Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 21 : Main dans la main

8148 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/02/2024 13:12

Sora, de nouveau parmi ses amis suite à une nouvelle Non-Forme, apprit rapidement la destruction de la Cité virtuelle et la presque possession de Lea. Et tandis qu'il s'entraînait à l'Olympe, son chemin croisa alors celui du Chercheur Ansem, une rencontre qui s'acheva avec la disparition de l’Élu dans un portail de Ténèbres.

Que va-t-il lui arriver ?

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 Pendant encore un instant, Sora fixa en retour la silhouette bleu violacé se détachant des Ténèbres, comme intrigué et… fasciné. Face à lui, la figure se dressa un peu plus, le regardant de haut comme s'assurant de le dominer ou l'impressionner, peut-être pour le dissuader de toute intention agressive. Mais l’Élu n'en avait aucune, du moins pas envers elle ; ses yeux tranchant avec l'obscurité ambiante avaient beau éveiller sa méfiance, il n'y voyait aucune trace d'hostilité réelle. Plus de la lassitude, marquée d'une certaine curiosité. Après tout, elle venait bien de demander son identité et le motif de sa présence, comme s'il était entré chez quelqu'un sans y être invité.

Et en même temps, une petite voix dans son cœur lui interdisait toute pensée ou volonté belliqueuse envers elle. Après tout, il n'avait eu aucune raison de penser le contraire malgré l'atmosphère menaçante qui les entourait. Si ça n'avait vraiment tenu qu'à lui, il aurait déjà révoqué Chaîne Royale s'il s'était cru en parfaite sécurité.

Mais il ne comprenait pas pourquoi il se sentait aussi à l'aise en la voyant. Il reconnaissait juste une silhouette humaine à la grâce féminine, et pourtant presque mêlée à ces ombres comme si elles ne faisaient qu'une. Il y distingua à peine quelques détails çà et là, dans des draperies usées jusqu'à la toile souillées par les Ténèbres environnantes, et ces quelques mèches à la blancheur décolorée qui se détachaient de l'obscurité malgré la couleur bleutée de leurs racines se perdant presque dans le fond noir…

- Qui es-tu, et que fais-tu en ces lieux ?

La voix devenue plus dure et imposante ramena en un sursaut l'adolescent à la réalité, lui faisant réaliser qu'il avait passé plusieurs minutes à l'observer sans répondre. Il remarqua alors pour la première fois sa posture offensive, droite et ferme mais aussi digne et élégante. Son expression, auparavant simplement importunée, s'était durcie comme pour prouver qu'elle ne plaisantait pas. Il crut même distinguer une arme informe serrée dans son poing. Mais elle n'était pas agressive.

Pas encore.

L'Élu se rendit soudain compte que son cœur battait à tout rompre, comme choqué ou… excité. Avec à nouveau cette étrange impression, tout au fond de lui, qu'il n'avait rien à craindre d'elle, qu'il la connaissait

Ce n'était pas que lui qui réagissait.

Avalant difficilement sa salive à cause de la fatigue et des émotions, le garçon dit alors, presque timidement :

- J-J… je sais pas… où sommes-nous ?

L'ombre se crispa, et Sora frémit en voyant quelques yeux luire derrière elle en les fixant avec envie. Levant un menton hautain, l'apparition cracha, presque dédaigneuse :

- Tu ne sais donc rien de cet endroit ?

L'adolescent se rétracta tel un enfant qu'on gronde, avant que la silhouette ne baisse les yeux pour contempler la Clé qu'il serrait toujours dans sa main, semblant stupéfaite :

- Une Keyblade de la Lumière…

Surpris par cette remarque, l'Élu y jeta machinalement un regard avant de reporter son attention sur l'apparition ; mais à nouveau celle-ci éleva la voix à sa place, tandis qu'elle se détournait pour repartir dans les ombres :

- Pars. Tu n'appartiens pas à ce monde.

- Attends ! Comment on sort d'ici ?

À ces mots, l'ombre se retourna d'un bloc en émanant encore plus de Ténèbres, comme enragée, alors que les yeux derrière elle s'agitaient de plus en plus. Sora se figea encore, s'attendant à recevoir une attaque ; mais la seule chose qui vint fut une simple réponse, dite avec autant de froideur et de détachement qu'avant :

- Il n'y a pas d'issue. Nul ne quitte cet endroit.

Cette réplique glaça le garçon ; mais bravant l'affirmation, il osa lever les yeux vers l'apparition, agrippant un peu plus fort sa Keyblade :

- Mais je peux pas rester ici, je-

- Tu ne pourras pas sortir d'ici. Personne ne le peut, le coupa sombrement l'ombre.

Sora se pétrifia, comme paralysé par un formidable coup. Sonné, il baissa les yeux, incapable de répondre quoi que soit de convainquant. La silhouette le fixa de ses yeux indifférents, qui s'adoucirent presque un bref instant avant qu'elle ne tourne à nouveau les talons.

- Abandonne tout espoir. Plus tôt tu accepteras ton sort, plus tôt tu te fondras dans les Ténèbres. Et tu ne feras alors plus qu'un avec elles.

- Quoi ?

- Suis mon conseil, cela vaudra mieux pour toi. Et tu souffriras moins…

- Mais je ne peux pas ! Des gens ont besoin de moi, je dois les aider !

Cette réplique arrêta net l'ombre sur ses pas. Puis, d'une voix glaciale, elle déclara sans même se retourner :

- Aider les autres ne te sauvera pas. Crois-moi, je le sais mieux que quiconque.

Cette brutale pique au cœur blessa l’Élu, choqué par tant de dureté… mais peut-être aussi parce qu'entendre cette personne affirmer une telle chose lui brisait le cœur, comme s'il n'avait imaginé qu'elle puisse dire ça.

Et soudain il réalisa.

- Attends ! Est-ce que tu es…

Les mots refusèrent de quitter sa bouche, comme si ce qu'il allait dire allait tout bouleverser, tout changer et pas forcément pour le meilleur. Avalant sa salive et la boule dans sa gorge, le garçon demanda, la voix brisée par l'émotion :

- A… Aqua ?

