Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 18 : Faire confiance - Éclats de souffrance

11869 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/02/2024 21:31

Lors d'un combat contre des Sans-cœurs, Sora a soudain été submergé par les Ténèbres et s'est enfuit vers le Grand Vallon. Ses amis pourront-ils le retrouver avant qu'il ne lui arrive malheur ?

*Dans le cœur de l'Élu, Roxas et Ventus courent à toutes jambes pour échapper à un Sora ténébreux lancé à leur poursuite tandis que Xion retient tant bien que mal Vanitas armé de sa Keyblade, bien décidé à se débarrasser une bonne fois pour toutes du "parasite" obscur au mépris total des éventuelles répercussions sur les habitants de son cœur*

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 Riku cavalait dans les gorges du Grand Vallon, poursuivant l'ombre ténébreuse qu'était devenu Sora.

Il parvint après une course éprouvante à la vallée éponyme, retrouvant enfin un visuel sur la créat-humain alors que des Sans-cœurs les encerclaient. L'ombre siffla agressivement et griffa sauvagement tous ceux à sa portée ; un Carapaçon l'attaqua en traître, mais le Maître le détruisit d'un Brasier X obscur avant qu'il n'ait pu toucher sa cible.

Ombre ou pas ombre, il restait son ami. Il ne laisserait rien ni personne lui faire du mal.

Il eut à peine le temps de se retourner que Sora ténébreux avait fini d'éliminer les monstres d'une explosion de magie noire. L'aîné vit à travers la fumée de cœurs une forme familière retomber, pour s'effondrer suite à un mauvais atterrissage.

- Sora !

Se précipitant vers la silhouette qui se redressait maladroitement en se tenant la tête, Riku s'accroupit à ses côtés et posa sa main sur son épaule, vérifiant ses blessures ; heureusement, il n'avait rien.

- Ça va, est-ce que t-

- Ne me touche pas !

L'aîné recula lorsque un bras le repoussa violemment, avant de regarder surpris l'adolescent qui le dévisageait, furieux mais épuisé. Ils se fixèrent dans les yeux un moment, reprenant chacun leur souffle tandis que le jeune Maître contemplait ces iris couleur de ciel qui le foudroyaient désorientés. Et soudain il comprit.

- …Roxas ? C'est toi ?

L'adolescent fronça encore plus les sourcils, comme confus, et cracha :

- Pourquoi ? Qu'est-ce que tu me veux ?

Riku se figea un bref instant, mais se reprit lorsque le Simili se mit à scruter fébrilement les alentours :

- Qu… qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi t'es là ? Où est Axel ?

Roxas avait posé ces questions d'une voix de plus en plus paniquée, alors qu'il haletait comme s'il ne trouvait plus son souffle. Le Maître tenta de le calmer :

- Roxas, calme-toi, tout v-

- Laisse-moi ! cria l'adolescent en reculant encore devant la main qu'il lui tendait.

Ils se fixent encore une fois dans les yeux, avant que l'aîné n'ajoute d'un ton rassurant :

- Tout va bien. Axel va bien, aussi. Tu n'as rien à craindre.

Le plus jeune le dévisagea encore, méfiant, mais finit par se relâcher sans totalement baisser sa garde. Riku demanda :

- Quels sont tes touts derniers souvenirs ?

- …Saïx a attaqué Axel ici, répondit le garçon après un court silence. Je suis venu l'aider, on s'est battu, et… et plus rien. C'est le trou noir. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Le Maître médita un instant, avant de déclarer :

- …C'est une longue histoire. Pour ce qui est de Saïx, je peux te dire qu'il est parti sans qu'on déplore de perte. Mais je pense qu'il serait mieux que nous t'expliquions le reste tous ensembles.

L'adolescent lui jeta un regard suspicieux, comme doutant de ses propos. Mais devant l'air sincère que lui renvoya le plus âgé, il finit par hocher doucement la tête :

- Très bien. Allons les retrouver, fit-il en se relevant.

Mais ses jambes ne semblèrent pas d'accord avec ça, et il chancela juste après s'être remit debout. Riku tendit instinctivement ses bras, mais Roxas le repoussa dès qu'il le rattrapa, lui jetant un regard noir et méfiant alors qu'il luttait pour ne pas retomber, tremblant de tout ses membres. Les deux Porteurs se fixèrent un moment, avant que Riku ne lui tende doucement une main bienveillante :

- Tu tiens à peine debout. Appuie-toi au moins sur moi pour le trajet. Laisse-moi t'aider.

Le Simili scruta méfiant la paume tendue, puis l'aîné qui le fixait comme implorant d'accepter son aide, avant d'aller finalement s'appuyer sur l'épaule du jeune homme. Alors qu'il levait la main pour assurer une meilleur prise au garçon, ce dernier lui lança un regard perçant et glacial :

- Ne me touche pas.

Comprenant le message, le jeune Maître se contenta d'ajuster son bras pour que Roxas s'y appuie également, et doucement, tous deux quittèrent le Grand Vallon.


Après une lente et longue marche à travers les gorges et les ruelles, les deux Porteurs arrivèrent enfin au quartier général. Riku guida Roxas jusqu'à un fauteuil pour qu'il se repose, le temps d'aller chercher les autres ; il lui proposa à nouveau une main aidante pour s'asseoir, mais l'adolescent l'ignora royalement et s'installa un peu maladroitement, s'enfonçant dans le dossier l'air épuisé. L'aîné s'apprêta à aller chercher un de leurs amis pour débuter les explications ; mais voyant le regard perdu du garçon errer dans la pièce, il décida d'y couper. Prenant une chaise pour s'installer en face du Simili, ils s'échangèrent silencieusement un regard avant que le Maître ne prenne la parole :

- Roxas, te souviens-tu d'autre chose à part ton combat avec Saïx ? Un détail, quoi que ce soit ?

L'adolescent le fixa froidement, muet, avant de répliquer d'un ton fatigué :

- Non. Rien du tout. Juste que… c'est comme si je m'étais endormi sans trop savoir quand.

- D'accord. Tout d'abord, Saïx est reparti sans plus de mal et toi et Axel vous en êtes sortis sans séquelles.

- Ça je sais, le coupa sèchement Roxas. T'as pas autre chose à m'expliquer ou t'avais oublié ?

L'aîné secoua la tête, avant de baisser les yeux, hésitant. Il ferma les paupières, soupira et releva son regard turquoise bienveillant vers le jeune homme :

- …Pour être honnête, tu as été gravement blessé lors du combat. On a réussit à te sauver, mais… ce n'est pas toi qui t'es réveillé après ça.

Le Simili écarquilla les yeux, pour ensuite les baisser, songeur :

- …S… Saïx a placé un fragment de Xehanort en m-

- Non !

Sa réplique affolée fit lever le nez de l'adolescent, stupéfait. Riku s'empressa d'expliquer :

- Non, Xehanort n'a rien à voir avec ça… En fait, celui qui s'est réveillé il y a un mois… C'est Sora. Sora s'est réveillé.

Roxas le fixa, abasourdi, puis baissa à nouveau le regard :

- …Oui, bien sûr… Mais att-t'as dit un mois ? fit-il en fixant à nouveau l'aîné.

Le Maître acquiesça lentement, alors que l'adolescent se prenait la tête entre les mains comme désemparé.

- …J'ai dormi pendant un mois ? Mais alors… et Sora ? Comment il a réussi à me ramener ? Qu'est-ce qu'il a dit ? Comment j-

- Calme-toi ! fit aussitôt Riku en le voyant s'affoler. Je vais te dire tout ce que je sais. Mais… je pense que ça va pas te plaire.

Le Simili se figea à cette dernière phrase, mais resta muet. L'aîné inspira alors profondément, puis commença son récit en fixant le garçon droit dans les yeux :

- Quand Sora s'est réveillé, il n'avait aucun souvenir de ce qu'il s'était passé. Ni de sa dernière soirée, ni de votre rencontre dans le monde numérique, rien du tout. On a pensé que c'était juste parce qu'il… enfin tu sortais d'un gros combat, et qu'il avait besoin de se reposer pour tout remettre en ordre. Maître Yen Sid l'a renvoyé s'entraîner au Colisée le temps que ça se tasse, mais… d'après notre dernière conversation, rien ne lui revenait. Et pour ce qui s'est passé aujourd'hui, j'allais au bureau d'Ansem quand j'ai entendu un combat près de la brèche. Quand je suis arrivé, tout ce que j'ai vu était Donald et Dingo à terre, et… et Sora, changé en une espèce de Sans-cœur. J'ai à peine eu le temps de réagir qu'il a fuit droit vers le Grand Vallon, et quand je l'ai enfin rattrapé… c'est toi que j'ai trouvé. Et tu connais la suite. C'est tout ce que je sais.

