JoJo's Bizarre Adventure : Lost Baby
Altamira : Nous concluons ce journal avec une information de dernière minute : la mort de Monsieur Vincent Clamp. Le PDG de Clamp Industries, société spécialisée dans les alarmes et les systèmes de défense domestique, s’est éteint à l’hôpital suite à ses blessures sur les coups de 18 heures.
Le journaliste vedette s’arrêta quelques secondes dans son speech en regardant droit dans l’objectif de la caméra qui lui faisait face. Le jeune technicien anxieux regardait dans tous les sens en transpirant pour s’assurer que tout se passait bien. Les invités, installés tout autour de la table, avaient été triés sur le volet parmi les plus idiots du pays : un auteur cinglé aux relents réactionnaires, un humoriste passé de mode qui tentait vainement de sauver sa carrière et la dernière gagnante d’une émission de téléréalité.
Altamira : D’après les forces de l’ordre, Monsieur Clamp aurait surpris des cambrioleurs dans sa villa. Les intrus l’auraient frappé de plusieurs coups de couteaux. Les experts médico-légaux ont pu estimer à cinq le nombre d’assaillants. Les individus auraient pu s’introduire en profitant d’une panne généralisée des services de sécurité de la maison. Depuis la révélation de cette information, la valeur des actions de la société Clamp a été divisée par deux.
Les invités commencèrent un brouhaha de contestation que le présentateur ne prit même pas le temps d’écouter. Il préféra regarder son reflet dans les yeux du régisseur qui lui faisait face. Tout chez lui relevait de l'œuvre d’art. Un teint uni. Une coiffure impeccable. Sa veste décorée de motifs reproduisant des peintures rupestres. Aucun homme ne pouvait être aussi beau.
Altamira : C’est la fin de cette édition. Merci à tous de l’avoir suivie. Ce soir, vous aurez la chance de retrouver un reportage sur les affaires tumultueuses de…
Il connaissait son texte sur le bout des doigts mais, quand il leva les yeux vers le prompteur qui défilait devant lui, plus rien ne correspondait. Avec le professionnalisme qui faisait sa renommée, il se corrigea dès que l’erreur fut découverte.
Altamira : Vous aurez la chance de retrouver un épisode inédit des enquêtes de l’Oncle Ramus. Bonne soirée à toutes et à tous.
Dès que le régisseur fit le signe de la main marquant la fin de l’enregistrement, le présentateur se leva de son bureau et son visage à l’expression commerciale se déforma presque immédiatement en un rictus de colère.
Altamira : Qui, dans cette foutue production, a décidé de changer le reportage de ce soir sur la société Forever ?! Toute l’équipe avait bossé pour avoir ces révélations, ça allait faire un carton !
??? : Tu as un problème avec cette décision, David ?
L’ombre d’un colosse se posa sur les épaules frêles d’Altamira qui se retourna vite pour saluer l’homme en costume aux cheveux grisonnants.
Altamira : M-monsieur Dante, je ne savais pas que l’ordre venait directement de v-
C.C.R. Dante : Il faut me comprendre, j’ai des liens d’affaires et d’amitié avec la société Forever… Ça me mettrait dans de beaux draps de diffuser sur mon antenne un reportage qui parle de leurs montages fiscaux !
Christophe Clearwater Richard Dante était un homme d’une soixantaine d’années qui, comme un gratte-ciel, de l’extérieur, écrasait ses alliés et ses ennemis mais pouvait mimer un intérieur chaleureux en feignant la jovialité et l’humanité. Sur les murs de ses joues, grimpait un lierre de poils blancs qui dissimulait en partie le délabrement de la partie droite de son visage. Sa peau y était écaillée et abîmée par une ancienne brûlure qui n’avait laissé qu’une vitre opaque pour remplacer son œil.
Altamira : Oui, bien sûr… je comprends, Monsieur. Je vous prie de m’excuser pour mon attitude, ça ne se reproduira plus.
C.C.R. Dante : Ne t’inquiète pas, David. Comment pourrais-je être fâché envers mon présentateur vedette ?!
Le chef d’entreprise laissa échapper un rire vulgaire tout en faisant sursauter son protégé en posant ses mains poisseuses sur ses épaules.
C.C.R. Dante : Tu ne peux pas savoir la montagne de blé que tu me fais gagner ! Ton attitude androgyne plaît aux ménagères comme aux tapettes ! Jamais je pourrais me séparer de toi !
Altamira : Merci beaucoup, Monsieur. Je suis ravi que mon style vous plaise. J’espère que l’émission d’aujourd’hui vous a plu.
