Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 22 : Nouveaux amis - Brèche

8977 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/02/2024 21:24

De nombreux évènements ont ébranlé les Gardiens ; la destruction des données de la Cité du Crépuscule, la presque possession de Lea par Xehanort, et plus récemment la brève disparition de Sora suite à une confrontation avec Ansem. Et maintenant, Roxas est de nouveau parmi eux à la place de son être d'origine. Après tout cela, quelle prochaine embûche se dressera sur le chemin du Simili ?

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 Pour au moins la centième fois depuis qu'ils s'entraînaient au colisée, les trois combattants furent réveillés en fanfare par Phil qui comme chaque matin à l'aube aimait s'assurer que ses élèves ne traînaient pas la patte. Enfin, cela réveilla surtout Donald et Dingo ; pour une raison inconnue, Roxas n'était jamais dérangé par ces réveils intempestifs. Il semblait même toujours se lever bien avant eux, ce qui soulevait des questions sur son rythme de sommeil.

Mais ceci n'était pas la priorité du duo, qui se préparaient pour la nouvelle journée harassante et surtout essayaient de retrouver leurs esprits après un réveil-matin pareil. Enfin prêts, le duo alla faire face aux exercices exténuants et se dirigea vers la sortie du dortoir.

Quand quelque chose les arrêta net.

D'un même mouvement, les deux adultes se retournèrent vers Roxas, bouche bée, pour le voir lever un sourcil devant leur réaction :

- …Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait encore ?

Ils clignèrent un instant des yeux, stupéfaits, avant que Donald ne réponde lentement :

- …Tu nous as dit "Bonjour" ?

L'adolescent leur lança un regard ahuri, avant de hausser les épaules :

- Et ? Qu'est-ce qu'il y a, ça pose problème ?

- …Tu ne nous avais jamais dit "bonjour" avant, murmura le chien concerné…

- Bah euh… il fallait bien que ça arrive un jour, non ? Répliqua le garçon visiblement nerveux. B-Bon allez, allons-y avant que Philoctète décide de nous faire courir deux fois plus !

Et sans un mot, le jeune homme dépassa ses camarades et disparut dans le couloir. Donald et Dingo restèrent figés un moment, avant de s'échanger un regard déconcerté :

- Qu'est-ce qui lui prend ? Fit le canard perplexe.

- Je sais pas, mais est-ce que c'est vraiment important ? Répondit le chien en souriant, touché par le geste un peu surprenant du garçon.

- …Tu crois qu'il va bien ? Poursuivit son camarade en croisant les bras, visiblement très préoccupé par ce changement d'humeur.

- Tu te fais un peu trop de souci, Donald, dit alors Jiminy en sortant sa tête de la poche de la veste de Dingo. C'est vrai que c'est… inattendu de voir Roxas réagir ainsi, mais ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'il nous salue ainsi… ou se montre amical avec nous…

Les trois compagnons se regardèrent un long moment, avant de hocher la tête d'un commun accord :

- C'est pas normal.


Rien de vraiment inhabituel ne se passa jusqu'au déjeuner, où contre toute attente Roxas patienta le temps que ses deux camarades aient fini leurs exercices pour aller au réfectoire avec eux, et s'assit sans un mot en face d'eux au lieu de se mettre à l'autre bout de la table comme il faisait chaque fois qu'il n'était pas seul à déjeuner. Le repas se passa dans un silence gêné, ni le duo ni le jeune homme ne semblant vouloir entamer la conversation, et l'adolescent resta presque tout le temps plongé dans son assiette, ne levant les yeux que lorsque les adultes avaient le nez dans la leur et les rebaissaient dès qu'ils lui jetaient un coup d’œil.

Ensuite, lors de l'entraînement en duel entre le garçon et Dingo, ils furent quelque peu surpris de le voir appeler à lui sa Keyblade blanche à son poing gauche, au lieu de la noire Souvenir Perdu qu'il arborait d'habitude de sa droite. Mais un changement de Clé principale n'était pas plus bizarre que Sora qui passait d'un porte-clé à l'autre comme on change de chemise.

Non, ce qui fut surprenant, c'est que Roxas attende que le chevalier fasse le premier geste au lieu de se jeter dès le signal de départ. Et lorsqu'il s'élança enfin quand le capitaine lui laissa l'avantage, ce ne fut que pour donner un coup fort mais retenu sur son bouclier. Le chien, habitué aux attaques puissantes du garçon, ne pu se retenir de jeter un coup d’œil depuis sa protection pour s'assurer que c'était bien le jeune homme qui avait frappé, se recevant un regard étonné de sa part. Il fallut que Phil les sonnent pour qu'ils reprennent leur combat de façon plus régulière ; mais le garçon continua de donner des coups plus retenus que d'habitude, et lorsque ce fut au tour de Donald de l'affronter, l'adolescent resta à distance et ne frappa que lorsque le canard vint au corps-à-corps. Alors qu'auparavant il attaquait à coup de Clé et de sorts dès qu'une ouverture se faisait, sans prêter attention à l'état de son adversaire.

Il était vraiment très calme ; mais pas d'un calme qui calcule le prochain coup pour abattre l'adversaire. Non, un calme… retenu, maîtrisé mais laissant échapper quelques assauts non restreints par accident, comme s'il… essayait de se contenir.

C'était très bizarre.

Plus tard, lorsqu'ils firent leur excursion à Sans-cœurs, Roxas resta bien sagement avec eux, ne s'éloignant même pas à plus de deux mètres exceptés lorsqu'un monstre les forçait à se séparer pour éviter les attaques. Il n'alla pas de son côté, ni n'essaya de fausser compagnie aux combattants, ni même ne désobéit à Phil qui avait encore interdit de franchir le périmètre au-dessus du colisée.

Et chose encore plus surprenante, il n'usa pas de la Fusion. Pas une fois, pas même lorsqu'un groupe de Soldats et Rondouillards les bloqua pendant plusieurs minutes. Donald et Dingo s'attendaient à ce que le garçon utilise leur pouvoir pour écourter le combat qui même à eux leur semblait long ; mais non. Rien.

Lorsque le dernier monstre obèse disparut, le duo vit très clairement l'adolescent soupirer d'agacement, soulagé mais exaspéré que ça ait autant duré. Mais il ne fit aucune remarque, si ce n'est qu'il était temps de rentrer.

Alors qu'ils descendaient, Donald donna un discret coup à Dingo et à lui-même pour bien s'assurer qu'ils n'imaginaient pas toute cette journée.

En tout cas, si c'était un rêve, il était non seulement très long, mais en plus très réel.