Riku s'arrêta enfin, attendant la réaction de Roxas. Ce dernier fixa le sol, comme assimilant lentement toutes les informations. Puis, dans un souffle, il murmura :

- Non-Forme…

- Pardon ?

L'adolescent releva ses yeux vers lui, son regard toujours froid teinté d'une légère appréhension :

- La Non-Forme. Tu te souviens des Fusions de Sora ? La Non-Forme en est une… enfin, je crois. Tout ce que je sais, c'est que parfois, la Fusion ne se passe pas bien et Sora est alors submergé par… par ses Ténèbres. Et c'est ça la Non-Forme. Une créature qui se réveille et détruit tout sur son passage jusqu'à ce que la Fusion s'arrête ou que Sora parvienne à reprendre le dessus.

Riku écarquilla les yeux à ces révélations, avant de se prendre le menton d'un air songeur :

- Donc… Sora aurait raté sa Fusion, déclenché cette "Non-Forme" et ce faisant a de nouveau inversé vos places…

- Je sais pas, répliqua un peu sèchement Roxas. Tout ce dont je me souviens, c'est le Grand Vallon, moi, Saïx et… Axel !

Étonné par le ton subitement enjoué de l'adolescent, l'aîné releva les yeux pour le voir se lever d'un bond et se précipiter vers la porte ; en se retournant, le Maître comprit que c'était à cause de l'arrivée de l'apprenti, qui remarquait enfin la présence des deux autres Porteurs :

- Ah, t'es revenu S… Mais qu'est-ce que ?

Sans prêter attention à ce qu'il disait, le jeune garçon s'était instinctivement blotti contre lui, enserrant fort sa taille de ses petits bras. Surpris par cette réaction inattendue, l'adulte resta les bras en l'air, déconcerté ; l'aîné songea à lui expliquer la situation, mais en voyant l'expression heureuse et soulagée du garçon, il renonça à interrompre ce moment. L'adolescent finit par rouvrir des yeux brillant de joie vers son ami :

- Axel, je suis si content que tu ailles bien !

L'apprenti allait demander d'où venait cette soudaine attention quand il comprit qui lui parlait. Fronçant les sourcils, il prit le garçon par les épaules et se pencha pour le fixer droit dans les yeux :

- R… Roxas ? C'est bien toi ?

Son ami hocha vivement la tête, rayonnant d'un sourire. Axel écarquilla les yeux, puis les baissa un instant avant de fixer à nouveau le garçon en serrant plus fort ses épaules :

- Pourquoi tu m'as pas écouté ? Tu aurais dû retourner en ville protéger Kairi !

Cette réflexion totalement inattendue déconcerta l'adolescent qui fronça à son tour les sourcils :

- Mais je… Axel, je pouvais pas t'abandonner !

- C'était pas de l'abandon, je t'avais demandé de partir :!

- Et te laisser tout seul avec Saïx ?

- Oui !

- Mais il te voulais du mal ! recula Roxas, incrédule. J'allais pas le laisser faire ça !

- Je gérais la situation ! La Princesse reste la priorité, s'ils mettent la main dessus…

- Mais Kairi ne risquait rien ! Tout le monde était avec elle en ville, et toi t'étais tout seul contre Saïx !

- Et ça aurait dû le rester !

- Tu veux dire que tu préférerais risquer ta vie pour rien ?

- C'était pas pour rien ! rugit Axel. J'essaye de vous protéger tout les deux !

- Et moi aussi ! Je veux pas qu'il t'arrive quelque chose !

- Il m'est rien arrivé ! Alors que toi t'as failli mourir ! Tu te rends compte d-

- Et toi tu te rends compte que tu es mort pour moi ?

Cette claque médusa Axel, avant qu'il ne réplique furieux :

- Ça n'as rien à voir ! J'étais un Simili et tu avais disparu en Sora ! Je voulais pas qu'il lui arrive quelque chose parce que je croyais que ça allait te faire disparaître toi ! J'ai juste-

- T'es juste mort pour rien parce que tu croyais que j'existais encore !

- Comment tu peux dire ça alors que t'es là juste devant moi ?

- Parce que Sora a fichu je sais pas quoi dont il se souvient même pas en pensant que j'ai ma place ici !

- Parce que toi tu veux rester dans son cœur pour toujours, c'est ça ? C'est ce que tu veux ?

- J'ai p-

- Alors t'essayes de te suicider en me faisant croire que c'est un sacrifice pour me sauver, c'est ça ? Tu veux juste en finir, hein ?

Roxas écarquilla les yeux d'horreur :

- Non ! Mais je voulais pas te perdre une nouvelle fois !

- Ah parce que môssieur crois qu'il est le seul à avoir perdu ses amis ?

- Arrête avec ça !

- Alors toi arrête d'en faire qu'à ta tête et fais-moi confiance !

- Comme quand tu m'as menti, c'est ça ? Que tu m'as tout caché pour me garder là où il y avait plus rien pour moi et que t'as rien voulu me dire quand j'avais besoin d'un ami en qui avoir confiance ?

Les yeux d'Axel s'étaient soudain enflammés :

- Tout ce que j'ai fait, c'était pour vous protéger ! hurla-t-il de fureur. Je voulais vous protéger, et vous avez refusés de me faire confiance !

- Je crois que c'est plutôt toi qui nous faisais pas confiance ! répliqua aussi sèchement le Simili les poings serrés. Que t'as fait tout ça pour nous garder avec toi même si ça nous faisait mal parce que toi tu étais heureux parce que tu pensais qu'à toi et pas à nous ! Parce que t'es qu'un égoïste et un menteur !

- Et toi tu n'es rien ! Rien qu'un lâche suicidaire qui préférerait disparaître et oublier ses propres amis que de rester avec eux !

Les yeux de Roxas s'étaient écarquillés de stupeur. Et soudain son regard se durcit, d'une dureté que Riku n'avait vue adressée qu'à lui seul, alors que le garçon fixait d'un œil humide et blessé son "ami", la mâchoire si serrée qu'on aurait cru l'entendre craquer.

Puis, sans se retourner, il se détourna du Porteur et rejoignit la sortie, juste quand deux silhouettes familières passaient la porte :

- Il y a quelq… Sora ! Ça va, tu n-

- Fichez-moi la paix.

- Qu… Je peux savoir ce qui te prend ? On a fouillé toute la ville à ta recherche et c'est comme ça que t-

- J'ai dit fichez-moi la paix ! aboya le garçon en repoussant violemment le canard.

Et il s'engouffra dans les ruelles. Donald et Dingo allaient le rattraper quand Riku les arrêta :

- Laissez-le.

- Mais Sor-

- Justement. Il n'est… c'est pas Sora, répliqua l'aîné en fixant l'adolescent au loin.

Le magicien allait ouvrir la bouche quand ils comprirent. S'échangeant un regard déconcerté, ils fixèrent tour à tour le Maître et l'apprenti, pour aussitôt remarquer son expression furieuse. Comprenant que quelque chose de grave était arrivé, ils ne purent que regarder disparaître le garçon, atterrés.


Dingo jeta un regard inquiet à Roxas qui leur tournait le dos dans son siège. Au poste de pilote, Donald tenait fermement les manettes, concentré sur leur destination, mais déviant régulièrement le regard pour jeter des coups d’œil à l'adolescent, son air contrarié devenant alors soudainement préoccupé.

Ils avaient à peine eu le temps de digérer le fait que Sora avait de nouveau disparu dans son cœur après l'épisode de la Non-Forme qu'ils devaient retourner à la Tour Mystérieuse. Yen Sid avait expressément demandé à être informé du moindre changement avec Sora ou Roxas, et c'était ce pourquoi ils revenaient. Même si, en toute honnêteté, le duo aurait préféré laisser le garçon en paix et découvrir eux-même pourquoi leur ami s'était encore volatilisé après ce combat.

Une sonnerie retentit soudain, les faisant sursauter ; le Simili ne sembla même pas l'entendre et resta à regarder fixement l'univers derrière le dôme vitré. Réalisant que c'était un appel, le magicien décrocha :

- Ici le Gummi, qui est là ? fit-il grincheux.

- Jardin Radieux au Vaisseau Hautvent, Ienzo à l'appareil, répondit la voix familière du scientifique.

