Retrieve Bass

Chapitre 3 : trois points de vue

2154 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 27 jours

L'arrière boutique de Retrieve Bass est le lieu où Kinji et moi autrefois nous nous retrouvions pour nous plaindre des clients. Aujourd'hui, les rôles ont bien changés. Je ne suis pas là pour acheter, mais ça fait toujours plaisir d'entendre que les gens restent détestable.

— ...Et depuis, mon prof refuse de me lâcher avant que je n'intègre ce club. Si tu le voyais ça en devient ridicule.

Kinji boit une gorgée de son soda, affalé sur une pile de carton qui attendent d'être emmenée par le camion ordure.

— Le mec se démène pour te garder au lycée tu devrais être reconnaissant, constate-t-il en s'essuyant la bouche. Avec ton caractère à la con, c'est pas facile.

— Tu me vois jouer les enseignants ? Je n'ai aucune méthodo, aucune patience, rien.

— Tu t'y connais en musique ça suffit.

— Je suis nul en solfège - je hais le solfège.

— Tu es passionné. Dans ce domaine, c'est ce qui compte. Il faut juste que tu te sortes les doigts du cul et que tu commences à grandir un peu. Ça sert à rien de jouer les inaccessible. Un jour, tu regretteras d'avoir louper tes chances quand elles te pendaient sous le nez.

— C'est pas mon style. Je préfère décliner.

Il finit son soda et jette la canette dans un vieux cadie qui traîne depuis la construction de la boutique.

— Tu sais quoi ? Bon débarras alors, conclut-il alors en se levant pour se mettre à ma hauteur. T'as toujours eu des goûts de merde.

Je m'adosse contre le mur défraichit recouvert de graffitis, qui n'a toujours pas été repeint depuis que j'ai rejoins l'équipe il y a trois ans.

— Tu penses que je pourrai de nouveau bosser ici ? Le patron m'a dit qu'il y avait toujours une place dispo. J'hésite.

— Qu'est-ce qui te plaît ici ? demande-t-il avec un ton chargé de reproche.

— Le cadre est sympa. Ça paie bien. Je suis plutôt bon en vente. Et puis, tu es là, j'aurai de la compagnie. Tu as l'air de t'y plaire toi.

— J'ai l'air de m'y plaire, c'est ça ? C'est juste du bluff, Megumi. Rien que des conneries. C'est un endroit de merde, ça c'est la réalité.

Une voiture passe et la fumée du pot d'échappement laisse un sillon noir dans l'air. Tandis que je la suis du regard, je me dis qu'il y a pire comme endroit. Un mardi matin au lycée, en salle d'examen devant une copie double par exemple.

— T'abuses. Ça me parait être une bonne idée - surtout si je foire le lycée d'ici là. C'est un bon compromis.

— Recapitulons... Tu comptes faire carrière au Retrieve Bass ? C'est quoi cette ambition toute pourrie ? Mais qu'est-ce que t'as foutu depuis ta démission au juste ? Je pensais que tu été partit pour de bon... C'était pas justement pour te concentrer sur tes cours ?

— Tu sais depuis ma rupture, j'étais pas au top. Je pense que ça m'a permit de réaliser que je n'étais pas fait pour les études.

— C'est faux. Tu choisis la facilité.

J'encaisse sa critique tout en pinçant mes lèvres.

— Je me suis toujours dis que toi et Jena, vous n'aviez rien à faire ensemble, développe-t-il. Elle était beaucoup trop bien pour toi. Apparemment, il se trouve que j'avais bien raison. T'es devenu un minable.

Outch. Kinji n'a jamais été tendre. Son franc parler à toujours posé problème au sein de l'équipe. Personnellement, il n'a jamais réussit à me "faire peur" et je continuai à traîner avec lui, même s'il ne se gênait pas pour me tailler la plus part du temps. Au fond, son honnêteté me parlait bien plus que je ne voulais l'admettre.

— Tu viens de me dire que j'étais assez talentueux pour devenir prof de musique. Faudrait savoir.

— L'un n'empêche pas l'autre.

— Écoute, j'ai toutes les capacités pour travailler ici, j'expose en tentant d'être le plus convainquant possible aussi bien pour lui que pour moi. Ca n'enlève rien à mes aptitudes. T'es bien difficile pour quelqu'un qui à lâché les études...

