Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 20 : Faire confiance - Roxas a eu peur

7994 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/02/2024 21:34

Alors que Roxas encaissait à peine la perte de la Cité virtuelle, il a fallu que Lea se révèle être possédé par Xehanort lui-même ; les Gardiens sont parvenus de justesse à sauver leur allié des griffes du Maître obscur, mais cet incident semble avoir été celui de trop pour le Simili, qui dès son retour au Colisée de l'Olympe a été victime de la Non-Forme… La situation peut-elle seulement empirer ?

Pat et Maléfique apparaissant dans un coin : À ce propos…

Riku surgissant en trombe : NOOOOOOOOOOOOON !

*les repoussent aussi vite que possible dans les coulisses*

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 Tandis que seule la cascade résonnait dans la montagne, les deux amis restèrent figés alors que Sora continuait de trembler, haletant et les yeux fixant exorbités le ciel comme s'il allait s'y noyer.

Puis, osant enfin agir, Dingo leva doucement une main vers lui, posant la question qui leur brûlait les lèvres :

- …Sora ? C'est toi ?

Comme sortant enfin de sa transe, le garçon leva les yeux vers ses amis, son teint retrouvant quelques couleurs malgré la lueur désorientée de ses iris. Il avala péniblement sa salive, avant de répondre d'une voix faible mais déjà plus reconnaissable :

- Ou… Oui… On est où là ?

Les deux compagnons s'échangèrent un regard inquiet, avant d'aider l'adolescent à s'asseoir tandis que Donald répondait :

- On est au mont Olympe, pas loin du colisée… tu te souviens pas ?

Le jeune homme fronça les sourcils, semblant fouiller au fond de sa mémoire. Et, pour toute réponse, déclara :

- Roxas a eu peur.

Ce fut au tour de ses amis de froncer les sourcils, avant que le magicien ne demande :

- Tu te souviens de ce qui est arrivé à Roxas ?

- N-Non, non, répliqua aussitôt Sora en secouant la tête, c'est juste que… Je peux pas l'expliquer, mais là, juste à cet instant… j'ai cette sensation au fond de moi, que… qu'il était terrifié. C'est tout.

L’Élu avait prononcé ces mots en refermant un peu plus sa main toujours serrée à l'emplacement du cœur. Un silence s'abattit sur le trio, avant que l'adolescent ne réalise brusquement quelque chose et ne se tourne vers ses amis :

- I-Il était là ? On a encore échangé nos places, c'est ça ?

Ils hochèrent la tête, poussant le garçon à les questionner encore plus :

- J-Je… j'ai encore passé un mois à…

- Non, non ! Le coupa Donald d'un geste. Pas du tout ! Juste… trois jours.

- …Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je… me rappelle juste… à la brèche du mur, au Jardin Radieux… les Sans-cœurs… et puis j'ai… tout est devenu noir… bredouilla l'adolescent, semblant lutter pour se souvenir.

Dingo se gratta la tête, ne sachant pas trop pas où commencer :

- Eh bien… en fait, tu as déclenché ta Non-Forme pendant ce combat.

- La NON-FORME ? S'écria alors Sora paniqué.

- Mais t'as blessé personne, ne t'inquiète pas ! T'as juste éliminé tout les Sans-cœurs, et t'es parti, expliqua aussitôt le chevalier pour calmer son ami. On a perdu ta trace, mais on t'a retrouvé au quartier général avec Riku et Ax-euh Lea. Enfin… physiquement c'était toi, mais…

L’Élu hocha la tête en comprenant l'allusion, sans toutefois s'expliquer pourquoi la mention du nom d'Axel lui serrait soudain le cœur.

- Riku a dit qu'il avait pu te suivre, et que quand la Non-Forme s'est arrêté, c'est Roxas qui était là. Et qu'il se souvenait que du combat qu'il avait eu contre Saïx juste avant que tu te réveilles. Il en est pas sûr, mais Riku pense que c'est justement la Non-Forme qui t'a obligé à revenir dans ton cœur… et je pense qu'il a raison, vu ce qu'il vient d'arriver.

- Quoi donc ?

- …Là, juste avant que tu ne reviennes… on se battait encore contre des Sans-cœurs, et… j'ai pas pu voir, mais je crois que Roxas a voulu encore utiliser une Fusion et ça a… "non-formé", conclu le canard.

- C'est un Sans-cœur qui l'a provoquée, répliqua immédiatement Sora.

Ses amis le fixèrent aussitôt :

- Tu t'en souviens ?

Le garçon cligna soudain des yeux, comme surpris, avant de bredouiller :

- E-Euh, non, j… Je comprends pas…

Son regard étonné était soudain devenu désorienté, comme s'il ne comprenait pas lui-même d'où lui venait ces mots. Fronçant les sourcils, il dit lentement :

- J-Je… j'ai aucun souvenir de ces trois jours, mais… j'ai cette image précise d'une ombre qui se jette sur moi… C'est comme si, juste avant de me réveiller ici, j'avais vu ce qu'il se passait, ou… comme si, un très bref instant, Roxas et moi avions pu ressentir les mêmes choses en même temps… je sais pas comment…

- C'est pas grave, tu émerges tout juste d'une Non-Forme, fit gentiment Dingo en posant ses mains sur les épaules de l'adolescent. Tu sais bien que ça te laissait patraque, pas vrai ?

Son ami ne dit rien, serrant toujours sa main au cœur, l'air complètement perdu. Les deux compagnons froncèrent les sourcils, préoccupés, avant d'examiner le garçon : il n'était pas blessé outre quelques égratignures, mais semblait pâle comme un linge, le visage encore en sueur et les membres tremblants.

Il avait l'air complètement épuisé.

Donald posa sa main sur le bras de Sora, toujours muet, et demanda gentiment :

- Tu vas bien ?