Un silence se fit dans la cabine, alors que le duo se remémorait leur dernière conversation s'étant achevée sur le départ furieux de Sora. Mais Dingo reprit la parole :

- Bonjour Ienzo, est-ce que… il y a du nouveau pour le code ? demanda-t-il, scrutant la réaction de Roxas toujours impassible.

- En un sens, oui.

Les deux amis se figèrent, puis fixèrent l'adolescent ; mais lui resta à regarder le ciel, profondément indifférent.

- T'as trouvé le mot de passe ? avança Donald, espérant que Roxas réagisse enfin.

- Non, malheureusement, fit l'adulte navré. Mais j'ai peut-être découvert quelque chose qui nous permettrait de le découvrir ou au moins de faire avancer nos recherches sur Roxas.

Là, le garçon tourna un peu la tête vers le communicateur, vaguement attentif ; mais l'éclat froid de ses yeux démontrait qu'il n'avait que peu d'intérêt, alors qu'il reportait son regard sur la vitre. Espérant le faire réagir davantage, le chevalier poursuivit :

- Qu'est-ce que c'est ?

- En fait, c'est plus une demande que j'ai à vous faire qu'une découverte réelle, admit le scientifique.

Intrigués, le duo tendit l'oreille :

- J'ai récemment appris que durant l'année où Sora était en stase, mon maître a déplacé sa capsule pour le mettre à l'abri de l'Organisation XIII et a construit un laboratoire au même endroit. L'ordinateur qui s'y trouve est l'objet de ma demande. Cet ordinateur renferme de toute évidence ses recherches de l'époque et sans aucun doute plusieurs documents concernant Roxas. Je souhaite que vous vous rendiez là-bas et que vous établissiez une connexion entre cet ordinateur et celui du Jardin Radieux, afin que j'y récupère les données. Je ne peux le programmer moi-même car je dois rester ici pour autoriser l'accès.

Les deux amis se regardèrent, un peu inquiets d'avoir à bidouiller un ordinateur tout seuls tandis que Roxas poussait un soupir dédaigneux.

- …D'accord, on veut bien essayer, acquiesça Dingo.

- Très bien. Ne vous en faites pas, je vais vous transférer des instructions simples afin que nous ayons d'abord une communication directe, et d'ici là je vous guiderai pour programmer la connexion.

- OK, si c'est que ça, ça devrait être facile, marmonna Donald. C'est où qu'on doit le chercher ton ordi ?

- J'ignore sa localisation exacte, mais je sais sur quel monde il se situe : la Cité du Crépuscule.

Les yeux de ciel de Roxas s'écarquillèrent.


Les rayons du couchant baignaient de leur chaleur le clocher de la gare. Alors que les rais du crépuscule éclairaient doucement les lieux, trois silhouettes familières sortirent de la station, l'une d'entre elles beaucoup plus timide que les deux autres.

Dingo se rapprocha de la rue de la gare, mais s'arrêta avant de s'y engager. Donald qui s'était beaucoup plus avancé s'arrêta tout autant, avant qu'ils ne se tournent de concert vers la frêle silhouette qui fixait sans ciller le couchant depuis le balcon de la place. Les deux amis échangèrent un regard inquiet, puis le chien alla vers Roxas figé dans sa contemplation, se tordant un peu les mains :

- Dis, Roxas… fit-il très doucement, hésitant.

Un très léger mouvement de tête lui fit comprendre que l'adolescent l'avait entendu, même s'il ne le regardait pas.

- Tu sais, on peut prendre le temps de visiter avant d'aller au manoir si tu veux… ou on peut te laisser tranquille en ville pendant qu'on s'en occupe, si tu préfères.

Seul un lourd silence lui répondit. Le garçon resta à fixer le ciel orangé sans un mot, alors que le canard s'avançait à son tour, mains sur les hanches. Donald se racla la gorge, avant d'ajouter d'un ton compréhensif mais néanmoins légèrement impatient :

- Je comprends que t'ai besoin de réfléchir, mais il faut que tu te décides pour qu'on s'organise au lieu de faire avec toi qui improvise sans prévenir !

Le garçon au visage levé vers les cieux baissa alors quelque peu la tête, comme s'il réagissait enfin et pas de la bonne manière. Les deux amis se figèrent, attendant la réplique désagréable qui allait suivre : mais à la place, l'adolescent tourna très légèrement la tête vers eux, sans croiser leur regard :

- Dingo… tu as toujours la bourse que vous a donné le Roi ?

Le chevalier leva un sourcil, avant de comprendre et plonger la main dans sa poche, remettant l'objet au jeune homme. Ce dernier le contempla un moment, comme indécis, puis reporta son attention sur le soleil couchant. Les deux amis attendirent sa réponse, avant que Donald ne décide de tirer Dingo à l'écart pour lui parler.

Ignorant la discussion un peu houleuse qui s'ensuivit, Roxas resta face au crépuscule, serrant dans sa paume la petite bourse réplique de celle d'Olette. Baissant un instant les yeux, il observa le sac de tissu et laissa ses doigts palper doucement la matière, se demandant s'il y avait encore les munnies gagnées pour la plage. Une forme plus imposante se dessina soudain sous son pouce ; intrigué, il défit doucement les liens de tissus et laissa glisser son contenu dans sa paume.

Une sphère y roula alors, figeant l'adolescent qui la reconnut : c'était le cristal bleu incrusté dans le trophée de Struggle.

Voulant l'observer de plus près, il approcha un peu trop vite sa main et fit glisser la boule qui chuta ; dans un réflexe, il la rattrapa de justesse entre ses paumes, avant de délicatement la lever devant ses yeux de ciel.

Alors la lueur du crépuscule transperça la matière cristalline, illuminant de ses rais les discrets motifs entrelacés finement gravés dans la surface bleue vitrée. Roxas laissa ses iris s'emplir de ce spectacle, repensant à ce bref instant où il s'était presque sentit à nouveau lui-même, ce jour où Sora, alors encore à la recherche de Riku et ayant tout juste appris l'enlèvement de Kairi, était revenu à la Cité du Crépuscule et avait tenu à son tour le cristal jumeau du trophée dans la Lumière du couchant.

Mais ce jour était révolu, tout comme l'époque où il avait été un garçon comme les autres, à vivre un faux été dans une cité qu'il ignorait virtuelle. À avoir des amis avec qui rire, passer le temps avant la fin des vacances et le retour à la vraie vie… ou plutôt au cœur d'où il était né et devait revenir.

Baissant les yeux et le cristal, Roxas le garda un instant contre lui, comme indécis, avant de se tourner vers la place. Les lieux… non, toute la Cité du Crépuscule éveillait une sensation lointaine, comme un souvenir parti qui refuse de disparaître de la mémoire de son détenteur. Il avait bien compris ce qu'avaient proposé Donald et Dingo, pourtant…

En fait, il ne savait pas quoi faire. Il souhaitait, il voulait vraiment rester ici aussi longtemps qu'il le désirait, pour l'éternité… mais…

Quelque chose d'autre s'était niché dans sa poitrine. Une sensation dérangeante, comme… un malaise.

Divisé entre cette douce nostalgie et cet inconfort étrange, le Simili parcourut sans but l'esplanade de la gare, indécis. Sans qu'il ne sache pourquoi, une impression troublante s'empara de lui. Comme s'il n'aimait pas cet endroit… pour une raison qui lui échappait aussi vite qu'une pensée perdue dans le flot de conscience.

Comme s'il fixait un lieu… de deuil et de bataille.

Un frisson anima soudain tout le corps de l'adolescent, alors que son souffle s'accéléra et que des sueurs froides lui parcoururent l'échine. Fermant très fort ses paupières pour échapper à cette sensation d'étouffement, le Simili crut presque entendre dans le lointain des éclats de lames et de Lumière… avant de rouvrir les yeux pour mettre fin à ces hallucinations incompréhensibles.

L'espace d'une très brève seconde, il crut distinguer deux silhouettes noires agenouillées sur les marches de la gare et des bris cristallins s'envoler vers les cieux… avant que le crépuscule n'éclaire le pavé vide de toute apparition, tandis que Donald et Dingo discutaient encore.

Figé par cette expérience inquiétante et inexplicable, Roxas mit quelques secondes à retrouver ses esprits, le corps soudain gelé. Il fixa le sol, désorienté, puis secoua la tête et descendit sans attendre la rue de la gare.

Nostalgique ou pas, il n'aimait pas être ici. Plus vite ils en auraient fini avec ce satané ordi d'Ansem, mieux ce serait.

