Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 60 : Princesse Coiffure joue les baby-sitters (Araen)

5285 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/12/2022 18:09

Malmal me faisait poireauter et honnêtement, ça commençait à me taper sur le système.

Après m’avoir trouvé seul à Dos du Dragon, elle me proposa de la suivre en passant un portail obscur. N’ayant pas la moindre envie de retourner auprès de celui qui m’avait humilié, je l’ai suivie. Et puis… j’avais d’autres raisons. Bref, je devrais peut-être vous dire où je me trouvais. Maléfique m’avait amené dans une forêt que je ne reconnaissais pas du tout, totalement déserte. De longues tiges peuplaient la totalité de l’environnement, pas assez grosses pour être des troncs d’arbres, sans doute des bambous aux feuilles d’un vert très vif. Le soleil brillait encore, bien que ses rayons peinassent à passer la cime des arbres, ça me faisait du bien de les laisser atteindre ma peau et le vent tiède caresser mon visage. Assis contre un rocher, je me suis surpris à repenser aux évènements récents. La sorcière m’avait… « recueilli » (je pense que c’est le bon terme vu ma situation) plus tôt en me proposant de m’aider à retrouver Yuki et ma grande sœur, Arenel, que je cherche depuis des années. Par contre, allez savoir comment Malmal savait où elles se trouvaient ou même comment est-ce qu’elle connaissait mon nom de famille : Radiance, que je n’avais pourtant dit à personne exceptée Yuki. Il y avait aussi autre chose dans les paroles de la sorcière qui me perturbait : apparemment, ma sœur avait changé de nom et se faisait à présent appeler « Larxene ».

Pourquoi est-ce qu’elle a fait ça ? ne pouvais-je m’empêcher de me demander. Pourquoi était-elle partie ?

Pendant longtemps, on m’a dit qu’elle était morte et qu’il fallait que je laisse tomber. Pourtant je refusais. Encore et encore. Tant que je n’avais pas vu son corps, pour moi, elle était encore en vie. Point. Cela dit, je crois qu’au fond de moi, je commençais à abandonner moi aussi, petit à petit. Alors quand la sorcière m’a confirmé qu’Arenel était encore en vie, je l’ai immédiatement suivie… Avant qu’elle ne me laisse là.

« Reste ici un instant, il faut que je règle quelque chose. » Puis pouf, elle s’est tirée au travers d’un autre portail.

Du coup je me retrouvais là, seul avec mes pensées. Le truc, c’est que, n’aimant pas trop réfléchir, j’ai fait apparaître ma Keyblade Lueur héroïque dans un faisceau électrique accompagné d’un bruit d’orage. Mon épée ne faisait pas dans la discrétion. Cool.

J’étais sur le point de donner quelques coups dans le vide… mais je me suis figé. Mon corps n’avait aucun problème, ne vous inquiétez pas ; il était juste fatigué du combat que je venais d’avoir avec l’argenté. Justement, il était la cause de cet arrêt soudain. Heureusement, je n’ai pas eu à y penser plus longtemps : quelque chose a bougé dans le coin de mon champ de vision. Ça avait été tellement rapide que je n’ai pas eu le temps de vraiment déterminer ce que c’était. Comme à mon habitude, je me suis mis en garde, sourire aux lèvres. Un peu d’action ne me ferait pas de mal.

J’ai attendu, m’attendant à ce que quelque chose me saute dessus (ou à ce que je vois cette chose pour lui sauter dessus en premier) mais rien du tout.

Je n’entendais plus que ma respiration. Je répète : plus que ma respiration. L’ensemble des bruits qu’aurait dû faire une forêt normale en pleine journée manquait à l’appel. Mon fidèle instinct me hurlait de me préparer. Soudain, un bruissement de feuilles m’a alerté, droit devant moi. J’avais beau plisser les yeux et me concentrer, je ne voyais aucune forme connue. Quand la chose est clairement apparue dans mon champ de vision, j’ai eu un mouvement de recul. Evidemment que je ne reconnaissais aucune forme connue : la chose en face de moi n’en avait pas !

Le Druun.