Comme soudain sortit de ses pensées, le jeune homme cligna brusquement des yeux, avant de hocher lentement une tête fatiguée :

- O-Oui, ça va… je suis juste…

Un soupir finit sa phrase, comme s'il était déjà trop épuisé pour parler, ses yeux fixant le sol d'un air perdu et triste. Les deux amis s'échangèrent un regard, puis hochèrent la tête et se tournèrent vers l'adolescent.

- Allez Sora, on rentre, fit le magicien en se relevant d'un bond.

- Est-ce que tu peux marcher ?

Un léger hochement de tête lui répondit après une pause, et les deux compagnons de l’Élu l'aidèrent à se relever, le soutenant lorsqu'il tituba. Le garçon les remercia d'un sourire qui s'effaça rapidement quand la fatigue repris le dessus. Sora fit un pas, chancela avant que Dingo ne le rattrape, et s'appuya finalement sur le bras qu'il lui tendait pour marcher. Donald quant à lui posa sa main sur sa jambe, l'aidant à avancer tout en conjurant en même temps un Soin pour soulager leur protégé.

Et ainsi, lentement, les trois amis quittèrent la cascade tandis que le soleil se couchait doucement sur l'Olympe.


Quelque chose de grave était arrivé.

Sora n'avait aucune d'idée d'où lui venait ce sentiment, mais une petite voix tout au fond de lui n'avait cessé de lui répéter cette phrase dès l'instant de son réveil.

Alors oui, il s'était forcément passé quelque chose en son absence ; le simple fait d'avoir activé la Non-Forme deux fois et ainsi vraisemblablement enclenché un double échange "cœurporel" entre lui et Roxas était en soi assez préoccupant. D'autant plus que les touts derniers souvenirs avant son retour brutal n'étaient pas vraiment très rassurants non plus…

Il avait de nouveau essayé la Fusion, tout juste avant son "départ".

Une sorte de pulsion qui, entre le combat lassant et la tentation d'emprunter la force de ses amis l'avait poussé à retenter le coup. Il se souvenait encore de la sensation étrange qui l'avait saisi lorsque c'était arrivé. Il ne savait pas trop ce qu'il faisait, ni quelle Fusion il comptait invoquer cette fois-ci ; juste qu'il allait activer ce pouvoir.

Et tout avait basculé dans le noir le plus total. Comme une lampe qu'on éteint brusquement, jusqu'à ce que la lumière se rallume en une vision d'horreur terrifiante.

Mais ce n'était pas ça qui alimentait cette impression en boucle. L’Élu ne comprenait, ne pouvait s'expliquer pourquoi, mais quelque chose était arrivé pendant son absence. Quelque chose de très grave.

Se mettant sur le côté, le garçon soupira profondément ; lui et ses amis étaient rentrés sans encombres au colisée, où il avait décidé de reprendre ses forces et esprits dans leur dortoir. Donald et Dingo semblaient avoir quelque chose à lui dire, mais s'étaient retenus et l'avait laissé tranquille. D'un côté, Sora était blessé qu'ils se taisent ainsi ; mais d'un autre, il leur était reconnaissant qu'ils ne l'inondent pas d'informations dès son retour. Sa tête tournait déjà assez rien que du contrecoup de la Non-Forme.

Mais quand même… il ne pouvait chasser ce terrible sentiment que quelque chose clochait. Que quelque chose allait mal.

La dernière fois qu'il s'était réveillé d'un échange avec son Simili, on lui avait annoncé qu'un membre de l'Organisation XIII l'avait affronté lui et Axel, et que le résultat avait été Roxas gravement blessé et forcé de retourner dans son cœur pendant que l’Élu revenait à lui pour la première fois depuis un mois. Et là, il apprenait que sa dernière tentative à la Fusion avait provoqué la redoutée Non-Forme et que Roxas était revenu suite à ça. Pour repartir aussi vite lorsque cette dernière était réapparue tout à l'heure.

C'était grave, mais pas autant que ce qu'il avait entendu à son dernier réveil. Cependant, sans qu ne sache vraiment pourquoi, quelque chose lui disait que ce n'était pas l'unique évènement inquiétant arrivé ces jours-ci.

Quelque chose de grave venait d'arriver.

N'y tenant plus, Sora s'assit au bord du lit. Sa migraine était toujours là, mais suffisamment calmée pour qu'il réfléchisse sans avoir mal. Expirant profondément, l'adolescent ferma les yeux, se repassant lentement en mémoire chacun des souvenirs d'avant et après son dernier réveil en ignorant comme il pouvait leurs désagréables sensations.

Juste entre l'instant où il avait senti la Fusion et celui où il avait rouvert les yeux près de la cascade, un flou sans couleurs envahissait ses souvenirs tel une bande de film noircie par le temps. Et cette sensation…

Une main envieuse de ce cœur qui lui manquait, plongeant sans hésitation ses griffes dans la Lumière qui jaillissait de son torse en sachant très bien ce que cela signifierait pour lui…

Glaçant.

Et tout au fond…

Une sensation terrible, horrifiante, dévastatrice…

Quelque chose est arrivé.

Quelque chose de grave est arrivé à Roxas.

Rouvrant des yeux d'outremer tétanisés, Sora fixa le vide, choqué par cette impression. Puis il fronça les sourcils, déterminé, et quitta d'un bond le dortoir.


Un familier vaisseau rouge et or se posa au Jardin Radieux, avant qu'un jeune garçon au pendentif reconnaissable entre mille n'en débarque lentement.

Il ne savait trop pourquoi, mais son cœur l'avait guidé au monde autrefois submergé par les Ténèbres de sa première quête. Jetant un regard à la forteresse pratiquement restaurée qui surplombait la ville, Sora resta un instant songeur, puis repris sa route.

À nouveau, ses pas errants le menèrent sans qu'il ne sache pourquoi au quartier général. Qu'importe la raison de sa venue ici, quelque chose lui disait que ça lui ferait du bien de revoir ses amis du Comité.

