Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Troublé par les derniers évènements, Roxas a fini par révéler ses doutes aux amis de Sora, qui ont fait de leur mieux pour l'aider. Perdu mais touché par leur geste, l'adolescent a enfin laissé libre cours à ses émotions retenues depuis longtemps. Cette discussion s'avérera-t-elle décisive pour sauver les deux garçons ?

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 Pour au moins la centième-et-unième fois depuis qu'ils s'entraînaient au colisée, le trio fut réveillé en fanfare par Phil qui comme chaque matin à l'aube aimait s'assurer que ses élèves ne traînaient pas la patte. Se préparant physiquement et mentalement pour la nouvelle journée harassante qui suivrait, les deux adultes se tournèrent vers l'adolescent assis sur son lit, semblant plongé dans une intense réflexion, et ne purent s'empêcher de repenser à leur échange de la veille.

Après cet évènement, ils étaient rentrés tous les quatre en silence, et ne s'étaient pas reparlés depuis. L'espace d'un instant, les deux amis hésitèrent à évoquer le sujet en voyant l'état du garçon ; mais ils préfèrent remettre ça à plus tard, ne sachant pas comment aborder la chose et ne voulant pas embêter leur camarade après son épisode de tristesse. Enfin prêts, le duo alla faire face aux exercices exténuants et se dirigea vers la sortie du dortoir.

Quand un rayon suivi d'un clic soudain les empêcha brusquement de prendre la porte.

Se tournant aussi vite vers Roxas, ils eurent le temps de le voir révoquer Tendre Promesse avant de les regarder d'un air entre l'inexpressif et l'incertain. Un ange passa avant que Donald ne s'exclame :

- Qu'est-ce que tu fais ? Fit-il méfiant mais inquiet.

L'adolescent baissa la tête, songeur, inspira profondément, puis leva les yeux vers eux. Pendant encore un instant il resta muet, comme s'il cherchait ses mots, avant que sa voix incertaine ne s'élève :

- Je comprendrais si vous pensez que c'est trop tard pour ça, mais… Je m'excuse. Je m'excuse d'avoir été froid et désagréable avec vous depuis que je suis là, et d'en avoir fait qu'à ma tête et d'avoir utilisé les Fusions comme ça sans vous demander et d… Je suis vraiment désolé d'avoir mal agit avec K… après l'attaque de Xehanort. Je m'excuse pour tout, fit-il en penchant la tête dans une posture repentante.

- …Bah en fait-

- J'ai pas fini.

Donald ne put retenir un regard surpris et vexé quand l'adolescent l'interrompit brusquement, ses iris de ciel redevenant un instant impassibles, et croisa les bras en attendant la fin de sa tirade. Le garçon baissa un instant les yeux, comme regrettant son geste précédent, puis se redressa, se frottant timidement le bras, et poursuivit :

- …Quand vous avez demandé à Merlin de protéger le… mon cristal, je n… je vous ai rien dit. Quand vous m'avez sauvé avant-hier et… et quand l'araignée géante m'a attaquée, j-j'ai rien dit. Quand vous avez voulu me laisser du temps à la Cité du Crépuscule, j'ai rien dit. Quand vous m'avez sauvé après mon accident à la piscine, j'ai rien dit. Quand Dingo est allé cherché des glaces après qu'on se soit arrêtés au Jardin Radieux, j'ai rien dit. Quand il m'a fait visité le vaisseau pour la première fois, je l'ai… je l'ai pas remercié.

Les deux adultes levèrent progressivement un sourcil devant son énumération, ayant un peu de mal à comprendre où il voulait en venir avec ça. Enfin Roxas inspira à nouveau, honteux, et ajouta :

- Il… il y a sans doute encore beaucoup d'autres fois où je l'ai pas fait, et… pour toutes ces fois aussi, je voulais dire, à vous deux… Merci.

Ce petit mot, l'adolescent l'avait dit en regardant droit dans les yeux ses deux camarades, l'air timide mais sincère. Dingo sourit aussitôt, touché, tandis que Donald penchait la tête reconnaissant mais perplexe :

- …J'accepte tes excuses, et j'apprécie vraiment tes remerciements, mais… t'étais obligé de verrouiller la porte pour nous dire ça ?

Roxas sembla soudain très embarrassé et détourna le regard :

- …Je savais pas comment aborder le truc, alors je… ahem…

- Je comprends mais… tu pouvais juste dire "Je veux vous parler", tu sais ? Soupira le magicien.

Le garçon se gratta nerveusement la tête, gêné :

- …Je dois pas avoir l'habitude…

- C'est pas grave, répondit gentiment le chevalier, ça nous touche beaucoup que tu nous dise ça ! Pas vrai Donald ?

Le canard acquiesça vivement malgré sa remarque précédente, tandis que Roxas les regardait tout deux ; et soudain l'impensable se produisit.

Il ne sourit pas. Mais l'éclat dans son regard céleste et les plissures aux coins des paupières illuminèrent son visage d'une reconnaissance touchée.

Ses yeux sourirent.

Devant ce phénomène, les deux amis ne purent s'empêcher de sourire à leur tour… avant que Phil ne tambourine sur leur porte en criant qu'ils avaient gagné vingts tours de piste supplémentaires.

Et leur journée commença enfin.

Roxas fixa le bassin, comme l'affrontant du regard. Un frisson gagna son échine, mais il l'ignora et retira lentement ses vêtements.

Un peu plus tôt, il avait craint que Donald et Dingo n'acceptent pas ses excuses ou ne veuillent même pas les entendre. Mais à sa surprise (et soulagement), ils avaient été sincèrement touchés de son geste. Ils n'avaient même pas l'air de lui en vouloir. Enfin, sauf peut-être pour l'avoir fait à ce moment précis et les avoir mis en retard pour leurs exercices ; mais c'était surtout de la faute de Philoctète qui ne supportait même pas les retards de cinq minutes.

Mais peu importe. Après leur discussion d'hier, l'adolescent sentait qu'il devait leur présenter des excuses pour son comportement et surtout ne jamais les avoir remerciés malgré tout ce qu'ils faisaient pour lui. Et maintenant que c'était fait, il était venu ici, pour régler une affaire remontant à l'accident de Sora…

À présent débarrassé de tout ses habits hormis son short, le garçon s'approcha de la piscine et s'assit au bord, tenant ses genoux contre la poitrine.

Il n'avait pas peur de l'eau, loin de là. Mais il ne savait pourquoi… depuis que Sora avait failli se noyer, une étrange sensation était restée en lui, comme une image mentale qui refuse de partir. Quelques semaines plus tôt, il était allé ici comme pour prouver que ce n'était qu'une impression stupide, et s'était laissé glissé dans l'eau. Et après…

Roxas secoua la tête ; c'était pas le moment de penser à ça. Relâchant ses bras, il déplia doucement les jambes, effleurant de ses pieds la surface aqueuse, avant de tremper ses membres dans l'eau. Le contact du liquide le fit frissonner, mais il ignorait si c'était de froid ou d'appréhension.

