peine et brandit la pierre en décrivant des cercles autour de lui.
- Il avait raison, dit Donald, ça a l’air facile.
À l’instant où il finit sa phrase, des monstres de Maléfique de plusieurs types surgirent, prêt à nous attaquer.
- Ça confirme ce que disait Riku, déclarai-je, ces choses apparaissent quand il ne peut rien faire d’autres que fuir la pierre. Ce dragon a donc besoin de cette forme.
- Alors allons le forcer à changer d’avis, dit Riku.
Là-dessus, il passa de nouveau à l’assaut, moi de à ses côtés. La priorité était de neutraliser les créatures capables de lancer des tornades de feu vert ; pour éviter que les flammes de la sorcière n'absorbent notre magie, c’était la seule option. Riku et moi nous occupâmes de ces monstres aussi vite que possible. Du coin de l’œil, je vis que les autres n'étaient pas en reste non plus ! Donald s’occupaient de monstres qui semblaient être issus d’un croisement de plusieurs animaux, dont un oiseau géant, vu les ailes enflammés qui leurs permettaient de voler. Malgré cet avantage par rapport au canard, à chaque fois, il attendait que ses adversaires ratent une attaque pour aussitôt riposter avec son sceptre entouré de glace. Lydia, en revanche, avait plus de mal. Souvent, ses attaques manquaient leur cible et il est même arrivé que sa Keyblade lui échappe des mains. Elle n’avait jamais vécu un combat aussi long, pas étonnant qu’elle ait du mal…
- Riku, commençai-je, je vais…
Quatre lanceurs de tornades se placèrent tout autour de ma nouvelle amie, l’empêchant de fuir.
- Baisse-toi ! Hurla une voix.
Lydia s’exécuta et une Keyblade d’or fusa, détruisant deux des monstres. Le temps que les deux derniers se tournent vers l’assaillant, l’épée disparut et un rayon de lumière les pulvérisa sur-le-champ. Maxwell tendit la main et récupéra son arme. Quand nos regards se croisèrent, il hocha la tête, l’air de me dire : « Ne t’en fais pas, je suis là. »
- On peut compter sur lui pour protéger Lydia, (Riku détruisit un monstre quasiment invisible sans le regarder.) Quant à nous, il faut qu’on assiste Boun. Viens !
Au bout d’un moment à alterner entre la protection de Boun et des villageois restants, je sentis la fatigue me gagner. À tout moment, je pouvais m’écrouler. Pourtant, le combat n’était pas fini. Pas encore.
Le Druun issu du faux dragon, continua de subir le pouvoir de la pierre tenu par un Boun qui ne le lâchait pas d’une semelle. Enfin, il ne put le supporter plus longtemps et recommença à changer de forme. Riku avertit le jeune garçon, qui retourna aussitôt à sa tâche précédente.
- Beau travail !
Le capitaine me répondit en souriant :
- Si vous avez besoin de moi, vous savez où me trouver !
Lorsque notre adversaire reprit sa forme de dragon, il ne restait plus rien des autres créatures de Maléfique. En tout cas, aucune à proximité. Fini de jouer, cette fois, il fallait en finir avec cette chose !
Malheureusement, c’est lui qui prit l’initiative. Les flammes de son corps et de sa crinière s’agitèrent et soudain, du brouillard se dégagea de la créature.
- On dirait… commença l’argenté.
- Comme Sisu… Me souvenais-je.
Très vite, un brouillard épais envahit la zone. Tellement épais que je ne pouvais voir à trois mètres devant moi. J’espérais de tout mon cœur qu’il n’y avait plus d’habitants dans le secteur, parce que fuir dans ces conditions…
Je n’aime pas ça.
- Restez sur vos gardes ! conseilla la voix de Riku, quelque part autour de moi.
La panique me gagna. Peu à peu, je perdis mes moyens, prête à laisser la fatigue gagner sur ma volonté. Comment se défendre face à quelque chose que l’on ne pouvait pas voir ? Instinctivement, je fourrai ma main dans ma poche avant d’y retirer un objet en forme d’étoile dont une des branches comportait mon visage grossièrement dessiné. Le porte-bonheur offert par Sora. Aussitôt, une chaleur se répandit dans ma poitrine. Rien à voir avec celle que je ressentis plus tôt en absorbant les boules de feu, mais une chaleur douce et apaisante, comme celle que l’on ressent en présence d’un être cher. Cette impression que Sora était près de moi, à mes côtés, me donna la force de me reprendre.