Parcourant lentement l'allée, il laissa son regard se perdre sur les passants poussant de lourdes charges ou vivant leur vie, tournant à peine la tête à la remontrance de Donald qui le gronda encore pour être parti sans prévenir. Le Simili savait très bien qu'il aurait dû signaler qu'il avançait, mais n'en avait eu aucune envie ; en toute honnêteté, il aurait peut-être même préféré y aller tout seul. S'attardant inconsciemment sur les affiches publicitaires (en particulier celles du tournoi de Struggle annuel), il laissa le duo le dépasser, alors qu'ils ne savaient que faire entre rester à proximité le surveiller ou garder une certaine distance.

- Hé ! Sora ! Donald ! Dingo !

Roxas se figea. Puis, lentement, il tourna les yeux vers l'adolescent blond et ses deux inséparables amis qui l'avaient appelé.

Hayner, Pence et Olette arrêtèrent leur course à hauteur de Sora, souriant au garçon qui les fixait d'un regard écarquillé.

- Comment ça va depuis la Cité virtuelle ? Vous avez l'air en forme ! lança le chef de la bande.

- Ça fait plaisir de vous revoir ! On était un peu inquiets, mais on avait confiance en vous ! sourit la brunette en se penchant vers eux.

- Euh… y'a un problème ? fit alors le garçon aux cheveux noirs en levant un sourcil.

Muet, l'adolescent ne sut quoi dire, quoi faire à part contempler le trio qui passait de l'enjouement à l'inquiétude.

Ils étaient .

Ils étaient tout les trois là devant lui, à lui parler et à prendre des nouvelles comme s'ils avaient toujours été proches, comme s'il leur avait manqué.

Ses trois amis étaient là juste devant lui, et tout ce qu'il trouvait à faire était de les fixer comme un imbécile.

Roxas sentit sa lèvre trembler étrangement, comme s'il voulait dire quelque chose sans savoir quoi, alors qu'une sensation de picotement lui prenait les yeux et le nez et qu'une douce chaleur étreignait sa poitrine. Il eut vaguement conscience d'un bruit de pas avant qu'une figure en vert n'apparaisse dans son champ de vision :

- Bonjour les amis, on est contents de vous revoir aussi ! fit Dingo en les saluant de la main.

- Oui, super contents ! renchérit Donald en passant sous le nez du Simili.

Cela fut suffisant pour que l'adolescent se reprenne et ne rajoute un banal :

- O-Oui, ça va…

Le trio de la Cité s'échangea brièvement un regard, avant de reporter leur attention sur le garçon, troublés :

- Tu es sûr, Sora ? Tu nous as regardé un peu… bizarrement, s'inquiéta le blondin.

Le fait d'être appelé par son être d'origine choqua un très bref instant le Simili, mais il se reprit en se souvenant qu'il était sous couverture et lança en se grattant l'arrière du crâne, un peu maladroit :

- Oh si si, c'est juste que… ça faisait longtemps qu'on s'était pas vus alors… Vous voyez ?

Le trio sembla intrigué, mais oublia rapidement leur inquiétude :

- C'est sûr ! Surtout depuis l'épisode de la Cité du Crépuscule virtuelle ! lança Hayner en serrant un poing enthousiaste.

- Kairi nous a dit que tout s'était bien passé et que vous aviez pu vous retrouver de l'autre côté, ajouta Olette.

- K… Kairi vous a…

- Oui, elle est passée nous voir il y a quelques mois ! expliqua Pence. Elle a aussi expliqué que vous étiez très occupés et que c'est pour ça qu'on vous avait pas revus depuis.

- Oh… désolé pour ça, s'excusa Dingo en se grattant la tête.

- C'est pas grave, l'important c'est que vous alliez bien ! les rassura le garçon au bandana.

- On aurait quand même pu vous donner des nouvelles, marmonna Donald en croisant les bras.

- Oh, si c'est que ça on a qu'à échanger des adresses électroniques !

- Hein ?

- C'est des adresses informatiques pour s'envoyer des messages. Allez, me dites pas que vous avez jamais envoyé de message électronique ! fit le noiraud, l'air déçu de leur ignorance.

- Ah, tu veux dire comme s'envoyer des lettres sauf que c'est d'un ordinateur à un autre ? devina Dingo.

- Exactement !

- Mais comment on va s'en trouver une ? fit Donald déjà perdu.

- Oh vous en faites pas, je m'en suis déjà chargé ! renchérit l'adolescent en sortant un calepin. Kairi en avait demandé pour vous, pour qu'on puisse se contacter même si vous venez pas ! Tiens, regarde Sora : les trois premières c'est nos adresses à nous, et celle qui reste c'est la tienne ! conclut-il en donnant une page déchirée au jeune homme.

Un peu perdu entre son interaction maladroite et ces "adresses ordinateur", Roxas parcourut rapidement la feuille, ne pouvant s'empêcher d'être amusé par les noms de "superstruggleur" et "mystèresdelacité", avant de lire le dernier de la liste.

Et tout s'arrêta.

Donald et Dingo qui avaient remercié le pro d'informatique pour son aide tournèrent leur attention vers l'adolescent, pour le voir pétrifié, ses yeux écarquillés rivés sur une ligne précise. Juste quand ils voulaient demander si tout allait bien, le garçon releva lentement la tête vers le trio pour dire, abasourdi :

- Vous… vous vous souvenez de moi ?

- Pardon ? fit Hayner.

Sans rien dire, il tourna la page vers eux, les laissant découvrir ce qu'il s'y trouvait. La dernière adresse n'était composé que d'un mot.

Roxas.

- Oh, c'est bizarre Sora, j'aurai juré que j'avais écris ton nom, s'étonna Pence.

Une brève seconde, le visage du Simili se décomposa. Puis il se souvint, et fixa à nouveau le papier d'un air pensif.

- Roxas… C'est bizarre, fit Olette en se grattant la joue.

- Je sais pas pourquoi, mais ça me dit quelque chose, fit Hayner en se prenant le menton.

L'adolescent leva aussitôt le nez vers lui, les yeux brillants. Sans attendre, il demanda d'une voix tremblante :

- E-Est-ce qu… vous vous souvenez de lui ? Vous vous en souvenez ?

Le trio fixa le vide un instant, réfléchissant intensément, avant de tourner un regard désolé vers le jeune homme :

- Non… pas que je sache.

Une ombre envahit le visage du garçon, avant qu'il ne baisse à nouveau les yeux, un douloureux étau compressant maintenant sa poitrine. Alors que Pence continuait de marmonner dans sa barbe le nom de l'inconnu, le chef de la bande leva une main navrée vers lui :

- On est désolés, Sora. C'est quelqu'un que tu connais ?

Le Simili resta muet, avant de secouer la tête en déclarant sombrement :

- Oui… mais c'est pas important.

Cette réaction inquiéta Donald et Dingo, jusqu'à ce que ce dernier ne s'écrie :

- Attendez ! Je crois que je peux vous montrer qui c'est !

Le groupe le regarda farfouiller dans sa poche, pour froncer les sourcils et se mettre à retourner tout ses rangements en éparpillant leur contenu au passage.

- Mais qu'est-ce que tu cherches ? fit le canard.

- La photo de la bande d'Hayner ! Tu sais, celle qu'on a eu de Riku !

- Une photo de nous ? s'étonna le chef.

- Oui, une avec vous trois devant le manoir abandonné pas loin d'ici !

- Tu veux pas dire celle-là ? fit Pence en leur montrant un cliché sorti de sa poche.

Le duo jeta un œil à l'image, avant d'acquiescer :

- Oui, comme celle-là, mais avec en plus Roxas avec vous ! Mais enfin, où j'ai pu la mettre ?

- T'es sûr que tu l'avais sur toi ? demanda Donald. Eh R-Sora, tu veux pas nous aid… Mais où il est encore passé ?


Arrivant enfin à la place du tram, Roxas s'arrêta un instant, les poings crispés. Il remarqua un peu tard qu'il avait ainsi froissé le papier d'adresses donnés par Pence, et fourra la note dans une poche sans prêter attention à l'autre feuille plastifiée qu'il y sentit avant de se tourner en direction du manoir, une grosse boule dans la gorge.

