Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 61 : Le prix de la confiance (Riku)

6072 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/01/2023 21:09

Je reconnais avoir été soulagé quand j’ai vu Sisu ramener Kairi. Quand le dragon la déposa, elle et Raya, je demandai immédiatement à mon amie si elle allait bien et ce qu’il s’était passé.

-         On a visité le foyer de Raya et… euh, on a discuté de certaines choses.

Raya resta silencieuse. À l’image de Kairi, cette dernière semblait légèrement troublée, mais aussi plus… optimiste.

O.K., je vois. Je ne sais pas comment Sisu et Kairi ont fait, mais les choses semblent s’arranger pour Raya.

-         Sisu.

Mon interlocutrice se figea.

-         La prochaine fois, préviens quand tu comptes disparaître, d’accord ?

Le dragon eut l’air soulagé, comme si elle s’attendait à une réaction plus dure de ma part. Étrange… Faisais-je si peur que ça ?

-         Daccodac ! répondit-elle en faisant un « O.K. » du bout de ses doigts griffus.

-         Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? a demandé Boun.

Cette fois, ce fut Raya qui prit la parole.

-         Nous allons suivre le plan de Sisu.

Surprise générale. Personne ne s’attendait à cette réponse, surtout vu la vigueur avec laquelle l’épéiste avait refusé la stratégie de Sisu en premier lieu.

-         Tu en es sûre ? demanda Maxwell.

-         Ouep ! affirma Sisu, ce qui m’a semblé un peu déplacé.

-         Ça va vraiment marcher ? s’inquiéta Lydia.

-         Ouep !

-         Sisu t’a forcé la main ? suspecta Donald.

-         Oue… (Sisu écarquilla les yeux.) Quoi ? Non, pas du tout !

Tong, le guerrier à la grosse hache, observa Raya :

-         Ton visage est différent… Que t’est-il arrivé ?

La jeune femme mit un certain temps avant de répondre.

-         Disons… que je commence à reconsidérer certaines choses.

-         Très bien, fit Maxwell avec un sourire. Prends le temps qu’il faudra.

Raya lui rendit son sourire un peu timidement. Aucun doute ; elle changeait petit à petit. Et peut-être pour le mieux. Je souris à mon tour.

Peut-être comme moi, finalement.

-         Quelle est la suite des opérations ? lui demandai-je.

-         Il va falloir contacter Namaari ce soir, pour convenir d’une rencontre où elle apportera la pierre, en échange de… (Elle nous montra un bijou doré en forme de dragon.) ceci.

Boun, perplexe, déclara :

-         Je pense pas qu’elle va échanger le bien le plus précieux de son village en échange d’un dragon miniature.

-         Hé, s’indigna Sisu. C’est pas n’importe quel dragon miniature !

Elle approcha ses pattes du bijou.

-         Vous ne reconnaissez pas cette prestance, cette beauté, ce style ?

-         Euh… nan ?

Sisu poussa un profond soupir.

-         Moi, je t’ai reconnue, déclara Kairi en souriant.

-         Bah voilà !

Raya eut un petit rire.

-         Bon, intervint Maxwell, admettons qu’il y ait une chance que Namaari accepte de nous aider à sauver le monde. Comment allons-nous la joindre ? O.K., on sera en pleine nuit, mais je suis sûr que Croc sera bien gardé.

-         Je rejoins Maxwell, ajoutai-je. Nous n’avons pas le plan détaillé de Croc du Dragon, ni même le nombre de gardes et les rondes effectuées. Impossible ne serait-ce que tenter une infiltration.

-         Oh, mais nous avons un moyen. Voire quatre.

-         De quoi est-ce que…

Donald n’eut pas besoin de terminer sa phrase ; lorsque le canard suivit le regard de Raya dirigé vers le bébé, il comprit.

-         Gné ? fit la petite fille, surprise.

Kairi douta.

-         Je ne sais pas… Ce serait dangereux de les envoyer là-bas.

-         Kairi, (Elle me lança un regard inquiet.) je ne suis pas fan non plus, mais ce bébé et ses singes ont été capable de voler ses brochettes à Araen et de nous faire courir à travers tout le village de Griffe. S’il y a de gens qualifiés pour une mission pareille ici, c’est bien eux.

-         Moyennant compensation, évidemment, ajouta Raya.

Le quatuor croisa les bras, l’air d’attendre. Raya jeta un œil à Boun, qui comprit immédiatement :

-         C’est bon, j’accepte, dit-il. Si vous réussissez votre mission, vous aurez droit à une tournée de mon congee spécial quand tout sera terminé.