Cela dit, il semblait différent de ceux que j’avais vu depuis le bateau de Boun. O.K., il ressemblait toujours à ce nuage amorphe sans doute capable de pétrifier tout ce qui se trouvait sur son chemin mais rien qu’au niveau de la couleur, c’était différent : il était d’un vert désagréablement familier. Ah oui, je devrais peut-être préciser que ce Druun était bien plus volumineux que ses congénères, semblant pouvoir avaler au moins une cinquantaine de types en même temps : il fallait vraiment lever les yeux pour en apercevoir le bout. Aussi, ces flammes vertes qui émanaient du corps…

Je me suis adressé au monstre :

-         Tu t’es perdu ? Tant pis pour toi, le Grand Héros Araen va te donner une bonne leçon !

« Tu n’es pas un héros. Tu te bats sans penser une seule seconde aux gens qui t’entourent et au mal que tu pourrais leur faire, tout ça pour ton propre plaisir. »

J’ai secoué la tête.

Pas maintenant.

La foudre bleue a parcouru mon épée. J’étais prêt à attaquer.

-         O.K. C’est par…

-         Cesse.

Je me suis arrêté soudainement en reconnaissant la voix. En me retournant, j’ai vu une femme de grande taille en longue robe bleu nuit vêtue d’une coiffe en forme de cornes. Derrière elle, un portail obscur disparaissait.

-         Je vois que tu as rencontré l’une de mes plus grandes créations, a déclaré Maléfique.

J’ai une nouvelle fois regardé la créature.

-         Ce truc est ta plus grande création ? Sérieusement ?

L’expression de la sorcière s’est durcie plus qu’elle ne l’était déjà.

-         Oui, a-t-elle répondu. Tu ne le vois pas encore mais « ce truc », comme tu le dis si bien, est une merveille.

-         Une merveille ?

-         Quoique, qualifier ceci d’une mes créations est un peu erroné. Disons juste que j’y ai apporté quelques modifications.

-         Des modifications ?

-         Laissons ceci de côté pour le moment (Elle leva le sceptre en l’air et une colonne de feu émeraude a entouré le monstre. Quand elle a disparu, le Druun bizarre en avait fait autant.) Il effectuera son travail le moment venu.

-         Le moment venu ?

Maléfique a soupiré.

-         Quand tu auras terminé de répéter ce que je dis, suis-moi.

-         Où ça ?

Un nouveau portail obscur s’est ouvert devant moi.

-         À Croc du Dragon, a-t-elle répondu en me dépassant. La cheffe Virana et sa fille, Namaari, nous y attendent.

 

Nous avons « émergé » dans une immense salle somptueuse entièrement en un genre de pierre de gris et d’or. Il y avait pas mal de colonnes de cette même pierre dont certaines arboraient des motifs inconnus voire, aucun. Un courant d’air agréable m’est parvenu. C’est là que je me suis rendu compte que la pièce n’était pas fermée, loin de là. Tout autour de nous, la pièce comportait de larges ouvertures de plusieurs mètres de haut, sans aucune porte pour les fermer ; ce qui laissait voir l’extérieur : des bâtiments surélevés au toit doré et, plus loin derrière, de grandes étendues vertes. Je me demandais où nous nous trouvions exactement, lorsque j’ai vu, tout au bout, un trône doré, dominant la pièce grâce sa position en haut de l’escalier juste en face d’une cascade d’eau. Devant les escaliers se trouvait un genre de carte en trois dimensions avec, en son centre, l’étendue d’eau gigantesque en forme de dragon, et des figurines représentant sans doute les différentes régions de Kumandra, des hommes ou encore les Druuns.

Un plan de bataille, peut-être ? Cool !

J’allais m’approcher pour y jeter un coup d’œil lorsqu’une femme a pointé sa lance sur moi :

-         Que fais-tu ici, toi ? Comment es-tu arrivé ici ?

-         On se connait ? lui ai-je demandé.

-         À Dos, tu as failli me…

-         Bah, peu importe. Si tu cherches la bagarre, (Lueur Héroïque m’a rejoint.) je suis ton homme.

Maléfique derrière moi a gloussé.

-         Cela suffit, générale Atitaya, a tonné une voix forte.