L'adolescent fixa le bassin, déterminé : il était venu dans un but précis, et n'avait pas l'intention de laisser des émotions, réelles ou pas, l'entraver. S'il se concentrait sur des expériences positives sans repenser aux négatives, alors sans doute…

- Roxas ? Fit doucement une voix familière.

Le garçon fit malgré lui un bond sur place en levant les bras, un en défense et l'autre couvrant maladroitement son torse dénudé, alors qu'il se tournait vers celui qui l'avait appelé. Il fut à demi surpris de voir Dingo, qui semblait autant surpris que désolé de l'avoir fait sursauter. Un ange passa tandis que les deux camarades se dévisageaient en clignant des yeux, ahuris. Puis, retrouvant enfin l'usage de la parole, le garçon bafouilla :

- Q-Q-Qu'est-ce que tu fais là Dingo ?

- Bah euh, bredouilla l'intéressé en se grattant la tête… je t'ai vu aller ici, alors je… je sais pas, je suis venu…

- Ah…

"Ah" ? Sérieux, c'est tout ce que t'as trouvé à dire ? Pas de "Qu'est-ce que t'as à me suivre comme un toutou", même pas ?

Roxas fixa bêtement le bassin, se demandant encore d'où lui venait de telles pensées, tandis que le chevalier reprenait la parole, se tordant nerveusement les mains :

- En fait je… quand je t'ai vu te diriger vers la piscine, j'ai pas pu m'empêcher de repenser à la dernière fois et…

L'adolescent écarquilla les yeux à la mention de son propre accident, et détourna le regard. Il essayait justement de pas y penser, et ce type trouvait intelligent de le lui rappeler ?

En même temps… C'était pas comme si c'était facile à oublier. Il était venu ici, poussé par une étrange impulsion, et s'était glissé dans l'eau sans vraiment savoir pourquoi. Il avait ensuite marché jusqu'à ce qu'il doive nager pour rester à la surface, flottant tout du long. Et puis…

- Est-ce que… Tu vas bien Roxas ? Fit alors la voix du capitaine en le sortant de ses pensées.

Le garçon secoua la tête en marmonnant une réponse et fixa à nouveau les vagues formées par ses jambes. Du coin de l’œil, il vit Dingo s'approcher doucement et pencher sa tête vers lui pour le regarder en face un instant. Puis le chevalier recula, sembla réfléchir, et dit après un silence :

- Je suis sûr que tu te mettrais pas en danger bêtement, fit-il prudemment, mais je… J'étais juste inquiet, après la dernière fois, et je… Je devais m'assurer que tout allait bien pour toi.

Roxas ne répondit pas, mais ses mots l'intriguèrent. Le chien resta un petit moment là, puis se tourna vers la porte.

- Attends ! Fit soudain l'adolescent un peu malgré lui.

Le capitaine se retourna, intrigué. Le garçon ouvrit la bouche un moment, puis se retourna vers le bassin, hésitant :

- …J'ai… je voulais faire un truc, avoua le garçon… mais… je sais pas si c'est une bonne idée que je sois tout seul là… après la dernière fois…

Le chevalier s'approcha à nouveau, se penchant pour croiser le regard de l'adolescent qui cependant resta fixé sur les vagues de la piscine. Après un silence, il demanda gentiment :

- Tu… tu ne sais pas nager ?

- S-Si, bien sûr ! Répliqua aussitôt Roxas. Je sais ! C'est pas pour ça, j'ai juste…

Le jeune homme s'arrêta dans ses explications hâtives, ne sachant pas trop lui même comment expliquer ce qu'il voulait faire. D'ailleurs qu'est-ce qu'il voulait faire, exactement ?

- Il y a quelque chose qui te tracasse, Roxas ? Fit alors doucement le chevalier.

L'adolescent détourna instinctivement le regard et se frotta le bras, comme nerveux. Devrait-il lui expliquer ce qui lui était vraiment arrivé la dernière fois ou…

Lui expliquer ? Et puis quoi encore, dévoiler tes plus grandes faiblesses à ce type qui en a rien à faire ?

Roxas ferma les yeux pour chasser cette pensée, serra un peu plus fort son bras, puis inspira profondément :

- L… La dernière fois que je suis venu ici, fit-il en se tournant vers Dingo, j'ai… je nageais et tout allait très bien, et… Et puis j'ai commencé à aller plus au centre, e… Tout allait vraiment très bien, je te jure. Je nageais sans problème, et… Je sais pas pourquoi mais j…

Le garçon s'arrêta malgré lui, comme si les mots ne voulaient pas quitter sa gorge. Son compagnon s'approcha encore un peu, attendant patiemment qu'il poursuive.

- …C'est comme si… juste quand j'ai pensé que je pouvais couler, j'avais été attiré par le fond et qu… que je savais plus comment remonter.

- Tu… tu t'es fait mal tout d'un coup ? Comme si tu ne pouvais plus bouger ta jambe ou-

- Non, non ! Intervint l'adolescent en le regardant cette fois. Je pouvais toujours bouger, c'est juste que… c'est comme si j'avais oublié comment nager quand j'ai pensé que j'étais dans un endroit trop profond, comme si je… j'avais peur.

Roxas baissa lentement les yeux en réalisant ce qu'il disait. En admettant qu'il avait été terrifié à cet instant-là, et que ça avait affecté ses actions en conséquence. En comprenant qu'il avait eu peur.

- …Et tu es retourné ici pour ça, n'est-ce pas ? Conclut doucement le capitaine.

L'adolescent hocha la tête, fixant pensif les vaguelettes du bassin.

- Tu veux que je reste au cas où tu aurais besoin d'aide ?

Encore une fois, il hocha la tête. Le capitaine attendit un moment, puis demanda encore :

- Est-ce que tu veux que je t'aide à nager, ou…

- N-Non, ça va…

- D'accord. Je vais rester au bord si jamais t'as besoin, OK ? Fit le chevalier en allant s'y placer.

Roxas le regarda s'éloigner, puis contempla encore les vagues du bassin. Un moment passa ainsi, alors qu'il restait là immobile, comme affrontant l'eau du regard. Puis, dans un mouvement souple, il s'y glissa, ignorant le frisson provoqué par la fraîcheur du liquide et peut-être aussi son appréhension. Gardant une main bien cramponnée au rebord, l'adolescent nagea alors lentement d'un bras, longeant le bassin, essayant de se concentrer sur ses mouvements. Arrivé non loin de Dingo, attentif aux moindres gestes du garçon, il s'arrêta, comme indécis. Fixant le centre du bassin, le jeune homme resta un moment à la surface, sourcils froncés.

Puis, lâchant la sûreté du rebord, il s'aventura dans les eaux profondes du bassin.