Concentre-toi, Kairi.
Le dragon était… étrangement silencieux. Plus tôt, il attaquait brutalement avec un vacarme assourdissant mais là, plus rien. Une attaque surprise. C’était la seule raison.
J’attendis.
Toujours aucun bruit.
J’attendis.
Mon cœur battait à tout rompre.
- OUAAAAH ! fit la voix de Donald.
Aussitôt, le reste du groupe et moi lui demandâmes ce qu’il s’était passé.
- De… justesse… répondit-il.
Avant que le sorcier ne puisse donner plus d’explications, la brume révéla une vision cauchemardesque. Juste devant moi, une crinière de feu, des cornes, des yeux violets brûlants d’une colère sans nom et le plus important… une gueule gigantesque ouverte, aux dents tranchantes plus longues et épaisses que mon propre corps. Ce ne fut que lorsque la mâchoire géante se referma sur moi que mon corps se souvînt qu’il fallait agir. J’invoquai un bouclier autour de moi, barrant le passage aux crocs de l’ennemi, qui se refermèrent sur ma protection. Je dû exploser mon bouclier en fragments de lumière, qui, à en juger par son hurlement, infligèrent de gros dégâts à mon opposant. Ce dernier se retira et disparut dans la brume. J’avais pu me défendre cette fois, mais rien ne disait que nous pourrions tenir longtemps. La brume qu’avait utilisée Sisu à Griffe du Dragon s’était dissipée d’elle-même, sans doute grâce à la volonté de notre amie. Ici, le dragon semblait vouloir la maintenir le plus longtemps possible. Il fallait alors forcer cette brume à disparaitre…
- Les amis, appelai-je. Rejoignez-moi, j’ai une idée.
Après leur avoir précisé de faire attention au dragon qui pouvait surgir à tout moment et que je n’avais pas changé de position depuis tout à l’heure, il se guidèrent uniquement au son de ma voix pour finalement m’atteindre.
- Il nous faut du feu, et beaucoup de vent, leur dis-je. Pour chasser cette maudite brume.
Riku et Maxwell comprirent tout de suite.
- Ooh ! fit le brun, ça m’étonne qu’on n’y ait pas pensé plus tôt.
- Bien vu, félicita Riku. O.K., Donald et moi, on s’occupe du feu, pour ce qui est du vent…
- Je m’en charge avec Lydia.
À l’appel de son nom, la concernée eut un mouvement de recul.
- Moi ? Mais… je ne sais pas si ma magie suffira à…
Je posai une main sur son épaule.
- Tu l’as déjà fait plusieurs fois, pas vrai ?
Elle chercha quoi répondre.
- Quand j’envoie ces bourrasques, je… je ne réfléchis pas trop, alors pour une stratégie, je risque de plus gêner qu’autre chose…
- Je te demande juste de faire la même chose que moi. Ton Essence est le vent, tu es naturellement douée pour ça. Si moi j’y arrive, tu y arriveras certainement. Alors, aies un peu plus confiance en toi, d’accord ?
- Je… (Une légère détermination s’alluma dans son œil vert, le seul que je pouvais voir qui n’était pas caché par ses cheveux, comme une bonne partie de son visage.) Je vais essayer.
Maxwell, juste derrière elle, m’adressa un regard de reconnaissance et murmura un « Merci. ».
Riku s’adressa alors à lui.
- Je compte sur toi pour nous servir de bouclier en cas d’attaque.
- Ça marche.
- Prêt, Donald ? Lui demanda l’argenté.
Le sorcier hocha la tête et ils brandirent leurs armes en direction du ciel.
- Brasier X ! Incantèrent-il en chœur.
Une grosse boule de feu d’un rouge incandescent se matérialisa devant chacune de leur arme, dont le bout brillait de la même couleur que le sort, qu’ils envoyèrent dans les airs.
Lydia me regardait, attendant que je lui dise quoi faire.
- Visualise bien l’intérieur des boules de feu, lui conseillai-je.