L'apparition à quelques mètres tourna un peu la tête, comme répondant à l'appel. Mais elle ne dit rien, ne bougea pas. Les lèvres tremblantes et les yeux larmoyants pour une raison qu'il n'arrivait pas à identifier, l'adolescent la fixa intensément, alors que son cœur battait plus fort que jamais devant l'espoir.

Abandonnant enfin la chaleur rassurante de Chaîne Royale, Sora la laissa s'envoler en perles de Lumière qui illuminèrent l'endroit sans lueur, et fit un pas vers la jeune femme :

- Je t'en prie… Aqua, c'est toi que je veux aider…

Mais alors qu'il s'était doucement avancé vers elle, l'ombre se retourna brusquement vers lui, semblant projeter une véritable onde de Ténèbres tandis que les milliers d'yeux jaunes jaillissaient de l'obscurité :

- ASSEZ !

Clignant des yeux par réflexe devant la vague, l’Élu sentit un froid, plus glacé que le plus puissant des Glaciers, saisir ses os avant de disparaître comme si de rien n'était. Quand il rouvrit ses paupières, d'où deux larmes avaient coulés sous l'effet du mouvement, il distingua enfin l'apparition dans tout ses détails, auréolée d'une aura violâtre s'agitant telle une flamme furieuse : la silhouette d'une belle jeune femme, aux habits ayant un jour été magnifiques tombant en lambeaux et maculés d'une noirceur semblant souiller jusqu'aux doigts de la Porteuse, dont les yeux cachés par de folles mèches d'un bleu décoloré brillaient d'un éclat jaune furieux et meurtri. Dans son poing était serré une autre Keyblade, aux teintes bleues étoilée de doré et à la forme rappelant étrangement Chaîne Royale.

La jeune femme continua de regarder le garçon de haut, ses iris dévisageant d'un éclat outré cet intrus qui osait pénétrer sur son territoire. Ce regard le transperça tel une réprimande, l'avertissant clairement qu'il devrait se taire s'il tenait à son intégrité. Mais, bravant l'interdiction, l'adolescent se redressa et fit un nouveau pas dans sa direction :

- S'il te plaît, écoute-moi…

Une Clé fut aussitôt brandie vers lui, l'arrêtant sur ses pas tandis que l'ombre pointait l'arme droit sur son cœur, comme pour le lui arracher sans autre forme de procès. Un nouvel éclat de colère brûla dans ses iris jaunes, avant qu'elle n'élève la voix tel un parent grondant un enfant ayant commis une terrible bêtise :

- Quel fou a pénétré ici pour me donner des ordres ? Quel habitant de la Lumière croit connaître la moindre des choses à mon sujet ? Qui es-tu pour oser penser ainsi ?

Le silence seul répondit à sa tirade, avant qu'elle ne finisse sans baisser sa Keyblade :

- Va-t'en, avant que je ne décide de m'occuper de toi.

- Aqua, je ne partirai pas sans toi.

Sora n'était pas complètement sûr d'avoir prononcé cette phrase lui-même, mais il n'en pensait pas moins alors qu'il fixait la Porteuse, déterminé. Cette dernière écarquilla très brièvement les yeux avant de répliquer tout aussi durement qu'auparavant :

- Alors tu ne partiras jamais d'ici.

L’Élu avala courageusement sa salive, puis avança de nouveau vers elle, ignorant la Clé qu'elle pointait dangereusement vers son cœur :

- Aqua, je sais que tu es restée ici depuis trop longtemps, seule, sans issue, sans certitudes de pouvoir rentrer… Je sais combien ça t'a été dur… Je ne suis pas arrivé ici par choix, mais je resterai ici pour toi. Je ne t'abandonnerai pas, Aqua. Jamais.

Le garçon s'arrêta enfin, à bout portant de la Keyblade, et resta là, immobile, ses iris d'outremer vides de tout reproche ou doute. Son cœur battit encore plus fort tandis qu'autour d'eux les Ténèbres se dissipaient presque et que les environs se faisaient plus clairs ; il crut même entendre le doux son familier des vagues dans le lointain. Devant lui, la jeune femme était figée, comme déconcertée par cet intrus qui osait s'avancer vers elle et lui parler sans peur et sans détour. Sa main se crispa sur la Clé d'étoiles tandis que ses yeux brillèrent encore de fureur, à l'instar des iris qui s'agitaient dans l'ombre :

- Comment oses-tu me parler ainsi ? Comment oses-tu ?

- Parce que je sais que c'est ce que tu désires au plus profond de toi. Je le sens.

Sora avait prononcé ces mots sans la moindre hésitation. Mais toujours elle le fixait comme un étranger, un ennemi prêt à l'attaquer.

Alors, s'avançant une dernière fois, il la regarda droit dans les yeux, dans ces yeux brillants qui cachaient avec peine le mince éclat d'espoir autour de ses pupilles :

- Je t'en prie… laisse-moi t'aider… Je t'en supplie, Aqua… Je peux le faire…

L'apparition fronça les sourcils, sa Keyblade tremblant presque dans sa main, alors qu'elle paraissait hésiter face à ce garçon qu'elle ne connaissait pas et qui pourtant lui parlait avec douceur comme s'il savait tout d'elle. L'adolescent la regarda encore, ses yeux doux et implorants semblant par moments si familiers la fixant sans flancher.

- …Je t'en prie…

La jeune femme serra la mâchoire, laissant les ombres s'agiter furieusement derrière elle… et, lentement, baissa son arme, son regard maintenant incertain contemplant le sol comme un rempart qui enfin cède.

Puis, relevant la tête pour fixer à nouveau l'adolescent lui faisant face, elle plongea ses yeux dans les siens… et fit à son tour un pas vers lui.


Sans qu'il ne sache pourquoi, un inexplicable malaise, de ceux qui vous donnent un mauvais pressentiment, saisit Riku alors qu'il se dirigeait vers la maison de Merlin.