Pendant un instant, il sentit son corps flotter doucement dans les eaux tièdes et les vaguelettes provoquées par son mouvement s'échouer doucement sur lui ; une sensation familière, rassurante monta en lui, et de faibles échos de vagues qui s'échouent sur la plage résonnèrent doucement dans son esprit, lui donnant envie de fermer les yeux et savourer ce moment de paix…

Et soudain, une onde plus haute que les autres s'échoua contre son visage, le submergeant un bref instant. Sans qu'il ne comprenne vraiment, ses bras et ses jambes s'agitèrent d'elles-mêmes en défense contre cette intrusion aquatique, se balançant en désordre sans qu'il ne sache où ils étaient. Comprenant qu'il n'avait plus le contrôle de ses mouvements, le garçon ouvrit instinctivement la bouche pour crier de surprise, avalant à la place un peu d'eau. Crachotant le liquide qui avait pénétré sa gorge, Roxas se sentit soudain lourd comme une pierre, comme attiré vers le fond, et bougea encore plus chaotiquement pour se rattraper à quelque chose et remonter à la surface.

Non… Non… Non, pas enc-!

Une main attrapa alors la sienne et le ramena près du bord auquel il s'accrocha désespérément pour respirer, crachant le peu d'eau avalée dans sa panique. Reprenant son souffle et son calme, Roxas resta un moment immobile dans l'eau, frissonnant et confus, avant de rouvrit ses yeux et de les relever vers Dingo agenouillé devant lui, inquiet et serrant toujours la main qu'il avait saisie pour le ramener en sécurité.

- Roxas, ça va ?

L'adolescent resta muet un instant, ne sachant quoi répondre, avant de baisser la tête de honte en lâchant cette constatation :

- Je crois que je sais vraiment pas nager, en fait…

Qu'est-ce qui va pas avec moi ? pensa Roxas en éliminant un dernier Sans-cœur sur son chemin.

C'était la question qu'il se posait depuis quelques temps, et il n'y avait pas trouvé de réponse. Pas encore.

Pas encore ? Pas du tout tu veux dire ! Comme si tu allais en trouver une un jour…

Le garçon fronça les sourcils et secoua la tête à cette pensée impromptue ; encore une parmi tant d'autres… C'était vraiment bizarre.

Depuis un moment déjà… Non, depuis son premier échange avec Sora, ces étranges pensées intempestives surgissaient à l'improviste, comme si une partie de lui s'amusait à lui répondre à ses agissements et pensées d'une façon très… pessimiste.

Même si récemment, il avait beaucoup plus de raisons d'être négatif, cet intrigant changement brusque d'humeurs n'en était pas moins étrange. Il avait plus l'impression que quelqu'un s'obstinait à répliquer à tout bout de champ que d'observer un flot normal de pensée…

Ben voyons, comme si les "flots" de pensées étaient normaux…

- Ça recommence, se surprit à soupirer tout haut l'adolescent.

Fatigué, il s'arrêta un instant et porta la main à la tête. Si au début, il n'y avait pas plus fait attention que ça, cette… "voix" semblant n'être qu'au premier abord une formulation de ses inquiétudes s'était récemment faite plus fréquente, comme si ses angoisses s'étaient amplifiées à son insu. Enfin, ça restait compréhensible, mais… il trouvait quand même ça anormal.

C'était comme si cette voix insidieuse ne cessait de le démoraliser.

Roxas faisait de son mieux pour l'ignorer, mais entre les évènements récents et son entraînement constant à l'Olympe, c'était de plus en plus épuisant. Et avoir une nouvelle source d'épuisement en plus, c'était vraiment pas ce qui lui fallait en ce moment.

Espérant trouver un peu de calme, le garçon s'éloigna un peu et contempla le paysage. Quelques jours étaient passés depuis sa discussion avec Donald et Dingo, et s'il se sentait malgré tout encore un peu gêné pour interagir avec eux, l'ambiance était au moins agréable. Il faisait de son mieux pour bien se comporter avec eux, même s'il était encore réticent à laisser tomber certaines de ses habitudes… C'était un peu difficile d'être complètement à l'aise quand on est dans un corps n'étant pas vraiment le sien et qu'on travaille avec les meilleurs amis dudit "corps". Même s'ils les pensaient sincères lorsqu'ils disaient ne pas faire comme s'il était Sora, Roxas restait un peu incertain, car après tout-

Et soudain la corniche disparut sous ses pieds.

Happé par la gravité, Roxas se vit tout à coup tomber doucement, comme si le temps avait décidé de ralentir. Baissant les yeux vers le sol inexistant, il en vit les restes ainsi que ses propres pieds descendre inexorablement vers l'abîme béant, dans une lente et inexorable chute. Et soudain la réalité le frappa. Il tombait à toute vitesse dans le vide.

Et il allait mourir.

Reprenant soudain le contrôle de ses membres, Roxas se tourna vers la falaise et l'attrapa pour s'accrocher avant qu'il ne soit trop tard. Ses doigts glissèrent avec la terre, avant d'enfin rencontrer une racine qui arrêta sa chute.

Agrippé à sa branche, Roxas resta comme figé, le corps balançant dans le vide et le cœur battant. C'était comme s'il avait perdu le souffle dans l'action, comme s'il ne pouvait plus que rester cramponné à cette racine tel un pantin à ses fils. Ses yeux écarquillés fixaient la corniche d'où il venait de tomber, figés, ahuris, alors que son cerveau tenter d'assimiler tout ce qu'il se passait.

Reprenant ses esprits, il analysa la situation : son point d'accroche menaçait de céder sous son poids, la falaise était trop friable pour y grimper, le rebord salvateur était un mètre trop haut pour être atteint, et pour couronner le tout il fallait que ça arrive juste quand il était parti devant pendant leur mission quotidienne.

Résultat des courses : il était seul, suspendu dans le vide à plusieurs centaines de mètres, sa prise allait lâcher dans très peu de temps et il n'avait aucun moyen de remonter.

Il était fichu.

Osant jeter un coup d’œil au gouffre sous ses pieds, le garçon vit quelques cailloux entraînés par sa chute rouler en bas dans un léger éboulement. La distance entre lui et l'atterrissage lui sembla soudain bien, bien lointaine et il sentit son cœur devenir très lourd dans sa poitrine tandis que sa vision se dédoublait. S'arrachant à cette image qui semblait l'attirer encore plus vers sa fin inéluctable, le garçon tourna son regard vers les cieux et la corniche inatteignable.

Qu'est-ce qu'il allait faire maintenant ?

…C'est évident, non ?

Lâche.

Roxas se figea.

Lâcher prise ? Mais… ça voulait dire…

Ça voulait dire qu'il mourrait. Et…

Et personne ne viendras t'aider. T'as aucune chance de t'en sortir vivant. Alors abrège au moins tes souffrances au lieu de faire durer le "plaisir", idiot.

Roxas était pétrifié.