Pénétrant dans la petite salle commune, il promena son regard dans toute la pièce actuellement vide. Étrangement, ce manque de présence humaine lui serra l'estomac, comme une inquiétude ; mais c'était peu comparé à la pesante impression qui l'avait poussée à venir jusqu'ici. S'avançant dans la salle, le garçon se demanda un instant si ses amis étaient là ou s'ils étaient tous partis en patrouille.

- Alors t'es revenu, finalement ?

La voix familière rauque malgré sa chaleur éveilla à la fois un sentiment rassurant et un espèce de frisson incompréhensible au cœur de l'adolescent. Se tourna vers la voix, l’Élu vit venir du couloir des chambres un Lea se tenant aussi droit que possible malgré son boitillement et son teint maladif. Une inquiétude profonde saisit Sora en le voyant, bien trop importante pour n'être que la sienne. Et en même temps, une drôle de sensation qui rongeait cette inquiétude au fond de lui, comme un autre sentiment refoulé…

Sans faire attention au regard que lui portait le garçon, l'ancien Numéro VIII s'appuya nonchalamment d'un main sur le dossier d'un canapé, un air indéchiffrable sur le visage alors qu'il poursuivait sa phrase :

- Je suppose que l'entraînement devait être plutôt ennuyeux si t'as décidé de revenir ici si tôt, hein ? Ou t'as juste voulu rester dans le coin au cas où on aurait encore un peu "d'animation", même quand on t'a expressément dit de continuer l'entraînement au Colisée, peut-être ? Enfin, c'est pas comme si t'avais l'habitude de faire ce qu'on te dis, pas vrai ?

Une sorte de demi-sourire ironique s'était étiré sur les lèvres de l'adulte à cette dernière phrase, avant de se dissiper aussi vite tandis qu'une sorte de subtile mélancolie prenait sa place :

- Même si je dois dire que c'était peut-être pas la pire idée que t'ai eu ce jour-là… Pour être franc, ça a pu aider à pencher la balance de notre côté, tu sais… Eh, pourquoi tu me regarde aussi fix…?

Les mots s'étaient éteints dans la gorge de Lea alors qu'il écarquillait lentement les yeux en réalisant. Durant tout ce temps, Sora n'avait pas quitté du regard celui de l'adulte, l'observant avec une attention étrange comme s'il voulait déceler quelque chose de particulier dans ces iris vert profond dépourvus de toute variation.

Les deux Porteurs restèrent ainsi un moment, comme captivés l'un par l'autre. Puis Lea baissa le regard en soupirant, secouant la tête :

- …Je me suis encore trompé de personne, n'est-ce pas ?

- …Peut-être pas.

L'apprenti releva aussitôt des yeux aussi stupéfaits qu'emplis d'espoir. Devant lui, le jeune garçon avait baissé les siens comme plongé dans une intense réflexion, ses iris d'outremer voilé d'une incertitude :

- …T-Tu…

- N'es pas Roxas, annonça sans détour l'adolescent.

Une expression de surprise se figea sur le visage de l'adulte, avant d'être remplacée par de la déception. Mais sans attendre, l’Élu poursuivit :

- Mais je crois qu… Roxas peut t'entendre, d'une manière ou d'une autre. Même s'il n'est pas directement là, fit-il une main au cœur.

Lea lui lança un regard vaguement reconnaissant, mais laissa retomber sa tête en défaite.

- …Bon… Tu peux oublier ce que je viens de dire, alors… Qu'est-ce que tu fais là d'ailleurs, Sora ? Fit-il en se redressant d'un air fatigué.

L'adolescent fronça les sourcils, comme ne sachant quoi dire. N'ayant visiblement pas envie d'attendre sa réponse, l'apprenti fit mine de partir, avant de s'arrêter lorsqu'il brisa enfin le silence :

- Si je te dis que je me souviens pas de ce qu'il s'est passé ces derniers jours, je t'étonne ?

L'adulte fixa le garçon, puis secoua la tête. Avalant péniblement sa salive, peut-être plus de dépit que d'hésitation, l’Élu fronça les sourcils en se mordant la lèvre, l'air blessé, et dit lentement :

- Mais si je te dis que, dans un sens, je sais ce qu'il s'est passé… qu'est-ce que tu me réponds ?

Ces mots firent lentement écarquiller les yeux du Porteur, qui répliqua alors lentement :

- …Qu'est-ce que tu sais ?

Sora osa un peu lever la tête vers lui, sans toutefois croiser son regard :

- …Je me souviens de rien de quand Roxas était là… Mais je sais… je sens qu'il s'est passé quelque de grave avec lui… Et que ça a un rapport avec toi.

Lea ne dit rien, se contentant d'observer ce garçon tremblant qui fixait toujours le sol, comme n'osant pas affronter son regard. Puis enfin, les yeux d'outremer de Sora croisèrent ceux verdoyants de Lea, dans un éclat aussi navré que timide :

- Je peux pas t'expliquer, ou te le prouver… mais, tout au fond de moi, j'ai cette impression qu… que Roxas est triste, et qu… qu'il n'a pas pu te le dire plus tôt. Je sais pas ce qu'il s'est passé, mais je sais qu… que Roxas s'en veut vraiment, et qu'il aurait voulu que tu le sache. Roxas… Roxas est désolé.

Ces mots, Sora les avaient prononcés en regardant Lea droit dans les yeux, comme signe qu'en un sens, ce n'était pas lui le véritable porteur de ce message. Le regard de l'adulte s'écarquilla, avant qu'il ne brise le contact en fixant le sol, une main gênée grattant l'arrière de sa tête :

- …Ouais, je vois le truc… même si je pense que c'est peut-être surtout moi qui doit des excuses.

- Pourquoi ? Fit alors l’adolescent intrigué.

Le Porteur le regarda brièvement, puis secoua la tête en faisant demi-tour.

- J'ai pas vraiment envie d'en parler.

- Attends !