Quelques jours passèrent ainsi avec étrange l'attitude de Roxas. Bien qu'il ait abandonné l'idée de les saluer aussi ouvertement le matin, il continuait de retenir ses coups lors des duels, restait non loin d'eux lors des expéditions, ne se servait plus des Fusions et s'installait sans rien dire en face d'eux lors des repas. Dingo avait essayé de commencer une discussion lors d'un déjeuner, et bien que l'adolescent ait été très peu bavard, il y démontra des signes d'écoute timides. Donald avait à peine joint cette conversation, et le chevalier avait bien vu que ni l'un ni l'autre n'avait envie de discuter. En fait, le garçon restait généralement muet, comme n'osant pas leur parler.

Et puis, lors d'un de leurs entraînements, Roxas lança soudain une remarque :

- Vous avez un problème de rythme.

Les deux combattants arrêtèrent immédiatement leur duel et se tournèrent vers l'adolescent, stupéfaits, tandis que Phil les imitait, tout aussi surpris de l'entendre parler.

- Comment ça, un "problème" ? Fit le magicien en serrant les poings.

Le garçon eut un bref regard noir avant que l'entraîneur n'intervienne :

- On se calme les héros ! Et toi p'tit, qu'est-ce que tu racontes au juste ?

Roxas sembla un instant se rétracter, comme s'il aurait préféré se taire, puis dit plus calmement en fixant le sol :

- Ils sont soit trop lent, soit trop rapide. Ça fait déjà plusieurs fois que je vois ça. Dingo par exemple, tu mets beaucoup de temps pour préparer tes coups spéciaux, et même s'ils sont plutôt rapides ça te laisse ouvert à une attaque. Et Donald a tendance à utiliser toute sa magie d'un coup, et du coup n'en a plus pour lancer le bon sort ou se défendre.

- Tu veux un coup de bâton pour voir si je peux plus me défendre peut-être ? Fit le canard en pointant son arme vers le garçon.

- J'ai dit on se calme ! S'écria le satyre alors qu'ils se foudroyaient du regard, avant de se tourner vers l'adolescent. P'tit, j'ai deux mots à te dire : Cha-peau !

Le garçon sembla réellement surpris par ces félicitations, tandis que l'entraîneur ajoutait :

- Je savais bien qu'y avait quelque chose qui clochait avec ces deux-là, mais c'est toi qu'as mis le doigt dessus, bravo ! Alors vous allez m'arranger ça les héros ! Au boulot, et plus vite que ça si vous voulez pas plus d'acrobaties demain matin !

Le duo resta figé quelques instants, assimilant à la fois la pertinence de la remarque du garçon et son excellent sens de l'observation, avant que Phil les sonne pour reprendre leur combat. Donald continua de balancer des Foudres et Brasiers à tout bout de champ, mais Dingo devait l'admettre ; Roxas avait eu raison de relever leurs défauts.

Ils faisaient équipe depuis si longtemps qu'il avait oublié de faire attention à leurs tactiques de combat. Et même s'il n'auraient jamais la stratégie parfaite, ne pas essayer de combler leurs faiblesses était commettre une grave erreur. Surtout après tout ce qu'il s'était passé.

Et même si son camarade n'avait pas très bien pris la critique, le capitaine ne pouvait s'empêcher de penser que Roxas avait voulu les aider.

Pour la première fois depuis son échange avec Sora, il essayait ouvertement et de son propre chef de les aider.

Et le chevalier ne pouvait qu'espérer que ça ne serait pas la dernière.


Dingo repoussa un Soldat persistant, puis reporta encore une fois son regard sur Roxas.

Comme d'habitude ces derniers jours, il restait non loin d'eux, se trouvant actuellement dos à dos avec Donald qui semblait agacé par l'insistance du garçon à ne pas le quitter d'une semelle. Ce dernier s'élança pour trancher un Sans-cœur passant à l'attaque, avant de se retrouver prit à l'écart par un groupe d'Ombres surgissant du sol. Le capitaine se précipita aussitôt pour lui prêter main forte, mais le même Soldat accompagné d'un de ses semblables revint en tournoyant. Dingo évita l'assaut, puis se concentra sur eux après qu'un coup d’œil vers le jeune homme lui ait confirmé qu'il se débrouillait très bien tout seul.

Ce n'était pas que le chien s'inquiétait en combat pour Roxas ; il avait bien compris depuis longtemps qu'il pouvait se défendre tout seul, comparé à Sora qui bien que capable de se débrouiller de son côté avait encore du mal à tenir en solo. Non, ce qui le poussait à le surveiller, c'était son comportement récent ; non pas que le voir un tant soit peu amical ne l'affole, mais il tenait à comprendre comment il allait. Surtout après les récents évènements.

Il avait bien vu que la perte de la Cité virtuelle l'avait profondément touché, et le chevalier espérait que leur idée de protéger le cristal l'ait un peu soulagé. Mais malgré tout, il avait du mal à oublier son attitude brutale avec Kairi, juste après l'attaque de Xehanort ; même s'il comprenait que la possession de Lea ait affecté l'adolescent, et même s'il avait réalisé après coup ce qu'avait voulu démontrer le jeune homme avec la Porteuse, ça n'en retirait en rien la violence physique ou verbale de son geste.

Dingo avait du à gérer cet adolescent, si différent de Sora ; là où son ami aurait sans doute cherché le réconfort auprès d'eux, Roxas semblait plutôt se renfermer sur lui malgré ses récentes tentatives de socialisation. Mais le voir essayer, même maladroitement, lui faisait chaud au cœur. Le chevalier n'osait pas trop se rapprocher lui-même, de peur qu'il ne se bloque et se renferme à nouveau ; mais il acceptait tout les gestes d'ouverture du garçon. Et avec un peu de chance, ça leur permettrait enfin de réaliser le vœu de Sora : que Roxas vive comme un adolescent normal.

Une énorme masse couverte de piquants frôla soudain le capitaine qui para juste à temps une charge, manquant de se faire projeter. Reprenant ses esprits, Dingo remarqua la créature qui venait de les attaquer, une espèce de boule noire pleine de pics rocheux avec une gigantesque bouche dentelée. Il eut le temps de remarquer que deux autres monstres similaires étaient apparus, avant que ces derniers n'enfouissent leur tête dans le sol, y plongeant comme dans de l'eau. Esquivant un Soldat et une des créatures, le chevalier donna un coup en plein dans le flanc de cette dernière ; mais l'assaut rebondit sans faire de dégât. Un Glacier vint geler l'un des Sans-cœurs à piquants, avant qu'une Keyblade lancée ne l'achève.