Pour la première fois, la voix disait quelque chose de clairement inquiétant. Ce n'était pas juste une réponse cynique ou pessimiste à ses angoisses, là c'était juste…

Un pur suicide.

Baissant à peine les yeux vers le gouffre, Roxas sentit son cœur battre à tout rompre. Sans trop savoir pourquoi, il repensa à sa toute première rencontre avec Sora. À sa fuite de l'Illusiocitadelle. À son dernier combat contre Saïx. À la destruction de la Cité. À son affrontement avec Ax-non, Xehanort possédant Axel.

Au vide qu'il avait ressenti depuis tout ce temps.

T'en as assez de tout ça, hein ? Alors finissons-en tout de suite.

…

Et il réalisa.

Oui. Il avait été désespéré. Il en avait eu marre. Il avait voulut arrêter net ce cauchemar et repartir dans le sommeil du cœur de Sora, là où on ne pourrait plus le blesser ni le faire souffrir. Il voulait juste que ça s'arrête.

Mais.

Il ne.

Voulait pas.

Mourir.

S'il haïssait tout ce qu'il se passait, tout ce qui lui arrivait, c'était justement parce qu'il subissait sans cesse des situations qu'on lui imposait, revenir dans le corps de Sora, rester dans l'ignorance, ne plus pouvoir vivre en tant que soi-même… Tout sa vie, on lui avait imposé des choses sans rien lui demander, comme s'il ne comptait pas, qu'on pouvait tout décider pour lui.

Mais il était une chose que personne ne pourrait lui retirer.

Son désir de vivre.

Il ne savait pas pourquoi, ni comment il avait oublié une chose aussi importante, mais il voulait vivre. Il voulait savoir ce qu'avait fait Sora pour le ramener. Il voulait botter les fesses de son double pour avoir fait un truc aussi stupide sans rien dire à personne. Il voulait revenir manger des glaces au clocher de la Cité, descendre les rues du couchant en skate et mettre une raclée à Seifer au tournoi de Struggle. Il voulait traîner avec Hayner et sa bande. Il voulait revoir le rougeoiement du crépuscule.

Il voulait parler à Axel. Il voulait le-

Il voulait les revoir une dernière fois.

Alors que la racine lui glissait un instant sous les doigts, Roxas l'agrippa de ses deux mains et serra de toute sa force, ignorant ses muscles déjà fatigués par le combat gémir de douleur.

Tu vois pas que t'as aucune chance de t'en tirer ? Tu tiens à souffrir jusqu'au bout ?

Aucune chance ou pas, je m'en fiche. Je veux me battre jusqu'au bout. Je veux VIVRE.

Et je ne suis pas tout seul.

- … S-Roxas ? Où es-tu ?

- Ramène-toi immédiatement ou je me fâche !

Les voix inquiète et colérique des amis de Sora résonnèrent dans la montagne, comme deux cornes de brume qui signalent le chemin sûr.

Il étaient à sa recherche.

Retrouvant enfin sa voix et son souffle, le cri de détresse jaillit de la gorge de Roxas tel une fusée éclairant les cieux.

- DONALD ! DINGO ! JE SUIS TOMBÉ ET JE PEUX PAS REMONTER ! VENEZ VITE !

- …ROXAS ACCROCHE-TOI ON ARRIVE !

L'éclat de voix terrifié du capitaine redonna de l'espoir au garçon qui resserra sa prise sur la racine devenant de plus en plus fragile.

QUOI ? Tu t'en remets à ces deux-là ? Comme s'ils feraient ça pour toi…

Oui, il feraient ça pour moi.

Vraiment ? C'est pas toi qui compte, c'est leur petit Sora chéri. Toi t'es que l'intrus, tu sers juste à le sauv-

La ferme. J'ai pas besoin de tes réflexions débiles. Et je les connais mieux que toi.

Alors va-t-en.

Il y eu comme un silence dans sa tête.

Et puis apparurent au rebord de la falaise les visages affolés de Donald et Dingo, qui écarquillèrent les yeux sitôt qu'ils virent leur protégé suspendu à sa racine :

- Roxas ! Ta main, vite !

L'adolescent hésita à peine une seconde avant de tirer de toutes ses forces sur ses bras pour remonter, lâchant la branche d'une main pour l'élancer vers celle tendue du chevalier.

Dans un instant suspendu, sa paume vola vers elle… avant d'entamer l'inexorable retombée dans le vide en effleurant la corniche. Mais la poigne du capitaine se referma à temps sur le poignet du garçon et ne le lâcha plus. À plat ventre au bord de la falaise et Donald juché sur lui pour le retenir, Dingo tira l'adolescent de toutes ses forces et le hissa avec eux, en sécurité.

Les deux adultes emmenèrent le garçon aussi loin que possible du rebord et le gardèrent serré contre eux, comme craignant qu'il n'aille soudain disparaître dans l'abîme. Roxas se laissa faire tout du long, ne protestant même pas au contact prolongé des deux camarades ; au contraire, cet étau serrée d'inquiétude, au lieu de l'étouffer comme il devait le faire, le détendait d'une étrange manière. Comme si… il était calmé par cette étreinte étroite.

Comme si ce genre de contact lui était rassurant.

Après un long moment passés ainsi en tremblant, Donald se sépara brusquement de ses camarades et s'écria en serrant les poings :

- Mais qu'est-ce qui t'a pris d'aller aussi près de la falaise ? Tu imagines ce qui serait arrivé si on avait pas été là ?

Roxas eut à peine le temps de se retourner que le chevalier répondit à sa place :

- Il pouvait quand même pas prévoir que le rebord allait tomber ! Et c'est pas arrivé, alors ne-

- Ça aurait pu arriver ! Rétorqua le canard. Je me fiche de ce que tu peux en dire, c'est déjà trop grave ! On est censés éviter qu'un accident arrive !

- Mais c'est pas arrivé ! Je sais que ça t'inquiète, mais vois le bon côté des choses, ça aurait pu être pire !

- C'est bien ça que j'aime pas !

Roxas regarda un instant les deux amis se disputer, muet. Puis, baissant les yeux, il repensa lui-même à cet incident, à ce qu'il avait failli arriver et à ce qu'il avait pensé et vécu durant ce bref instant dirigé par l'adrénaline.

- …Les gars…

Les deux camarades arrêtèrent net leur dispute et se tournèrent vers l'adolescent, inquiets. Le jeune homme fixa le sol un instant, les sourcils froncés, avant de relever les yeux vers eux. Ils allaient lui demander s'il était blessé quand ils virent son regard mélancolique s'éclairer, et un timide sourire apparaître sur ses lèvres :

- …Merci.

Donald et Dingo se figèrent, puis lui sourirent en retour, soulagés qu'il soit sain et sauf. Le magicien lui passa quand même un savon pour leur avoir autant fait peur, et le garçon s'excusa platement en promettant de ne plus jamais s'éloigner sans prévenir ou garder un contact visuel et auditif. Jugeant qu'ils avaient eu assez d'émotions pour la journée, le trio quitta les lieux et rentra au colisée, laissant derrière eux le bord de falaise écroulé tel une marque de l'épreuve qu'ils venaient de traverser.

