Les Adieux d'une Sorcière
Ce fut chose faite, ma mère, le lendemain, m’avait rouée de coups comme jamais. Je souffrais tellement que je n’avais qu’une seule idée en tête, d’aller fouiller la maison de la bien aimée de Ajiro pour trouver ce miroir. Quand je me rendais compte que ma mère s’absentait plus de deux jours, je crochetais la serrure de la porte de la maison avec une de mes épingles à cheveux.
Faisais attention au autre habitant du village pour qu’il ne remarque pas que je sois sortie, mon visage était encore tuméfié par les dernier coup que m’avais donné ma mère. J’allais directement à la maison que m’avais indiqué le spectre. C’était une maison abandonnée et en piteux état, je suis me suis glissée entre des planches qui condamnait la fenêtre. Une odeur de bois moisi et de pourriture était omniprésente, au point que ça me soulevait le cœur. Je chercha dans le salon, je regardais dans les tiroirs qui se décomposait une fois que je les avais tirés. Je ne trouvais rien. Je suis montée à l’étage, ce fut difficile car des planches de l’escalier avaient pourris et je craignais qu’à chaque pied posé sur une marche, que l’escalier ne cède sous mon poids. Je jonglais en équilibre sur mes pieds et une fois arrivée en haut, je fouilla toute les chambres. À l’étage, par contre, il y régnait une odeur vraiment nauséabonde, je pense que c’était l’odeur de la mort ou du cadavre en décomposition. C’était vraiment peu supportable. Je fouilla dans les armoires, les penderies, les rangements et quand j’entrai dans la dernière pièce, un meuble m’interpella: une coiffeuse. Je m’empressai de fouiller dans les tiroirs mais je n’ai rien trouvé dedans. C’était vide. En désespoir de cause, je chercha en faisant vagabonder mes yeux dans le vague, mon regard s’arrêta sur le lit. Il y avait encore des draps dessus. Ils avaient moisis mais l’immense tâche en plein milieu laissait deviner que la bien aimée d’Ajiro était morte sur ce lit et qu’elle avait commencée à se décomposer. Je regarda en bas du lit, non loin de la tête, je vis le fameux miroir! Je le saisissais, je constatais qu’il était fêlé. Au moment où je l’ai pris en main, j’ai eu un genre de «vision», j’avais vu la bien aimée d’Ajiro, vieille, lors de son dernier souffle, elle avait lâchée le miroir qui glissa et tomba par terre.
Stupéfaite de la vision que j’avais eu, je portais une de mes main à ma tête, je me demandais ce qu’il m’arrivait. Est-ce que je devenais folle? À l’époque, bien évidement je ne savais pas ce qu’il m’arrivait. Quand je repris mes esprit en calmant les battements de mon cœur qui se faisaient rapides, je me leva en protégeant le miroir contre ma poitrine. Je redescendis les escalier délabrés aussi prudemment que lors de mon ascension, et je quitta la maison de la bien aimé d’Ajiro.
Je couru au cimetière et à mon arrivée, Ajiro m’attendait. Il souriait alors que nos regard se croisaient. J’attendais un petit moment pour que je reprenne mon souffle, puis je sortis le miroir de la ceinture de mon kimono. Soudain le visage du fantôme s’illumina:
- Tu as enfin ce que je cherchais depuis des années!!
- Oui! Prends-le. lui dis je.
Ajiro me regardait d’un air béa. Je n’avais pas compris que si je lui donnais étant transparent et informe, le miroir allait tomber. Embarrassé, Ajiro me conseilla en pointant sa tombe du doigt:
- Mets-le plutôt dans ma terre.
Je m’accroupis et je creusa la terre avec mes mains, j’enfouissais le miroir et me leva vers Ajiro. Je fus surprise que tout les traits de son corps se mirent à briller d’une lumière blanche étincelante. Il avait l’air tellement soulagé et paisible qu’il en versa une larme et me remercia:
- Mille mercis à toi, tu m’as rendu un service inestimable. Je peux enfin passer de l’autre côté de la rivière Sanzu.
Dans la même lumière blanche, apparu un autre homme vêtu en armure, j’en sursauta.
Ajiro se retourna et déclara:
- On vient me chercher, je te souhaite tant de bonheur même si je sais que tu passes par des épreuves très difficiles.
Il déposa un baiser glacé sur mon front et rejoignit l’homme en armure puis ils disparurent.
Pour la première fois, je ressentis un grand soulagement pour lui. J’étais très utile à quelqu’un pour une fois. C’était mon tout premier «client». Bien sûr, à mes débuts, je ne monnayais pas mes dons au service des autres.