C'était peut-être à cause de tout ce qu'il s'était passé avec Lea et Roxas, et Sora… ou bien juste cette désagréable impression d'être bredouille depuis quelques mois. L'aîné n'aurait pas su dire alors qu'il pénétrait dans la bâtisse avec Mickey, pour y voir Cid en plein pianotage sur son ordinateur et Youfie déménageant des cartons dans leur nouveau quartier général. L'informaticien se tourna vers les arrivants :

- Alors, toujours rien avec notre petit génie du labo ?

Les deux Porteurs secouèrent tristement la tête, alors que l'adulte soupira en se passant une main sur la figure :

- Super… Bon au moins, du côté de Tron on a presque fini de restaurer le système, on devrait pouvoir bientôt tenter le décodage interne, fit-il mâchouillant son éternel bâtonnet en pointant son ordinateur.

- Et comment ça va avec la sécurité ? Demanda Riku après avec acquiescé. Par rapport à… Xehanort ?

L'adulte fit la grimace, puis pointa la porte menant à leur nouveau quartier général :

- Ça, c'est le vieux grigou et les bonnes fées qui s'en chargent ! Mon système est pas programmé pour supporter de la magie-protection-bidule-truc ! Même si ça nous arrangerait bien…

Le Maître acquiesça, et s'apprêta à aller rendre visite à sa meilleure amie lorsqu'une sonnerie tonitruante les fit tous sursauter. Se retournant vers son ordinateur d'où sortait l'alarme, Cid se massa les oreilles en grommelant :

- Ouais, ouais, ça arrive… All-

- CID ! CID ! ALERTE CATASTROPHE, C'EST SORA !

Riku se précipita vers l'écran affichant les têtes affolées de Donald et Dingo dès qu'il entendit le nom de son meilleur ami, tandis que son cœur se resserrait brusquement comme pour l'avertir d'un désastre imminent :

- Qu'est-ce qui se passe ? Où est Sora ?

Les deux natifs du Château Disney se figèrent un instant en remarquant la présence des deux Maîtres, mais le chevalier reprit aussitôt :

- C-C'est… il a disparu.

- Quoi ? S'exclama Cid.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Urgea l'aîné.

Les deux amis s'échangèrent un bref regard honteux, puis Dingo expliqua tandis que Donald baissait les yeux :

- On s'entraînait, et il est parti devant, et… quand on pu le rattraper, on a vu… Ansem qui l'attaquait.

- QUOI ?

- On a même pas eu le temps de réagir que Sora était tombé dans un trou noir… On a essayé de le sauver, m…

- Mais on a été trop lent ! Explosa le canard en serrant les poings. On devait le protéger et on a échoué !

Le magicien s'immobilisa, tremblant face à leur propre échec alors que tous étaient pétrifiés par les évènements. Mais Riku se reprit et demanda immédiatement :

- Et Ansem ? Il est parti avec Sora ?

- Non, répondit le chien en secouant la tête. Il a juste souri quand il a disparu, et puis il s'est… volatilisé.

- La prochaine fois je le flambe tellement qu…

Ignorant les menaces incendiaires de Donald, l'aîné se tourna vers Mickey, avant qu'ils ne hochent la tête de concert :

- Ne vous en faites pas, déclara le Roi, nous allons retrouver Sora.

- Mais… il pourrait être n'importe où ! L'Organisation le retient peut-être pour lui faire je ne sais quoi pour qu'il…

Le chevalier ne put finir sa phrase, n'osant pas énoncer l'indicible. L'adolescent se tourna vers eux :

- Si Ansem ne l'a pas directement emmené avec lui, on a peut-être une chance. Il se peut qu'il l'ait envoyé ailleurs qu'à leur forteresse, et si c'est le cas on pourra le sauver plus facilement. Mais il faut agir vite.

- On vient alors ! S'écria le canard.

- Non, répondit le jeune Maître. Sora sait où nous trouver ; s'il arrive à s'en sortir tout seul, il reviendra forcément ici ou au Colisée. Si on se disperse, on réduit ses chances de nous retrouver. Vous devez rester ici, ou sinon il n'aura plus personne pour lui là-bas.

Les deux amis de l'Élu s'échangèrent un regard inquiet, mais hochèrent à contrecœur la tête et promirent de ne pas bouger pour les avertir si le garçon réapparaissait. Alors qu'ils raccrochaient, Cid se tourna vers les Porteurs :

- Vous avez un plan ? Fit-il en mâchonnant si nerveusement son bâtonnet qu'il failli casser. J'vous aurai bien filé un détecteur ou quelqu'chose du genre, mais… j'ai rien qui repère les Keyblades et machins…

- Je propose d'aller consulter Maître Yen Sid, avança Mickey. Il faut le mettre au courant, et avec un peu de chance il parviendra à localiser Sora.

- Oui, bonne idée, acquiesça le jeune homme.

- Alors dépêchons-nous !

Riku ouvrit des yeux immenses en reconnaissant la voix, puis se tourna aussitôt vers Kairi, debout dans l'entrée du quartier général :

- Kairi, tu…

- J'ai tout entendu, je viens avec vous ! Déclara la Princesse avec détermination. Sora a besoin de moi !

Pendant un instant, les iris du jeune homme s'adoucirent de compassion ; mais son regard se durcit, alors qu'il s'approchait de sa meilleure amie :

- Je comprends très bien ton souhait, Kairi, mais je… je ne peux pas accepter.

Les yeux déterminés de la jeune fille s'écarquillèrent de surprise, avant qu'une lueur stupéfaite ne les enflamment tandis qu'elle serrait les poings, choquée :

- Mais pourquoi ? Sora est en danger, l'Organisation le retient peut-être et-

- Et c'est justement pour ça que je ne peux pas te laisser venir, la coupa l'aîné d'un ton désolé mais résolu. C'est trop risqué.

- Et c'est pas risqué pour toi aussi ?

- Ce n'est pas ça Kairi, avança le Roi. Plus nous sommes nombreux, et plus nous attirons l'attention. Si jamais nous devions infiltrer la forteresse de l'Organisation XIII, il nous faut nous faire discret.