Le bébé ne répondit rien.

-         D’accord, deux tournées.

Toujours pas convaincue, elle fit un cercle avec les macaques et ils… « discutèrent » à voix basse. Pour moi, ça ressemblait plus à un ensemble de bruits de bouche incompréhensibles mais bon. Boun s’impatienta.

-         Trois tournées ! C’est bon, vous êtes contents ?

Oui, ils l’étaient. Les épaules de Boun s’affaissèrent.

-         J’ai rien contre le fait de nourrir des ventres vides, a-t-il déclaré, dépité, mais ils vont finir par me ruiner.

-         Pas de panique, capitaine, lui dit Sisu. Quand on aura sauvé le monde, tu diras adieu à la faillite !

Cela eut l’air de convaincre le pré-ado, qui reprit des couleurs. Raya regarda le ciel crépusculaire autour de nous. Il était déjà si tard…

-         À ce rythme, on devrait arriver dans la nuit, comme prévu. Maintenant que tout est décidé, reposez-vous bien les gars. On ne sait jamais.

Surtout avec Maléfique et ses sbires dans les parages, pensais-je, mais je préférai garder ça pour moi.

-         Préparez-vous, reprit-elle, parce que dans quelques heures, tout se décidera.

Sur ces mots, nous nous répartîmes dans le bateau, certains pour dormir, d’autres pour manger, d’autres encore pour juste… attendre. Comme souvent, nous ne savions pas ce qui nous attendaient à Croc du Dragon. La seule chose dont j’étais certain, c’est que d’une façon ou d’une autre…

Notre périple dans ce monde se terminerait là-bas.

 

 

La nuit était tombée depuis un moment déjà quand nous vîmes une île au loin éclairée par quelques lanternes au centre. Raya s’avança en tête à la proue et annonça :

-         Nous y sommes.

Croc ne ressemblait en rien aux villages que nous avons visités jusqu’ici. Il était majestueux, avec ses immenses bâtiments à la paroi blanche et ses toits dorés. Autour de ce qui s’apparentait à la cité, des champs s’étendaient en plusieurs couches, formant une belle cohabitation entre l’Homme et la Nature. Absolument rien ne laissait penser qu’une catastrophe ayant détruit le monde s’était produite il y a moins d’une dizaine d’années. Au contraire, les habitants semblaient y vivre confortablement. Croc avait sans doute dû être épargné des ravages du Druun, notamment grâce à l’eau qui les protégeait, seul moyen d’accès. S’y diriger à bord du Palais de la Crevette était totalement exclus : les nombreux gardes du port nous verraient malgré la faible luminosité et lanceraient l’alerte. Or, comme l’avait dit Raya plus tôt dans la journée : nous avions avec nous un dragon dont l’eau était justement le pouvoir. Une fois à une distance respectable, suffisamment loin des gardes mais pas trop pour pouvoir intervenir si besoin, nous avons aidé le bébé et les singes à s’agripper à Sisu.

-         Ça va aller ? demanda Kairi.

Je ne savais pas vraiment à qui elle s’adressait et je pense qu’elle non plus. La connaissant, elle posait cette question à tout le groupe chargé de l’infiltration.

-         Impec’, répondit Sisu avec enthousiasme.

Tong vérifia si le bébé était bien attaché, de même que ses acolytes.

-         C’est bon ? lui demanda-t-il avec une douceur surprenante venant d’un type aussi farouche habituellement.

Le quatuor hocha la tête en souriant.

-         Très bien, dit Raya. Vous connaissez le plan…

-         Oui, coupa Sisu. J’amène ces quatre-là dans la partie la moins gardée de l’île mais pas trop loin non plus de la chambre de Namaari. J’attire les soldats loin sans qu’ils s’aperçoivent que je suis un beau et magnifique dragon et ensuite…

-         Gah ! fit le bébé.

-         Exact ! confirma Sisu. Ils se faufilent à l’intérieur et donne à Namaari le cadeau.

Maxwell s’approcha de moi.

-         Dis, tu penses vraiment qu’elle a compris le bébé ?

-         Tu es sérieux, là ?

-         Je posais juste la question.

Sisu se tourna vers l’épéiste, qui tendit au nourrisson quelque chose emballé dans un tissu rouge ficelé à un papier :

-         Le cadeau avec un message, précisa-t-elle. Faites-y attention.

-         Tu me connais, se vanta Sisu, je suis la prudence même.