Le capitaine jeta un bref coup d’œil aux deux responsables du résultat, lesquels s'échangeaient un regard comme se disputant la parenté du coup de grâce ; et Dingo ne put s'empêcher de sourire en repensant au premier voyage avec Sora, quand lui et Donald ne pouvaient pas passer une journée sans se chamailler sur quelque chose.

Cette fois cependant la dispute n'eut même pas lieu, car le canard décida d'aller cramer d'autres Sans-cœurs en évitant les boules rocheuses de son côté. Roxas l'imita et foudroya sur place les Ombres et Soldats restants, sans doute pour se concentrer sur les nouveaux monstres présents.

Et ce fut à ce instant précis que ça arriva.

Juste quand Dingo se retournait vers l'une des créatures rocheuses, un rai blanc jaillit dans le dos de Roxas et l'engloutit dans un éclat bleuté. L'instant d'après, un bloc de glace se trouvait à sa place, tenant prisonnier le garçon figé dans une posture stupéfaite.

- Roxas !

Sans plus prêter attention aux Sans-cœurs, le chevalier se précipita vers l'adolescent prit au piège, remarquant au passage le responsable de son état : une petite créature aux teintes blanches et bleu pâle enveloppée de cristaux de neige, qui lévitait non loin du corps pétrifié du pauvre garçon. Le chien lança aussitôt son bouclier sur elle, l'éliminant en un coup, et se tourna vers son camarade. Les iris écarquillés du jeune homme se rivèrent aussitôt dans sa direction, tel un silencieux appel à l'aide.

- Tout va bien, je suis là ! Tu vas t'en sortir ! S'écria alors Dingo pour tenter de le rassurer et peut-être aussi de se rassurer.

Faisant aussi vite et doucement que possible pour ne pas le blesser, le capitaine entama la glace de son bouclier ; mais il n'eut pas le temps d'aller bien loin d'un tourbillon sablonneux s'élança vers lui. Il put tout juste lever son bouclier qu'un Sans-cœur rocailleux le percuta, l'envoyant voler loin de son protégé.

Dingo se releva aussi vite que possible pour retourner aider le garçon, mais quelques Soldats lui barrèrent la route ; une boule de feu allée s'écraser contre le bloc emprisonnant Roxas crama une bonne partie d'entre eux, et le chevalier se retourna vers Donald qui fonçait droit vers le garçon, son bâton s'embrasant déjà d'un nouveau Brasier. Un autre des monstres rocheux les obligea à reculer, les éloignant toujours plus du pauvre adolescent sans défense.

C'est alors qu'ils virent avec horreur l'autre créature tournoyer en direction du bloc de glace. Avant qu'ils n'aient pu faire le moindre geste, le corps dardé de piquants rencontra dans un fracas d'éclats gelés celui figé de Roxas, arrachant un cri au garçon alors que la glace cédait enfin.

- ROXAS !

Les deux amis se précipitèrent vers lui, encore à moitié coincé dans sa prison de gel, tandis que Donald pulvérisait de son Brasier X chargé les Sans-cœurs qui osaient leur barrer la route. D'un mouvement sec, l'adolescent dégagea son bras tenant Tendre Promesse de la glace et la lança sur un des monstres rocailleux ; mais la Keyblade se contenta de ricocher sur son corps.

Alors que les trois camarades s'apprêtaient à faire front aux créatures hérissées, un brusque et lourd grondement retentit dans les cieux et figea le garçon sur place. Tous levèrent le nez vers les nuages à présents noirs, et à peine quelques instants plus tard, une pluie se déversa en trombe sur eux.

Comme si l'arrivée de l'averse annonçait leur fin, les monstres rocheux s'enfoncèrent dans le sol et disparurent. Les trois compagnons profitèrent de cette accalmie pour se mettre à couvert en vitesse, trouvant après quelques minutes de course un abri sous roche comme refuge.

Donald s'ébroua copieusement tandis que Dingo chassait autant qu'il pouvait l'eau sur lui, son bouclier n'ayant pas réussi à les protéger suffisamment de l'averse. Roxas quant à lui se réfugia aussitôt au fond de l'abri, ses bras serrés contre lui comme pour garder sa chaleur.

- Ça va, tu te sens bien ?

- Ou-ouais, ça va, répliqua le garçon en s'appuyant sur un mur.

- T'es sûr que trembler comme une feuille c'est aller bien ? Fit le canard dubitatif.

L'adolescent se contenta de lui renvoyer un regard aussi froid qu'un Glacier X, avant de marmonner un "Je suis pas pire que vous" en se tournant vers l'extérieur où tombaient encore des trombes d'eau. Les deux amis hésitèrent à insister, mais connaissant le garçon ça ne mènerait à rien. Dingo voulut presque se blottir contre lui pour lui tenir chaud, comme ils auraient fait avec Sora, mais se retint en sachant qu'il n'apprécierait pas ce contact physique. Ils ne pouvaient qu'attendre la fin de l'averse, en espérant ne pas trop se geler d'ici là.

Après quelques minutes passées à regarder la pluie, un rayon de soleil perça doucement les nuées, signant la fin de l'intempérie. Donald passa une main dehors, puis sortit dès qu'il ne sentit plus une goutte :

- Ah quand même, c'est pas trop tôt ! Direction le colisée avant qu'il ne refasse encore pire !

Dingo s'avança un peu plus prudemment, cherchant des Sans-cœurs ; mais aucun danger en vue. Alors qu'ils quittaient l'abri, un tintement métallique contre la roche les fit se retourner vers l'adolescent épaule contre le mur, sa Keyblade pendant mollement au bout de son bras et une main levée vers lui.

Ce ne fut qu'à cet instant qu'ils virent combien il était pâle, à quel point il ne tenait plus sur ses propres jambes et comment son regard s'était écarquillé à la vue de sa main.

Il haleta faiblement, fixé sur sa paume, alors que Donald et Dingo remarquaient soudain une tache humide plus sombre dans ses vêtements trempés, juste sur le flanc gauche. Puis, comme au ralenti, Roxas leva les yeux vers eux, blanc comme un linge :

- H-Ha…

Il tendit en tremblant une main vers eux, comme pour les atteindre désespérément ; une main complètement rouge. Un faible murmure s'échappa de ses lèvres, alors que sa voix mourait déjà dans sa gorge :

- …À l'aid…


Leur retour fut plus rapide que jamais.

Dingo avait tout juste pu rattraper le corps du garçon pour lui éviter de se fracasser au sol et Donald avait trouvé on ne sait où la force de conjurer un dernier Soin + avant que sa magie ne s'épuise. Ça avait juste suffit pour arrêter le saignement très important du garçon, et le capitaine avait usé de sa dernière Potion pour s'assurer qu'il survive au voyage ; et aussitôt, ils étaient rentrés au colisée.