- Mais je p-

- Kairi, on ne peut pas risquer de te perdre à nouveau ! Dit fermement le jeune Maître en saisissant son amie par les épaules. Pas après ce qu'il s'est passé avec Ax-Lea ! C'est trop dangereux, on ne peut pas te perdre toi !

La jeune fille écarquilla les yeux en entendant ces paroles, regard figé dans celui de son ami d'enfance. Puis elle baissa la tête, la lèvre tremblante et les poings serrés.

- …Alors toi aussi.

- Hein ?

L'aîné relâcha les épaules de son amie à ce murmure, ne comprenant pas. La Princesse se mit alors à trembler, tandis que sa voix vibrant de larmes et de colère s'élevait faiblement dans la pièce :

- …Toi aussi tu me trouves faible.

Riku écarquilla aussitôt les yeux ; mais il n'eut pas le temps de réagir qu'elle reprit :

- Comme tout le monde… toi aussi tu me trouves trop faible pour vous rejoindre, c'est ça ? Je ferais que vous ralentir, pas vrai ? Je suis la Princesse, donc il faut me protéger, n'est-ce pas ? Je suis faible, c'est bien ce que tu penses Riku, hein ? Avoue-le ! Avoue que je suis trop faible pour me battre !

Son meilleur ami resta pétrifié, figé par ces mots. Puis son visage s'assombrit, dévasté.

Comment lui dire ? Comment lui dire qu'il n'en pensais pas un mot, que ça n'avait rien à voir ? Comment lui expliquer qu'il ne pourrait tout simplement pas supporter que quoi que ce soit arrive à elle ou à Sora ? Il voulait lui dire, exprimer sa crainte ; mais il n'avait juste pas les mots.

Levant doucement une main compatissante vers elle, il tenta de répondre :

- Kairi…

Mais avant qu'il n'ait pu continuer, son amie tourna les talons et disparut dans le quartier général. L'espace d'un instant, Riku tendit la main pour la rattraper et lui dire ce qu'il avait sur le cœur ; mais une douleur lancinante lui rappela que son autre ami était aussi en danger, et il la laissa partir à contrecœur, se promettant néanmoins d'aller lui parler dès qu'ils auraient retrouvé Sora.

Alors qu'ils sortaient de la bâtisse, le Roi sortit le Fragment d’étoile de sa poche pour se téléporter à la Tour Mystérieuse. Mais Riku posa subitement sa main sur son épaule, attirant son attention :

- Attends, Mickey… Il suffit de se concentrer sur ta destination, et le Fragment d'étoile t'y emmène aussitôt, c'est bien ça ? Fit-il l'air très sérieux.

- Oh… Oui, c'est à peu près ça, mais il faut être sûr de où l'on va… Mais pourquoi ?

L'aîné fronça les sourcils, comme plongé dans une intense et importante réflexion. Puis il demanda à nouveau :

- Pouvons-nous aller quelque part avant de rejoindre Maître Yen Sid ? Ce ne sera pas long.

Ce fut au tour du Roi de froncer les sourcils, perplexe, avant de se tourner complètement vers son ami.

- Riku… que veux-tu faire ?

Un court silence lui répondit, avant que le jeune Maître ne réponde lentement, incertain :

- Je ne peux pas l'expliquer… mais j'ai cet étrange sentiment, là, fit-il en portant une main au cœur, qu'il faut que j'aille à un endroit précis… Je ne suis pas sûr de où, mais il faut que j'y aille. C'est extrêmement important.

- …Ton cœur te dit d'y aller, n'est-ce pas ? Répondit Mickey après avoir fixé son ami un moment. Tu penses que ça a un lien avec Sora ?

À ces mots, l'aîné fixa le monarque, une lueur extrêmement sérieuse et déterminée brûlant doucement dans ses iris turquoise :

- J'en suis sûr.

Devant une telle assurance, la souris se permit de sourire doucement, avant de hocher la tête en tendant la pierre enchantée au jeune homme :

- Alors qu'attendons-nous ?

Riku eut l'air quelque peu surpris de sa réponse, mais lui rendit rapidement son sourire et prit le Fragment, avant de le lever haut dans les airs en fermant les yeux, se concentrant de tout son être sur cette sensation faible et vacillante telle une petite flamme soumise aux tourmentes de son cœur.

La pierre les enveloppa alors tous les deux de sa lueur, et dans un éclair de Lumière les projeta dans l'océan d'étoiles.


Pour la deuxième fois, Riku sentit ses pieds heurter pas du tout en douceur le sable fin et manqua de trébucher, avant d'observer ses environs. Mickey épousseta ses habits, avant de l'imiter en ajoutant quelque peu étonné :

- Les Îles du Destin ? C'est bien là que tu voulais aller, Riku ?

Son ami se contenta de fixer ses alentours, l'air à demi surpris par leur destination.

- …Oui, mais c'est étrange… J'ai l'impression que…

Alors que l'aîné essayait de comprendre lui-même pourquoi son cœur l'avait mené jusqu'ici, une douleur aiguë enserra brusquement sa poitrine. Crispant une main au torse, il grimaça tandis que l'étau s'atténuait sans vraiment partir, comme un horrible pressentiment de malheur.

- Riku ! Est-ce que ça va ?

- Ou… Oui, c'est juste…

Serrant les dents pour supporter cette souffrance lancinante qui troublait son rythme cardiaque, l'adolescent leva les yeux vers l'horizon étincelant. Dans la fine ligne séparant ciel et mer, une lointaine forme verdoyante et familière attira son attention, et son cœur se remit à battre et se tordre de plus belle.

L'île de jeu. Il devait y aller.

Sans plus attendre, il s'avança un peu péniblement malgré sa jambe tremblante vers les quais devant l'îlot, alors que derrière lui le Roi suivait, préoccupé.

- Riku, tu m'inquiètes… que t'arrive-t-il ?

- L-L'île… je dois… Je dois y aller… murmura faiblement l'aîné en se forçant à avancer malgré la douleur qui lui serrait le cœur.

Il le sentait. Il sentait que quelque chose se passait. Quoi, il n'aurait pas su le dire, mais il était certain que c'était en rapport avec Sora. Et aussi avec la petite île de leur enfance où ils passaient tout leur temps à jouer et imaginer le monde extérieur.