L'apprenti s'arrêta en sentant une main tirer timidement sa manche, douce tentative pour le retenir, et tourna les yeux vers un Sora aux iris demandant des réponses. Un silence s'installa, avant que l’Élu ne lâche le manteau de l'adulte en baissant à nouveau la tête :

- …Qu'est-ce qu'il s'est vraiment passé… quand je n'étais pas là ?

L'adulte regarda le garçon perdu en face de lui, fixa le vide quelques instant en hésitant, pour finalement secouer la tête en serrant la mâchoire :

- Je peux pas en parler.

- Le-

- Je peux pas, d'accord ? Fit-il légèrement agressif.

Voyant l'air implorant que faisait le plus jeune, Lea secoua à nouveau la tête et détourna le regard :

- Écoute, je sais que c'est frustrant et que t'as besoin de réponses. Mais je peux pas parler de ce qui s'est passé, OK ? C'était… difficile, et je pense pas être la meilleure personne pour t'expliquer… Riku est dans le coin, il te dira tout… mais pour l'instant, tout ce que je peux te dire, c'est que… ça ira pour moi. J'ai juste pas envie d'en parler maintenant.

Puis, lui jetant un dernier regard compatissant, il quitta la pièce, laissant l'adolescent seul avec ses questions.

Ne sachant que faire ni penser suite à cette conversation qui lui faisait plus de mal que de bien, Sora décida de visiter le quartier général ; il avait besoin de voir quelqu'un de familier, n'importe quel ami, pas pour des explications, mais pour un peu de réconfort. Pour savoir qu'il n'était pas tout seul et que quelqu'un l'aiderait.

Alors qu'il errait dans le couloir des chambres, une petite figure bien connue se glissa doucement hors d'une des innombrables portes sans le remarquer. À sa vue, une sensation pesante fit presque ralentir le garçon l'espace d'un instant ; mais une intense vague de joie balaya l'impression aussi vite qu'elle était venue lors qu'il reconnut la jolie silhouette rosée, et il s'avança bien vite vers elle :

- Kairi…

Au même moment, la jeune fille leva enfin les yeux du sol, remarquant et entendant au même moment l'adolescent devant elle. Mais l'expression interdite puis fermée qu'elle eut en le voyant contrasta drastiquement avec le bonheur qu'il éprouvait de la revoir, et ce besoin étrange d'être auprès d'elle à cet instant précis. Sans plus même lui prêter attention, la Princesse fit demi-tour vers sa porte.

- Kairi.

- Je veux pas te voir, dit-elle sans le regarder, prête à s'engouffrer dans sa chambre.

- Kai-

- Laisse-moi !

La phrase vola aussi vite que la main qui l'accompagna, claquant encore plus fort que cette dernière. Sora se figea en pleine action, sa main effleurant le plus délicatement du monde les doigts de la Princesse qu'il voulait retenir, alors que cette dernière écarquillait les yeux en ayant compris trop tard pour s'arrêter l'affreuse erreur. Les yeux brièvement écarquillés de l’Élu fixèrent le mur suite à la gifle, mais ses iris étaient vides de tout chagrin, toute rancœur ; car il savait, il savait au fond de lui que cet acte justifié mais injuste ne lui était en aucun cas destiné. Reportant son regard doux dénué de ressentiment sur le visage de la Porteuse, il la vit lever une main à ses lèvres tremblantes, figée, pétrie de honte et de remord devant l'acte horrible qu'elle lui avait fait subir sans le vouloir :

- S-Sor… J-Je…

Les larmes miroitèrent dans ses profonds yeux violacés, et aussitôt Sora voulut ôter de ces iris bleus si beaux ces ombres qui troublaient injustement ces océans sans fond. Mais avant qu'il n'ait même pu faire quoi que ce soit pour dissiper cette douleur, Kairi fuit son regard et se réfugia honteusement dans sa chambre sans un mot :

- Kairi attends !

L’Élu tenta de la rattraper avant qu'elle ne disparaisse, mais la porte se referma sur lui avant même qu'il n'ait pu l'atteindre. Plaquant les mains contre le battant comme s'il voulait le traverser, il supplia, criant pour que ses paroles franchissent la cloison :

- Kairi, Kairi je t'en veux pas ! Je t'en veux pas, je te le jure ! Je t'en prie, ne t'en veux pas ! S'il te plaît, s'il te plaît, ne…

Les mots se perdirent dans sa gorge, alors qu'il ne savait que faire pour calmer, rassurer, réconforter celle qui l'avait blessé par erreur, pendant que de l'autre côté de la porte d'horribles sons de sanglots déchiraient le cœur et les oreilles de l'adolescent.

Le sentiment pesant qui l'avait saisi quelques instant plus tôt revint en lui, comme une explication de pourquoi son amie s'était tant emportée.

Quoi qu'il soit arrivé, Lea n'était pas la seule personne à qui Roxas avait cause du tort. Ni la seule envers qui il avait des remords.

Le front contre le battant et le cœur serré à l'écoute des pleurs traversant la paroi qui le séparait cruellement de Kairi, l’Élu ferma les yeux, désespéré.

- …Je te dirai bien "Bon retour", mais je ne pense pas que ce soit approprié.

Sora tourna enfin le regard vers la voix désolée et familière qui lui avait parlé. Fixant d'un œil perdu et blessé son meilleur ami, il finit par répondre :

- Comment t'as su que c'était moi cette fois ?

- Vu ce que je viens de voir, et surtout la réaction de Kairi, ça ne pouvait être que toi… fit l'aîné sincèrement navré.

L’adolescent se mordit la lèvre, puis se détacha enfin de la porte avec tristesse pour faire face à Riku :

- Donc il s'est bien passé quelque chose de grave avec Roxas…

- …Pas qu'avec lui, pour être honnête.

Sora leva le regard vers son meilleur ami :

- Je viens juste de revenir, mais… j'ai senti qu… que Roxas avait traversé un mauvais moment, et j… je sais du tout ce que c'est, juste… Juste que tout ça lui a fait du mal et… et je sais même pas pourquoi…

Son ami le fixa compatissant, avant de soupirer :

- Nous avons tous passé un mauvais moment hier, même si… Roxas est sans doute l'un des plus affectés.

- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé, à la fin ? S'écria soudain l'adolescent. Je suis parti depuis juste trois jours et on dirait que le monde a failli exploser en mon absence !

Surpris par l'éclat de colère de Sora, Riku se figea quelques instants, alors que le garçon réalisait son acte et baissait la tête. Pétri de honte, l'adolescent dit alors, d'une toute petite voix :

- Qu'est-ce qui est encore arrivé parce que j'étais pas là ?

- Sora, avec ou sans toi, ça serait arrivé à un moment ou à un autre, fit aussitôt l'aîné en prenant son épaule. Tu n'y es absolument pour rien.

Le garçon contempla le sol encore un moment, avant d'oser lever les yeux vers son meilleur ami, implorant.

- …Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Le Maître le fixa d'un air grave, inspira profondément, puis l'emmena d'un signe de tête :

- Viens, on sera mieux au calme. Et puis… je pense que t'aura besoin de t'asseoir.


Assis sur le lit de l'aîné, Sora restait pétrifié, anéanti par les terrifiantes nouvelles que venait de lui conter Riku.

L'une de leurs meilleures pistes avait été littéralement réduite en cendres de la main de Xemnas et Ansem, et Xehanort avait bien failli causer la perte d'un ou peut-être même trois des leurs.

C'était encore pire que ce qu'il avait imaginé.

Alors qu'il essayait d'avaler ces informations, en plus de l'énorme boule qui ne cessait de grossir dans sa gorge, l’Élu sentit une main compatissante se poser sur son épaule.

- Je sais… c'est dur d'encaisser tout ça juste après ton retour, mais… si ça peux te rassurer, nous sommes tous sains et saufs. Personne n'a été gravement blessé, et nous sommes sûrs que Xehanort n'a plus aucune emprise sur Lea, ajouta le Maître. Tout va bien.

La tête entre les mains, Sora ne savait honnêtement pas quoi en penser. Toutes les pièces s'assemblaient, à présent : les remords de Roxas, l'hésitation de Lea, le violent rejet de Kairi… Tout était clair à présent.

Et ce n'était vraiment pas la meilleure chose qu'il ait voulu savoir en revenant.

- …Non, fit-il en rouvrant les yeux… Rien ne va bien. L'Organisation XIII nous a ralentis, ils ont failli nous prendre Lea, et Roxas… Roxas a sombré dans la Non-Forme.

- Comment ? S'écria alors Riku, surpris et inquiet.

Sora se mordit la lèvre, avant d'oser lever les yeux vers lui :

- En fait, lorsque je suis revenu… Donald et Dingo m'ont raconté qu'ils avaient vu Roxas se transformer en Non-Forme. C'est une sorte de Fusion…

- …qui arrive quand celle-ci se passe mal, n'est-ce pas ?

Ce fut au tour de l’Élu de lever un sourcil :

- Comment tu sais ça ?

- Quand c'est toi qui a plongé dans la Non-Forme, Roxas m'a expliqué ce que c'était. Que ça serait tes Ténèbres qui te submergent pendant une Fusion et que tu te transformait en… en cette "Forme" jusqu'à ce que ça s'arrête seul ou que tu reprennes le dessus.

- C'est… compliqué, soupira l'adolescent en fixant à nouveau le sol. En fait, on a jamais vraiment su ce que c'était ou comment ça arrivait. Roxas en sait sans doute plus, vu qu'il était dans mon cœur, mais… J'ai jamais compris ce qu'il se passait avec ça. Parfois elle arrivait sans prévenir, parfois parce que j'avais un problème pendant ma Fusion, et parfois parce qu…. Parce qu'un Sans-cœur était trop près de moi… j'ai jamais pu savoir.

Riku contempla son ami un instant, se sentant aussi perdu que lui. Tout le long de la route l'ayant mené à l'aube et au titre de Maître, l'aîné avait croisé nombre de Ténèbres, autant les siennes que celles d'autrui fussent-elles créatures de l'obscurité, êtres maléfiques ou amis possédés.

Mais malgré toutes ces rencontres, aucune ne l'aidait à expliquer cette Non-Forme que subissait Sora et indirectement Roxas. Son ami n'en avait d'ailleurs encore jamais parlé, et le Porteur n'avait jamais été témoin du phénomène, malgré les nombreuses fois où il avait observé l’Élu utiliser la Fusion pendant son dernier périple et le raid sur l'Illusiocitadelle.

Et ce mystère qui tourmentait son ami le frustrait autant qu'avoir été incapable de voir arriver la dernière ruse machiavélique de Xehanort.

Sora soupira alors, sortant l'aîné de ses pensés tandis que l'adolescent se prenant encore la tête dans les mains :

- C'est juste pas possible… Quoi qu'on fasse, l'Organisation trouve un moyen pour nous doubler. On a même pas vu venir leur truc avec Lea…

- …En fait, je crois qu'on aurait .

L’Élu leva des yeux stupéfaits vers son ami, alors que le Maître fixait sombrement le sol.

- …Qu'est-ce que tu dis ?

- Tu sais peut-être que Roxas avait un moment soupçonné que Xehanort ait réussi à posséder l'un de nous sans que nous le sachions… Et, en un sens… il avait parfaitement raison, déclara Riku amer.

Les souvenirs de Sore revinrent alors sur quelques lignes, lues sans y prêter attention, dans le journal de Jiminy : "Roxas souhaita s'entretenir avec Maître Yen Sid en urgence. La raison de son inquiétude était effectivement très grave ; des éléments troublants arrivés peu avant son retour ainsi que les derniers évènements lui faisaient craindre que Sora ou lui ne soient devenus le Treizième Chercheur de Xehanort".

Sans doute par auto-préservation, il avait presque oublié ces phrases sur le moment ; mais là, à la lueur des évènements récents, toute la gravité de ces mots retombaient sur ses épaules en un poids glacé.