En me retournant, j’ai aperçu deux femmes qui venaient d’entrer dans la pièce. J’ai tout de suite reconnu l’une d’elles : avec ses yeux bruns me lançant un regard assassin, sa longue boucle d’oreille à son oreille gauche et ses courts cheveux noirs rasés sur le côté et sa prestance, à la fois dangereuse et élégante en mode « Je suis de sang royal mais je peux te refaire le portrait quand tu veux, enfin, surtout quand tu veux pas » (comme Yuki en fait), c’était Namaari, la princesse guerrière qui avait affronté Raya. À ses côtés se trouvait sa mère, sans l’ombre d’un doute vu la ressemblance. Contrairement à sa fille plutôt habillée pour combattre, la femme était vêtue d’une longue robe blanche et équipée d’un sceptre d’or sur laquelle reposait une pierre brillant d’un éclat bleuté. Je crois que ça devait être le dernier morceau de Pierre du Dragon. Mais bon, c’est pas comme si ça m’intéressait maintenant.

-         Tu peux ranger ton arme, a continué la cheffe Virana. Il s’agit de nos invités.

-         « Invités » ? Mais… (La générale s’est calmée.) Très bien.

Le soldat s’est écarté de moi, sans pourtant me lâcher du regard. La cheffe a reporté son attention sur nous, le visage indescriptible.

-         Bienvenue, Maléfique, a dit Virana. Je ne pensais pas te revoir de sitôt.

« De sitôt » ?

-         Moi non plus, à vrai dire, a répondu la sorcière. Pourtant, la situation a changé : certains… trouble-fêtes causent plus de problèmes que prévu.

La reine m’a toisé. De même que Namaari. Faut croire que j’étais populaire !

-         Pourquoi l’un de ses « trouble-fêtes » se trouve ici ? a demandé la reine.

-         Je ne fais plus parti de leur groupe, ai-je répondu en la regardant dans les yeux.

Mon interlocutrice a demandé :

-         Est-ce vrai ?

Elle ne m’avait pas quitté des yeux, mais je savais que la cheffe posait la question à Malmal.

-         Oui, pas d’inquiétude, a confirmé cette dernière. Sinon, il ne serait pas là.

-         Ce pourrait être un piège, a dit Namaari.

-         Je t’assure, Princesse Coiffure (Je me suis souvenu que Raya lui avait donné ce surnom.), ce n’est pas mon genre.

La princesse a haussé un sourcil.

-         Comment m’as-tu appelé ?

-         Il ne vous trompera pas, est intervenu la sorcière. Araen est trop… franc pour ça. (Maintenant que j’y pense, je me demande si elle n’avait eu pas un autre mot en tête.) Et puis, nous repartirons dans la journée.

J’ai eu l’impression que les paroles de Maléfique les ont calmés : Virana a enfin détourné le regard.

-         Bien. Pourquoi es-tu là ?

Je sentais que ça allait partir dans une longue conversation ennuyeuse, alors j’ai préféré faire autrement :

-         Où vas-tu ? m’a demandé Namaari.

-         Je vais me promener. Tu veux venir ?

-         Quoi ?

-         Vas-y, ma princesse, lui a dit Virana.

D’abord troublée, Namaari s’est ressaisie bien vite. Parfaitement droite, elle a formé un cercle avec ses doigts en direction de sa mère en inclinant légèrement la tête.

-         Très bien.

C’est sur ses mots qu’elle m’a rejoint.

-         Viens, je vais te faire visiter, m’a-t-elle dit sans grand enthousiasme.

En quittant la salle du trône, j’ai vu la reine donner à la sorcière sa pierre et, cette dernière, l’a approché de son sceptre.

 

 

-         Pourquoi tu fais cette tête ? m’a demandé la princesse.

-         Bah euh, disons, que je suis un peu surpris. Je ne m’attendais pas à ça d’un repaire de méchants.

-         Nous, des « méchants », vraiment ? Tu t’attendais à quoi, un grand château en pierre noire avec des flammes, des dragons à l’entrée et une plaque décorée d’une tête de mort ?