Elle ferma les yeux.
- Imagine aussi une petite zone de vide dans cet espace ardent, imagine que cette zone se remplit petit à petit d’air, un vent puissant. Quand je te le dirai, fais exploser cette boule de feu en laissant jaillir le vent tout autour. Respire et ne te mets pas la pression. Tu peux y arriver.
- Si besoin, je suis là pour te protéger, ajouta Maxwell. Comme d’habitude. Et puis… Il faut qu’on retrouve Tom et nos familles, pas vrai ?
Lydia respira à fond.
- Oui.
Les sorts de nos deux amis montèrent dans le ciel, encore et encore, pendant que je m’efforçais d’appliquer mes propres conseils concernant la visualisation. Quand j’estimais qu’ils fussent assez loin :
- Maintenant ! Rafale !
Au même moment, les deux boules de feu explosèrent et les flammes produites tourbillonnèrent violemment. Au début, l’ouragan de feu créé était assez faible, loin d’être assez puissant pour atteindre notre objectif assez vite.
- Il va falloir qu’on lance d’autres sorts, dit Riku, ça va aller, Donald ?
- Euh…
À en juger par son expression, sa réserve magique et son énergie, les deux composantes nécessaires au lancement d’un sort, avaient presque atteint leurs limites. L'enchantement d’arme n’étant pas son fort, ça lui coûtait beaucoup plus que des sorts plus classiques. Donald n’était pas le seul non plus, la totalité du groupe fatiguait. Peut-être qu’en puisant dans mes dernières ressources…
- Non, pas besoin, coupa Lydia, le regard rivé sur l’ouragan, plusieurs mètres au-dessus de nous. Je… Je peux le faire !
Je voulus lui dire de ne pas en faire trop, lorsque je vis son expression. Elle voulait se dépasser, ne plus passer pour un poids. Elle voulait se sentir utile, elle aussi.
Cette expression, était sans doute celle que j’arborais depuis un moment.
L’ouragan s’intensifia encore et encore jusqu’à devenir une dangereuse tornade flamboyante. À ce niveau, au moins la majorité du vent provenait de Lydia seule. La brume se dissipait peu à peu. Enfin, Lydia hurla et le sort explosa dans le ciel, la chaleur fit complètement disparaître la brume. Bientôt, on aurait qu’il n’y en avait jamais eu. La nouvelle Porteuse s’écroula de fatigue, heureusement réceptionnée par mes soins. Le reste d’entre nous se regroupa autour d’elle.
- Lydia, c’était…
- Incroyable, termina Riku.
- Ça tu l’as dit ! Renchérit Donald.
- Tu vois quand tu veux, taquina Maxwell.
- Merci, murmura-t-elle d’une voix faible. J’aurais peut-être dû…
- Garde tes forces, lui conseillai-je. On se charge du reste.
Cet instant de répit prit fin abruptement lorsque le dragon repassa à l’attaque.
- Dispersez-vous !
Je voulais écouter Riku et m’éloigner du lancer de flammes comme les autres avec Lydia dans mes bras mais mes jambes ne répondirent pas assez vite. Soudain, je sentis une force invisible dans mon dos, m’aidant à aller bien plus vite. Comme si… le vent me poussait. Une fois hors de danger, je regardai celle qui m’accompagnait. Lydia était inconsciente, terrassée par la fatigue. Elle venait d’utiliser ses dernières forces.
Repose-toi. Tu l’as bien mérité.
Soudain, un hurlement désagréablement familier retentit et le dragon commença à briller. Ce n’est qu’à la dernière seconde que je compris ce qu’il essayait de faire.
- Ne le regardez…
Le dragon produisit une explosion de lumière si vive qu’il devenait impossible de le regarder en face. Je détournai les yeux, en espérant que mes camarades en faisaient autant. Quand la lumière disparut, immédiatement, je cherchai le monstre du regard et pour mon plus grand malheur, il ne me fallut pas longtemps pour le trouver. Le dragon, ou plutôt, sa gueule grande ouverte se trouvait à quelques mètres de moi à peine. Pour empêcher toute fuite de ma part, il tendait ses pattes de part et d’autre, prêt à m’attraper si besoin.
Le temps ralentit.