- Roxas était convaincu que seul lui ou toi étaient concernés quand il en a parlé, mais… nous aurions dû nous méfier davantage. Nous aurions dû nous demander si vous étiez les seules et uniques cibles potentielles ce jour-là. Nous étions tellement soulagés de savoir que vous aviez été épargnés que nous…

Le Maître serra le poing, son visage froncé dans une expression mêlé de colère et de culpabilité.

- Nous avons baissé notre garde, et Xehanort en a profité.

- M… Mais al… Si on s'est trompé pour Lea… ça veut dire qu'on a pu se tromper pour m-

- Non, nous ne nous sommes pas trompés pour toi ou Roxas, répliqua Riku en posant aussitôt la main sur l'épaule de son ami. Même si Xehanort s'était caché en vous, il aurait forcément trahi sa présence lorsque Maître Yen Sid vous a soumis à son test. Vos cœurs sont à l'abri, lui martela l'aîné en le regardant droit dans les yeux. Mais nous avons porté toute notre attention sur vous deux au lieu de chercher plus loin. Nous avons été négligeant, mais ce n'est en aucun cas de votre faute. Nous n'avons… juste pas fait attention avant qu'il ne soit trop tard.

Sora le regarda, figé, puis baissa les yeux, abattu. Xehanort était déjà une belle ordure, mais en plus il avait presque réussi à voler un de leurs alliés sous leur nez.

Et aucun des Gardiens ne pouvait vraiment faire quoi que ce soit pour l'arrêter. Sora n'avait même pas pu être là pour aider ses amis, comme si…

Comme s'il fuyait chaque occasion de se rendre utile.

- Sora, écoute-moi, fit alors Riku en serrant un peu plus son épaule.

Osant à peine le regarder, l’Élu leva les yeux vers son ami pour le voir le fixer de ses iris turquoise sans la moindre once de reproche :

- Je sais que c'est difficile, de ne pas comprendre comment tu as ramené Roxas, de ne te souvenir de rien, ou de n'avoir pas pu être là quand Xehanort nous a attaqués… Mais ce n'est pas ta faute. Je sais que si tu avais pu, tu te serais précipité pour nous aider, tu nous dirais comment Roxas est revenu, je le sais. Tu ne nous laisserais pas tomber. Et je sais aussi que tu fais de ton mieux. Si tu dois retenir une seule chose, c'est bien que tu n'y es pour rien. C'est la faute de Xehanort, pas la tienne. Alors ne t'en veux pas.


Alors ne t'en veux pas.

Facile à dire, quand tout était arrivé par sa faute. Sora avait beau être reconnaissant envers son meilleur ami de ne pas lui en vouloir, ça n'en retirait en rien sa responsabilité des derniers évènements. Car après tout, c'était bien lui qui avait on ne savait comment permis son échange avec Roxas en premier lieu, non ?

Et c'était bien lui qui manquait à l'appel chaque fois que ses amis avaient besoin de lui, n'est-ce pas ?

Fixant son image dans l'eau de la petite cascade, l’Élu ne pouvait s'empêcher d'imaginer ce qu'il aurait dû se passer s'il avait eu la décence d'être présent durant l'attaque de Xehanort ou la recherche d'Aqua au Domaine des Ténèbres.

Après que Riku lui ait expliqué tout les derniers évènements, le garçon, ne sachant que faire d'autre, était rentré au Colisée sans plus attendre, se recevant dès l'arrivée un savon de Donald pour être parti tout seul sans les prévenir. Le magicien s'était cependant rapidement calmé en comprenant qu'il était juste allé chercher des réponses, et ses deux amis avaient laissé le Porteur tranquille, tout en lui rappelant qu'ils étaient là s'il avait besoin de quoi que ce soit. L'adolescent avait gentiment décliné leur aide, disant qu'il lui fallait juste un peu de temps et d'espace pour encaisser les dernier évènements.

Et leur routine avait repris.

Enfin, c'était ce que Sora se forçait à penser : car au plus profond de lui, une voix lui murmurait que ça ne pouvait être le cas. Pas après tout ce qui était arrivé. Pas après que Roxas ait perdu la Cité virtuelle et l'un de ses meilleurs amis. Pas après que Xehanort ait possédé Lea depuis des mois et avait failli le pousser à enlever une seconde fois Kairi pour ses propres desseins.

Pas après qu'il ait failli à sa tâche d'Élu.

Le regard plongé dans le reflet déformé de ses yeux d'outremer, le garçon ne pouvait empêcher le regret de ronger son cœur dans une amère étreinte. À quoi sa Keyblade servait s'il n'était jamais là quand on avait besoin de lui ? À quoi rimait ce soi-disant titre "d'Élu" quand aucune de ses actions n'y coïncidait ?

À quoi bon participer à ce combat où il était totalement inutile ?

Un picotement familier saisit ses yeux à cette pensée, mais il ravala les larmes insignifiantes ; depuis quand pleurnicher ferait avancer les choses ? Ça ne servirait à rien, et vu le nombre d'actions inutiles qu'il faisait déjà, c'était pas la peine d'en rajouter.

Secouant la tête pour chasser les vaines perles salées, l'adolescent songea enfin à rejoindre Donald et Dingo restés en arrière ; il était parti en avant durant leur mission du jour pour s'isoler, laissant le duo en arrière. Mais maintenant qu'il avait eu son moment de réflexion, il était temps de les retrouver avant qu'une nouvelle vague de Sans-cœurs ne pointe le bout de leur antennes.

Jetant un dernier regard au magnifique paysage, l’Élu se retourna et revint sur ses pas pour rejoindre ses amis.

- Te revoilà de nouveau seul ? Jouerais-tu la carte de l'imprudence ?

Une douche glacée tomba sur les épaules de Sora au son de la voix hautaine qui retentit derrière lui.