Il aurait s'en douter. C'était impossible qu'Hayner et sa bande aient le moindre souvenir de lui. Lui en avait de très vifs, mais c'était uniquement grâce à ses courtes vacances dans la Cité virtuelle, et les rares fois où il avait observé de loin le trio vivre leur vie d'adolescents normaux, perché au sommet du clocher. Il y avait jamais eu de réel contact entre eux. Pas qu'il sache…

Perdu dans ses pensées, Roxas laissa son regard parcourir la place du centre-ville ; le tram y circulant était toujours là, tout comme les boutiques d'accessoires et d'armures. Il regarda mélancolique le magasin trônant au milieu de la place, s'attardant sur l'enseigne de confiserie à demie cachée par celle des Mogs en repensant à la vieille dame à qui il achetait les glaces à l'eau de mer après chaque fin de mission…

Tout était pareil, et en même temps il y avait un il-ne-savait-quoi de différent, comme si l'endroit changeait sans en avoir l'air…

Manquant de trébucher dans un large trou de pavés délogés, l'adolescent s'engagea un instant sur le chemin du tram, passant devant un cul-de-sac où s'amoncelait des débris en pagaille. Il s'en souvenait, une des petites annonces demandait justement de l'aide pour déblayer les dangereuses ordures et Sora s'y était fréquemment essayé, parvenant même une fois à accomplir sa tâche en un seul coup de Keyblade.

Sans trop savoir pourquoi, Roxas s'arrêta pour contempler l'allée sans issue. Quelque chose l'intriguait… Plus il fixait l'endroit, et plus il jurait y voir des silhouettes sombres s'y mouvoir furieusement comme en plein combat. Et l'une d'elles restait immobile, comme prise au milieu sans comprendre…

Une migraine lui vrilla subitement le crâne, le forçant à se tenir la tempe alors qu'un soudain éclat de lumière vint éblouir son œil, l'obligeant à clore sa paupière. Une terrible sensation le fit frissonner tandis qu'une boule lui noua l'estomac et les intestins ; un simple regard vers l'allée lui fit remonter le cœur dans la gorge, et il s'empressa de partir pour dissiper au plus vite ce sentiment malaisant.

Atteignant enfin le mur séparant le manoir de la ville, le Simili remarqua que la brèche menant au bois était fermée par des barrières de travaux, comme si quelqu'un avait décidé de boucher l'endroit ; ce qui était stupide, car si on le fermait, comme pourrait-on se rendre jusqu'au manoir abandonné ?

- Ah ben te voilà !

Le garçon se retourna sans surprise vers Donald et Dingo qui le rattrapaient enfin. Le magicien freina sa course juste devant lui et s'exclama :

- C'est pas parce que t'as pas décidé quoi faire que tu peux partir tout seul sans prévenir ! C'est dangereux, et le Roi a dit qu'on devait rester ensembles si jamais l'Organisation réapparaissait !

Pour toute réponse l'adolescent leva les yeux au ciel et se retourna vers la brèche, comme voulant aller au manoir sans attendre. Agacé par cette réaction, le canard mit les mains sur les hanches en tapant du pied, alors que son camarade s'avançait vers Roxas :

- Tu sais bien qu'il faut qu'on soit prudent, dit-il doucement. On comprend que ça te fasses tout chose de revenir ici, mais… Il faut aussi qu'on agisse en équipe. C'est important, tu comprends ?

Le garçon ne répondit pas, mais finit par soupirer et hocher la tête sans les regarder, puis enjamba la barrière et disparut dans la brèche. Le duo s'échangea des regards exaspéré pour l'un, inquiet pour l'autre, et le rejoignit de l'autre côté.


Arrivant dans les bois, le groupe remarqua très rapidement une étrange traînée de fruits au sol, tel une piste de cailloux blanc.

- C'est quoi ce… marmonna Roxas en suivant la ligne des yeux.

Les trois camarades la suivirent jusqu'à un arbre, et un bruissement de feuille leur fit lever le regard vers les hauteurs pour découvrir une ribambelle de créatures ténébreuses semblant très intéressés par une branche.

- Des Sans-cœurs ! s'écrièrent-ils en chœur.

- Mais qu'est-ce qu'ils fabriquent ? se demanda le garçon.

- Peu importe, ils ont rien à faire là ! décréta le canard en atomisant l'un des Primates Costauds qui avait réagit à leur présence.

Sans perdre de temps, les trois guerriers dissipèrent rapidement le petit groupe de monstres arboricoles. Alors qu'ils révoquaient leurs armes, Donald s'écria :

- Oh, regardez ! fit-il en pointant une minuscule figure descendant de la branche.

Ses deux compagnons se retournèrent alors pour découvrir un jeune rat à la fourrure d'un gris bleuté s'avancer vers eux, une lueur de reconnaissance dans ses petits yeux marron :

- Ah, c'est donc à lui qu'ils en voulaient, déduisit l'adolescent à demi surpris de voir un rat être la proie de Sans-cœurs.

- C'est dangereux par ici, petit rat ! fit Dingo en levant un doigt moralisateur. Tu devrais vite rentrer chez toi avant que d'autres monstres n'arrivent !

Étonnamment, le rongeur sembla comprendre et hocha la tête. Roxas leva un sourcil, mais reprit rapidement sa route en se disant qu'un rat familier des humains n'était pas la chose la plus étrange que lui ou Sora avaient pu croiser dans leur courte existence… Mais alors qu'il se dirigeait vers le sommet de la colline, un très léger poids sur sa poche arrière puis sa capuche l'interpella avant qu'une chose inconnue n'agrippe ses cheveux.

Soudain son corps fit une embardée malgré lui, comme obéissant à des fils menés par une main invisible ; dans un pur réflexe défensif, Roxas balaya l'air au-dessus de sa tête, heurtant quelque chose et manquant de se vautrer par terre.

- Est-ce que ça va ? fit Dingo inquiet.

Retrouvant ses esprits, l'adolescent répliqua un peu déboussolé, avant de fixer la chose toujours suspendue à son gant : le même petit rat que tout à l'heure, qui semblait bien surpris de se trouver ainsi désarçonné.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Donald.

- Je sais pas, c'est ce rat qui… Hé !

Pendant qu'il essayait d'expliquer, le petit rongeur accroché à sa mitaine était remonté sur sa main et grimpait le long de sa manche pour à nouveau se percher sur sa tête. Pour la seconde fois l'adolescent sentit ses membres bouger contre son gré, et alors que son bras se baissait vers une pomme abandonnée par terre, il parvint à lever son autre main vers son crâne et saisir le rongeur pour le retirer de ses cheveux, s'arrachant quelques mèches au passage.

- Je peux savoir ce que tu trafiques ? rugit-il en foudroyant le rat du regard.

- Roxas, tu vas lui faire mal ! s'écria aussitôt Dingo.

- Mais c'est lui qui fait je sais pas quoi ! se défendit le jeune homme.

- Attends… peut-être qu'il veut juste que tu ramasses les fruits ! s'écria Donald après avoir observé tour à tour le rat et la pomme toujours dans les mains du garçon.

À ces mots, le rongeur sourit et hocha vivement la tête, sous l'air confus du Simili :

- Quoi ? C'est pour ça qu'il me tirait les cheveux ? gémit-il en acceptant de lâcher l'animal qui se redressa dans sa paume.

Le rat fit la tête, ce à quoi Roxas répondit agacé :

- C'est pas très agréable quand quelqu'un se met soudain à te contrôler comme une marionnette, tu sais ? Tu pouvais juste me demander.

Le rongeur sembla comprendre et afficha une mine désolée, avant de reporter son attention sur les fruits éparpillés au sol. Comprenant qu'il ne voulait pas s'en aller avant d'avoir ses fruits, le groupe s'empressa de les lui ramasser. Fixant tour à tour la pile ainsi faite et le rat, le garçon leva un sourcil :

- Et tu comptes faire quoi avec ça ? Des réserves ?

Le rongeur secoua la tête et leur mima quelque chose. Roxas le fixa, confus ; il voulait dire…

"Tchac-tchac" ?

Trancher !

Faire du karaté magique !

Lacérer.

Découper ?

L'adolescent secoua la tête, sans comprendre, alors que le rat abandonna l'idée de leur expliquer. Laissant le petit rongeur rentrer chez lui avec ses fruits, le groupe parvint enfin devant le portail du manoir.

Une sensation désagréable tordit l'estomac de Roxas, tandis qu'il fixait la bâtisse en fronçant les sourcils ; son regard se posa un instant sur la fenêtre aux rideaux blancs de l'aile gauche, et une impression de vide se creusa dans sa poitrine. L'espace d'un instant, il crut apercevoir une silhouette blanche familière l'épier derrière la vitre… puis l'image s'évapora aussi vite qu'elle était venue.

Réalisant ce qu'il s'était passé, le Simili cligna des yeux… puis, sans un mot, poussa les lourdes grilles et pénétra sur les lieux qui l'avaient vu naître et disparaître.