Je ne pouvais rien faire. Je n’avais pas le temps de lancer un sort de protection, et encore moins de bouger.
Il n’y avait aucune échappatoire.
Les crocs se rapprochaient de nous, la mort se rapprochait de nous. Lydia, inconsciente, ne pouvait rien faire, ne sachant même pas ce qui l’attendait. Quant à moi… je n’étais même pas fichue de la protéger.
Les yeux de la créature brûlaient d’impatience d’en finir avec nous deux.
Je voyais l’obscurité de la mâchoire s’approcher de moi, pétrifiée par la peur, les sens engourdis par la crainte. La crainte de tout perdre ; de finir avalée par ces Ténèbres impitoyables.
Au loin, une voix me parvint. Celle de Riku, mon ami de toujours, hurlant avec désespoir :
- KAIRI !!!
Sa voix déchirante se perpétuait en échos dans ma tête. Je vis Riku et Donald courir au ralenti vers moi. Hélas, ils étaient bien trop loin pour tenter quoi que ce soit. Boun, Tong et les autres ne remarqueraient rien, beaucoup trop occupés pour nous aider. Je pensais que tout était perdu. Les larmes me vinrent d’elles-mêmes. Des larmes de regret et d’amertume.
Mais j’avais tort de me comporter ainsi.
Car il restait une dernière personne.
Un garçon capable de renverser la balance.
Une chose lumineuse passa sous le dragon. Aussitôt, elle prit la forme d’un bouclier, un écu ancien entièrement formé d’une lumière dorée légèrement sombre, bien plus grand et bien plus beau que tous ceux que j’avais vu jusqu’ici. Un rempart capable de stopper le mastodonte qu’était notre adversaire et de nous protéger, Lydia et moi. L’écu apparu soudainement cogna le menton du dragon si violemment qu’il referma sa gueule d’un coup, détruisant les crocs par la même occasion. Maxwell se précipita vers sa protection et fit un saut dont je ne l’aurais pas cru capable. En l’air, son arc de lumière dans les mains et sa Keyblade servant de flèche, il visa la gueule du dragon, grande ouverte. Le garçon concentra de l’énergie lumineuse d’un or sombre et décocha sa « flèche » dans un rayon. La créature ne put pas l’éviter.
Avec un autre hurlement de douleur assourdissant, Maxwell récupéra sa Keyblade par magie et se posta devant Lydia et moi, sans se tourner vers nous. Quelle force est-ce qu’il avait ! Admirative et profondément soulagée de sa présence, j’allais le remercier lorsqu’il m’arrêta :
- Pas besoin, dit-il. Tu as fait de ton mieux pour veiller sur Lydia, alors on est quitte. Et puis, (Il tourna légèrement sa tête vers moi avec un sourire bienveillant.) je ne peux pas te laisser mourir ici. Nous avons encore besoin de toi.
- Maxwell…
Riku nous rejoint, visiblement stupéfait.
- Comment est-ce que…
- Je l’ai affaibli autant que j’ai pu, coupa le brun. Maintenant, c’est à vous trois de donner le coup de grâce. Je… je ne suis plus vraiment en état de vous aider. J’ai failli atteindre ma limite.
Je le regardai un instant. Il avait raison : il tremblait et se servait de sa Keyblade pour rester debout. Il avait beau être plus expérimenté que Thomas ou Lydia, d’une façon ou d’une autre, je faisais quand même partie des aînés. Mon regard se posa sur Lydia. Les paroles que Sora, Riku et moi avions échangé sur notre île avant que toute ceci ne commence me revinrent en mémoire. En tant qu’aînés, nous devions protéger les nouveaux. Pas l’inverse.
Je confiai la jeune fille à Maxwell, avant de m’adresser à Riku et Donald :
- Finissons-en.
Serrant nos armes respectives, nous nous avançâmes vers le dragon, encore en proie à la douleur. D’habitude, j’aimais bien les animaux, mais je n’avais aucune pitié pour celui-ci. Sentant que la créature reprenait des forces, Donald attaqua le premier. Durant sa course, concentra une quantité incroyable d’électricité dans son sceptre, de sorte à former une immense sphère de foudre. Je serrai le porte-bonheur de Sora, une force nouvelle m’envahit.