Quand je fis volte-face, je fus surprise par une vielle femme qui me regardait d’un regard persant. J’avais laissé échapper un petit cris en la voyant.
La vieille femme me considéra un moment du regard et me questionna:
- Dis-moi petite, tu n’aurais pas vu deux fantômes à l’instant?
Surprise de cette question, je bégayais en essayant de trouver désespérément une réponse, je réalisais que je n’étais peut être pas folle. Mais si selon les dires d’Ajiro, seules les vraies sorcières peuvent voir les fantômes, alors ça voulait peut-être dire que la vieille femme en était une?
- Perds pas ton temps vas! Ils ont rejoint le royaume des morts! Le fantôme que tu as aidé à trouver le repos peux être tranquille! Que fais-tu dans la vie petite? me questionna la grand-mère.
- Je suis guérisseuse Madame. lui répondis je.
- Ouais je vois. Suis moi si tu aimerai comprendre et apprendre ce qu’il t’arrive.
Méfiante, je la suivis en pensant qu’elle était «comme moi». Je suis rentrée dans la maison de Yatsuba, octogénaire, qui exerçait la sorcellerie tout près du village. Cette vieille femme m’a tout appris: La divination, la possession, les enchantements et les sorts. Mais aussi des connaissances pour la guérison, et un peu de protection. Je vécu cette rencontre comme une bénédiction, comme une nouvelle renaissance. J’ai nouée une relation indéfectible avec cette dame, comme une disciple à sa maîtresse. Je ne cache pas que j’enfouissais mon désespoir dans les études occultes que Yatsuba me prodiguait.
Je me souviens particulièrement d’une leçon qu’elle m’avait donnée sur la possession d’humain et animaux:
- Chaque sorcier à un porte-bonheur passe-partout en ce monde. Il est temps qu’un jour, tu choisisses le tiens.»
J’avais protesté:
- Mais Yatsuba, si tu possèdes un animal ou insecte, quel est ton fétiche alors?
J’avais posé une question idiote. Je réfléchissais dans ma tête pour trouver l’animal que je voyais le plus chez elle ou chez les autres. La première chose qui m’était venu à l’esprit était le cafard.
Je demanda incrédule:
- Des cafards?
- Et oui Setsu! Ce sont des insectes très discret, silencieux et présent à peu près dans toute les maisons. Ils sont indirectement liés à l’humanité, ou qu’elle soit. expliquait Yatsuba ravie que j’avais trouvé la réponse.
Je trouvais ça bien trouvé, mais je me rendais compte que le choix n’allait pas du tout être évident. Yatsuba m’avait laissé douze jours pour réfléchir. Je n’avais vraiment aucune idée. J’avais écouté les sages conseils de Yatsuba. Il fallait que ce soit un animal mobile, en contact indirect avec l’humain et présent à peut près partout. Le jour venu, alors que je me retrouvais malheureusement sans réponse, je marchais pour aller vers chez elle. En laissant mes yeux divaguer, en passant près du cimetière, il se tenait un silence de plomb. Deux corbeaux étaient perchés en haut d’un arbre mort. Ils étaient calmes. L’un d’eux m’avais regardé en penchant la tête, comme s’il était interloqué. J’eus un éclair d’inspiration, j’avais trouvé l’animal qu’il me fallait! Alors j’avais couru vers la maison de Yatsuba, j’entrai comme une furie en me heurtant contre un mur de sa maison, le kimono défait, la sueur au front et les cheveux en pagaille.
Yatsuba, choquée de me voir ainsi, me regardait comme si j’étais une folle. Je repris mon souffle pour déclarer:
- Les corbeaux..
Yatsuba eu une révélation puis s’interrogea:
- C’est pile ce qu’il te faut! Mais ma petite, les animaux volant sont durs à posséder à cause de leur esprit craintif!
Toujours essoufflée, je ne rétorqua rien. J’étais déjà décidée à faire de mon mieux pour parvenir à mes fins. Contre toute attente Yatsuba m’appris à posséder un corbeau. On se promenait dans son jardin en plein Hiver.
- Comme je te l’ai appris, tu as plusieurs types de possessions. Tu as la partielle, qui consiste à transmettre ta voix, s’approprier sa vue, ou le laisser se déplacer. La totale, consiste à s’approprier la totalité de ses compétences de vol, et d’esprit. Mais plus tu restes en possession totale, plus tu risque à terme d’oublier ta propre personnalité, de mourir, et de tuer le corbeau.
On s’arrêta devant un arbre à nu, où il y avait un corbeau posé tranquillement sur une épaisse branche.