…

Eh bien. T'as plus de cran qu'il n'y paraît, finalement.

Très bien. Je te laisse, alors…

Demi-vaurien.

Malgré les derniers incidents, la vie au colisée était devenue beaucoup plus agréable depuis la confidence de Roxas. Bon, ce n'était sûrement pas comme s'il étaient avec Sora ; mais Donald et Dingo ne pouvaient que reconnaître les efforts du jeune homme, autant sociaux qu'en combat d'équipe. À plusieurs reprises durant leurs missions, une Keyblade lumineuse éliminait sans sommation un Sans-cœur ayant approché trop près d'un des combattants, avant de revenir dans la main de son Porteur qui était aussitôt remercié d'un geste ou d'un mot.

Néanmoins… les adultes ne pouvaient s'empêcher de ressentir une certaine distance entre eux et l'adolescent. Comme un fossé qui n'était pas encore franchi. Au début, ils avaient pensé que c'était peut-être tout simplement le caractère du garçon, moins extraverti que Sora ; mais sa façon de contempler son cristal bleu, de regarder parfois le ciel le soir ou de dévisager le vide d'un air mélancolique les convainquit que quelque chose le tracassait.

Ils allaient prendre leur courage à deux mains et aller lui demander quel était le problème quand ils le virent soudain s'esquiver un soir après leur mission :

- J… Je vais faire un truc au stade, à tout à l'heure.

Alors qu'il s'éloignait, Donald le retint par la capuche et se planta fermement au sol :

- Minute papillon ! Tu crois que je te vois pas venir ?

- Quoi ? fit l'adolescent en se dégageant.

- Où tu vas ?

Un court silence se fit avant que le garçon ne répète :

- Mais t'as pas entendu, au stad-

- Et depuis quand le stade est du même côté que le Gummi ?

Le garçon se figea, bouche ouverte, puis détourna la tête en comprenant qu'il avait été démasqué. Le magicien patienta, bras croisés. Et après avoir fixé le vide un moment, Roxas tourna lentement les talons :

- Je dois y aller.

- Hé ! Où tu comptes aller ? répéta le canard en agrippant la manche du jeune homme.

- Lâche-moi !

Le duo se figea face au cri de Roxas qui s'était retourné d'un œil lançant des éclairs. Puis, après un silence le regard sombre du garçon se calma, et il fixa à nouveau le sol, muet :

- …Il faut que je fasse quelque chose, c… c'est tout.

- Et ça implique de filer en douce ? fit Donald néanmoins compréhensif.

- …Je dois le faire seul, répondit l'adolescent sans oser les regarder. Je comprends que vous vouliez venir, mais… Je dois le faire seul. C'est vraiment important, dit-il en levant enfin un regard timide vers eux.

Les deux amis se concertèrent du regard, perplexes ; Donald semblait compréhensif mais réticent, et Dingo inquiet. Mais rapidement, les deux adultes froncèrent les sourcils de concert, hochèrent la tête et se tournèrent vers leur protégé attendant leur réponse, incertain et appréhensif.

Les rayons du couchant baignaient de leur chaleur le clocher surplombant la Cité. Dans une des nombreuses ruelles de la ville, un trio bien connu se fit la course jusqu'au repaire, riant et se moquant gentiment de leur ami retardataire.

De l'autre côté, descendant lentement la rue menant au coin habituel, la silhouette méconnaissable de Roxas s'avançait doucement, serrant son bras contre lui. Il hésitait beaucoup ; qu'est-ce qu'il pouvait vraiment dire ? Qu'est-ce que ça changerait de faire ça ? Ça n'allait pas modifier ce qu'il s'était passé, après tout ! Alors pourquoi ?

Et pourtant, Roxas voulait le faire ; non, il avait besoin de le faire. C'était important. Inutile, sans aucun doute ; idiot, oui, parfaitement ! Mais c'était important pour lui.

Enfin le trio de la Cité du Crépuscule parvint devant leur cachette, Hayner et Olette juste derrière faisant signe à Pence de se dépêcher et riant joyeusement quand ce dernier les rattrapa essoufflé, alors que Roxas en Sora arrivait en vue du grillage cachant le repaire.

La jeune fille s'arrêta de rire en voyant la silhouette au bout de la rue, poussant ses deux amis à regarder dans la même direction. Au même moment, l'adolescent leva le nez et les vit à son tour. Les deux groupes s'arrêtèrent, comme surpris de se retrouver.

Puis, après avoir prit une inspiration profonde et son courage à deux mains, Roxas franchit les derniers mètres le séparant du trio baigné dans la lueur du couchant.

- Sora ? Ça va mon vieux ?

- Tu… euh… On s'inquiète un peu parce que la dernière fois, ces machins blancs ont cassé l'ordi et… on a entendu ton cri, expliqua avec hésitation l'autre garçon.

Roxas se figea brièvement à l'évocation de ces évènements, inquiétant le groupe :

- O-On voulait pas te le rappeler comme ça, fit alors la jeune fille, mais on a pas eu de tes nouvelles depuis et… On avait peur que…

- Non, vous en faites pas, répliqua enfin l'adolescent en les regardant en face, je vais… ça va pour moi. C'est juste… je suis revenu pour parler de ça, fit-il en se frottant encore le bras.

Les trois adolescents l'écoutèrent, intrigués. Le garçon fixa le sol un moment, ne sachant comment commencer, puis inspira profondément :

- Quand on est venus pour l'ordinateur, on… c'était la seule piste réelle qu'on avait pour… C'était notre dernier espoir. E-Et quand les Similis l'ont détruite, j'ai… J'ai été détruit aussi.

Roxas n'avait pas vraiment voulu le formuler ainsi, mais c'était comme ça qu'il s'était senti à ce moment-là. Une partie de lui, de sa vie avait été détruite en cet instant, aussi fausse ait-elle été. Le trio se figea à ses mots, comme comprenant toute l'étendue des dégâts causés ce jour-là.

- Et quand c'est arrivé, j'ai… je pouvais pas le supporter alors je suis parti. Je savais pas quoi faire, c… Cette piste, c'était tout ce qu'on avait pour le retrouver et…

Le garçon s'arrêta, ne sachant pas comment exprimer sa peine, sa colère et son désespoir. Mais il y avait une chose qu'il voulait et pouvait dire maintenant :

- Enfin bref, je… je suis venu vous dire qu… Je suis désolé d'être parti sans prévenir et de pas avoir donné de nouvelles, s'excusa timidement le jeune homme. Pardon.

Le trio de la Cité resta muet un instant. Puis Hayner secoua la tête en levant une main :

- Nan, t'excuses pas Sora ! À ta place j'aurai aussi pété un câble, c'est pas comme si c'était ta faute !