L'intérieur était toujours aussi délabré, mais quelques traces dans la poussière prouvaient d'un passage relativement récent. L'adolescent fixa ces marques, semblant savoir d'où elles provenaient, avant de se diriger vers l'étage ; mais un détail le fit soudain ralentir.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Donald en se retournant.

Restant muet un instant, le visage froncé comme concentré, il finit par déclarer :

- …J'ai entendu quelque chose.

Les deux amis levèrent un sourcil, mais ne purent questionner davantage le garçon qu'il les poussa derrière un meuble et leur fit signe de se taire. Rapidement, des pas et des voix retentirent non loin. Roxas prépara sa Keyblade, puis bondit hors de sa cachette en brandissant son arme pour se retrouver nez-à-nez avec une, ou plutôt trois figures familières :

- …Hayner ? Pence ? Olette ? Qu'est-ce que vous faites là ?

- Et toi qu'est-ce que tu fais à nous attaquer ? répliqua le chef en baissant ses poings levés en auto-défense.

- Donald et Dingo nous ont dit pourquoi vous étiez là, répondit la jeune fille en aidant un Pence tombé à la renverse de surprise. On voulait aider.

Roxas écarquilla les yeux, avant de dissiper Souvenir Perdu en fixant le sol, penaud :

- Oh… Pardon, je vous ai pris pour des ennemis, fit-il sincèrement désolé.

- C'est nous qui devrions nous excuser, on aurait dû vous prévenir, répondit sans rancune le garçon au bandana. Et vous aurez plus de chance de faire marcher cet ordinateur avec un pro comme moi !

La mention de la machine fit frémir le Simili, mais il se força à rester neutre et hocha la tête, avant de se diriger à nouveau vers le laboratoire secret.

Lorsque le groupe atteignit la bibliothèque et son accès caché, Roxas marqua une pause, fixant l'escalier plongeant dans les profondeurs du manoir. Donald et Dingo s'arrêtèrent à leur tour pour le regarder, l'un intrigué, l'autre préoccupé. L'adolescent resta figé, contemplant les marches s'enfonçant dans l'obscurité. Le chevalier leva une main vers lui pour lui parler quand il les dépassa soudain et s'engouffra d'une traite dans le passage. Quelques peu déconcertés par cette attitude contradictoire, le duo se dépêcha de suivre, rejoignant le trio dans la salle informatique. Pence était déjà installé et pianotait pour allumer la machine, pressé par ses deux amis et surtout Hayner d'activer le transporteur et rejoindre l'autre Cité.

Roxas, lui, était resté bien en retrait, muet, ses yeux dardés sur l'amoncellement d'écrans. Il était figé, fixant le transporteur éteint d'un regard horriblement froid et vide. On aurait dit que toutes les couleurs avaient quitté son visage, jusqu'à celles de ses iris rivés sur l'engin en face de lui comme s'il allait se jeter sur les écrans et tout détruire.

Mais il n'en fut rien. Son regard glacial se contenta de fixer sans émotion l'ordinateur alors qu'il approchait le trio occupé sur la machine :

- Alors tu l'allume ce transporteur ? Je veux voir cette autre Cité du Crépuscule ! s'impatienta le chef.

- Attends, faut que je me rappelle le mot de passe, répliqua Pence en se grattant la tête.

- C'était pas, médita Olette… "glace à"…

- Glace à l'eau de mer, dit froidement le Porteur.

Le trio le regarda une seconde, surpris de cette réponse glaciale, mais l'ignora tandis que le garçon au bandana ouvrait les données. Tandis que Donald et Dingo lui passaient les instructions d'Ienzo pour créer une connexion, le Simili se retira dans un coin de la pièce, croisant les bras.

Il n'aimait pas être ici. Il n'aimait pas du tout être ici.

Il faisait de son mieux pour se contenir et ne pas exploser l'ordinateur comme il en avait fait de son jumeau de la Cité virtuelle, se rappelant chaque seconde toutes les raisons de ne pas le faire pour garder le contrôle : c'était là que se trouvaient toutes ses données, il y avait forcément un journal avec des informations pour déverrouiller le code Ansem, ça allait accélérer le processus pour ramener Sora et peut-être même le ramener lui avec…

Mais, malgré toutes ces bonnes raisons, la boule dans sa gorge continuait de l'étouffer inextricablement. Sa main qu'il avait cramponnée à son bras pour s'empêcher d'invoquer sa Keyblade le serra si fort qu'il interrompit sa propre circulation. Il planta ses ongles dans sa chair pour se faire mal et détourner son attention ; mais cela fonctionna à peine. Mordant sa joue sans plus d'effet, il manqua de s'en arracher un bout quand une main l'effleurant le fit sursauter ; se retournant pour contre-attaquer, il se figea en voyant qui l'avait surpris :

- Eh, ça va ? fit Olette tandis qu'Hayner reculait devant sa réaction.

- T'as vraiment pas l'air dans ton assiette, Sora, ajouta le chef inquiet.

Roxas les fixa, comme stupéfait, puis secoua la tête en se frottant le bras :

- Non, c'est… j'aime pas cet endroit, c'est tout, avoua-t-il en se tournant vers l'escalier.

Ignorant le trio qui avait enfin contacté Ienzo, l'adolescent monta les marches et se dirigea vers la sortie.

Données ou pas, il ne resterait pas ici une seconde de plus. C'était déjà assez frustrant de se retrouver ici juste après avoir échangé une seconde fois sa place avec Sora et s'être disputé avec Axel pour rien, il n'allait pas en plus être obligé de rester dans l'endroit même qui l'avait vu disparaître sans se plaindre !

Alors qu'il poussait les lourdes portes d'entrée, des pas attirèrent son attention :

- Attends ! ATTENDS !

Se retournant vers la voix nasillarde, il lança aussitôt aux deux amis de Sora :

- Fichez-moi la paix ! J'ai besoin de changer d'air !

- On est pas contre ! Mais préviens avant de t'en aller on sait pas où !

- Et bien je vais en ville ! Voilà ! Maintenant que vous savez, lâchez-moi les baskets !

- Mais, et les données…? fit Dingo en se retournant vers l'escalier, préoccupé.

- Pence et Ienzo peuvent très bien se débrouiller tous seuls ! En attendant, moi je vais faire un tour le temps qu'ils finissent de bidouiller leur transfert !

- Et que comptes-tu donc faire de ces données ?

La voix grave et profonde figea le Simili sur place, alors qu'il avait déjà quitté le seuil du manoir. Se retournant lentement vers la silhouette cachée dans les ombres, Roxas écarquilla les yeux d'effroi en découvrant le visage d'un homme imposant, au teint mat et aux yeux orangés perçants derrière des mèches blanches.

- X… Xemnas…


L'homme en noir sourit, d'un sourire mauvais. L'adolescent se crispa, essayant de ravaler la boule qui lui tordait le ventre.

- Eh bien, que nous vaut l'honneur de ta présence, Sora ? fit l'homme d'un ton faussement amical.

Le garçon ouvrit la bouche puis la referma aussitôt, fébrile ; un seul mauvais mot de sa part et il révélerait, non pas à des "amis" qu'il connaissait à peine, mais à leur pire ennemi qui il était vraiment.

- Et surtout, que fais-tu ici, tout seul ? ajouta l'autre silhouette en noir toute aussi hypocritement.

- …J-Je vois pas pourquoi je vous le dirais ! cracha avec détermination le jeune homme. E-Et puis c'est pas plutôt vous qui n'avez rien à faire ici ?

Les deux hommes sourirent sombrement, ce qui donna encore plus envie au garçon de détaler à toutes jambes.

- Tu essayes toujours de ramener Roxas, n'est-ce pas ? fit sombrement le Chercheur.

- N'as-tu pas encore compris qu'il n'a et n'aurait jamais dû exister en premier lieu ?

- Non, c'est faux ! Je…

Le garçon s'arrêta à temps, se mordant la lèvre en essayant de trouver les mots qu'aurait dit Sora s'il avait été là.

- …Il existe, je le sais. Son cœur vit dans mon cœur ! ajouta-t-il en serrant la main au torse.

Ou du moins j'y suis toujours, pensa-t-il pour lui-même. Ses propos ne semblèrent pas affecter les deux hommes :

- As-tu donc oublié qu'un Simili ne peut être créé que lorsqu'un cœur est abandonné aux Ténèbres ? le moqua le Supérieur.

- Ce que tu recherches est impossible. Même si par un "miracle", tu pouvais les séparer, que ferais-tu de lui ?

- Ça ne vous regarde pas ! rugit le garçon.

- Oh que si, avança sombrement le Supérieur. Car après tout… rien ne nous ferait plus plaisir que son retour parmi nous, bien entendu.