Sans même savoir s'il réagissait par instinct ou par volonté, le garçon se retourna d'un bond, Keyblade brandie sur l'individu. Ansem afficha un air peu impressionné par l'acte de l'adolescent, le fixant dédaigneux alors que ce dernier retrouva soudain l'usage de ses pensées et cracha d'une voix qui voulait cacher sa peur dans la colère :

- Qu'est-ce que tu fais là ? Et qu'est-ce que tu me veux ?

Le Chercheur haussa les épaules, bras croisés dans son éternelle posture condescendante :

- Étrange, je m'attendais à un peu plus de fureur de ta part après notre dernière rencontre. À moins que les données ne t'étaient d'aucune importance ?

L’Élu ne put s'empêcher de remercier mentalement Riku pour lui avoir expliqué en détail cette partie de l'histoire, sans quoi il aurait sans aucun doute accidentellement révélé le secret de Roxas.

- Si tu cherches à me provoquer, fiche le camp ! Je veux rien avoir à faire avec toi ou Xemnas ou même votre Organisation de malheur ! Répliqua le garçon en serrant plus fort Chaîne Royale.

- Ah bon ? Tu ne désires donc pas nous empêcher de réaliser notre Guerre des Keyblades ? Ni même nous faire payer pour ce que nous avons déjà fait subir aux mondes, ou à la Cité virtuelle… ou encore d'avoir presque convaincu Lea de rejoindre notre cause ? Susurra moqueusement le Sans-cœur, fixant amusé l’Élu.

Sans qui ne sache exactement pourquoi, une vive brûlure qui n'était pas la sienne enflamma le cœur de Sora à la mention de Lea. Mais il n'avait pas besoin de chercher très loin pour comprendre d'où, ou plutôt de qui elle pouvait venir.

- Vous payerez pour ça en temps voulu ! À moins que tu tiennes à ce point à ce que je te démonte tout de suite ?

Un rire dédaigneux s'échappa alors de la bouche du Chercheur originel :

- Huh ! Comme si tu étais capable de me vaincre !

Le sous-entendu crispa le garçon, blessé autant dans son orgueil que dans son cœur, avant qu'il ne réplique violemment :

- Je t'ai déjà battu avant, je peux très bien recommencer !

À ces mots, un sourire malfaisant s'étira sur les lèvres d'Ansem, et Sora comprit soudain qu'il venait de faire une très grosse erreur. Le Sans-cœur lévita alors lentement, son visage se tordant dans une terrifiante expression de satisfaction :

- Bien… si tel est ton désir, Maître de la Keyblade.

Comprenant soudainement le piège dans lequel il s'était jeté, l'adolescent hésita un instant entre l'affronter l'homme ou fuir. L'espace d'un instant, son cœur lui dit de courageusement faire face à l'adversaire ; mais aussitôt, un profond sentiment d'auto-préservation prit le dessus, et il choisit la seconde issue.

Bandant ses jambes pour détaler à la moindre occasion, il chargea autant de magie que possible pour lancer un Glacier afin de gagner quelques secondes.

Mais juste quand il conjurait l'orbe glacé, une silhouette noire difforme se dressa devant le Chercheur, encaissant sans broncher le coup. Sora écarquilla les yeux horrifié en comprenant que son acte n'avait strictement servi à rien. Le Gardien se rua alors sur lui, tel un animal féroce. Reprenant soudain ses esprits, l’Élu sauta en arrière pour l'éviter ; mais en vain. Les mains monstrueuses du Sans-cœur se refermèrent brutalement sur son corps frêle telles d'impitoyables serres.

Le souffle coupé par le choc, l'adolescent lâcha sa Keyblade qui retomba au sol tel un vulgaire jouet d'enfant, alors que la poigne du monstre le serrait comme pour le briser net en deux. Le garçon gémit, se débattant en vain pour échapper à l'emprise étouffante du Gardien.

Des larmes vinrent aux yeux de Sora, mais pas juste de douleur ; à cet instant précis, une peur, une terreur affreuse le saisissait tout entier, alors que sa respiration s'accélérait sous la panique. Une sorte d'horrible déjà-vu le prit, tandis qu'il réalisait la gravité de la situation :

Il était seul, sans défense et à la merci totale de cet adversaire qu'il avait si orgueilleusement défié.

Derrière la forme terrifiante du Gardien, il vit alors Ansem s'avancer lentement, un sourire victorieux aux lèvres.

Il était pris au piège.

Non ! Ça ne pouvait pas se passer comme ça !

Dans un éclair de courage, ou peut-être de survie, Sora appela sa fidèle Keyblade qui revint à lui en un éclat pur ; sans même savoir si c'était lui ou un quelconque allié toujours à ses côtés qui agissait, l’Élu tira un orbe sur le Chercheur en poussant un puissant cri mêlant terreur, frustration et colère.

La Lumière de l'orbe fit flancher le Gardien qui lâcha sa proie et obligea son maître à se protéger d'un bras. Sora tomba au sol et roula aussi vite hors de portée du monstre, ses yeux humides brillant à présent d'une féroce détermination et ses mains fermement resserrées sur Chaîne Royale.

L'homme sourit alors derrière son bras, abaissant son membre pour révéler un visage agréablement surpris de la tournure des évènements. Tandis que le garçon se tenait prêt à réagir à la prochaine attaque, le Chercheur le fixa intensément, son regard d'ambre luisant d'un éclat intéressé.

- Eh bien… tu es effectivement toujours prêt à rendre des coups, déclara-t-il faussement étonné. Néanmoins… je me demande s'il en sera de même dans un lieu plus… hostile.

Il claqua alors des doigts, et aussitôt quelque chose au fond de Sora lui hurla de fuir maintenant.

Mais c'était déjà trop tard ; l’Élu sentit brusquement le sol s'effacer sous ses pieds, et il sombra inexorablement dans un trou noir.

Dans une futile tentative pour se sauver, il tendit les bras à l'extérieur du portail en un réflexe de survie, sentant un bref instant la bonne terre ferme s'accrocher sous ses doigts ; mais aussi vite qu'il l'avait effleurée, celle-ci lui glissa des mains, disparaissant avec lui dans le gouffre l'avalant sans pitié.