L'adolescent se figea, surpris par cette réponse. Olette ajouta aussitôt :

- On comprend très bien que ça t'ai fait autant de peine, et même si on était inquiets on t'en veut pas de pas être revenu plus tôt, dit-elle gentiment.

Le garçon resta muet, puis baissa les yeux :

- J'aurai quand même dû faire plus, murmura-t-il tristement. J'aurai dû rester vous protéger pendant le transfert, ou revenir avant, ou…

Une main sur son épaule l'arrêta subitement en pleine phrase, et il leva les yeux pour croiser ceux confiant de Hayner :

- Eh, arrête de te reprocher tout ça ! Nous aussi on aurait pu faire quelque chose, genre montrer à ces espèces de survêt' blancs qui c'est le chef !

- Et puis c'est eux qui nous ont fait perdre ces données, non ? renchérit Pence.

- C'est vrai ! Alors t'en veut pas comme ça, d'accord ? conclut Olette avec un sourire rassurant.

Roxas les regarda un instant, figé par tant d'assurance et de gentillesse ; puis son regard s'adoucit, alors qu'il se grattait la tête, gêné.

- C… C'est sympa de votre part, fit-il timidement.

- C'est comme ça entre amis, on se soutient ! assura Hayner d'un poing et sourire déterminés.

- En parlant de soutien, dit soudain son ami pensif… Tu peux nous dire ce que tu cherchais avec ces données ? Histoire qu'on sache si on peut aider ?

L'air rassuré de Roxas s'assombrit soudain à cette question, et il baissa la tête en défaite.

Non, ils ne pouvaient pas l'aider. C'était déjà trop tard. Les données étaient son seul espoir et maintenant…

Mais ils voulaient l'aider. Même pour un essai sans espoir, ils pouvaient savoir.

- …Je voulais retrouver quelqu'un. Pour l… pour le ramener parmi nous, répondit l'adolescent sans oser lever les yeux du sol.

Le trio se regarda, intrigués, puis demanda encore :

- Comment il, ou elle, s'appelle ? fit la jeune fille.

- …Roxas, répondit-il après un silence. C'est un garçon.

- Attends, c'est pas celui dont t'avais parlé la dernière fois ? questionna Hayner.

Le garçon acquiesça en silence, secrètement étonné qu'ils s'en souviennent. Pence se prit alors le menton, réfléchissant intensément :

- Hum… J'ai vraiment l'impression d'avoir déjà vu ce nom quelque part, murmura-t-il.

- Bah évidemment, Sora en a parlé la dernière fois ! répliqua vivement le chef.

Son ami haussa les épaules et continua de marmonner le nom recherché en fixant le vide, tandis que la jeune fille se tournait vers l'adolescent :

- On peut essayer de faire un tour en ville et demander si des gens d'ici le connaissent, proposa-t-elle gentiment. Comme ça on trouvera peut-être une piste !

Roxas resta un instant immobile, surpris par cet élan d'aide, mais secoua tristement la tête d'un air désolé :

- C'est gentil, mais je crois pas que ça marchera… et puis, je peux pas rester, j'ai… on a encore beaucoup à faire, avoua-t-il tristement.

- Pour retrouver Roxas, c'est ça ?

Le garçon leva un regard timide vers Hayner déterminé, et hocha la tête,reconnaissant. Le chef lui fit alors un sourire assuré en se pointant du pouce :

- Alors comptes sur moi pour le chercher aussi ! Quelqu'un avec un nom aussi cool est forcément un mec encore plus cool ! fit-il en souriant de toutes ses dents, impatient.

Cette dernière phrase figea Roxas, mais pas de la même manière que les autres ; pour une raison inconnue, son cœur avait été brièvement étreint d'un doux étau, une chaleur était montrée dans sa poitrine et une étrange sensation s'était manifestée au niveau de son visage. C'était… vraiment bizarre.

- Hum ? Qu'est-ce qui t'arrive Sora ?

- Pourquoi tu rougis comme ça ?

- Ah eeeeeuh… R-Rien, rien du tout, répondit le garçon en se frappant les joues et secouant la tête pour faire partir la sensation qui le mettait maintenant mal à l'aise.

Le trio resta un peu perplexe face à cette réaction, mais reprit :

- Bon, en tout cas compte sur moi pour t'aider à retrouver ton Roxas ! répliqua le chef de la bande. Et sur Pence et Olette aussi ; pas vrai les gars ?

- Bien sûr ! acquiesça le garçon tandis que son amie hochait la tête en souriant.

- On fera de notre mieux, promit la jeune fille. N'hésites pas si jamais tu as besoin de notre aide.

Le garçon resta figé, à nouveau pris de court par tant d'amitié. Puis il hocha vivement la tête, revigoré :

- Compris ! Vous êtes tous supers, je sais pas comment vous remercier…

- Eh, remercie-nous quand t'auras retrouvé Roxas, d'accord ? l'interrompit Hayner en posant à nouveau une main sur son épaule. Et dis-lui de passer nous voir qu'on fasse connaissance, OK ?

L'adolescent resta muet, mais hocha rapidement la tête, reconnaissant.

Et tandis qu'ils reprenaient chacun leurs routes à la recherche d'une glace, d'une piste ou tout simplement de quoi Pence marmonnait dans sa barbe, Roxas ne put s'empêcher de ressentir une petite chaleur à la poitrine.

Comme la lueur vaillante d'une braise qui renaissait enfin.

Assis sur les marches de la gare, Donald et Dingo attendaient patiemment le retour de Roxas. Ne pouvant ni le laisser partir tout seul ni lui refuser de faire ce qui lui tenait à cœur, ils s'étaient mis d'accord ; le duo l'accompagnerait jusqu'à l'endroit où il devait se rendre, et ils le laisseraient régler son affaire tranquille.

Mais malgré leur compromis, le magicien ne pouvait s'empêcher d'être nerveux ; l'Organisation était déjà venue ici, ils pouvaient revenir ! Et s'ils le faisaient juste quand ils venaient de laisser l'adolescent tout seul ? Et s'ils l'attaquaient ? Ou non, qu'ils le capturaient, là, juste sous leur nez alors qu'ils attendaient bêtement son retour comme si rien ne pouvait lui arriver-

- Le revoilà !

L'exclamation de Dingo fit sursauter le canard qui riva aussi vite son regard vers la rue de la gare, y voyant apparaître la silhouette familière de Sora ; et visiblement, il n'était pas blessé. Visiblement.

Le duo se précipita vers leur camarade pour le rejoindre ; et dans le cas de Donald vérifier discrètement s'il n'avait rien.

Il n'avait rien.

- Ça va, tu as pu faire ce que tu voulais ? demanda gentiment le chevalier.

Le jeune homme hocha la tête en silence, songeur. Satisfait de voir qu'il avait fini et qu'en plus ça s'était bien passé, le magicien tourna les talons vers la gare, impatient :

- Bon, maintenant, retour au colisée !