Par bonheur, Roxas bien que toujours inconscient avait tenu bon malgré sa blessure et son état préoccupant. Dingo remonta encore les couvertures sur le corps glacé de l'adolescent grelottant dans son sommeil, tandis que Donald faisait encore les cents pas en attendant qu'il se réveille. Depuis le temps qu'ils étaient revenus, le garçon avait retrouvé des couleurs, et même s'il tremblait toujours sous sa couverture, sa température n'était plus avoisinante du gel. Le chevalier posa instinctivement une main sur lui lorsqu'il frémit encore une fois, avant de se tourner vers son camarade déambulant toujours dans leur chambre :

- Donald, tu peux juste arrêter de bouger comme ça ? Tu me rends nerveux.

- Je SUIS nerveux, répliqua le canard sans pour autant cesser son manège.

- Allons, un peu de calme mes amis ! Fit alors Jiminy assis sur l'unique table de la pièce. Je suis tout aussi inquiet que vous pour Roxas ; mais il a tenu bon jusqu'ici, il n'a sans doute que besoin d'un peu de temps pour se remettre. Ce n'est pas la première fois qu'il se trouve ainsi blessé…

- Oui mais ça aurait dû être la dernière ! S'énerva le magicien. On est pas là pour voir jusqu'où il va survivre, on est là pour veiller sur lui !

Un silence suivit ses paroles, tous restant muets devant ce constat. Alors que Dingo allait dire quelque chose pour leur remonter le moral, un soudain grognement attira leur attention vers le lit de l'alité, pour le voir bouger beaucoup plus significativement. Les adultes se pressèrent à son chevet alors que deux iris bleus fatigués pointaient le bout de leur nez derrière les paupières lourdes de l'adolescent, avant qu'il ne cligne des yeux en se portant une main à la figure.

- Roxas ! Firent-ils en chœur en le voyant enfin réveillé.

- Ugh… Quoi, qu'est-ce qu-

Soudain les yeux ensommeillés du jeune homme s'écarquillèrent de terreur et il se redressa brusquement, avant de s'interrompre en pleine course pour porter une main à son flanc en grimaçant. Son expression d'effroi revint cependant aussitôt et il leva précipitamment son T-shirt, pour s'arrêter et effleurer le bandage qui cernait son ventre, confus. Donald en eut assez d'attendre et s'exclama :

- Je peux savoir pourquoi tu nous a filé une peur pareille ?

Un regard décontenancé lui répondit, alors que Roxas semblait essayer d'assimiler ce qu'il venait de dire ; ou peut-être ce qu'il se passait.

- …Pourquoi je suis là ?

- Parce qu'on t'a ramené, pardi ! Répliqua le canard les mains sur les hanches. Tu croyais quoi, qu'on allait te laisser dans les montagnes ?

L'adolescent sembla encore plus perturbé par cette réponse et fronça les sourcils :

- N-Non, c'est… Après ? On a combattu des Sans-cœurs sous la pluie, puis il y avait la grotte et p… qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Tu as perdu connaissance, expliqua alors Dingo le plus doucement possible. On a vu que t'étais blessé, alors on s'est occupé de toi et on t'a ramené ici le temps que tu te réveilles. Est-ce que tu te sens bien ?

L'adolescent sembla mettre quelques instants à comprendre tout ce qu'il disait, car il eut un regard vide pendant quelques secondes avant d'écarquiller les yeux en levant le regard vers le capitaine :

- E-Euh, oui, p… pourquoi ?

- POURQUOI ? Explosa soudain Donald si fort qu'il fit sursauter Jiminy dans les mains de Dingo. POURQUOI POURQUOI ? T'ES TOMBÉ DANS LES POMMES DEVANT NOUS ET TU NOUS DEMANDE POURQUOI ON S'INQUIÈTE ? POURQUOI TOI TU NOUS AS PAS DIT QUE T'ÉTAIS BLESSÉ ?

Un lourd silence s'abattit dans la pièce, alors que tous fixaient le canard l'air ahuri et que le chien priait pour que personne d'autre n'ait entendu son éclat de colère. Puis, lentement, le regard de Roxas redevint froid et imperturbable tandis que le magicien et lui semblaient se fixer dans un concours du plus long regard, l'un impassible, l'autre furieux et les poings serrés.

Et après un long moment, Donald brisa leur contact et se dirigea vers la porte, marmonnant agacé :

- Pff, pourquoi je me pose cette question stupide…

- Et toi ?

Donald s'arrêta net, avant que lui et Dingo ne se tournent vers Roxas, son regard caché sous les mèches de Sora. Et lentement, le Simili releva la tête, fixant de ses yeux froids mais déterminés le magicien :

- Pourquoi tu me détestes ?

Tous restèrent figés face à cette soudaine question ; mais avant qu'ils n'aient répondu, Roxas répliqua d'un ton sec :

- Oh et viens pas me dire le contraire. J'ai bien vu que tu me détestais, dès le premier jour. Tu m'aimes pas, tu fais la tête dès que je te dis un truc et tu manques régulièrement de m'incendier quand on part en expédition. C'est parce que je suis là, n'est-ce pas ? J'ai pris la place de Sora et tu m'en veux pour ça, hein ? Je suis pas idiot. Je sais que tu me détestes parce qu'à cause de moi Sora n'est plus là. J'ai raison, pas vrai ? Conclu-t-il d'une voix sèche mais serrée comme s'il était soudain enroué.

Donald resta un instant figé ; puis serra encore les poings, semblant sur le point d'éclater dans une de ses colères noires. Mais contre toute attente, il croisa simplement les bras, l'air exaspéré et fixa l'adolescent droit dans les yeux :

- Non. Je te déteste pas. Mais tu m'énerves. T'es toujours à faire comme si t'étais tout seul dans ton coin ou en faire qu'à ta tête. Tu fais comme si ce que tu faisais n'avait aucune importance pour les autres ou que ça n'avait aucune conséquence. Mais écoute-moi bien, jeune homme, c'est pas comme ça que ça marche ! Alors que t'ai des soucis parce que Sora a fait je sais pas quoi pour te ramener ou que Xehanort s'en prend à Axel ou à la Cité du Crépuscule et que ça te mette mal je veux bien comprendre, mais que tu te comportes comme ça sans faire attention aux autres, ça non ! On est pas des pions ou je sais quoi, nous aussi on a des problèmes et c'est pas toujours en rapport avec toi et Sora ! Alors oui, je déteste quand tu te barres tout seul en mission ou que t'utilise la Fusion sans demander, je déteste quand tu nous ignores ou que tu te comportes aussi froidement. Mais je te déteste pas. Tu m'énerves, c'est tout.