- Tout d’abord Setsu, écoutes bien mes instructions: Tu dois canaliser ton flux de magie, sinon tu tues l’animal. Fais comme pour déplacer des objets. Tu canalises ton flux et tu pourras disposer de ses yeux. Tout d’abord, tu te place à proximité du corbeau. Tu n’as pas besoin de l’attraper! Tu ne penses à rien et plonge ton regard dans les yeux de l’oiseau.
Je suivis les instructions de Yatsuba:
- Prends ton temps.
Je ne pensais à rien du tout. Mon flux de magie était très imposant. J’avais du mal à le stabiliser. Je fermais les yeux. Quand je sentais enfin mon esprit partir dans le corbeau, je retourna vite à la réalité quand je l’entendis en train de tomber raide mort au pied de l’arbre. Choquée je ne trouvais pas de mots à dire. Yatsuba rigola à gorge déployée. Attristé par la mort du corbeau, et par ma faute, je bégayais:
Je je l’ai tué...
Yatsuba enroula son bras autour de mes épaules en riant:
- Mon petit, ne soit pas triste! Personne ne réussi du premier coup, ce serait trop facile sinon! Mais crois un peu en toi! Je sais que maintenant, tu feras tout pour éviter une autre mort de l’un de ces pauvre volatile!
Embarrassée, je souriais sans y mettre du cœur. Yatsuba m’avais expliqué que c’est ce qui ce passait quand on envoyait trop d’énergie dans l’animal fétiche. Leur cœur craque est tombe mort sur le coup. Avec beaucoup d’entraînement, j’avais réussi plusieurs fois à en posséder un et plusieurs partiellement puis totalement. Yatsuba était fière de moi quand j’envoyais des corbeaux l’avertir de mes absences.
Yatsuba n’était pas qu’un professeur pour moi, elle faisait preuve d’une grande sensibilité quand je revenais dans sa maison pour étudier. J’entrais dans sa maison:
- Yatsuba c’est moi. dis-je en articulant tant bien que mal.
J’entendis la vieille femme arriver près de la porte pour m’accueillir joyeusement comme elle en avait l’habitude:
- Oh! Bonjour ma Set…. elle s’arrêta net pétrifiée d’effroi.
J’avais la lèvre coupée et un gros hématome à la mâchoire. Ça me faisait terriblement mal. Yatsuba repris avec inquiétude:
- Alors les dires des habitants du village disaient vrai...
Elle avança vers moi et me pris la main, je sentais qu’elle essayait de lire mon vécu en moi. Yatsuba devint pâle suite aux visions de moi qu’elle venait de voir.
- Mais c’est bien pire que ce je pensais! Un jour, elle va te tuer! s’exclama la vieille femme au comble de l’inquiétude.
- C’est mon quotidien. Après tout, que puis-je faire envers ma mère qui est la chef du village? Qui oserait agir en ma faveur? Tu n’imagines pas ce qu’il m’arriverait si je raconte ce qu’il se passe avec ma mère. Elle userait de son influence et de coups et jusqu’à me tuer pour me réduire au silence. Je suis sans défense, Yatsuba.
À son regard, je devinais la détresse sur son visage, elle me prit la main et m’emmena dans son salon:
- Je ne peux pas te laisser comme ça. Assis-toi, je vais chercher de quoi te soigner. indiquait Yatsuba.
Elle m’avait soigné mes plaies. Je lui conseillais de ne pas me mettre de pansements au risque que ma mère pense que je me fais soigner par quelqu’un. Depuis une éternité on ne m’avait pas pris soin de moi. La dernière fois, c’était mon père qui m’avait soigné d’un petit bobo au genoux que je m’ «étais fait quand j’étais petite. Yatsuba avait également vu mon souvenir au travers de son contact avec mon visage:
- C’était ton père? me demanda Yatsuba.
- Oui. répondis je.
- Tu l’aime toujours à ce que je vois.
Je pris la main de Yatsuba et éclata en sanglot.
- Il me manque tellement. lâchais je.
Yatsuba, à la projection de mes souvenirs par ma main, avait laissée échapper une larme qui roulait sur sa joue.
- Oh Setsu... me disais Yatsuba en me frictionnant le dos comme pour ma rassurer.
Devant Yatsuba, j’étais dans l’incapacité de cacher mon trop plein d’émotions. Jamais je n’avais montré ma peine jusqu’à présent. Ça me libérai d’un poids qui pesait sur mes épaules. Quand Yatsuba eu fini de me soigner, je repris le contrôle de mes émotions et repartis dans le bureau de ma maîtresse pour étudier de nouveau.