Raya sourit, mais ne dit rien. À son visage, la jeune femme paraissait moins assurée que plus tôt dans la journée. Qui pourrait lui en vouloir, après tout ?

-         On compte sur vous, déclarai-je.

-         Bon courage, ajouta Kairi suivie des autres membres de l’équipage. S’il y a le moindre souci, revenez directement.

Remontés à bloc, Sisu et les quatre autres bombèrent le torse. Puis, après s’être assurée que tout le monde était bien attaché, elle se jeta à l’eau.

 

 

Combien de temps avons-nous attendu ? Aucune idée. Ce dont j’étais certain : la nuit était bien avancée. Plusieurs minutes s’étaient déjà écoulées lorsque Sisu, ne pouvant rester trop longtemps près du village (les dragons n’étant plus censés exister), nous rejoignit au bateau, guettant un signe du retour du quatuor. Le problème, c’était qu’il durait bien plus que prévu, ce qui jouait sur nos nerfs. Lydia jouait nerveusement avec ses longs cheveux blonds bouclés, Kairi en faisait autant, Raya et Donald tapaient nerveusement du pied/de la patte sur le bois.

-         Tu peux arrêter, s’il te plaît ? demanda Maxwell à Donald.

-         De quoi ?

-         Taper le sol.

-         Je ne suis pas le seul à le faire, se défendit le canard en montrant Raya.

-         Peut-être, mais tu fais plus de bruit.

-         Pourquoi ça ?

Le brun le regarda comme si Donald se moquait de lui.

-         Canard ? Palmipède ? Ça te dit rien ?

-         Ça devrait ?

Maxwell abandonna la partie.

-         Tu penses qu’ils vont bien ? me demanda Kairi.

Je plissai les yeux autant que possible.

-         Je ne vois aucun mouvement au niveau du bâtiment principal, et les gardes ont l’air calme. S’il y avait eu quelque chose, nous nous en serions aperçus.

L’auburn se détendit un peu.

Maintenant que j’y pense…

-         Au fait, me lançai-je, pour tout à l’heure…

-         Oh ? fit-elle avec une désinvolture inattendue. Notre dispute ? Ne te prends pas la tête avec ça : c’est normal que des amis se « battent » de temps en temps, non ?

Je lui souris.

-         Tu as raison.

-         Juste… La prochaine fois que tu prends une décision aussi importante, consulte-moi avant, d’accord ?

Nos regards se croisèrent avant que je ne lui réponde :

-         C’est d’accord.

Je suis vraiment heureux de t’avoir pour amie.

Sisu mangeait avec hésitation quelque chose de jaunâtre et de caoutchouteux. Vu son visage, ce n’était pas très bon.

-         Si elle ne coopère pas, dit Tong aux côtés d’une Raya nerveuse, on aura mis notre avantage tactique et notre chance à la poubelle.

-         Je sais, répondit la jeune femme.

-         Je vois pas pourquoi elle accepterait, ajouta Boun, bras croisés.

-         Je sais.

Sisu croqua avec hésitation dans la chose qui lui servait de nourriture – du jaquier, je crois – avant de grimacer en disant :

-         Ces fruits sont immangeables.

-         Je sais !

-         Ces quatre ninjas miniatures vont réussir à accomplir leur mission ? douta Tong.

Raya faillit répondre quelque chose, mais changea d’avis :

-         Je… Je ne sais pas.

Dès qu’elle eut terminé sa phrase, à l’horizon, quelque chose nous interpella. Des petits points s’agitaient dans la pénombre en bondissant. Je regardai autour d’eux : personne ne les avait remarqués.

-         C’est eux ! fit Maxwell.

-         À toi de jouer, Sisu ! dit Raya.

Aussitôt, le dragon plongea et nagea vers eux. Avec une vitesse et une discrétion étonnante, les récupéra et ramena le groupe sur le bateau. En voyant nos regards, le bébé et les singes levèrent un pouce en l'air, à notre grand soulagement.

-         Vous avez réussi ! a fait Boun, un peu surpris.

-         On a jamais douté de vous !

Donald essuya le regard de l’ensemble de l’équipage.

-         Bah quoi ?

-         Bref, intervint Raya en jetant un œil au bâtiment le plus grand de la cité, peut-être la résidence de Namaari ? Il ne nous reste plus qu’à attendre.