Donald sauta de toutes ses forces et arma sa frappe, visant le menton exposé de l’ennemi.
- Prends ça !
Malgré son gabarit, Donald avait pas mal de force. Cela couplé à sa magie produisit un effet dévastateur, électrisant le monstre dans la totalité de son corps. En m’approchant de la créature, je fis appel une dernière fois à mon Essence, en espérant que cela fonctionne. Bien qu’elle fût bien plus faible qu’au début de notre combat, les flammes vertes du dragon lui procurant une protection face à la magie répondaient toujours à l’appel.
Sora m’attend.
Penser à lui me fit du bien, éclaircissant mes pensées. Je frappai du sol mon épée et créai un dôme de lumière assez grand pour envelopper la moitié du dragon. Ma Keyblade aspira la totalité des flammes dans cette zone. Aussitôt, la douleur revînt, bien plus puissante cette fois-ci. Mon corps faiblissait, mourrait à petit feu.
Mais je tenais. Je tenais bon. Pendant une seconde, je crus voir Sora à mes côtés, ma main dans la sienne. Plus aucune douleur n’engourdissait mon cœur ni mes pensées.
Riku lévita, une énergie sombre se manifesta pendant qu’il préparait une de ses plus puissantes attaques. Le ciel lui-même s’assombrit… et il disparut. Tout autour du dragon, différents portails s’ouvrirent, Riku passait par chacun d’entre eux, apparaissant et disparaissant en donnant un puissant coup d’estoc à vitesse maximale à chaque fois. Après une série de coups, il disparut un peu plus longtemps, préparant le coup de grâce. Riku n’était plus visible, mais je savais que nous pensions exactement la même chose. Peu importe notre état, il fallait qu’on s’en sorte. Notre cœur ne se focalisait que sur l’objectif. Notre objectif. Et ce n’était pas la fatigue qui nous empêcherait de l’atteindre. En tant qu’aînés et élus de la Keyblade, c’était notre devoir.
Alors il était hors de question que tout s’arrête ici.
Je relâchai mon attaque, sans doute la plus puissante que j’eus jamais lancé jusqu’ici, sous la forme d’une véritable vague de flammes blanches éclatantes. Dès l’instant où elles engloutirent la créature, Riku apparut au-dessus de la tête du monstre et assena le coup de grâce, créant par la même occasion des éclairs de lumière sombre qui ne manquèrent pas leur cible.
L’argenté nous rejoint d’un bond, toujours en garde. Le dragon hurla une dernière fois, en proie aux flammes et à la douleur, avant de s’écrouler pour de bon. Lentement, il se réduisit en fines cendres émeraudes qui disparurent. Bientôt, il ne resta de lui plus rien. Comme s’il n’avait jamais existé.
Le silence tomba parmi nous. Personne ne dit mot, pendant que la créature disparaissait de notre vue.
Donald fut le premier à réagir :
- Yahoooo ! Eh bah !
- Bien joué, félicita Maxwell. Vous avez donné à Maléfique une bonne leçon.
- Merci mais Lydia et toi avez joué un grand rôle vous aussi, lui répondis-je avec un sourire.
- Désolé de casser l’ambiance, déclara Riku, mais nous avons encore des choses à faire.
Il avait raison. Le Dragon-Druun – ou Druunragon – avait certes disparu mais ce n’était pas le cas des véritables Druuns, pourchassant toujours les derniers habitants restants. Heureusement, ceux-ci furent pris en charge par nos autres amis.
Mon regard se dirigea vers la tour principale.
- Il faut que j’aille les voir, déclarai-je. Qui sait ce qu’il se passe à l’intérieur…
La réponse de mes camarades ne se fit pas attendre.
- Raya peut avoir besoin d’un peu d’aide, dit Riku.
Maxwell se leva, Lydia sur son dos.
- On va aider les autres autant qu’on peut. Il reste peut être quelques monstres que l’on peut détruire.
- Compte sur nous ! termina Donald.
Je leur adressai signe de tête reconnaissant avant de courir vers le lieu du combat entre les deux guerrières.