Le canard finit sa tirade et attendit la réponse de Roxas, tapotant lentement du pied par terre. Devant lui, l'adolescent avait écarquillé les yeux tout au long de son discours, comme s'il réalisait quelque chose pour la première fois, et semblait sincèrement pris de court par ces mots.

Mais son regard redevint une nouvelle fois fermé et impassible, et il finit par se détourner en s'emmitouflant dans les couvertures, lâchant juste dans un soupir un sec :

- Peu importe…

Cette nouvelle réaction (ou absence de réaction) fit chauffer Donald qui serra encore les poings, sembla sur le point d'exploser, puis quitta la pièce en tapant des pieds et claquant la porte.

Dingo et Jiminy étaient restés spectateurs de toute la scène, ne sachant plus quoi faire. Le capitaine hésita à s'adresser à Roxas, le fixa un instant, puis voyant qu'il n'avait de toute évidence aucune envie de parler, décida de le laisser tranquille et se leva. Avant de partir, il se tourna une dernière fois vers l'adolescent, inquiet, et déclara doucement :

- Je… on va te laisser te reposer. Et si… Je suis pas loin si t'as besoin de quoi que ce soit. À… à plus tard, Roxas.

Seul le silence répondit à ses mots, et il quitta finalement la pièce en soupirant tristement. Il ne vit pas le regard préoccupé et déconcerté de Roxas, avant qu'il ne ferme les yeux pour retourner dans le sommeil.


Donald et Dingo passèrent rapidement un message aux Gardiens restés au Jardin Radieux pour les informer de l'incident. Ils étaient déjà au courant pour le nouvel échange entre Sora et Roxas, mais le chevalier tenait à les garder au courant de l'état de leur camarade ; c'était le moins qu'ils pouvaient faire pour eux, après tout.

Après leur appel, le canard redescendit à l'étage de vie, et le capitaine comprit très vite qu'il allait se défouler dans la salle d'entraînement après sa discussion avec Roxas. Dingo hésita à rappeler son ami pour lui en parler, mais se ravisa, comprenant que ce n'était pas le moment d'évoquer cette pente glissante. Heureusement, son camarade magicien n'était pas le seul avec qui il pouvait discuter de ce sujet sensible.

- Je suppose que tu veux parler de Roxas, n'est-ce pas ? Fit Jiminy une fois dans les mains du chevalier.

Ce dernier hocha la tête, préoccupé, et le criquet sauta sur l'accoudoir avant de s'asseoir, son chapeau nerveusement serré dans ses mains. Un ange passa avant que le chroniqueur ne décide de reprendre la parole :

- …Son comportement m'inquiète beaucoup, dit-il platement.

- Moi aussi, confirma le chien en posant sa tête dans sa main.

- Et je ne parle pas simplement de sa dernière tendance à… essayer d'être aimable, avança Jiminy. Il est difficile à comprendre depuis que nous l'avons accueilli dans nos vies.

Le chevalier hésita à questionner cette notion de "accueillir", mais se tut. En fait, maintenant qu'il y repensait, l'attitude fermée du garçon n'était pas sans rappeler celle d'un enfant en pleine crise d'adolescence. Sora était lui aussi passé plusieurs fois par là durant leur temps ensemble, surtout pendant leur second périple après leur mystérieux sommeil ; mais son caractère faisait que ces crises étaient plus des crises de tristesse et de doutes que des tendances à s'isoler ou ignorer sa propre santé.

Entre les deux adolescents, c'était comme le jour et la nuit.

Dingo, et évidemment Donald et Jiminy, ne savaient pas exactement quoi faire pour contenir cette situation, bien qu'ils aient tous plus ou moins une expérience parentale. Roxas n'était pas le premier adolescent à problème qu'il avait pu rencontrer. Mais il était effectivement compliqué à gérer.

- Tu crois qu'on s'y prend mal ? Fit soudain le chien.

- Avec ?

- Tu crois qu'on n'arrive pas à aider Roxas parce que… parce qu'on se comporte avec lui comme avec Sora ?

Le criquet se prit le menton, songeur :

- …C'est effectivement un point intéressant. Nous avons peut-être négligé de voir le problème sous cet angle. Nous savons très bien qu'ils réagissent très différemment l'un de l'autre…

- Et pourtant on a fait comme si c'était Sora et on a juste attendu qu'il fasse le premier pas, commenta amèrement Dingo.

Le chroniqueur hocha simplement la tête, navré. Les deux camarades restèrent un moment en silence, contemplant leur échec avec le jeune homme, avant que le chevalier ne se lève d'un air décidé :

- Alors maintenant, on arrête avec ça et on se comporte avec Roxas en tant que Roxas !

- Que comptes-tu faire ? Questionna le criquet en sautant dans sa poche.

- Aller lui parler, continua le chien en descendant l'échelle. S'il ne veut pas faire le premier pas, c'est nous qui le ferons au lieu de l'attendre.

- Mais… et s'il te rejetais ?

Le chevalier s'arrêta à peine un instant avant de continuer sa descente. Oui, bien sûr qu'il y avait un risque ; il avait déjà expérimenté ce genre de réponse avec le jeune homme durant les derniers mois. Mais ça n'allait pas l'arrêter pour autant. Il n'allait pas le harceler ou insister si ça ratait ; mais il allait au moins essayer. C'était le plus important. Ce fut donc d'un pas décidé que Dingo retourna au dortoir.

Quand il y arriva, ce fut pour voir le garçon assis dans son lit, son regard perdu fixant le vide comme dans une intense réflexion. Le chevalier allait signaler sa présence quand il remarqua la lueur dans les yeux de l'adolescent : une sorte de… d'effroi mêlé de réalisation, comme s'il avait comprit une vérité affreuse.

Dingo n'aimait pas ça. Toquant pour attirer son attention, il finit par élever doucement la voix lorsqu'il ne l'entendit pas :

- …Roxas ?

À ce mot l'adolescent sursauta brusquement comme sortant d'un mauvais rêve, puis leva des yeux de ciel dont la lueur terrifiée redevint impassible… ou du moins sembla tenter de l'être.

- …Quoi ? Fit-il sèchement, mais avec un tremblement dans la voix.

- Je venais voir comme tu allais, dit gentiment le chien en s'approchant.

Le garçon se tut, comme considérant cette réponse, puis détourna la tête d'un air se voulant indifférent :

- Comme tout à l'heure… Pourquoi ça aurait changé ?

Le capitaine resta silencieux un moment, fixant le garçon : malgré son habituel regard froid et distant, il y discernait encore très bien cette ombre de peur qu'il avait remarquée en arrivant.