Accélérant le pas, Riku atteignit enfin les barques ; sans même faire attention à laquelle il empruntait, il en poussa une à l'eau et y sauta, saisissant les rames pour pagayer vigoureusement vers l'îlot alors que Mickey patientait à ses côtés, son regard inquiet ne quittant pas l'aîné d'une seconde.

Aller sur l'île, vite… Vite, vite, vite…

Après un temps interminable qui n'avait pourtant duré que quelques minutes, le jeune Maître put enfin grimper sur le quai, amarrant en vitesse son bateau. Il était tellement concentré sur le fait d'arriver le plus vite possible qu'il n'avait même pas remarqué que sa douleur s'était à présent totalement estompée, comme si… comme s'il n'y avait plus rien à craindre. Mais l'absence de cet étau laissa au contraire un sentiment d'inquiétude à l'aîné qui ne comprenait pas sa disparition subite. Se dressant de toute sa hauteur, Riku se tourna vers les plages de son enfance, cherchant du regard un détail, quelque chose qui explique pourquoi son cœur l'avait guidé jusqu'ici.

Et à quelques mètres de là, allongée dans le sable fin et l'écume des vagues, une silhouette frêle bien familière était inerte, ses mèches brunes à peine agitées par la brise.

- Sora !

Sans plus attendre l'aîné se précipita vers son ami étendu parmi les vagues, ne se demandant même pas comment il n'avait pu le remarquer avant depuis son embarcation. Ce qui voyait lui faisait craindre le pire : la peau hâlée du garçon semblait avoir perdu ses couleurs, et ses yeux étaient désespérément clos comme plongés dans un sommeil éternel.

Freinant sa course d'une glissade dans le sol sablonneux, le Maître pencha son visage vers celui paisible de son meilleur ami, ses iris turquoise brillant d'horreur ; mais à peine eut-il approché son corps inerte que les paupières endormies de l’Élu s'entrouvrirent, révélant un regard d'outremer fatigué mais bien vivant.

Le cœur de Riku s'autorisa enfin à battre en voyant Sora ouvrir les yeux ; mais la crainte ne le quitta pas, alors qu'il scrutait le corps de l’Élu à la recherche de la moindre petite égratignure.

- Sora ! Tu vas bien ? demanda le Roi, aussi penché aux côtés du garçon.

L'adolescent cligna des yeux, désorienté, puis se redressa sur les coudes, ne semblant pas bien saisir sa situation.

- Sora ? Tu m'entends ? fit alors l'aîné en le soutenant.

Comme si ce contact physique le réveillait enfin, l’Élu leva les yeux vers eux, l'air complètement perdu.

- …R-Riku ? Votre Majesté ?

- Nous sommes là, tout va bien, dit aussitôt le monarque en levant les mains.

- Est-ce que ça va ? Tu es blessé ? répéta doucement Riku en aidant Sora à s'asseoir.

L’Élu fronça les sourcils, comme cherchant la réponse, puis secoua la tête :

- N-Non… je crois pas…

Riku se permit enfin de soupirer de soulagement, alors que son ami regardait distraitement ses environs avant de demander :

- Où… où je suis ? Comment je suis arrivé ici ?

- Nous sommes aux Îles du Destin, expliqua aussitôt l'aîné. On est venus ici après que… Donald et Dingo nous aient dit que tu avais disparu, ajouta-t-il avec prudence.

Les yeux du jeune homme semblèrent très brièvement s'écarquiller, mais retrouvèrent aussitôt leur lueur confuse tandis qu'il hochait machinalement la tête, comme ne sachant pas vraiment lui-même quoi penser. Puis, d'un seul coup, ses iris plus profonds que l'océan se baissèrent vers sa main reposant toujours sur le sable.

Ses doigts faiblement resserrés autour d'une énorme Clé.

Suivant son regard, les deux Maîtres posèrent le leur sur la forme géante pour rester figés en voyant ce que tenait leur ami.

Une Keyblade métallique semblant très lourde, aux teintes grisâtres et aux contours très anguleux.

Un silence pesant s'abattit sur les Îles du Destin, où seules les vagues résonnèrent aux pieds trempés de l’Élu. Puis, osant enfin poser l'inévitable question, le Roi demanda :

- Sora… que s'est-il passé ?

Les lèvres de l’Élu s'entrouvrirent, mais aucun mot n'en sortit, comme si la réponse venait de lui échapper. Son regard s'agita dans une réflexion intense, alors que ses sourcils se fronçaient désespérément comme s'il voulait savoir à tout prix.

- J… Je…

- Sora, de quoi tu te souviens ? demanda avec douceur son meilleur ami en posant une main rassurante sur son épaule.

Sa question sembla avoir l'effet inverse alors que les iris du garçon erraient maintenant frénétiquement, comme totalement déboussolé.

- J-J… Je… Je… Je sais pas. Je sais pas.

Le garçon écarquilla lentement les yeux en réalisant ce qu'il disait, tandis que ses épaules s'affaissaient devant la révélation :

- Je sais pas…

Voyant l'air dévasté de son ami, Riku tenta de lui donner un coup de pouce :

- Tu te souviens que Ansem t'a attaqué, non ?

L’Élu hocha vivement la tête, avalant sa salive alors qu'il semblait essayer de recoller les morceaux de sa mémoire.

- Il t'a fait disparaître dans un couloir de Ténèbres, c'est bien ça ? ajouta l'aîné pendant que le garçon acquiesçait de nouveau. Et après ? Que t'est-il arrivé ? Avant que tu ne te réveille ici ?

Encore une fois, Sora ouvrit la bouche pour n'en sortir qu'une réponse silencieuse, comme si toute explication refusait obstinément de quitter sa mémoire :

- J-Je… je sais pas. Je sais plus… Y'a plus rien après, j'ai… j'ai…

Sa lèvre inférieure se mit à trembler comme le choc de son amnésie allait le briser, tandis que ses iris fixaient le vide, anéantis. Riku aussi était dévasté. Dévasté de voir son ami dans un tel état, de le voir perdu dans une situation qu'il ne comprenait même pas lui-même et dans laquelle il ne pouvait même pas l'aider.