J'arrivai à ce qui ressemblait à la fin du combat entre Namaari et Raya. Les deux jeunes femmes se trouvaient, couvertes de blessures et de poussière, au milieu des décombres. Namaari, désarmée, était au sol, tenant le pendentif offert à Raya six ans plus tôt. Cette dernière, devant elle, se tenait prête à abattre sa lame.
- Peu importe que tu ne me crois pas, dit Namaari, la voix mêlant tristesse et colère. Sisu l’a fait, elle.
- LA FERME ! s’écria Raya.
- Et maintenant, on en est là. (Namaari la regarda droit dans les yeux.) Fais ce que tu veux, mais saches que tu es autant coupable de sa mort que moi.
Raya hésita. C’était le moment.
- Attends !
Sans m’accorder un regard, mon amie me lança :
- Je t’ai dit de partir, Kairi.
- Désolée, mais je ne peux pas te laisser… te laisser tuer Namaari.
- C’est... Tout ce qu’elle mérite.
- Que se passerait-il ensuite, Raya ? Ôter sa vie ne ramènera pas ton père. Et tu le sais.
La jeune femme secoua la tête.
- Ce n’est que justice, Kairi. Elle est la raison pour laquelle le monde est dans cet état actuellement, où la grande majorité est pétrifiée à cause du Druun. Bon sang, j’ai perdu ma famille et Sisu par sa faute !
Le ton de Raya durcit encore plus.
- Maintenant, elle vient jouer les victimes alors qu’elle ne comprends pas ce que je ressens.
Mon regard s’arrêta que quelque chose au fond de la pièce.
- Au contraire, Raya. Je crois que si.
La pièce où nous nous trouvions n’était pas n’importe laquelle. Si on ignorait les gravats causés par les tremblements de terre, elle fut autre fois une salle luxueuse au sol marbré et colonnes d’or et d’un blanc d’ivoire. Au fond de cette pièce, en haut d’escalier, un trône dominait sur l’ensemble de la zone. Dessus, il y avait une statue : celle d’une femme en robe, portant un sceptre et à la coupe rappelant celle de la princesse de Croc.
La mère de Namaari. Sans l’ombre d’un doute.
En voyant cela, Raya abaissa enfin son épée.
- Tu peux encore changer d’avis, ajoutai-je avec douceur. Tu peux encore essayer de respecter la volonté de Sisu. Notre amie.
La jeune femme, au bord des larmes, regarda son reflet dans son épée.
- Il reste encore des gens, là-bas ! nous parvint la voix de Boun au loin.
Raya parut enfin se rendre compte du chaos qui régnait autour de nous. Le village de Croc n’était plus que ruines à présent, seules quelques zones restaient praticables et nos Tong, Boun et Noi s’en servaient pour guider les gens.
- Suivez-moi ! disait Tong. Dépêchez-vous !
À leurs côtés, Riku et Donald utilisaient leurs dernières forces pour repousser les sbires restants de la sorcière. Maxwell, malgré le fait qu’il portait Lydia, se battait également comme il pouvait.
- Derrière toi, Donald ! S’écria Riku.
Le canard se jeta au sol pendant que l’argenté détruisit un monstre d’un coup d’épée. Le temps que Donald le remercie, une autre créature essaya de les avoir, mais le sorcier répliqua à temps avec son sceptre. Un peu plus loin, Maxwell essayait de repousser les très nombreux Druuns avec son Essence. Cela étant, Riku ne lançait plus aucun sort, l’enchantement du sceptre de Donald était moins puissant et l’éclat des projections de Maxwell faiblissait.
À ce rythme-là, nous n’allions plus tenir très longtemps.
Raya croisa mon regard. Ses yeux avaient changé. Sa colère n’était plus.
Le lien que je ressentais dans mon cœur entre nous deux cessa de se briser. Au contraire… il se renforçait.
La jeune femme prit sa pierre.
- Allons-y.
J’acquiesçai avec un sourire. Armées de nos épées et du vestige de la relique draconique, nous rejoignîmes les autres, combattants monstres des ténèbres et fléau ancestral, main dans la main.
Quelques minutes plus tard, Raya et moi réussîmes à rassembler les derniers villageois, que nous aidâmes à monter sur Tuk Tuk. L’animal lança un regard à son maître semblant lui demander : « Et vous ? »
- Ne t’inquiète pas, lui répondit la jeune femme. On te suit !