 

 

Encore, nous avons attendu, le temps que Namaari lise le message de Raya et prenne sa décision. Cela avait duré assez longtemps, car le jour commençait à se lever peu à peu. Raya fixaient toujours le même immeuble, guettant un signe de la princesse de Croc du Dragon. Toujours rien. La jeune femme soupira. Dans le bateau, chacun vaquait plus ou moins à ses occupations. Kairi jouait avec la petite fille, cette dernière semblant très satisfaite de rester avec mon amie. Lydia observait la forêt autour de nous avec Tuk Tuk à ses côtés (un duo qui me surprit un peu), l’air inquiète. Il y avait de quoi : une grande quantité de Druuns peuplaient la forêt autour de l’île, ce qui constituait une des raisons pour lesquelles nous ne débarquions pas. Maxwell la rejoignit, donna un bol de nourriture à Tuk Tuk qui oublia aussitôt son angoisse et entreprit de rassurer son amie. Donald et moi scrutions les environs, à la recherche des monstres de Maléfique :

-         Toujours rien ? me demanda Donald.

-         Toujours rien.

-         C’est bizarre… Des créatures volantes brillantes d’un feu vert, ça devrait être visible en pleine nuit, non ?

-         Hmm…

Donald a raison. On aurait dû pouvoir les remarquer dans l’obscurité or cela n’a pas été le cas. Maléfique ne serait donc plus là ? J’en doute. Elle pouvait être partie, mais pas sans nous laisser un « cadeau » ou plusieurs. Et puis, elle semblait vraiment déterminée à obtenir la Pierre du Dragon…

-         Tu as mis trop d’épices ! déclara une voix, brisant le fil de mes pensées.

Tong et Boun discutaient devant l’unique table, sous les yeux d’une Sisu silencieuse. Boun sortit une spatule d’une marmite chauffant au milieu de la table et pointa le guerrier avec :

-         Non, il y a trop de bambous, répondit-il.

-         Qu’est-ce que tu en sais ? lui lança Tong.

-         Je suis cuisinier, accessoirement, rétorqua le capitaine. C’est genre… mon métier.

-         Et alors ? Tu as les goûts d’un bébé !

-         Toi, t’es habillé comme un bébé !

L’homme eut l’air profondément choqué.

-         Donne-moi la spatule.

-         Recule. C’est moi le professionnel, ici.

Pendant que Tong et Boun se disputaient, Raya les observait en souriant tendrement. Pour être franc, je ne la pensais pas capable d’un sourire pareil. Elle s’approcha du cuisinier et du guerrier en sortant un petit sac en toile.

-         Je peux ? demanda-t-elle.

Elle déposa une poudre blanche dans la marmite contenant la nourriture, une soupe orangée contenant des légumes, des herbes et d’autres ingrédients que je n’arrivais pas à déterminer. Ni une ni deux, Boun mélangea avec sa spatule et goûta. Il lui fallut moins d’une seconde pour s’écrier :

-         Waouh ! C’est délicieux ! (Il s’adressa à tout le monde.) Venez les gars, le repas est prêt !

Pendant que Boun faisait la table et répartissait les bols, le bébé et les singes surgirent de nulle part devant leurs couverts respectifs, comme s’ils avaient toujours été là.

Comment est-ce que… Pas la peine de chercher à comprendre.

Une fois tous réunis, nous avons goûté à notre tour… Et adoré.

-         Quel est l’ingrédient que tu as ajouté, Raya ? lui demandai-je.

-         C’est juste un petit quelque chose me venant de mon père, expliqua-t-elle.

-         Ton père est un sacré cuistot, complimenta Maxwell. Pas vrai, Lydia ?

Son amie hocha la tête avec certitude.

-         C’est super bon, renchérit Donald.

Raya eut un petit rire. En me voyant manger, Kairi me demanda avec un sourire moqueur :

-         Alors ? On a pas peur que ça soit empoisonné ?

Je reconnais avoir souri ; un peu malgré moi.

-         O.K., cédai-je, j’ai eu tort. Contente ?

Son sourire s’élargit.

-         Oui !

-         C’est aussi ton père qui t’a montré comment faire tes, euh, délicieux jaquiers séchés ? demanda Sisu en donnant un bol à Raya.

-         Non, ça… c’est moi. Moi, seule.

Elle observa un instant sa nourriture.

-         J’aimerais tellement partager un repas avec lui une nouvelle fois.

-         Je te comprends.

Boun prit une brochette de viande panée.

-         J’avais une sœur hyper énervante qui passait son temps à me décoiffer…

Il marqua une pause.

-         Je donnerais tout pour la revoir.

La petite fille rejoignit Tong et le guerrier l’aida à monter sur son épaule.