Je n’ai pas répondu, mais elle avait raison. Croc du Dragon n’avait rien à voir avec l’idée que je me faisais d’un repaire ennemi. On aurait dit tout le contraire, en fait. J’avais commencé la visite par l’extérieur du village. Alors, il faut savoir un truc concernant cet endroit : Croc du Dragon constituait une île à part entière, de telle sorte à ce que le seul moyen d’y entrer était par bateau. Aussi, grâce à l’eau, impossible pour le Druun de pénétrer dans le village. Je ne sais pas comment les architectes s’y sont pris, mais bien joué. Pas seulement pour ça, d’ailleurs : les bâtiments du village, parfaitement au centre de l’île entouré de ce qui me faisait penser à des champs, avaient une forme de T ainsi qu’une taille différente. Comme pour la salle du trône, l’or et le blanc constituaient les couleurs principales de la totalité de l’infrastructure des lieux. Un environnement lumineux, comme l’humeur générale des habitants. Après être passés par l’escalier principal (blanc lui aussi), nous sommes tombés sur une grande place, qui servait de carrefour entre les différents bâtiments. En me promenant, j’ai fait attention à l’expression des villageois : ils étaient tous d’excellente humeur. Si j’avais atterri ici après la destruction du vaisseau, je ne me serais jamais douté qu’une catastrophe avait touché ce monde. Je n'entendais que des rires et des conversations joyeuses autour de moi. De tous les endroits que j’avais visité depuis mon arrivée, c’était sans conteste le village le plus prospère et le plus riche de tous : même devant Griffe, le village des marchands. Je ne pensais pas du tout dire ça venant du village qui pourchassait Raya, mais Croc du Dragon était magnifique.

En voyant mon expression, Namaari m’a semblé satisfaite.

-         Oui, a-t-elle dit, rien à voir avec les endroits où tu as mis les pieds, j’imagine.

-         C’est… vrai, ai-je admis.

La princesse est restée silencieuse un moment, avant de me dire :

-         Il faut vraiment que tu te débarrasses de tes clichés, le blond. Il n’y a pas de domaine « gentil » ou « méchant » … Juste une différence de point de vue.

-         Qu’est-ce que tu veux dire ?

-         Viens, j’ai quelque chose à faire.

Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, elle s’est dirigée au pas de course vers l’un des bâtiments, ouvert au rez-de-chaussée, comme la salle du trône. Une douzaine d’enfants et adolescents attendaient assis sur des coussins devant un genre de grand tissu en toile rectangulaire tendu. Dès que l’un d’entre eux l’a vue, il s’est exclamé :

-         Elle est là ! La princesse est là !

Les autres l’ont acclamé comme si elle était un genre d’héroïne. Namaari avait perdu l’air stoïque qu’elle avait depuis le début de la visite et les a salués, un peu gênée.

-         Désolé du retard, a-t-elle dit. On va pouvoir commencer.

Namaari s’est assise sur une table à côté du tissu avant de faire un signe de tête à quelqu’un hors de mon champ de vision. Je suis resté en retrait, derrière eux, en m’adossant contre l’une des colonnes. Soudain, le tissu s’est allumé et des formes se sont dessinées dessus : des personnages et des dragons.

-         Il y a des centaines d’années, a raconté la princesse, les dragons et les humains vivaient en harmonie. La nourriture abondait et l’eau coulait à flot. Aucune animosité ne régnait entre les êtres humains. Oui, à cette époque de paix, nous formions…

-         Kumandra ! s’est écrié son auditoire.

-         Exactement : Kumandra. Tout était parfait… jusqu’à l’arrivée du Druun.

L’écran s’est assombri et une forme irrégulière est apparue au milieu de l’écran avant de se diriger sur les personnages et les dragons en se multipliant.

-         Malgré notre résistance et l’aide des dragons, toute vie a failli être annihilée…

Pendant que Namaari parlait, j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait d’une autre personne : la princesse n’arborait plus cette expression farouche, comme si elle était constamment sur ses gardes (ce qui devait probablement être le cas), mais plus enjouée et chaleureuse. Comme une simple grande sœur racontant une histoire aux plus jeunes de sa famille. Et je sais de quoi je parle.