- Attendez !

Le canard se figea dans son élan, surpris, avant que lui et le capitaine ne se retournent vers l'adolescent se tenant le bras, hésitant. Après un instant de réflexion, Roxas inspira profondément et demanda timidement, comme craignant un refus :

- Je sais que ça fait beaucoup, mais est-c… J'ai quelque chose d'autre à faire, ailleurs, mais je… Je ne sais pas si j'arriverai à le faire tout seul.

Kairi traversa le couloir vers la sortie du quartier général ; son entraînement du jour venait de finir, et elle avait bien l'intention d'aller faire un tour en ville pour respirer un peu avant de voir ce qui lui restait à faire. Après, elle irait voir pour A-Lea…

Ouvrant la porte de la salle commune, son regard songeur tomba sur trois paires de pieds familières.

Dont une dont elle n'était pas sûre de vouloir entendre parler.

Voyant les grandes chaussures jaunes et noires de son ami d'enfance, la jeune fille s'arrêta. Donald et Dingo les avaient mis au courant pour le nouvel échange de Sora, cette fois… mais si c'était de nouveau arrivé, il y avait une chance qu'il soit revenu lui-même sans prévenir comme la dernière fois. Peut-être que…

Mais quand elle leva les yeux vers ceux de la silhouette devant elle, ce furent deux iris ciel qui la regardèrent en retour.

Tout se figea alors que les deux adolescent se fixaient, muets, observés par un duo inquiet.

Les yeux déjà refroidis de la Princesse se plissèrent un instant, dévisageant d'un air fermé celui récitent et honteux de Roxas, avant qu'elle ne se détourne sans un mot :

- Attends !

La jeune fille s'arrêta à peine une seconde, lançant à l'intéressé un regard signifiant "Je ne veux pas te voir" ; mais le garçon ajouta rapidement, ses yeux hésitants fixant le sol :

- J-Je sais que tu veux pas me voir m-J'ai juste quelque chose à te dire, bredouilla-t-il en se frottant le bras sans oser la regarder. C'est tout.

Un nouveau silence s'installa, alors que l'adolescent jetait des coups d’œil vers elle sans jamais croiser son regard froissé. La jeune Porteuse l'observa un moment, intriguée : une foule d'émotions jaillit en elle, contradictoires et incompréhensibles, face à ce jeune homme au regard de ciel qui restait à fixer pudiquement le vide.

Un regard bien différent de la dernière fois…

Alors, inspirant profondément, la jeune Princesse se redressa, et hocha la tête une unique fois.

Le garçon releva immédiatement un visage surpris mais soulagé devant son accord inespéré, et allait parler quand elle lui fit signe d'arrêter. Puis, d'un geste froid, elle désigna la porte du couloir derrière eux en le fixant sans ciller. Roxas la regarda un instant, sourcils froncés comme attristé, se tourna un instant vers Donald et Dingo comme pour demander conseil, et y alla lorsque les deux amis l'encouragèrent d'un geste.

Une fois tout deux seuls dans le couloir, le garçon se tourna vers la jeune fille et ouvrit la bouche : mais elle referma la porte d'un coup sec derrière eux, coupant court à son élan.

Méticuleusement, elle s'adossa à la porte, comme pour lui retirer toute échappatoire, et le fixa sans ciller malgré l'hésitation qu'elle tentait de cacher. Le garçon plongea furtivement ses yeux dans les siens avant de les rabaisser, comme osant à peine soutenir son regard, et fixa nerveusement le sol. Un long moment passa ainsi, elle à attendre, lui à chercher ses mots.

Agacée par ce silence sans fin, Kairi finit par dire d'un ton monocorde en faisant mine d'ouvrir la porte :

- Si tu n'as rien à dire, va-t-en.

- Non ! C'est juste qu…

Kairi s'arrêta dans son geste lorsque l'adolescent éleva enfin la voix, une main tendue comme pour la retenir. La Princesse le fixa alors droit dans les yeux, comme pour le défier, et pendant un bref instant il soutint son regard, suppliant. Ses yeux retombèrent rapidement au sol alors qu'il rabaissait la main, revenant à une position honteuse et hésitante. La jeune fille attendit une dernière fois, et Roxas parla enfin :

- J… Ce qu'il s'est passé la dernière fois, j…

Bredouillant, le garçon fixa fébrilement le sol, comme osant à peine lever le regard ; puis il s'arrêta, prit une profonde inspiration, et dit en ouvrant lentement des yeux honteux :

- Je t'ai attaqué parce que je devais savoir si ce que j'ai vu était réel. Quand Xehanort a forcé Axel à nous attaquer, je t'ai vu hésiter, je t'ai vu te figer alors qu… Je t'ai vu ne plus savoir quoi faire et j'ai… J-Je sais pas pourquoi, mais quand tu as dit que tu étais prête à te battre je… J'ai repensé à tout ça et à d'autres choses et ça a fait comme un déclic dans ma tête et j…

Le garçon baissa encore les yeux, soupirant :

- Je crois que ce que je veux dire, c'est que… C'est que j'avais peur que tu surestimes ta force et que tu te retrouves dans une situation comme avec A… Xehanort, mais que cette fois-ci j… Personne ne soit là.

Un court silence s'installa alors que l'adolescent se serrait le bras, hésitant, avant qu'il n'ajoute :

- Je voulais que tu comprennes que ce combat est beaucoup plus dangereux que tout ce qu'on-vous avez pu vivre avant et qu'il te restait du chemin à faire, et je sais que j'avais d'autres façons de l'exprimer que ç… Ce que je veux dire, c'est qu… j'avais peur. Pour toi. Je sais que ce que je t'ai fait est impardonnable, que je pourrais jamais me justifier mais j… Je te dois des excuses. J-Je suis pas venu demander ton pardon parce que je sais que je le mérite pas, m… mais je te dois des excuses pour ce que j'ai fait, et je comprends si tu m'en veux pour toujours. Je ne te demande pas de me pardonner, Kairi, mais j… je m'excuse de t'avoir blessée. Kairi, je m'excuse pour tout ce que je t'ai fait.

Cette dernière phrase, Roxas avait osé la prononcer en fixant le regard dur et froncé de la jeune fille, une lueur profonde et repentante brillant dans ses iris de ciel.

Pendant un bref instant, les deux adolescents se regardèrent, comme plongé dans les yeux de l'autre. Puis Roxas baissa rapidement la tête, plus peiné que jamais. Le silence lourd envahit l'espace.

- …J… vais y réfléchir.

Roxas leva immédiatement les yeux vers la jeune fille qui n'avait de cesse de le fixer, l'air prise entre de multiples émotions contradictoires.

- …T… Tu…

- J'ai réfléchi depuis que Axel a été possédé, continua la jeune fille, et j'ai compris énormément de choses. Dont le fait que nous sommes d'accord sur un point : il nous reste encore beaucoup à faire avant d'affronter Xehanort. Autant toi que moi.