-         Si on réussit… commença ce dernier.

-         Quand on réussira, corrigea Maxwell.

-         Tu as raison. Quand on réussira, ce que je rêve de retrouver encore plus que tout, c’est la belle et joyeuse ambiance de mon merveilleux village débordant de vie.

Le bébé posa une main sur sa joue, l’air compréhensive.

-         Et toi, poursuivit Tong, tu pourras enfin retrouver ta famille, Noi.

Raya s’arrêta de manger.

-         Comment l’as-tu appelée ?

-         Noi, répondit Tong. (Ladite Noi vida en une gorgée un bol, plein je précise, et rota sereinement.) C’est son prénom.

-         Comment tu le sais ? demanda Donald.

-         C’est écrit sur ses vêtements, expliqua Kairi.

-         Tu étais au courant ? lui demandai-je.

-         Oui. À force de jouer avec elle, j’ai fini par le remarquer. Je ne te l’avais pas dit ?

-         Non.

-         Oh… Eh bien, maintenant, tu le sais.

Tong eut l’air indigné.

-         Aucun de vous n’avait remarqué ?

Le reste du groupe secoua la tête. Le guerrier poussa un soupir de déception.

-         Et c’est moi qui passe pour la brute mal élevée !

Nous discutions avec bonne humeur, un peu comme une bande d’amis visitant le pays en bateau, comme si nous n’essayions pas de sauver le monde. La température était clémente, le vent frais caressait nos cheveux avec douceur, de nombreuses lucioles volaient autour de l’embarcation donnant l’impression que de la neige verte tombait autour de nous. C’était une bonne ambiance, je dois le reconnaître. Enfin, le temps que ça a duré. Un grésillement vint couper court à la discussion. Puis, un feu d’artifice partit de l’arrière de l’immeuble principal de la cité et explosa dans le ciel auroral.

-         Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda le dragon.

-         C’est le signal que Namaari accepte de nous voir. Sisu ?

La créature ancestrale jeta un œil à Raya.

-         Tant que nous n’aurons ni la pierre, ni la preuve que Namaari est de notre côté, promettez-moi de rester cachée.

Sisu acquiesça.

-         Qu’est-ce qu’il y a, Riku ? me demanda l’auburn en scrutant mon visage. Elle a accepté, c’est une bonne chose, non ?

-         Raya a raison, lui répondis-je. On ne sait pas vraiment si elle est de notre côté ou non, pour le moment.

-         Peut-être que si.

-         C’est ce que je préfère croire. Vous avez décidé de lui faire confiance, alors je respecte votre décision.

-         Alors quel est le problème ? demanda Kairi.

-         Maléfique. Elle veut rassembler les pierres, et Namaari prévoit de nous donner la dernière. Ça m’étonnerait qu’elle la laisse lui filer entre les doigts.

Maxwell, qui avait écouté notre conversation, déduisit :

-         Tu veux qu’on reste sur nos gardes au cas où ces créatures se pointeraient.

Je hochai la tête.

-         Aucun problème, assura Donald.

Raya nous observait attentivement. Lorsque nos regards se croisèrent, je lui dis :

-         Tu peux compter sur nous.

-         Je sais, répondit-elle avec un sourire inattendu.

-         O.K., fit Sisu. Si tout le monde est prêt, allons sauver le monde !

 

Raya avait donné rendez-vous à la princesse de Croc hors de l’île, en haut d’une falaise, suffisamment loin de l’île pour ne pas être vue et à la lisière de la forêt afin que nous puissions remarquer les potentiels Druuns de loin. Namaari était là la première, désarmée (du moins en apparence), un objet brillant d’un éclat bleuté dans une main et un bijou doré dans l’autre. Raya l’observa, cachée derrière un tronc, comme nous tous. Elle nous lança un dernier regard et nous hochâmes la tête. Elle prit une grande inspiration et se dirigea vers celle qui l’attendait. En la voyant, Namaari ne fit aucun mouvement suspect jusqu’à ce que Raya se tienne à deux ou trois mètres d’elle.

-         Je vois que tu as reçu mon cadeau, déclara cette dernière.

Namaari regarda le dragon en or.

-         Je ne pensais pas le revoir un jour.

-         Eh bien… J’en ai pris grand soin comme tu peux le voir, dit Raya. Je te rappelle que… Tu n’es pas la seule à être une vraie fan des dragons.

Son interlocutrice eut un petit rire et rangea le cadeau de l’épéiste. Puis, Namaari déposa avec précaution la pierre sur le sol et recula.