Le rictus malsain qui s'étirait sur les lèvres des deux hommes figea le sang dans les veines du garçon. Comprenant ce qu'ils voulaient dire, il s'écria en balayant l'espace :

- Jamais ! Je ne vous laisserais pas… je ne vous laisserai plus le contrôler !

Pour toute réponse, les deux hommes continuèrent de sourire, d'un sourire qui glaçait le sang. Il n'aimait pas du tout ça. Pourquoi étaient-ils ici ? Qu'est-ce qu'ils voulaient ? Soudain il eut envie de partir. De s'enfuir, très vite. Très loin. Là où ils ne pourraient jamais le rattraper.

- Eh bien… c'est ce que nous verrons, conclu sombrement le Chercheur. Mais si jamais tu avais besoin "d'aide" pour le ramener…

- Nous t'assisterons avec plaisir, sourit sombrement le Supérieur.

Cette phrase le glaça encore plus. Cette fois, il devait partir. Partir avant que quelque chose dérape.

- N-Non ! Laissez-moi tranquille !

Et sans un regard en arrière, il tourna les talons et fuit de toute la vitesse de ses jambes.


Roxas ne consentit à reprendre ses esprits que lorsqu'il sentit quelque chose rentrer doucement en contact avec lui, pour réaliser que Donald et Dingo, armes tirées, s'étaient précipités à ses côtés pour le couvrir face à Xemnas. Fixant à nouveau l'homme qui ne semblait pas impressionné par les deux combattants, il inspira profondément pour se calmer et répliqua sans flancher :

- Qu'est-ce que vous faites là ? Et pourquoi je vous dirais quoi que ce soit ?

- Tu as fais tout ce chemin, mais tu es toujours aussi aveugle, déclara une voix sombre derrière eux.

Le groupe se retourna d'un bloc pour voir surgir d'une volute de Ténèbres un autre homme identique au premier, à ceci près que ses cheveux d'acier plaqués sur les tempes se redressaient en une houppette sur son crâne.

- Ansem ! s'écrièrent en cœur les deux compagnons de Sora.

Alors qu'ils se positionnaient pour faire face aux deux adversaires tout en couvrant leur protégé, le Sans-cœur continua sa tirade :

- Tu penses pouvoir faire revenir Roxas, mais tu ne fais que te bercer d'illusions. Vous ne pouvez tout deux coexister ; tu cherches même à ramener un être qui n'existe pas.

- C'est faux ! clama aussitôt Donald en pointant son bâton.

L'espace d'un instant, Roxas crut qu'il allait griller sa couverture dans sa colère, mais le magicien déclara alors :

- Sora et Roxas ont coexistés ! Il a été dans votre Organisation de malheur pendant un an avant qu'il ne revienne dans le cœur de Sora !

- Et tu crois que ceci est une preuve de son existence ? le moqua Xemnas. À ton avis, que se serait-il passé s'ils s'étaient rencontrés avant cela ?

Le canard se contenta de grogner, son bâton fermement serré dans sa main. Satisfait de sa tirade, le Supérieur sourit :

- Un Simili n'est créé que lorsqu'un cœur est abandonné aux Ténèbres, réitéra-t-il. Il n'est qu'un seul et unique moyen de "ramener" Roxas, Sora.

Pointant un doigt vers l'adolescent, poussant Dingo à se poster devant lui le bouclier levé, l'homme déclara froidement :

- Alors… as-tu enfin décidé d'appeler les Ténèbres ?

Sa réplique fit écarquiller les yeux de l'adolescent qui fixa alors le sol, comme perdu. Les deux camarades se regardèrent, puis hochèrent la tête et s'apprêtaient à répondre aux deux Chercheurs quand un rire éclata derrière eux. Ils se retournèrent en même temps pour voir Roxas le visage baissé, ses mèches cachant son regard et les épaules secouées d'une soudaine hilarité. Il rit, d'un rire sombre, amer, inquiétant. D'un rire qui vous glacerait le sang.

Puis, sous le regard déconcerté des deux compagnons, Roxas releva des yeux de ciel vers les deux Chercheurs, et dit d'une voix entrecoupée par les rires :

- Vous… vous me croyez vraiment si stupide ?

Les deux hommes se contentèrent de lever un sourcil, comme intrigués. Ricanant une dernière fois, l'adolescent leva les bras vers eux, fixant tour à tour le Chercheur et le Supérieur, la bouche déformé en un sombre rictus :

- Un Sans-cœur. Et un Simili. De l'exacte même personne, tout deux en face de moi. Vous croyez vraiment que j'allais tomber dans ce piège aussi facilement ? Vous êtes là, à clamer que moi et Roxas ne pouvons exister séparément, alors que vous faites ça tranquillement sans le moindre problème ! Désolé, mais ça marche pas avec moi, fit-il avec une grimace moqueuse.

Les deux Chercheurs se contentèrent de le fixer, muets. Puis Xemnas eut aussi un rictus, comme satisfait :

- Eh bien, soit. Tu te crois capable de sauver Roxas, grand bien t'en fasse.

- Mais lorsque tu sépareras ton cœur du sien, poursuivit Ansem, où le mettras-tu ? Sans corps, un cœur ne peut survivre.

- Ça, ça ne vous regarde absolument pas, déclara le garçon en baissant les bras, son expression devenant froide et acérée.

- Je crains que si, répliqua sombrement le Supérieur. Tu ne comptais pas le piéger à nouveau dans ce monde de données, j'espère ? fit-il faussement préoccupé.

Les yeux de Roxas s'écarquillèrent un instant, avant qu'il ne foudroie le Simili du regard :

- Piège ou pas, c'est là qu'il a pu vivre une vie normale ! C'est là qu'il a pu exister sans devoir se battre tout les jours pour survivre ! Et si c'est le seul endroit où il pourra vivre en paix…

L'adolescent s'arrêta, comme soudain mit face à une terrible décision. Puis il déclara lentement, chaque mot résonnant de résignation :

- …Alors c'est là qu'il vivra. Là où personne ne pourra lui faire de mal.

Un silence s'ensuivit. Puis un soupir hautain d'Ansem le rompit :

- Est-ce que tu t'entends toi-même ? Remettre Roxas à l'endroit même où il a été piégé pour disparaître en toi ?

- Sauf qu'il n'aura pas à disparaître cette fois ! Il pourra vivre ! Et rien ni personne ne l'empêchera de voir ses amis autant qu'il le voudra !

- Tu t'accroches si désespérément à cette idée qu'il existe toujours, le moqua le Sans-cœur. Alors qu'il a cessé d'être le moment où il est retourné dans ton propre cœur !

- C'est faux ! Il existe toujours !

- Et quelles preuves as-tu de son existence ?

- Axel ! Et… Naminé, et Kairi, et… et même Riku, admit le garçon en un souffle.

- Ils n'ont que des souvenirs, le réfuta Ansem. Et les souvenirs, tout comme les personnes, disparaissent facilement…

- C'est faux ! Et il reste la Cité virtuelle ! Elle est la preuve qu'il a existé ! clama haut et fort Roxas.

- Ah, vraiment, fit sombrement Xemnas avec un sourire mauvais… Et bien… Voyons donc si ta "preuve" tient l'épreuve du temps.

Juste à cet instant, un fracas de verre brisé fit lever les yeux des trois combattants, pour voir surgir de la bibliothèque une armada de Reflets semblant transporter quelque chose. Au même moment, des cris percèrent les murs du manoir. Roxas écarquilla les yeux en reconnaissant les voix, et se précipita d'un bond à l'intérieur.

- LES AMIS !

Toutes Keyblades dehors, il se rua au premier étage, défonçant la porte de la salle et sautant à bas des marches. Quelques Sombreurs se mirent sur sa route, mais il les détruisit d'un simple revers de Clé et dévala l'escalier quatre à quatre, sentant le cœur de Sora battre la chamade dans sa poitrine.

Un curieux spectacle l'attendit dans la salle de l'ordinateur : Olette et Pence recroquevillés dans un coin essayaient de se protéger des coups d'un Reflet tandis qu'Hayner tentait courageusement de frapper un Incantateur qui évita ses coups et s'apprêtait à répliquer avec ses cubes magiques. Alors qu'il envoyait valser le chef contre un mur, Roxas fou de rage se jeta sur lui, le tranchant de part en part. La créature survécut néanmoins à l'attaque dévastatrice et répliqua d'un coup de ses armes, forçant l'adolescent à se baisser pour l'éviter. Roxas remarqua alors d'autres Reflets dans la pièce, fortement occupés autour de l'ordinateur et du transporteur. Ce dernier émit soudain des étincelles, et en une explosion fut réduit à un tas de métal électrifié informe.