Quelque chose le dérangeait, c'était évident.

Prenant une profonde inspiration, le chevalier décida enfin de commencer son discours et dit d'une voix très douce :

- Roxas, je sais qu-

- Je vais bien, le coupa l'adolescent sans le regarder.

- Je l'ai compris, poursuivit le capitaine sans se laisser interrompre cette fois. Je veux juste te dire… je t'oblige pas à le faire si tu ne veux pas, mais si jamais tu as quelque chose à nous dire, ou que tu veux parler de quoi que ce soit… Nous sommes là pour t'écouter, conclut-il enfin avec gentillesse.

Roxas se tourna alors vers lui comme pour sortir une réplique cinglante ; mais il s'arrêta, bouche ouverte, comme s'il finalement il ne voulait rien dire. Puis, après un moment, il ferma la bouche et baissa la tête, comme hésitant et… perdu. Le chien le vit frissonner, comme s'il avait froid ou peur, et instinctivement s'approcha de lui pour le rassurer.

Roxas détourna alors encore plus le regard, yeux rivés au sol, et se tint soudain les bras comme s'il avait froid, tremblant.

- Je…

Dingo s'arrêta, écoutant avec attention. Le garçon se mordit la lèvre, l'air vulnérable… et dit en un soupir :

- Laisse-moi tout seul… s'il te plaît…

Le chevalier sentit un poids lui tomber sur les épaules en voyant que le garçon refusait toujours de leur parler. Mais il ne pouvait que comprendre. Même Sora avait parfois eu besoin de s'isoler pour encaisser les choses.

Alors, le cœur serré mais résigné, il quitta la chambre, non sans lui dire une dernière fois :

- D'accord… à tout à l'heure Roxas.

– …À plus, Dingo.


Roxas était guéri dès le lendemain. Donald avait insisté pour vérifier son état avant de commencer leur exercices matinaux, s'étant même levé aux aurores ce qui pour lui relevait d'un véritable exploit. Il n'y avait ni plaie, ni cicatrice ; mais le canard insista quand même pour que le garçon soit prudent et ne se donne pas trop au cas où. On était pas à l'abri de blessures internes.

Ce jour-là, Roxas devint soudain beaucoup plus froid ; ou plutôt, il était revenu à ses anciennes habitudes. Il évita beaucoup le duo, resta dans son coin lors du repas et redonna des coups durs sur le bouclier de Dingo lors des duels. La seule chose qui était restée était sa Clé blanche.

Ce "retour aux sources" inquiéta beaucoup Dingo et Donald, bien que ce dernier soit toujours en colère du comportement de l'adolescent. Mais ils comptaient bien lui en toucher un mot pendant leur mission du jour dans les hauteurs de l'Olympe, là où aucune oreille indiscrète ou entraînement ne les empêcherait de prendre à part leur protégé.

Après avoir nettoyé une nouvelle zone non loin de la cascade où par deux fois Sora avait disparu, Dingo se tourna vers le garçon, parti assez loin achever un monstre volant. Les adultes s'échangèrent un regard concerné, puis reportèrent leur attention vers le jeune homme cherchant un nouvel ennemi à abattre avant de s'avancer doucement vers lui.

- Hem… Roxas ? Fit Jiminy perché sur l'épaule de Dingo.

- Quoi encore ? Répliqua sèchement l'intéressé en tournant à peine la tête vers eux.

- Hé ! Tu nous parles pas sur ce ton ! S'écria Donald en pointant un doigt autoritaire.

- Je vous parle comme je veux, et d'ailleurs je vous parle SI je veux, alors fichez-moi la paix ! Cracha l'adolescent en s'éloignant.

- Et nous on veut te parler, alors arrête de t'enfuir comme ça ! Répliqua fermement le magicien, bien décidé à ne plus se laisser marcher sur les pieds.

Cette phrase sembla faire l'effet d'une bombe sur Roxas, car il s'arrêta net et se retourna, un air acéré luisant dans ses yeux de ciel alors qu'il rebroussait chemin jusqu'au canard :

- Je. Ne. Fuis pas, siffla-t-il entre ses dents en serrant sa Keyblade à s'en blanchir les phalanges.

Cette phrase fit froncer les sourcils des trois compagnons, mais Donald se reprit rapidement :

- Peu importe, on a à te parler alors tu restes là au lieu de partir à droite et à gauche !

- Je veux pas vous parler, répliqua l'adolescent agressivement.

- Tu veux jamais parler ! Fit le canard poings sur les hanches. On en a marre de te voir nous éviter comme ça en permanence quand on a des trucs importants à te dire !

- Vos "trucs importants" vous pouvez vous les gardez ! J'ai pas besoin de vous p-

- ATTENTION ROXAS !

En une seconde Dingo s'était rué sur l'adolescent, le poussant hors de portée, tandis qu'il levait précipitamment son bouclier pour parer un éclat immaculé dans son dos. Le morceau de glace se brisa net sur la protection, laissant le temps aux combattants de repérer le responsable ; un petit Sans-cœur volant et clair, identique à celui qui avait attaqué Roxas la veille. Démasquée, la créature s'envola aussi vite pour éviter le Brasier qui le ciblait et disparut dare-dare dans les montagnes, loin du trio.

Seulement lorsqu'il fut hors de vue Dingo se permit de respirer et se tourna vers le jeune homme, toujours à terre suite à son intervention et qui avait regardé toute la scène médusé. Le chevalier soupira de soulagement en voyant qu'il allait bien et allait demander s'il s'était blessé quand une voix rugit :

- Mais qu'est-ce que vous avez tous, à la fin !?

Les trois amis se figèrent, stupéfaits, alors que Roxas se relevait en serrant le poing, ses yeux leur lançant des éclairs.

- Qu… Quoi ? Bafouilla le chevalier sans comprendre.

- Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi ? Cria l'adolescent, se crispant encore plus.

- Fait quoi ? Répliqua le canard, exaspéré par ses paroles mystères.

Cette réplique sembla enrager le garçon qui serra la mâchoire, le poing tremblant, avant de hurler à plein poumons :

- Pourquoi vous me protégez comme ça ?

Les trois adultes se figèrent, médusés. Puis Dingo murmura lentement, stupéfait :

- Pourquoi on ne le ferait pas ?

- Pourquoi ? Y'a plein de raisons pourquoi ! Parce qu'on est pas amis, parce que j'ai agressé Kairi, parce que je suis là ! Vous avez aucune raison de faire ça !

Les trois compagnons furent choqués par ses mots ; mais Donald répliqua du tac au tac :

- Et pourquoi on aurait besoin d'une raison, hein ?