Tout se passe un peu trop bien pour l’instant.

Je regardai rapidement autour de nous : aucun signe d’une quelconque créature hostile, alors d’où me venait ce sentiment de malaise ?

-         Je ne le sens pas, murmura Maxwell.

Raya jeta un œil derrière elle et Sisu sortit de notre cachette. En la voyant, Namaari, d’abord émerveillée à la vue du dragon, se ressaisit et s’inclina de respect en formant un cercle avec ses doigts. Une fois que Sisu arriva à la hauteur de Raya, Namaari se caressa les cheveux, gênée.

-         La dernière pièce, dit Sisu.

-         Il est temps de ramener tout le monde à la vie, ajouta Raya avec enthousiasme.

Évidemment, ça aurait été trop simple. J’avais eu tort en disant que Namaari était désarmée car à cet instant : elle visait nos deux alliées avec une arbalète. Soudain, des créatures de Maléfique surgirent de derrière Namaari… et de derrière nous. Nous étions encerclés. Aussitôt, le reste du groupe sortit. Maxwell, Lydia, Kairi et moi invoquâmes nos Keyblades respectives. Donald se tint prêt à lancer un sort avec son bâton. Raya était dos à nous, donc je ne voyais pas son visage, mais je pouvais deviner sans peine sa déception et sa colère.

-         Sisu et les pierres viennent avec moi, ordonna Namaari, l’air étonnement peu sûre d’elle, comme si elle hésitait encore.

-         Namaari… tenta Kairi.

-         SILENCE !

Boun et les autres essayèrent de s’approcher de Raya et Sisu, mais la princesse n’était pas d’accord :

-         N’approchez pas ! dit-elle en les visant.

-         Lui faire confiance était de la folie, déclara Tong, et j’étais d’accord avec lui.

-         Ces monstres, ajoutai-je. Vous travaillez avec Maléfique depuis tout ce temps ? C’est comme ça que Croc a pu aussi bien se développer ?

-         Moi qui vous prenais pour un peuple fier et déterminé, renchérit Maxwell avec colère.

-         On s’est fait avoir comme des bleus ! s’écria Donald.

-         Namaari…

Notre ennemie visa Raya immédiatement.

-         Tu peux encore changer d’avis.

C’était admirable de sa part, mais Namaari avait fait son choix. Elle regarda chacun d’entre nous.

-         Je… je n’ai pas d’autres choix.

Raya faillit dégainer sa propre épée lorsque Sisu l’interrompit.

-         Laisse-moi gérer ça.

Son amie hésita quelques secondes… Et retira finalement sa main de la garde. Sisu lui sourit en remerciement avant de se tourner vers une Namaari en proie à un mélange de panique et de fausse détermination. À ma grande surprise, Sisu s’approcha sans hésitation de la princesse. Une fois à proximité de la pierre sur le sol, elle se mit à scintiller du même éclat.

-         Que… Qu’est-ce que vous faites ? demanda Namaari sans baisser son arme.

-         Tu rêves d’un monde meilleur, devina Sisu. Comme nous tous.

De plus en plus, Namaari paniquait. De plus en plus, les larmes lui venaient. De plus en plus, son arme tremblait.

-         Sisu… dit-elle.

Le dragon ne bronchait pas.

-         J’ai confiance en toi, Namaari.

Nous retenions tous notre souffle. Raya la première. Les monstres resserraient le cercle autour de nous.

Je vis Namaari appuyer lentement sur la détente. Raya aussi.

N’en pouvant plus, elle dégaina son épée et visa son opposante. La lame se détacha en plusieurs morceaux reliés par un fil, allongeant sa portée suffisamment pour atteindre l’arme de Namaari, qui appuya complètement sur la détente.

Nous vîmes tous avec impuissance la flèche passer au ralenti à côté de Raya et atteindre Sisu en pleine poitrine.

Le dragon tomba hors de la falaise.

-         NON ! hurla Raya dans un cri déchirant.

La totalité du groupe, ignorant les monstres autour, se dirigea vers le bord.

-         SISU !

Personne ne lui répondit. Nous arrivâmes juste à temps pour voir le corps sans vie de notre amie se faire emporter par les flots. Très vite, il ne resta plus rien en surface.

Sous nos yeux, la grande Sisudatu, celle qui avait sauvé Kumandra autrefois, était morte, tuée par la confiance qu’elle s’efforçait d’accorder à tous.

Sous nos yeux…

Le dernier dragon avait disparu de ce monde.


Laisser un commentaire ?