— Toi t'as rien compris. C'est comme faire du heavy metal et foirer sa reprise de Smoke on the water. T'es qu'un prouveur. T'es pas un vrai passionné. Tu n'as rien à faire à Retrieve Bass non plus. Trouves toi un boulot ailleurs si c'est juste ça que tu cherches.

Il passe devant moi et franchit la porte de service pour regagner son poste. Je vérifie l'heure sur l'écran de mon téléphone.

Pourquoi suis-je venu ici au départ ?

Le trajet en bus pour aller en cours est plus long que je n'aurai pensé. J'ai de la chance d'avoir une place, côté fenêtre en plus.

Je fais défiler les morceaux de ma playlist, jusqu'à tomber sur celui des Red Hot Chill Peper.

Mon doigt reste en flottement sur la piste Scar Tissue. Ce serait l'occasion de l'écouter. En bus. Le front contre une fenêtre. Ce serait tout à fait mon style. Mais ce n'est pas encore le moment.

J'adore cette chanson. Mais pas maintenant.

J'active la lecture aléatoire et me tasse au fond de mon siège.

Dans la cours du lycée, j'inspecte la vitrine du distributeur de boissons.

Yuji, en jogging de la tête au pied, arrive en foulée légère après moi. Je remarque qu'il n'est pas bien couvert. Mais j'imagine sans peine qu'en ayant fait le trajet à pied - en courant, dans son cas - il doit être déjà bien réchauffé.

— Salut Megumi, lance-t-il en reprenant son souffle.

Je hoche la tête pour le saluer, avant de m'abaisser pour récupérer ma boisson qui vient de tomber de la machine. C'est bien la première fois que je peux me permettre de prendre quelque chose a boire avant les cours. Je ne sais pas si j'aime cette sensation.

— Du café froid ? remarque Yuji après avoir insérer une pièce à son tour. Je pensais pas que tu étais du genre à boire ce truc.

— C'est le matin. Qu'est-ce que tu t'imaginais ?

Il soulève les épaules, et sélectionne une bouteille...d'eau ?

— Il y a le robinet en libre service tu sais.

— Je préfère le goût de l'eau en bouteille.

Il se baisse juste après pour repêcher son achat du compartiment du distributeur.

— T'es dispo quand pour qu'on se voit tous les trois avec Nobara ? questionne-t-il en se relevant. Histoire de faire connaissance, comme l'avait suggéré monsieur Gojo.

— ...C'est moi qui doit prévoir ça ? je demande en déglutissant mon café froid.

— Eh bien, c'est toi qui a initié cette proposition. Et si tu comptes devenir notre prof, je pense que tu dois t'habituer à prendre des initiatives.

— Doucement, j'ai encore rien signé, je souligne en m'essuyant le coin des lèvres. Chaque chose en son temps...On peut faire ça pendant la pause déjeuner si ça te va ?

— Aïe... Je mange dehors aujourd'hui.

— Alors un autre jour. Même demain soir.

— J'ai un entraînement ce jour-là... Eum, tu sais quoi, vois avec Nobara. Elle connaît mon emploi du temps. Je lui fais confiance. Quoi qu'elle propose comme date ou horaire, ça me va.

Je fronce des sourcils.

— Tu es sûr de toi ? Vous êtes assez proche pour que tu lui laisses gérer ça ?

— Non, mais c'est elle qui aura le dernier mot au final. Autant fixer ce rendez-vous selon ses préférences.

— C'est toi qui vois...

Je ne fais pas d'autre remarque mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il doit être bien niais. Il tente à tout prix de faire plaisir à Nobara. Ça, c'est le comportement d'un gars qui veut être approuvé par les filles.... Je pense pas qu'elle soit très sensible à son charme cependant. Pas du tout même.

Pendant la pause déjeuner je retrouve enfin notre fameuse rousse. Elle est attablée à une table extérieure avec quelque unes de ces amies pour profiter des premières rayons de soleil de la saison.

— Je vais enfin pouvoir sortir mes chemisiers et mes hauts à bretelles ! s'extasie-t-elle en se laissant dorer le visage, plutôt que d'entamer son repas.

Ses copines la vanne avant que j'apparaisse devant elle :

— Pense à mettre de la crème solaire d'abord.