- SORA !

L'écho de voix désespérées fut, avec les minuscules silhouettes de Donald et Dingo se précipitant sur lui alors qu'il tendait vainement sa main vers eux, les toutes dernières choses qu'il perçut avant d'être englouti tout entier dans les Ténèbres.


L'arrivée fut brutale, comme lorsqu'on s'éveille en panique d'un affreux cauchemar en tombant du lit. Mais ici, le cauchemar était réalité : et il n'y a pas d'amis réconfortant ou de parent bienveillant pour vous sortir de l'horreur onirique et vous rassurer.

Où était-il ?

Se redressant en tremblant, sa Clé d'argent fébrilement serrée dans son poing moite, il scruta chaque recoin autour de lui ; ou au moins tenta. Les ténèbres étaient si profondes ici, il n'y distinguait presque rien ; à peine quelques vagues reliefs soulignés par de pâles lignes bleutés, lueurs bien faibles qui n'éclairaient absolument pas les lieux.

Où était-il ?

Plissant les yeux, cherchant la moindre étincelle de lumière dans ce gouffre sans éclats, il tourna sur lui-même, plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il ne sache même plus combien de tours il faisait. Ça et là, des mouvements, des grattements suspects attiraient son attention ; mais ce n'était pas pour le rassurer. À chaque fois qu'il se tournait vers l'un d'eux, une paire d'orbes jaunes luisants disparaissait dans l'obscurité, comme s'y dissimulant pour tromper l'adolescent perdu dans ces lieux hostiles à tout être tel que lui, et continuer à le guetter depuis l'ombre sournoise.

OÙ ÉTAIT-IL ?

Oubliant toute prudence ou raison, le garçon se mit à courir, courir sans réfléchir : allait-il tout droit, sur le côté, ou se précipitait-il vers un gouffre ? Il n'en savait rien, et n'en avait même cure car tout ce qu'il voulait c'était partir d'ici, retrouver un semblant de Lumière qui le guiderait dans cet endroit où nul n'aurait dû avoir à s'aventurer.

Ses pas paniqués rencontrèrent des reliefs, des creux ou des bosses qui manquaient de le faire tomber ; mais il n'y voyait toujours qu'à peine, et toujours les orbes jaunes continuaient de le fixer, semblant se rapprocher de plus en plus, plus près, plus près, plus près…

Quelque chose lui saisit la jambe ; à moins qu'il ne se soit pris les pieds dans un trou de trop. Basculant en avant, il ne dut son salut qu'à sa Keyblade qui presque sembla se planter d'elle-même dans le sol pour empêcher sa chute. Le souffle court, les mains tremblantes, il resta un moment immobile, perdu dans cette immensité noir d'encre. Autour de lui, les contours s'étaient à peine révélés, formant un amas informe de roches luminescentes ; mais leur lumière n'avait aucune chaleur en elle.

Et toujours les yeux continuaient de le fixer avec envie.

N'y tenant plus, le cœur battant, il se redressa et cria vers les cieux inexistants :

- LES AMIS ! DONALD ! DINGO ! RIKU ! VOTRE MAJESTÉ ! LEA ! Kairi…

Lentement ses yeux d'outremer larmoyants s'était rouverts sur l'infini noirceur, alors que la réalisation s'abattait sur lui.

Il était tout seul.

Personne ne viendrait le chercher.

Il devait se sauver lui-même.

Tandis que les larmes qui emplissaient ses iris dévastés menaçaient de tomber, uniquement retenues par l'orgueilleuse volonté de leur maître, les innombrables paires d'yeux qui le fixaient se rapprochèrent encore de lui, prêtes à le dévorer dans son désespoir.

Soudain l'une de ces paires se détacha des ombres, s'avança lentement dans sa direction tandis que toutes les autres semblaient reculer devant elle, comme des laquais s'effaçant devant leur maître allant chasser cette proie qu'elle avait choisie.

Les pas, seul bruit humain dans cet univers inanimé, le firent se retourner avec terreur mais aussi espoir.

Tout comme les reliefs autour de lui, il n'en distingua d'abord rien, et agrippa avec panique sa Keyblade, prêt à s'en servir s'il le fallait tandis que les pas se rapprochaient inexorablement. Et doucement, une silhouette aux couleurs des lieux se démarqua enfin du reste de l'univers pour s'arrêter à quelques mètres devant lui. Tout ce qu'il en voyait, c'était une figure humaine, pas assez difforme pour lui donner méfiance, mais pas suffisamment reconnaissable pour qu'il l'accueille à bras ouverts. Tentant de ravaler sa précédente terreur désespérée, il allait poser l'ultime question quand la voix s'éleva à sa place :

- Qui es-tu ?

Comme surpris d'entendre que l'être pouvait parler, l'adolescent resta figé, ses sens tentant encore et toujours de distinguer la forme et la voix devant lui. Quelque chose en lui s'agita, comme reconnaissant à sa place ces éléments inconnus.

Plissant encore plus les yeux, il vit la silhouette se distinguer encore un peu de l'arrière-plan sans couleurs, révélant ses détails dans le tissu déchiré, les contours assombris et les mèches délavés de leur teinte originelle. Pourtant les deux orbes qui s'étaient d'abord détachés de tout les autres ne brillaient même pas, d'aucune malice ni envie.

Tout au plus, l'expression qu'elle arborait était celle du dérangement, tel un être à qui l'on marche sur le territoire.

Quelque chose de plus profond s'éveilla en Sora, alors qu'il se sentait soudain comme face au plus grand espoir de sa vie. Son cœur s'affola à nouveau devant la douce réalisation, tandis que devant lui la silhouette féminine se redressa de toute sa hauteur, comme asseyant sa dominance, et demanda d'une voix froide d'où résonnait malgré tout une réelle interrogation :

Qui es-tu, et que fais-tu en ces lieux ?

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