-         Mais la grande Sisudatu… (son expression s’est davantage éclaircie) est parvenue à nous sauver en créant la Pierre du Dragon. Sa puissance divine réduisit à néant la calamité et ramena tout le monde à la vie. Mais…

-         Pas les dragons, a complété quelqu’un.

Un « ooh… » de déception a parcouru le public.

-         La paix que les dragons nous avaient apporté n’a duré que quelques temps car les gens ont suivi la noirceur de leur cœur et se sont mis à se battre pour la pierre, divisant ainsi le royaume en cinq : Queue, Griffe, Cœur, Dos et Croc du Dragon.

Au fur et à mesure qu’on avançait, les images sur le tissu changeaient pour s’accorder avec le récit de Namaari. Histoire que je reconnaissais pour l’instant : c’était celle que Raya avait raconté lors de notre rencontre.

-         Il y a quelques années, certains d’entre vous ne s’en souviennent pas comme vous étiez encore très petits, un incident a eu lieu. La totalité de ce qui formât Kumandra par le passé a été invité par Cœur du Dragon a un repas. Malheureusement, suite à une ruse de la part… d’un des villages (Pendant un instant, l’expression de Namaari s’est assombrie, mais elle s’est ressaisi si vite que j’ai cru avoir rêvé.), la Pierre du Dragon abritée par Cœur fut brisée, permettant au Druun de revenir. Il rôde autour du village en ce moment même.

Namaari a marqué une pause.

-         Pourquoi… Pourquoi est-ce qu’il ne nous pas attaqué ? a demandé un des enfants avec hésitation.

-         Il ne pouvait pas, a répondu la princesse sur un ton qui se voulait rassurant. L’eau nous protégeait et nous protège toujours. De même que les braves guerriers de Croc du Dragon ! Durant de nombreuses années, les villages essayèrent de nuire à notre paix si durement gagnée mais échouèrent encore et encore. Malgré tout, nous réussîmes à nous développer en permanence, jusqu’à atteindre la glorieuse civilisation que vous connaissez. Et c’est ainsi que la terre de Croc du Dragon a continué de prospérer en dépit des monstres qui voulaient nous détruire. Et vous savez pourquoi ?

Les enfants buvaient ses paroles sans broncher, un sourire béat aux lèvres.

-         Parce que nous sommes brillants, pleins de ressources… et nous prenons soin des nôtres, a terminé Namaari.

J’ai applaudi. La princesse m’a regardé comme si elle venait de se souvenir de ma présence, avant de me fusiller du regard. Qu’est-ce qu’elle me reprochait ? Je n’avais aucune mauvaise intention ! Très vite, le public m’a suivi et a applaudi à son tour, ce qui a eu pour effet de gêner Namaari. Je l’ai laissé profiter de son moment. Un peu plus tard, sous les acclamations d’un public qui devait vraiment aimer leur princesse, elle m’a rejoint.

-         C’est une belle histoire, ai-je commenté. Seulement…

Elle m’a toisé.

-         Je me demande si c’est vrai.

Ni une ni deux, elle m’a plaqué contre le mur, à l’abri des regards.

-         Tu as quelque chose à dire ? m’a-t-elle demandé d’un ton glacial.

Je ne sais pas exactement comment j’avais fait, mais un courant électrique m’a parcouru. Il était loin d’être puissant, mais assez pour forcer Namaari à reculer.

-         Qu’est-ce que…

-         Pour répondre à ta question : je n’ai pas grand-chose à dire. Juste que mon instinct me dit que ton histoire n’est pas vraie. Pas entièrement en tout cas.

Namaari a essayé de dégainer une épée qu’elle ne possédait pas.

-         T’inquiète, ai-je ajouté. Je m’en fiche.

La princesse m’a observé en silence, jusqu’à finalement se rendre compte que je disais la vérité.

-         Hmm. Retournons à la salle du trône. Mère et cette sorcière doivent avoir terminé.

Elle a été la première à partir, sans m’accorder le moindre regard. J’ai jeté un œil une dernière fois aux enfants, jouant et plaisantant, fier d’être ce qu’ils sont, fier d’être de Croc du Dragon. L’image de Namaari en train de raconter l’histoire m’est revenue.