Il se roula en boule et se dirigea vers la porte principale, miraculeusement intact. Soudain, des Druuns surgirent devant cette dernière. Tuk Tuk allait beaucoup trop vite, il n’aurait jamais le temps de faire demi-tour.
Quelqu’un bondit devant lui, et brandit sa pierre, ouvrant le passage à l’animal. Tuk Tuk se figea et regarda la nouvelle venue.
- Qu’est-ce que tu attends ? lui dit Namaari. Fonce !
Tuk Tuk s’exécuta sans attendre.
En voyant la princesse de Croc, mon enthousiasme réapparut. Elle avait finalement décidé de se battre avec nous ! Raya et Namaari échangèrent un regard dépourvu d’animosité ; plus comme si elles ne savaient pas quoi penser l’une de l’autre.
Soudain, le sol se fissura avant de s’affaisser. J’entendis des voix un peu plus loin crier mon nom ainsi que celui de Raya. Derrière nous, la totalité du groupe nous rejoignit.
- Rien de cassé ? me demanda Riku.
Avant même que je ne puisse lui répondre, Tong fronça les sourcils en voyant qui nous accompagnait :
- Celle qui a tué Sisu… dit-il d’un ton glacial à une Namaari silencieuse, subissant les regards de haine du reste de mes amis.
Le sol céda et nous emporta tous en contrebas.
Nous nous retrouvâmes dans un lieu sombre, vide de toute vie et…
Envahi par les Druuns.
Ils nous encerclaient ; tellement nombreux que nous ne pouvions regarder nulle part sans que nos yeux rencontrent de nuages obscurs à l’intérieur améthyste. Les possesseurs de la pierre faisaient de leur mieux pour les repousser, mais le fléau ne fuyait plus : il résistait.
- Le pouvoir de la pierre disparaît ! Prévint Boun, paniqué.
Les Keyblades aussi ne nous servaient pas beaucoup. Vidés de nos forces, il nous était impossible de produire la moindre magie pour au moins retarder la calamité. Cela se voyait surtout avec Maxwell, qui ne pouvait créer la moindre protection sans la voir s’effriter aussitôt.
- Je n’ai ni assez de lumière, maugréa-t-il, ni assez de magie ou d’énergie pour quoi que ce soit !
Pris dans un véritable tourbillon de Ténèbres, notre seule option était la retraite, mais pour aller où ? Nous étions les seuls en possession de la pierre du Dragon. Dehors… Eh bien, je ne voulais pas y penser.
Si on ne faisait rien, le dernier rempart à la survie de ce monde disparaîtrait. Pour de bon.
Après un énième coup de Keyblade désespéré qui ne fit aucun effet au Druun, mon pied rencontra quelque chose sur le sol. Un bijou en forme de dragon doré, que je ramassai aussitôt.
- Raya !
Je lui lançai l’objet. Elle le saisit en plein vol avant de le regarder. Je ne savais pas pourquoi j’avais fait ça mais cela me semblait nécessaire. Peut-être pensais-je juste qu’elle aimerait le garder. Raya regarda attentivement l’objet, puis elle écarquilla les yeux.
Elle venait d’avoir une idée.
- Donnez-moi vos pierres ! On peut encore la réparer ! On peut y arriver.
Ce fut Boun qui lui répondit, tout en brandissant la pierre :
- Sisu n’est plus là et nous n’avons pas ses pouvoirs !
- Réparer la pierre ne servirait à rien, renchérit Riku. Plus maintenant.
- Il n’est pas question de magie, expliqua-t-elle, mais de confiance.
L’histoire que nous avait racontée Sisu, sur la disparition des dragons il y a cinq cents ans, me revint en mémoire.
« J’ignore pourquoi ils m’ont fait confiance, disait-elle. Ça aurait pu être n’importe qui. Tout ce que je sais, c’est que j’avais confiance en eux, et ils avaient confiance en moi. Point final. »
- Le vrai pouvoir de la pierre…, réfléchissais-je. C’est la confiance ?