Les sourires retombent bien vite autour de la table. Nobara entrouvre à peine un oeil pour confirmer que oui, elle n'a pas rêvé, je suis bien là.

— Tu caches la lumière. Bouge. Et non, pas besoin de crème solaire. Il me faudrait plutôt du monoï.

— Pourquoi tu es ici ? Tu connais Nobara ? demande déjà l'une de ses amie aux longs cils, qui ne fait que de me dévisager depuis que j'ai pénétré son champs visuel.

Nobara lâche un soupire et me devance :

— Ne me mets pas dans le même sac que lui. C'est ce prof, monsieur Gojo, qui veut qu'on copine ensemble. Il s'est sentit obligé de faire le premier pas.

— Dans quel but ? D'abord, tu n'étais pas exclu du lycée ? me lance une autre de ses camarades, aux joues trop rouges, qui semble partagée entre le doute et la curiosité. J'ai entendu dire... que tu avais causé pas mal de soucis à la direction...

— Je-

— Il sera exclu s'il refuse de jouer les chefs d'orchestre, abat Nobara en saisissant ses couverts. Et oui, il fait la misère aux gens de l'admin'.

— Encore cette histoire du club de musique..., soupire une des filles en face d'elle, avec une tresse brune sur le côté. Je t'ai dis qu'il fallait que tu abandonnes, tu perds ton temps. Viens dans le club de sport à la place.

— Jamais ! Pour me coltiner Yuji - en plus de mes heures de cours - et comparer mes performances aux siennes ? Ça risque de plomber mon moral.

— Yuji est inscrit à deux clubs ? je demande.

Les filles se regardent entre elles, surprise et dépitée que je prenne part à leur conversation.

— Ne lui répond pas, lui glisse la même fille au cosplay de Katniss Everdeen, penchée par dessus ses bolognaises.

Je ne la connais pas, mais elle semble avoir une opinion bien tranchée sur ma personne.

— Et pourquoi donc ? Rétorque la rousse.

— On ne sait pas ce qu'il peut faire de ses informations concernant Yuji.

Nobara pousse un premier rire sec, suivit d'un, plus long, qui en devient presque moqueur.

— Comme quoi ? pialle-t-elle en sauçant son pain. Préparer un assaut sur le terrain de basket ? Megumi est juste un trouble-fête de plus - et encore - mais pas un criminel, Lou !

Cette dernière plante sa fourchette dans ses pâtes, trop exaspérée d'être tournée en ridicule par son amie.

— Pour te répondre oui, m'assure d'abord la rouquine en raclant son tupperware. Yuji est un des seul privilégié à pouvoir assister à deux activités. Enfin, deux c'est si le club de musique existe toujours... Ou que tu décides d'abattre Yuji avant ! - Ça tu vois, Lou, on appelle ça de l'ironie.

— N'empêche Megumi a brutalisé pas mal d'élève sans raison apparente, appuit la fameuse Lou qui refuse toujours de me regarder. Je pense que Yuji devrait être prudent.

— Et moi ? Tu penses qu'il va m'agresser ?

— Je sais que tu es capable de te défendre Noba. Mais tu sais ce que j'en pense...On n'est jamais trop prudent avec les types de son genre... Il faut garder ses distances.

Elle acquiesce finalement en époussetant ses mains l'un contre l'autre.

— Tu vois Megumi, mes amies me déconseillent de m'approcher de toi. Enfin, du moins Lou qui te déteste cordialement. Comme le reste de la classe. Et sans doute l'intégralité du lycée. C'est pour ça...

Socialiser, c'est pas trop mon truc. Je n'aurai même pas tenu un jour au lycée. Ce truc de club de musique n'aura pas fait long feu...

— ...Que je pense qu'il faudrait qu'on se voit plus tard, seul à seul. Après les cours, ça te va ?

Je n'étais pas la bienvenue à cette table.

Hakari m'a bien signalé qu'il ne voulait pas me voir au Retrieve Bass.

Mais, quand Nobara me lance cette perche, ce rendez-vous maladroit - même si c'est surtout dans son intérêt - je me dis que c'est pas mal d'être attendu quelque part.

— Oui, je pense être dispo.

Je suis vraiment aussi niais que Yuji. Merde.

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