Un horrible pressentiment saisit soudain Roxas. Se jetant sur les Similis autour de l'ordinateur, il s'empressa de les éliminer aussi vite que possible pour atteindre la machine. Un dur coup dans les côtes de la part de l'Incantateur l'envoya douloureusement contre un mur, le laissant sonné. Reprenant ses esprits, il eut le temps de voir les Reflets arracher l'ordinateur du mur et l'emporter vers l'extérieur sans pouvoir les arrêter. L'un d'eux serpenta dans sa direction, et Roxas s'apprêtait à lever Souvenir Perdu pour se défendre quand il remarqua deux objets au sol.

La photo prise devant le manoir de la fausse Cité du Crépuscule, et la bourse d'Olette.

Elles venaient de tomber de ses poches.

Levant un instant le regard vers le Simili qui s'avançait vers lui, il comprit soudain ce qu'il comptait faire et se précipita pour les récupérer ; mais trop tard. La créature les lui déroba souplement et s'enfuit hors de sa portée, sous les yeux affolés du garçon.

- Non ! Rends-les-moi !

Se jetant à la poursuite du Simili, le garçon esquiva l'Incantateur et grimpa à toute vitesse les marches, juste à temps pour voir le voleur s'échapper par la fenêtre brisée. Le souffle court, l'adolescent fit demi-tour et courut vers l'entrée du manoir, ignorant au passage Donald et Dingo en plein combat contre des Sans-cœurs.

Défonçant les battants, il vit alors, entassés en un tas informe devant les grilles du manoir abandonné, les différentes parties de l'ordinateur, auxquelles s'ajoutèrent la photo et la bourse que le Reflet voleur venait d'y jeter. Ansem qui se tenait devant le tas de ferraille se tourna vers l'adolescent toujours sur le pas de la porte, eut un sourire mauvais, puis se retourna et leva une main vers la masse.

- Non ! NON ! ARRÊTEZ !

Soudain prit d'une impulsion d'énergie, Roxas se rua vers l'homme, bras tendu pour l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Un violent coup dans l'estomac lui coupa le souffle et le plaqua au sol ; sonné, il ne put que se relever péniblement en panique, le visage pétrifié de terreur.

Alors, d'une flamme affreusement noirâtre, Ansem embrasa l'ordinateur.

L'adolescent vit avec horreur le feu ronger le tissu de la bourse, dévorer chaque parcelle de la machine et détruire tout ce qui s'y trouvait. Dans un dernier élan désespéré, il bondit en avant, main tendue pour en sortir quelque chose, n'importe quoi.

Les flammes léchèrent alors la photographie qui s'était envolée sous la chaleur, et devant les yeux horrifiés du garçon consumèrent chaque grain de papier. Quand il parvint enfin au pied du bûcher, il ne restait plus rien. Plus rien que des cendres qui s'envolèrent aussitôt dans la brise, perdues à jamais.

Roxas sentit brièvement une ombre se dresser dans son dos, avant que la voix profonde de Xemnas ne lui murmure à l'oreille :

- Maintenant tu n'existes plus nulle part, Roxas.

Et il disparut.

Sans qu'il ne comprenne pourquoi, tout se figea dans son esprit. Un grand vide se creusa dans sa poitrine, comme un froid glacial qui lui rongeait les os. Puis soudain, une fureur intense brûla d'enfer dans son corps, semblant vouloir sortir par toutes les pores de son corps tremblant.

Et Roxas hurla.

Un cri inhumain, sortit tout droit de ses poumons et de ses tripes, et qui résonna dans toute sa chair et toute la forêt jusque par delà la cité.

Sans même le réaliser, le Simili annihila un Reflet serpentant trop près, puis un deuxième, et un quatrième, et tout ceux qui se dressèrent sur son chemin. Aveugle, seulement guidé par le bruit des coups qu'il infligeait, Roxas continua son carnage sans même prêter attention à ce qu'il faisait ou à ce qu'il touchait.

Une protection rencontra violemment son arme, faisant résonner tout son être, et il s'apprêtait à la lever à nouveau pour frapper quand il vit enfin ce qu'il avait cogné.

Un bouclier à l'insigne noir familier, derrière lequel se détacha lentement le visage de Dingo, atterré et horrifié.

L'adolescent se figea, tremblant, comme ne sachant plus que faire. Le chevalier abaissa sa protection, ne sachant plus que dire. Il leva une main compatissante vers le garçon, comme voulant lui parler.

Soudain une sensation inconnue empoigna la poitrine du Simili, l'enserrant dans un étau glacé, alors que le regard du garçon se faisait à nouveau dur.

Et sans un regard en arrière, il tourna les talons et fuit de toute la force de ses jambes.


Le feu brûlait intensément dans la poitrine de Roxas, consumant tout sur son passage. La sensation ne l'avait pas lâchée depuis qu'il avait quitté le manoir, et il restait là à tourner en rond dans ce wagon alors que le train mystique continuait inlassablement son trajet à travers la Cité du Crépuscule.

Il était enragé, furieux comme il ne l'avait jamais été. Encore plus que lorsqu'il avait voulu libérer Kingdom Hearts et que Riku s'était mis sur son chemin.

Et en même temps, une espèce de boule l'étouffait, comme une poigne qui enserrait sa gorge. Il ne comprenait pas. Mais il s'en foutais.

Parce que Xemnas avait gagné.

Il n'y avait plus de Cité du Crépuscule virtuelle. Ni de photo de lui et Hayner et sa bande, ni même de bourse ou de munnies durement gagnées pour aller à la plage. Plus rien.

Il n'y avait plus aucune preuve de son existence. Il n'existait plus nulle part.

Et c'était ça le pire.

Roxas avait cogné les portes du wagon et fait les cents pas en espérant calmer cette brûlure qui le dévorait, mais rien n'y avait fait.

Irrité, et peut-être aussi fatigué par tout ça, il finit par se laisser lourdement tomber sur un des sièges en soupirant de rage. Pour aussitôt se remettre à râler en sentant un truc inconfortable lui écraser la fesse.

Plongeant furieusement la main dans sa poche arrière pour en déloger l'énorme chose, il s'arrêta aussitôt en sentant la forme et la matière de l'objet inconnu. Un frisson lui remonta dans l'échine, et lentement, très lentement, il retira la sphère de son refuge et la porta devant ses yeux.

Là, dans le creux de sa paume, un petit cristal bleu tout rond brillait doucement dans la délicate lueur du couchant.

Le regard céleste de Roxas s'écarquilla lentement à cette découverte. Tout son corps trembla sans qu'il ne puisse s'en empêcher, et il leva avec hésitation son autre main pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.

Parce qu'il tremblait, ou peut-être parce qu'il n'arrivait plus à penser correctement, le petit cristal lui glissa soudain des doigts.

Roxas referma précipitamment ses mains dessus, son cœur faisant un bond horrible à la vue de la sphère chuter. Tremblant de tout son corps, il rouvrit avec d'infimes précautions ses paumes, retenant son souffle.

Le petit cristal y siégeait toujours.

Un poids s'envola soudain des épaules du garçon, alors qu'il portait sans trop s'en rendre compte le cristal dans la lumière.

Sa vision se brouilla soudain, alors que son souffle se saccadait et que son corps était secoué de spasmes sans qu'il ne comprenne pourquoi. Ses joues se mouillèrent, mouillèrent de larmes sans qu'il ne puisse s'en empêcher. Tout son être trembla à la simple vue du crépuscule se reflétant dans la petite sphère.

Et soudain il réalisa.

C'était le seul survivant de la Cité virtuelle. C'était la dernière preuve de ce qu'il avait vécu là-bas, de ses seules et uniques vacances d'été.

Contemplant dans ses paumes le petit cristal bleu, Roxas laissa sa vision se brouiller à nouveau, avant de serrer le précieux objet sur son cœur, pleurant toutes les larmes de son corps.


La Keyblade chuta soudainement dans un jet de flamme. Il tomba au sol, se tenant les tempes comme prit dans un étau infernal.

- Ça va ? Qu'est-ce qui…?

Une vague noirâtre s'éleva brusquement autour de lui, la faisant reculer. Il redressa lentement la tête, et, alors que la brume disparaissait…

- Kairi…


Cours.

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Les données de la Cité virtuelle ont été détruites, et avec elles les dernières traces de l'existence de Roxas… hormis le cristal du trophée. Quel avenir reste-t-il pour le Simili, à présent ?

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