- Mentez pas ! Je sais très bien que c'est faux !

- Mais qu'est-ce qu-

- Je sais très bien pourquoi vous faites ça ! Mais je vais vous le dire une bonne fois pour toutes : je ne suis pas Sora. Je ne suis pas votre ami, ni votre Élu chéri, ni quoi que ce soit d'autre ! Je ne suis pas votre Sora !

Ces paroles prononcées avec tant de colère laissèrent les adultes figés, alors que le Simili s'était enfin arrêté de hurler, semblant soudain essoufflé par sa propre fureur. Puis, lentement, les trois amis dirent en chœur :

- Tu penses vraiment qu'on ne le savait pas ?

Comme s'il n'avait même pas envisagé cette réponse, Roxas eut un geste de recul, comme une surprise sincère. Il cligna des yeux, abasourdi, mais reprit cependant contenance :

- …Vous vous fichez de moi ?

- Et pourquoi on ferait ça ? Rétorqua Donald, mains sur les hanches.

- Si c'est ce que tu as ressenti, on est vraiment désolé Roxas, s'excusa Dingo avant que le garçon n'ait pu répliquer. Mais on a sincèrement jamais pensé que tu n'étais pas ta propre personne. On sait très bien que toi et Sora êtes différents, et on est désolés de pas avoir pu te le montrer.

- Nous ne nous sommes pas comporté comme il le fallait avec toi, et nous en sommes navrés, Roxas, ajouta Jiminy en retirant humblement son chapeau.

Le garçon les fixa un long moment, les yeux écarquillés de stupeur. Puis son regard devint perçant, alors qu'il dit d'une voix sombre et basse :

- Savez-vous seulement qui je suis ?

Les adultes froncèrent les sourcils devant cette étrange question, mais ne purent répondre que le Porteur répliqua lentement à leur place :

- Je suis un Simili. Un être qui n'aurait jamais dû exister et qui n'est là que parce que quelqu'un a perdu son cœur. Je ne suis même pas un être humain, juste… une abomination.

Donald, Dingo et Jiminy se figèrent à ces mots, interdits. L'entité les fixa de son regard froid, inexpressif ; maintenant, ils comprendraient sa vraie nature et arrêteraient leurs stupides actions pour de bon…

- Mais qui est l'imbécile qui a dit ça ?

Cette fois ce fut au tour de Roxas de se figer, complètement pris de court. Le magicien ne lui laissa pas le temps de se ressaisir qu'il ajouta :

- Écoute-moi bien mon grand, celui qui t'a mis ça dans le crâne est soit complètement abruti, soit vraiment méchant, soit les deux à la fois parce que t'es pas une abomination ou quoi ce que soit ! Ça j'en suis parfaitement sûr !

- C'est vrai ! Renchérit Dingo. C'est Ansem et Xemnas qui t'ont dit ça, pas vrai ? Tu sais bien qu'ils racontent toujours des choses horribles pour nous démoraliser, alors les écoutent pas !

- Et qui plus est, nous n'avons aucune preuve de ce qu'ils avancent, rajouta Jiminy. Alors il faudra me prouver le contraire pour que j'y crois !

Le Simili les fixa tous, totalement stupéfait par cette ferveur et cette assurance. Mais il se mit soudain à trembler et tourna précipitamment les talons vers un mur de roche, s'arrachant les cheveux en murmurant encore et encore les mêmes phrases :

- Non, c'est pas vrai, ça peut pas être ça, c'est juste impossible, ça marche pas comme ça…

Son comportement inquiéta les trois camarades, et Dingo s'avança vers lui, hésitant :

- …Qu'est-ce qui n'est pas comme ça, Roxas ? Fit-il très doucement.

- TOUT ! TOUT CE QUI Y'A, TOUT !

Son subit hurlement fit reculer les deux amis, alors que le Simili s'était retourné avec un regard sombre lançant des éclairs. Mais ce n'était pas un cri de colère ; plus un cri de désespoir et d'incompréhension. Il haleta quelques secondes, comme fébrile, avant de reprendre d'une voix tremblante :

- Vous comprenez pas ? Ça peut pas être comme ça, ça se peut pas ! Je devrais même pas être là, vous devriez même pas faire ça, ça doit juste… C'est juste impossible…

- Mais qu'est-ce que tu racontes à la fin ? Fit Donald, plus confus qu'énervé.

Le jeune homme marqua une pause, tremblant, avant de demander d'une voix brisée en osant à peine les regarder :

- Pourquoi vous faites tout ça ? Me protéger, le cristal, tout ? Pourquoi ?

Les trois adultes s'arrêtèrent un moment, comme surpris par cette question. Puis Donald se gratta nerveusement la tête tandis que Dingo répondait pour eux :

- Parce qu'on voulait que tu te sentes bien.

- Mais pourquoi ? Qu'est-ce que ça vous apporte ? À quoi ça vous sert ? Répéta le jeune homme en tremblant.

- On fait pas ça pour nous, tu sais, répliqua alors le magicien.

- …Mais alors pourquoi vous faites ça ?

Les trois amis se fixèrent, puis regardèrent le jeune garçon perdu devant eux :

- …C'est un peu parce que Sora nous l'avait demandé, même s'il s'en rappelle pas, avoua nerveusement Donald. Mais…

- C'est surtout parce qu'on voulait pas… on voulait plus que tu souffres, Roxas, admit Dingo peiné.

Roxas écarquilla les yeux, décontenancé. Puis il se tourna à nouveau vers le mur de roche, posant une main dessus comme s'il arrivait à peine à tenir debout.

- …Pourquoi ça vous ferait quoi que ce soit, hein ?

- Roxa-

- Je suis un Simili, réitéra l'adolescent en tourna à peine la tête vers eux. Je ne suis pas humain, je n'ai pas de cœur, je peux rien ressentir ! Et même si j'en ai l'air je ressens pas les choses ! Je fais juste ça parce que le cœur de Sora réagit et que je l'imite ! Je n'ai pas de cœur à moi, tout ce que je "ressens" n'est pas à moi ! C'est du faux ! Alors arrêtez de vous inquiétez pour moi, je peux pas souffrir comme ça !

Un nouveau silence suivit. Roxas espérait qu'ils comprendraient enfin le message et cesse de faire comme s'il avait un cœur, comme s'il était comme Sora et tout les autres…

Et lentement, la tête de Dingo apparut dans son champ de vision.

- Roxas… sais-tu quel est la première chose que Sora nous a dit lorsqu'il est revenu, la dernière fois ? Dit-il avec la plus grande douceur.