Baissant tristement la tête, le Roi soupira doucement, puis posa une main sur l'épaule de Sora :

- Tu as besoin de repos. On va te ramener à la Tour.

Le garçon se mordit la lèvre, puis hocha lentement la tête, ses yeux brillants maintenant assombris d'une lueur défaite.

Sans y faire attention, sa main gauche relâcha la poignée de l'étrange Clé métallique, tandis qu'inversement ses doigts caressèrent inconsciemment la petite amulette étoilée au creux de sa paume droite.


Tout était de sa faute.

Assis sur son lit au colisée, Sora ne pouvait s'empêcher de repenser encore et encore à cette fatidique idée.

Il avait repris l'entraînement comme on reprend la routine, après que Yen Sid ait jugé qu'il n'avait rien. Et avant ça, Riku et le Roi l'avaient emmené chez le sorcier pour une obscure raison, à part le fait qu'un Chercheur l'avait attaqué quelques heures plus tôt. Et encore avant ça, il avait atterri sans savoir comment sur l'îlot de jeu, une mystérieuse Keyblade ayant disparue dès qu'il s'était relevé et un familier petit objet inconnu serrés dans ses mains.

Et encore avant ça… C'était le vrai trou noir.

Sora revoyait encore distinctement la scène où Ansem l'avait attaqué ; et il avait bien cru être perdu aux mains de leur ennemi. Mais lorsqu'il avait sombré dans ce trou apparut sans prévenir…

Tout était devenu noir.

Et pas que littéralement. C'était le noir complet entre le moment où le portail l'avait englouti et celui où il avait rouvert les yeux sur les Îles du Destin.

Où il avait atterri, ce qu'il avait fait, ce qu'il s'était passé, rien ne lui revenait. Et pourtant, il essayait vraiment de se souvenir. Mais il avait beau se concentrer sur ces derniers instants juste avant son réveil et après son enlèvement… Rien n'apparaissait. Pas même une idée, un son, une image, rien.

Le trou noir.

Cachant encore une fois son visage dans ses paumes, l'Élu soupira faiblement, avant de relever les yeux vers le petit objet qu'il gardait précieusement au creux de ses mains.

Une étoile de verre bleue, délicatement forgée et marquée d'un étrange symbole tel un cœur de fer, en tout point similaire au porte-bonheur de Kairi.

Tout comme la Keyblade anguleuse qu'il n'arrivait plus à invoquer pour une raison obscure, cette amulette s'était trouvée dans sa main dès son réveil sur les plages de sa terre natale. Et pour une raison étrange, sa simple vue éveillait en lui un curieux élan de chaleur, mais aussi de mélancolie…

L'Éclaireuse, car Sora n'aurait pas su comment l'appeler autrement, lui était très familière. Il ignorait pourquoi, mais il ne l'avait montrée à personne, la gardant secrètement cachée et ne l'examinant que lorsqu'il fut enfin seul, comme un trésor chéri qu'on veut juste pour soi.

Il ignorait pourquoi, mais il savait qu'elle lui était très précieuse. D'une certaine façon, il sentait qu'il y tenait autant qu'au porte-bonheur de Kairi.

Mais contrairement à celui-ci, il se sentait indigne de la porter. Comme si elle ne lui appartenait pas, ou comme s'il l'avait prise à son propriétaire légitime.

Et le pire, c'était qu'il ne savait même pas à qui elle était réellement destinée.

Sora se sentait comme un voleur prit de remord et devenu incapable de rendre l'objet de son larcin à celui qu'il avait dépouillé.

Entre ça et son amnésie presque commode, l'Élu éprouvait une très nette sensation d'échec. Comme si, une nouvelle fois, il avait raté ce qu'il avait fait. Comme si, alors qu'il aurait faire quelque chose, il s'était encore une fois montré incapable d'agir. De faire ce qu'on attendait de lui.

D'aider quelqu'un dans le besoin.

Riku, le Roi, et Donald et Dingo avaient tous dit que c'était pas grave, qu'il était sain et sauf et que c'était le plus important, et que c'était pas sa faute s'il se rappelait pas non plus ce qu'il s'était passé ; mais Sora savait que c'était faux. Que même s'ils étaient sincères, ça restait de sa faute si tout les gens qu'il devait aider attendaient encore et encore, perdus dans les Ténèbres où ils étaient enfermés ou endormis pour qu'il soit là.

Tant de personnes s'étaient sacrifiées pour l'aider, et lui ? Il n'avait rien fait pour elles. Il était inutile.

Il n'avait pas plus sa place parmi eux qu'un autre…

Se mordant la joue devant ce constat, Sora sentit une nouvelle fois ses yeux se mouiller, pour aussitôt ravaler ses élans mélancoliques. Pleurer ne servirait à rien. Pleurer ne servait à rien. Au lieu de continuer sa série d'actions inutiles, plutôt faire quelque chose d'utile, pour changer.

Retrouver ses anciens pouvoirs étaient d'ailleurs un bon départ.

Et là, face à une énième troupe de Sans-cœur les ayant attaqués pendant leur vadrouille sur l'Olympe, l'occasion de prouver qu'il pouvait encore aider, faire son travail d'Élu, était parfaite.

Repoussant un Soldat, Sora porta la main au cœur et se concentra, cherchant au fin fond de lui cette puissance qu'utilisait Roxas et qui avait d'abord été sienne.

Mais rien ne se passa.

Serrant un peu plus fort sa poitrine, l'Élu ferma les yeux et repensa à toutes les fois où il avait usé de son pouvoir, avant ce maudit Examen… la première Vaillance à la Tour de Yen Sid… la Sagesse surprise en repoussant les Sans-cœurs au Château Disney… la Maîtrise octroyée par le Roi juste avant qu'ils ne découvrent la base de données à Space Paranoids… l'implacable Suprême apparue tandis qu'ils faisaient un raid sur les Similis à l'Illusiocitadelle…

Une sorte d'étincelle jaillit alors dans son cœur ; mais avant même qu'il pu la saisir pour l'attiser, l'éclat se perdit dans les méandres de son être, sans lui laisser le temps de comprendre pourquoi elle était là.