Le garçon se figea un instant, puis baissa la tête, songeur. Il releva la tête vers la Princesse tandis qu'elle reprenait :

- J'entends tout ce que tu as dit, et j… je vais le prendre en considération. Cependant… En attendant, et tant que Sora n'est pas revenu, Roxas… Je ne veux plus te voir.

Les yeux de l'adolescent s'écarquillèrent, mais il baissa tristement la tête, sourcils froncés. Un bref instant, il songea à répondre quelque chose ; mais il n'y avait plus rien à dire.

Ils restèrent ainsi quelques instants, muets, avant que Kairi ne s'écarte de la porte, semblant ainsi signaler au garçon de partir. Roxas se dirigea vers la sortie sans un mot.

- Attends.

Surpris, l'adolescent s'arrêta et se retourna vers la jeune fille, intrigué.

"CLAC"

La gifle résonna dans l'espace et un peu dans la tête de Roxas, surpris même s'il s'y était attendu. Un peu malgré lui, il se tourna stupéfait vers Kairi, qui le regardait maintenant les sourcils froncés, blessée mais satisfaite :

- Pour m'avoir fait giflé Sora à ta place.

L'adolescent resta figé, surpris par cette révélation ou peut-être la claque, alors que la Princesse lui lançait un dernier regard distant avant de s'en aller.

Roxas resta encore quelques instants, comme accusant le coup, puis passa à son tour la porte pour rentrer au Gummi.

…Ça c'était pas vraiment passé comme prévu, mais c'était déjà un peu mieux que ce à quoi il s'attendait. Massant sa joue douloureuse de la gifle (méritée, il ne le niait pas), il leva le regard vers la salle commune pour signaler à ses deux camarades qu'ils avaient fini.

Sauf qu'ils n'étaient pas là.

Riku l'était.

Les deux adolescents se fixèrent un moment dans les yeux, tout deux surpris de se croiser. Puis Roxas retrouva son habituel air inexpressif envers le jeune Maître, alors que ce dernier devenait aussi neutre mais aussi méfiant. L'adolescent alla vers la sortie… avant de s'arrêter, fixer le sol pensivement, et se tourner vers l'aîné, semblant vaguement contrarié.

- …Riku.

Le plus âgé le regarda alors en retour, semblant jauger son humeur, avant de répondre :

- Oui ?

- …J'ai parlé à Kairi, dit enfin le garçon après un moment.

- …Je vois ça, répondit platement le Maître en fixant un point précis sur son visage.

Voyant qu'il fixait sa joue encore rouge, Roxas la cacha d'une main, peu amusé du rappel même si c'était bien mérité, et lança un regard agacé vers Riku qui soudain sembla regretter ses mots. Mais l'adolescent ne lui laissa pas le temps de s'inquiéter qu'il reprit :

- Peu importe… Je suis pas là pour t'en parler. Mais…

Sa voix soudain incertaine fit tilter le jeune homme qui attendit la suite, tandis que l'adolescent fixait le sol, hésitant ou vraiment réticent.

- …Xehanort nous a vraiment bien eu la dernière fois, dit-il alors neutre, et… J'avoue que si vous… aviez pas été là à temps, je serai… tu vois. Vous m'avez évité le pire… surtout toi, étonnamment.

L'aîné écarquilla les yeux en comprenant où il voulait en venir, alors qu'il finissait son discours :

- E-Enfin bref, tout ça pour dire qu… Que… J'apprécie ce que tu as fait cette fois, avoua-t-il à contrecœur.

Riku eut presque envie de sourire en voyant combien cela coûtait à Roxas d'admettre qu'il lui avait sauvé la vie, mais se retint. Il ne voulait pas vraiment rire, et ce n'était pas parce qu'il craignait des représailles de sa part.

Au contraire.

L'adolescent fixa encore le sol, une main grattant maladroitement sa nuque, puis soupira :

- Voilà. Je…

- Je comprend Roxas, osa alors le jeune Maître.

L'autre eut l'air alors mi-surpris, mi-contrarié qu'il l'ait coupé, mais fixa rapidement le mur.

- …Pour Kairi… J'espère qu'elle va bien après tout ça.

- Vous n'en avez pas discuté ? Questionna l'aîné.

L'autre lui jeta un regard agacé, puis secoua la tête.

- …Elle ne m'en a pas encore parlé en détail, mais si ça peut te rassurer elle se porte bien physiquement, et est plus déterminée que jamais, ajouta alors Riku en croisant les bras. Et Lea va bien aussi.

Le regard du garçon s'adoucit à ces mots, mais refusait toujours le contact visuel. L'aîné baissa les yeux un instant, songeur, puis ajouta avec gravité :

- En y repensant… Tu nous as rappelé à l'ordre, Roxas.

Ce dernier leva le regard vers lui, intrigué, tandis qu'il tapotait son index sur son bras, l'air sombre :

- Nous avons baissé notre garde et laissé Xehanort nous surprendre. Nous ne pourrons pas le vaincre si nous ne nous entraînons pas sérieusement. Kairi restera une cible facile si elle est constamment protégée, même en s'entraînant des années dans la salle temporelle. Si nous voulons gagner contre lui, il faut que nous soyons prêts ; que nous soyons tous prêts.

L'adolescent écarquilla lentement les yeux à ces mots, avant de détourner le regard, gêné ou incertain, et se dirigea vers la porte. Il s'arrêta alors sous l’œil attentif de l'aîné, et fixa encore le sol :

- …Riku. Kairi ne veut pas me voir, et… Je sais qu'elle est capable. Elle a du potentiel, vraiment, mais… Je ne peux pas l'aider maintenant. Et… je ne peux pas être là. Alors… c'est toi qui dois l'aider et… et s'assurer qu'il n'arrive rien. À tout les deux. Tu comprends ? Fit-il timidement en tournant légèrement la tête vers Riku.

Ce dernier le fixa, très sérieux, avant de hocher la tête :

- Je ferais de mon mieux, promit-il.

Un court instant s'écoula, puis l'aîné quitta la pièce. Juste avant qu'il ne passe la porte, une voix le rappela froidement :

- Riku.

Se tournant vers l'adolescent, il le vit le fixer intensément ; l'adolescent dit alors, le transperçant de son regard de ciel acéré :

- C'était pas une demande. Protège-les.

Riku se tendit devant cette réplique presque glaciale, alors que le garçon le dévisageait comme l'avertissant de son sort s'il faillait à cette mission. Roxas le regarda encore un instant, semblant s'assurer de faire passer son message, et quitta le quartier général sans se retourner.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Roxas a pu s'excuser auprès de Kairi, Donald et Dingo… et peut-être aussi lui-même. Maintenant, quel prochain évènement l'attend ?

Roxas : Si nous avons encore un "incident Xehanort" comme la dernière fois… *fait craquer ses poings*

*Riku semble soudain vouloir disparaître*