On dirait que même une femme aussi stoïque qu’elle peut faire ce genre de visage, hein…

Puis, j’ai suivi princesse Coiffure.

 

 

-         Il semblerait que ta visite s’est bien passée, Araen, a dit Maléfique en me voyant.

-         Je suis indemne, c’est le principal.

-         Exactement.

Nous venions de revenir à notre point de départ. En observant les femmes présentes, je me suis aperçu que la pierre avait réintégré le sceptre de la reine.

-         Mère, a salué Namaari.

Elle a jeté un rapide coup d’œil à la sorcière.

-         Dois-je supposer que vous avez fini ?

-         Oui, ma jolie princesse, a confirmé la cheffe Virana avec bienveillance. Nous sommes parés.

-         « Parés », ma reine ?

-         Maléfique ici présente m’a accordé un certain… avantage, si jamais des gens cherchent à nuire à notre foyer.

-         Par « des gens », tu veux dire, Raya ?

La réponse s’est trouvée dans le silence de la reine.

-         Nous n’avons plus rien à faire ici, Araen, m’a dit la sorcière avant d’invoquer un portail obscur.

Elle s’est tournée vers la dirigeante de Croc.

-         Virana, utilise le pouvoir que je t’ai donné avec soin… ou il te consumera. Quand je reviendrai, quand tu auras la pierre dans son intégralité, j’espère que tu honoreras ta part du contrat.

Namaari a regardé sa mère avec incompréhension.

-         Mère ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

-         Allez-y, nous a ordonné Virana. Je dois m’entretenir avec ma fille.

Ouais. On avait autre chose à faire que d’écouter leur conversation. Je me suis approché du passage ténébreux. Maléfique s’est tenue à mes côtés.

-         Es-tu prêt ? m’a-t-elle demandé.

J’ai jeté un coup d’œil derrière moi. D’où je me trouvais, il était impossible pour moi de voir le ciel, mais à en juger par la lumière, le crépuscule tombait peu à peu sur la cité la plus prospère de ce monde. Ce même monde où j’avais atterri de force, où je devais composer avec des gens que je ne connaissais pas… où j’avais été humilié et rejeté.

Quoique… est-ce que c’était vraiment le cas ? Riku n’avait pas essayé de me tuer. Kairi, avec sa gentillesse hors norme, me soutenait en permanence. Aussi bizarre que le reste d’entre eux était, ils n’ont jamais rien tenté pour…

Stop.

J’ai secoué la tête. Pourquoi pensais-je à eux ? J’avais fait mon choix : ils n’étaient rien comparé à celles qui comptaient vraiment pour moi. Peu importe ce que je ressentais, si je devais rejoindre la sorcière pour atteindre mon objectif, alors tant pis.

-         Oui. (Je me suis tourné vers la sorcière.) Allons-nous directement…

Maléfique savait évidemment à quoi je faisais référence.

-         Hélas, pas tout de suite. Comme je te l’ai dit plus tôt, je vais avoir besoin de ton aide pour trouver quelque chose. Tu es une des seules personnes au monde à en être capable. Cela peut en revanche prendre un peu de temps…

-         Peu importe. Du moment que je les retrouve.

Maléfique m’a adressé un sourire empreint d’une fausse chaleur.

-         Et c’est ce que nous ferons, m’a-t-elle assuré. En temps et en heure.

Le portail obscur attendait toujours, à deux ou trois mètres devant moi. Une certaine énergie froide semblait émaner du passage pendant que ce dernier donnait l’impression d’absorber la lumière environnante. Quelque chose me disait de rebrousser chemin. Pourtant, je n’avais pas le choix. Je devais le faire.

-         Très bien, ai-je finalement dit. Alors allons-y.

Ignorant l’appréhension de mon cœur, ou le fait de collaborer avec une ennemie, ce qui était indigne d’un héros, j’ai franchi le portail. Tout est devenu noir autour de moi. Les ténèbres me dévoraient, engourdissant mes sens. Pour ne pas me perdre dans cette obscurité, j’ai continué de penser à elles. Les personnes les plus chères à mon cœur. Celles pour qui je me bats depuis le début.

Yuki… Arenel…

 

J’arrive.

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