Sora crispa alors la main sur son collier, suppliant son cœur, ou Roxas, ou Kingdom Hearts allez savoir quoi de le laisser activer la Fusion, juste une dernière fois.

Mais rien.

Repensant à toutes les fois où il s'était connecté à ses amis pour gagner un combat ou vaincre les forces des Ténèbres de sa dernière aventure, Sora leva alors les yeux vers Donald et Dingo, pour les voir repousser quelques créatures avant de se tourner vers lui. L'Élu croisa leur regard un bref instant, surpris et comme… rempli d'espoir.

Et tout devint noir.


Pour la troisième en moins d'un mois, Donald et Dingo hésitèrent à s'approcher du garçon effondré au sol, Keyblade brandie fébrilement dans tous les sens comme pour se protéger d'un adversaire qu'ils ne pouvaient voir.

À peine une semaine après la dernière, une nouvelle Non-Forme était apparue.

En plein combat, les deux compagnons avaient brusquement ressenti une sensation familière et surtout inespérée ; juste quand ils se tournaient vers l'Élu, dressé la main au cœur, une toute petite lueur s'était mise à briller sous ses doigts, tel un éclat d'espoir. Mais à peine avaient-ils pu croiser le regard de leur ami que les Ténèbres avaient à nouveau englouti cette Lumière. Ils n'avaient ensuite pu que contempler l'ombre de Sora déchiqueter tout les ennemis de la zone, avant que le garçon ne trébuche en sortant de sa Fusion ratée, brandissant la Keyblade qu'il avait lâchée dans la transformation comme s'il allait se faire tuer dans l'instant.

L'adolescent, s'étant enfin calmé, resta au sol, crispé et haletant, plus comme s'il avait été témoin de la pire horreur du monde que s'il venait de décimer la troupe de Sans-cœur locale. Son pâle visage en sueur exprimait une peur sans nom, et les deux amis n'avaient plus qu'une envie : s'approcher pour le rassurer, lui dire que tout allait bien et qu'il n'y avait plus de danger. Mais soudain les iris célestes terrifiés de Sora croisèrent les leurs, et ils comprirent.

Sora venait tout juste de revenir, et voilà qu'il était déjà reparti.

Les deux amis se fixèrent un long moment, ne sachant comment aborder la situation, avant que la voix faible de l'Élu ne brise maladroitement le silence :

- …Qu'est-ce qu… on est où là ?

L'adolescent scruta ses environs, désorienté, avant que Dingo n'avance doucement vers lui :

- …Roxas ? C'est toi ?

À cette phrase, le Simili se retourna d'un bloc, sourcils froncés comme s'il ne comprenait pas d'où leur venait cette question stupide :

- Ben oui, pourqu-

Le garçon écarquilla les yeux en réalisant que ce le chevalier voulait dire, et fixa le sol, stupéfait.

- …On a encore échangés nos places, n'est-ce pas ?

Pour toute réponse, les deux amis de Sora hochèrent la tête, avant de s'approcher doucement de Roxas. Ce dernier lâcha Chaîne Royale qui s'évapora et s'assit dans l'herbe, semblant tenter d'assimiler ce qu'il était arrivé.

- Que s'est-il passé ? Demanda-t-il après un instant.

Dingo hésita à peine une seconde avant de s'agenouiller près de lui, se retenant juste de poser une main rassurante sur l'épaule du jeune homme :

- Lorsque on se battait à la cascade, tu as… été victime de la Non-Forme, expliqua-t-il gentiment en guettant sa réaction. Et quand ça s'est fini…

- C'est Sora qui était là, ajouta Donald en imitant son camarade.

L'adolescent parut un instant surpris, mais contempla à nouveau le sol, pensif.

- Il allait bien, poursuivit le canard, mais il se souvenait pas ce de qu'il s'était passé quand t'étais là.

- Et… en fait, on était justement en train de se battre contre des Sans-cœurs y'a quelques minutes quand ça… quand il a tenté une Fusion et…

- …Et il y a eut encore une Non-Forme, et c'est là que je suis revenu, n'est-ce pas ?

Les deux amis eurent un mouvement de surprise en entendant le garçon finir cette phrase à leur place :

- Comment tu peux dire ça ? Fit le magicien, suspicieux.

- C'est simple : ça fait deux fois que lui ou moi revenons pendant une Non-Forme. C'est facile de faire le lien après ça. J'ai tort ? Conclut l'adolescent en levant les yeux vers eux.

Donald et Dingo s'échangèrent un regard intrigué pour l'un, inquiet pour l'autre, avant de reporter leur attention sur le jeune homme :

- Non, mais… Roxas, est-ce que tu te souviens de ce qu'il est arrivé quand… quand il y avait Sora ?

Le Simili les fixa un moment d'un œil inexpressif. Puis, fermant les yeux, il secoua la tête. Les deux amis de Sora soupirèrent tristement en voyant le cycle se répéter, tandis que le garçon baissa la tête, pensif :

- …Il s'est passé quelque chose d'autre pendant qu'il était là, sinon ?

À ces mots, Donald et Dingo se figèrent en pensant à la même chose, poussant l'adolescent à lever le nez vers eux devant leur réaction :

- …Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Les deux amis se tordirent les mains, hésitant à lui parler de l'évènement sinistre, alors que le garçon fronçait encore plus les sourcils. En ayant assez d'attendre, Roxas ouvrit la bouche pour insister quand le canard prit enfin la parole :

- Oui, y'a eu quelque chose, fit-il en se grattant la tête nerveusement.

- C'était pas catastrophique, commença alors le chien après avoir avalé sa salive, mais… Ansem a attaqué Sora il y a quelques jours. Mais ça s'est bien terminé ! S'empressa-t-il d'ajouter en voyant les yeux immenses que faisait l'adolescent. Mais… le temps qu'on arrive, il avait fait disparaître Sora dans un portail de Ténèbres. Riku et le Roi sont partis à sa recherche, et d'après ce que j'ai compris ils l'ont très vite retrouvé aux Îles du Destin. Il allait bien, mais ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé après l'attaque. Maître Yen Sid s'est bien assuré qu'Ansem ou Xehanort n'aient rien fait à Sora pendant ce temps, et on est rentrés. C'est tout.