Le Simili leva brièvement un sourcil, avant de revenir à son éternelle impassibilité. Qu'est-ce que ça pouvait bien être ? Sans doute une phrase du genre "Qu'est-ce qui s'est passé ?", "Roxas était là ?", ou "Je me sens pas très bien"

- Roxas a eu peur.

L'adolescent écarquilla les yeux, puis fixa le sol, perdu, se repassant encore et encore cette phrase alors qu'il en comprenait lentement toute l'implication :

- Aussi improbable qu'il n'y paraît, ce sont ses mots exacts, confirma Jiminy.

- Sora a senti que tu avais peur, répéta Donald en s'approchant à son tour. Il nous l'a dit en se réveillant. Il le savait.

- Alors, peut-être que c'est vrai, ajouta Dingo. Peut-être que tu es un Simili et que tu n'as pas de cœur à toi. Mais ce dont je suis sûr, c'est que tu as quand même ressenti quelque chose à ce moment-là, Roxas. Même si c'était par le biais du cœur de Sora, tu as ressenti quelque chose. Et c'est un sentiment qui t'étais propre. Ce n'est pas Sora qui a eu peur, c'est toi. Tu as ressenti quelque chose. Tu as eu tes propres vécus et tes propres expériences, pas celles de Sora. Et… même si tu n'as pas encore tout à fait de cœur à toi, tu as au moins un cœur naissant. Et tu peux autant souffrir que nous ou Sora, ou Kairi, ou… ou Axel.

Roxas détourna le regard, fixant obstinément le mur. Non, c'était pas possible, ils se trompaient, c'était…

Tu es un Simili, tu ne ressens rien ! Pourquoi croire à ces inepties ?

J-J… Je…

- N-Non ! Vous pouvez pas dire ça, je…

- Et pourquoi on pourrait pas ? Répliqua Donald, déterminé. Qu'est-ce qui prouve qu'on a tort ?

- J-Je…

Roxas ne savait quoi dire.

- M-Mais… pourquoi vous vous acharnez ? Pourquoi vous faites tout ça pour moi ?

- T'écoutes quand on te dit qu-

- J'ai AGRESSÉ Kairi ! Ça vous fait rien ça ?

Les trois amis se figèrent au rappel de l'acte. Puis, après avoir regardé le sol un moment, ils répondirent :

- Ça nous fait pas plaisir, c'est vrai, dit le canard. Mais…

- Cela ne veut pas dire que nous ne pensions pas ce que nous avons fait avant, continua le chroniqueur.

- Et même… ce n'est pas comme si tout allait bien pour toi juste avant ça, fit timidement le chevalier. Et ça nous empêche pas d'essayer de te comprendre malgré tout…

- …Pourquoi ? Pourquoi vous essayez autant de m'aider ?

- Parce qu'on croit qu'on peut essayer.

C'était à n'y rien comprendre. Qu'est-ce qu'ils voulaient, à la fin ? Qu'est-ce que ça leur apportait ? Qu'est-ce que ça changeait ? Pourquoi ?

Lentement, Roxas glissa au sol, à genoux. Ce geste alerta Donald et Dingo, qui cependant ne savaient comment réagir. La tête basse, le Simili déclara sombrement :

- …J'ai plus ma place nulle part. Je suis même pas censé être encore là, je… je n'existe plus pour personne.

- Bien sûr que si, tu existes !

Roxas leva soudain la tête, choqué. Donald reprit, confiant :

- T'es là en train de nous parler ! Bon OK, avec le corps de Sora, c'est vrai, mais c'est toi qui parles, pas lui ! Pas vrai ?

- Et je sais que tu existes pour Axel, et Kairi, et Riku, et Sora ! Renchérit Jiminy.

- Et puis, confia Dingo… tu existes pour nous aussi, Roxas.

Il n'y croyait pas. Tout ce temps, il s'était résigné, dit qu'il n'était rien pour personne à part des souvenirs d'un passé révolu comme le soleil disparaissant derrière l'horizon, et quelqu'un croyait en son existence ? Alors que lui-même n'y croyait plus ?

Ils… ils peuvent pas avoir raison, c'est…

Tu peux pas les croire, ils te font marcher ! Ils disent juste ça pour ramener leur petit Sora, c'est tout !

Roxas trembla. Il ne voulait pas y croire. Il ne voulais plus passer par cet espoir inutile qu'on lui arracherait à la première occasion. Mais… peut-être juste une fois…

Il voulait juste…

La tête basse, il trembla encore. Sa lèvre tressauta, son nez et ses yeux picotèrent et quelque chose lui serra la poitrine, là, juste au niveau du cœur…

Je comprends pas… je comprends rien… Comment…?

La douleur se fit intenable dans sa poitrine, le cœur qui n'était pas à lui battit plus fort tandis que ses tremblement s'intensifiaient, et ses yeux se brouillèrent. C'était impossible. Mais…

Je… je voudrais juste… que ça soit vrai…

Qu'est-ce qui te dit que ça peut être vrai ?

Rien. Mais… j'en ai assez de tout ça

Alors cette fois, Roxas repensa aux doutes et…

Les laissa partir.

Donald, Dingo et Jiminy regardaient leur protégé, inquiets, quand ils virent deux traînées humides rouler le long de ses joues. Des yeux cachés sous les mèches en pagaille de l'adolescent se mirent alors à couler lentement plusieurs gouttes salées, tandis qu'il tremblait plus que jamais.

Roxas pleurait. Pour la première fois, ils voyaient Roxas pleurer.

Les trois adultes restèrent un moment figés, ne sachant comme réagir face au garçon en pleurs. Dingo s'avança le premier et, lentement, posa le plus doucement possible une main sur le bras de l'adolescent.

Roxas ne réagit d'abord pas vraiment à son geste… puis, comme s'il se laissait tomber, sa tête rencontra lentement l'épaule du chevalier, comme acceptant un contact plus étendu.

Et là, ils firent comme ils avaient toujours fait pour aider un ami.

Doucement, Dingo leva ses bras et les apposa autour du jeune garçon dans une étreinte légère mais compatissante. Donald hésita, mais s'approcha et posa à son tour les mains sur l'adolescent en un geste amical, et Jiminy trouva lui aussi sa place sur le bras du jeune homme.

Roxas ne dit jamais rien.

Et pendant encore longtemps, les larmes coulèrent doucement sur les joues du garçon alors que les trois compagnons restaient là à le consoler en silence, dans une étreinte qui ne s'arrêta que bien après que les cieux se soient teintés d'orange, bien après que le soleil se soit caché derrière l'horizon, dans un moment précieux et intemporel.

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Après cette discussion à cœur ouvert entre Roxas et les amis de Sora, que leur réserve le futur ?

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