- Oui, confirma-t-elle. C’est pourquoi nous pouvons faire la même chose que Sisu il y a des siècles. (Elle se tourna vers moi.) Tu avais raison, Kairi : nous pouvons y arriver, en respectant la volonté de Sisu. En faisant la seule chose que Sisu et mon ba attendaient de nous. Se faire confiance et tout arranger. Mais…
- Nous devons nous unir pour ça, complétai-je.
Sans surprise, Tong réagit et désigna Namaari :
- Après ce qu’elle a fait ?!
- Nous n’aurons jamais confiance en elle ! renchérit Boun avec ardeur.
- C’est compréhensible, déclara Riku à mon attention. Tu ne peux pas leur en vouloir.
Riku ne parlait pas seulement des résidents de ce monde, mais aussi de Donald et Maxwell, qui gardaient le silence, peu enthousiastes à cette idée. Ce qui était normal : leur réaction était plus que naturelle après tout ce qui s’était passé.
- Je sais, répondis-je.
- Nous savons, corrigea Raya. C’est pourquoi… (Elle prit quelques instants.) Je ferai le premier pas.
La jeune femme marcha vers Namaari, surprise, et lui remit sa propre pierre. Sans lâcher son ancienne ennemie du regard, Raya recula d’elle-même dans la marrée de Druuns. Sous nos yeux impuissants, malgré nos supplications et nos protestations, elle se laissa avaler par un Druun, qui ne laissa d’elle plus qu’une statue.Les larmes me montèrent aux yeux. Raya… elle avait été si forte. Malgré son passé avec Namaari, malgré ses trahisons, elle décida quand même de suivre Sisu et de se sacrifier pour le bien commun. Le silence régnait parmi nous, choqués et atterrés par la scène à laquelle nous venions d’assister. Boun regarda sa pierre, puis nous. Sans dire un mot, il déposa lui aussi sa pierre dans la main de Namaari, et partit rejoindre Raya. Il posa sa tête contre sa taille, comme un petit frère et sa grande sœur, et se laissa pétrifier par le fléau. La princesse de Croc fut interpellée par un gazouillis de bébé. Noi, au sol devant elle lui tendit sa pierre. Trop petite pour Namaari, Tong décida de la porter avant de donner son fragment lui aussi. Le duo se dirigea ensuite aux côtés de Raya et Boun, accompagné des trois singes au pelage blanc. Ces derniers firent un signe de tête aux deux autres, essayant de combattre leur peur. Tong sourit une dernière fois à Noi et les deux fermèrent les yeux avant de se transformer en statue.
- Eh bien, dit Maxwell d’un air détaché. En voilà un dénouement auquel je ne m’attendais pas. Nous n’avons pas de pierre mais (Il regarda Namaari droit dans les yeux.), te faire confiance est la seule chose que nous pouvons faire, pas vrai ?
La guerrière ne répondit pas, trop stupéfaite et triste pour prononcer un mot. Le brun rejoignit les autres lui aussi. Il s’assit en tailleur, sans lâcher Lydia, toujours inconsciente.
- Relax, Kairi, déclara Maxwell en remarquant mon regard. Je ne ferais rien qui ne soit pas bénéfique pour Lydia. L’argenté le confirmera.
Son interlocuteur eut un petit rire.
- Sur ce, (Maxwell prit la main de Lydia dans la sienne.) à plus, les gars.
Un autre Druun passa et ne laissa derrière lui que deux statues de pierre.
Donald et Riku échangèrent un regard, puis le reportèrent sur moi.
- Tu as fait confiance à Sisu et Raya, depuis le départ, expliqua Riku. Parmi nous, tu dois être celle qui les comprend le mieux. Et nous te faisons confiance alors…
- On te suit, termina Donald.
Je leur souris tendrement. Je n’en revenais pas d’avoir des amis pareils.
- Oublie toute ta haine, ai-je conseillé en reportant mon attention sur Namaari. Et écoute ton cœur, comme nous tous. Tu peux le faire.
Je pris la main de Riku et Donald et nous nous postâmes aux côtés des autres. Des Druuns s’approchèrent. Je sentis le porte-bonheur de Sora dans ma poche, ce qui renforça ma décision.
D’une façon ou d’une autre, je le reverrai. C’était obligé.
Un dernier regard avec Namaari échangé, je fermai les yeux. J’attendis patiemment que le fléau agisse. Et soudain…
Je n’étais plus là.