Le chevalier s'arrêta enfin, guettant la réaction du jeune homme. Ce dernier resta figé, yeux dans le vide ; mais hormis son précédent regard écarquillé, il avait montré peu d'émotions, si ce n'était une intense réflexion. Et, après quelques instants, il hocha lentement la tête.

Les trois camarades restèrent ainsi là un moment, semblant réfléchir sur les derniers évènements. Puis Dingo reporta soudainement son attention sur le garçon, demandant avec hésitation :

- Roxas, tu… Tu vas bien ?

Comme surpris par la question, l'intéressé écarquilla brièvement les yeux avant de lever un regard déconcerté vers lui :

- …P… Pourquoi ?

- Peut-être parce que tu viens de sortir d'une Non-Forme et que c'est plutôt grave ? Fit Donald les mains sur les hanches, visiblement agacé par cette réplique stupide.

Roxas lui jeta un regard blasé, puis haussa les épaules en fixant le vide, indifférent. Les deux compagnons se regardèrent, puis décidèrent qu'ils feraient mieux de rentrer avant que d'autres Sans-cœurs ne surgissent. Étonnamment, l'adolescent acquiesça sans plus de protestations, avant de se relever en titubant. Dingo tendit aussitôt les bras pour aider, mais le Simili l'arrêta d'un geste ; et, pour la première fois, leva les yeux vers les deux amis de Sora pour croiser leur regard :

- Ça va aller, je p… je peux y arriver tout seul. Je vais bien.


Mains sur le ventre et yeux contemplant le plafond du dortoir, Roxas repensa à ses dernières heures. Leur retour s'était déroulé sans encombres malgré les sentiers escarpés de l'Olympe ; et c'était tant mieux, vu à quel point le Simili était exténué. Et pas que physiquement ; son esprit était profondément troublé par d'innombrables réflexions.

Son tout dernier souvenir, c'était cette affreuse griffe noire qui plongeait droit dans la Lumière de sa-la poitrine de Sora. Couplé avec une horrible sensation qui l'avait cloué au sol dès qu'il avait repris ses esprits, comme s'il était tombé dans un bain glacé qui lui aurait tordu les tripes au passage. Le cœur de Sora se remit à battre la chamade rien qu'à cette pensée, et le Simili porta instinctivement la main à la poitrine comme pour le calmer.

…Même si en y repensant, l'Élu avait des raisons de s'inquiéter. Lui n'en avait pas le souvenir, mais ce qu'avait raconté Donald et Dingo sur l'attaque d'Ansem était en soi préoccupant. Même si rien n'était arrivé à Sora, avoir été confronté aussi directement au Chercheur était de mauvaise augure.

Roxas soupira, puis s'assit sur le lit, fixant le sol intensément. Entre le moment de cette Non-Forme surprise et celle ayant déclenché leur cinquième échange, c'était le noir total. Aucune image, aucun son, aucun souvenir. Roxas n'avait rien vu durant toute cette semaine avec Sora, pas plus qu'après son combat avec Saïx. Même si au fond, il s'était résigné à penser qu'il ne retrouverait pas ces souvenirs, s'ils avaient jamais existé. Mais…

Il restait cette sensation. Cette impression étrange, comme si… comme s'il avait perçu quelque chose malgré tout. Il ignorait quoi, mais quelque chose.

Sa main alla instinctivement ressortir le cristal de la Cité et l'amena briller dans la lumière. Ce geste fit alors glisser de sa poche un autre objet en un petit tintement. Attiré par le son, l'adolescent quitta la sphère des yeux et baissa le regard, intrigué.

Caché dans les plis des draps, une étoile de verre identique au porte-bonheur de Kairi brillait elle aussi dans la lumière.

Roxas fixa l'amulette un long moment, puis la prit délicatement et l'examina de plus près ; chaque pièce de verre était encadré d'un ornement métallique et cousues entre elles par de solides liens, les mêmes qui formaient la cordelette du sommet au bout de laquelle une autre minuscule étoile multicolore était attachée. Un symbole tel un cœur d'acier aux contours angulaires trônait au milieu de l'étoile, et le verre était d'un bleu rassurant plus profond au centre du porte-bonheur.

Sans qu'il ne sache trop pourquoi, le garçon tint côte à côte l'étoile et son cristal. La lumière du couchant se refléta alors sur la surface des deux amulettes, les faisant briller de la même lueur réconfortante comme si elles ne faisaient qu'une. Une petite chaleur s'éveilla alors dans la poitrine du garçon, alors qu'il les contemplait longuement.

Il ignorait d'où venait cette petite étoile si semblable au porte-bonheur de Kairi. Mais il savait qu'elle était tout aussi précieuse.

Et quelque chose lui disait aussi qu'elle était liée à ce qu'il était arrivé durant cette fameuse semaine.

C'était déjà un début de piste.

Remettant précieusement les deux objets à l'abri, l'adolescent remarqua son carnet lui aussi tombé de sa poche et le prit.

Pendant un moment, il contempla la couverture rouge couverte de plis à force d'être ouverte encore et encore, plongé dans ses réflexions. Repensa aux derniers évènements entre lui et Sora, et Axel, et Kairi, et Donald et Dingo. Repensa au cristal et à l'étoile dans sa poche. Repensa à cette étrange sensation qui n'avait toujours pas quitté sa poitrine depuis son retour. Repensant à tout ça.

Puis, serrant un bref instant le carnet entre ses mains, il l'ouvrit enfin, décidé, et feuilleta à travers les pages pleines de mots et de gribouillages jusqu'à la dernière note, essayant d'ignorer les quelques lignes noircies à l'arrache ; levant son crayon, Roxas le laissa un instant en l'air, indécis, puis le posa enfin sur le papier pour ne former que douze mots :

Jour 86

À partir de maintenant, je ne suis plus tout seul.

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