Le millionnaire dévissa le bouchon de sa flasque et amena le goulot à sa bouche. Le reflet chromé brillait dans son oeil blanc comme si l’alcool lui redonnait un peu de sa vie perdue. Après quelques secondes, le liquide brun cessa de couler le long de sa barbe blanche malgré les grognements agacés de l’homme.
C.C.R. Dante : Ces histoires de meurtres m’inquiètent… Cela me rappelle ces attaques d’il y a 5 ans. Ils n’avaient jamais pu retrouver le criminel. Bon en tout cas, la peur est bonne pour nos affaires ! Félicitations, David.
Le prédateur lâcha sa proie qui laissa échapper un soupir de soulagement, une fois libérée de l’étreinte. Dante commença à tourner les talons mais avant qu’il ait pu faire un pas, le présentateur l’interpella.
Altamira : N’oubliez pas de rattraper l’émission de ce soir, Monsieur !
Le géant acquiesça par habitude et s’éloigna en boitant. Il s’arrêta quelques instants pour regarder sa veste maintenant tâchée de Whisky. Il la retira et la lança à un employé qui croulait déjà sous le travail et continua son chemin. Une fois la silhouette menaçante disparue, le ton mielleux du présentateur en fit de même.
Altamira : Quel porc…
Il s’éloigna en étirant son bras droit encore engourdi de la dernière fois.
***
Dans le bureau de Dante, la seule lumière qui éclairait péniblement la pièce était celle vacillante de l’écran de télévision qu’il regardait tout en agitant les glaçons dans son verre de liquide brun.
Altamira : Nous concluons ce journal avec une information de dernière minute…
Dante : Heureusement que j’ai eu le bon flair d’embaucher ce présentateur… même s’il est pas d’un naturel facile, il a le mérite d’écouter mes consignes… J’ai vraiment besoin de conserver la meilleure image possible ces temps-ci. Si cette foutue Passione ne faisait pas trop de remous, les gens finiraient peut-être par oublier… Donner des Stands à des petites frappes, c’est comme donner un flingue chargé à un môme !
Il avala le reste de son verre et se leva péniblement de sa chaise. Il chercha la télécommande quelques instants mais finit par abandonner et laisser l’image de son présentateur vedette continuer son speech jusqu’à demain matin. Il ferma la porte et la verrouilla aussi consciencieusement qu’un vieillard à moitié saoul pouvait le faire et s’éloigna en boitant.
Altamira : Bonne soirée à toutes et à tous.
L’animateur pré-enregistré conclut le journal comme l’avait fait son homologue quelques heures plus tôt. Cependant, l’image, au lieu de se couper ou de reboucler sur le début de l’enregistrement, resta fixe et Altamira se leva de sa chaise et avança jusqu’à la caméra avant que son bras ne passe à travers l’écran.
Altamira : J’ai cru qu’il ne partirait jamais… Déjà que ça fait deux semaines que j’attends qu’il laisse son poste allumé en partant !
Le manieur de Stand enfila ses gants et se lança dans une fouille méticuleuse des étagères remplies de documents d’un autre temps. Plus de quatre décennies de manipulations et de stratagèmes plus ou moins légaux étaient triées, classées et archivées. Après plusieurs minutes de recherche, Altamira finit par s'asseoir sur le fauteuil en cuir du grand manitou de l’entreprise.
Altamira : Rien… Il n’aurait pas stocké les informations ici ?!
Son regard se promena vers le bureau où se trouvait la télévision qui diffusait le plateau vide de son journal et la bouteille de Whisky que son patron avait vidé quelques minutes plus tôt.
Altamira : Mais bien sûr, il laisse sa secrétaire rentrer dans son bureau donc il n’a pas mis les dossiers compromettants sur ses étagères… Le seul endroit que personne n’a le droit d’approcher, c’est…
Le journaliste tira un tiroir faisant tinter toutes les bouteilles qui s’y trouvaient. Il se pencha pour mieux le voir et constata une petite ficelle perdue entre les alcools.
Altamira : Eurêka…
En tirant sur le fil, un double fond se révéla dans lequel se trouvait un dossier bleu azur qui débordait de photographies et de vieux journaux jaunis par le temps. “Orphelinat” était négligemment écrit au feutre noir. Altamira sortit son iPhone 4 de sa poche et commença à photographier les différents éléments du dossier.
Altamira : Il doit bien y avoir l’article que je recherche ici… Ce fumier l’a fait disparaître de toutes les bases de données de tous les journaux du pays… Ah le voilà ! “Incendie à l’Orphelinat Clearwater : trois enfants disparus”… Hier soir, un incendie s’est déclaré dans l’orphelinat appartenant à l’industriel C.C.R. Dante… La majorité des enfants et des grands notables présents pour le gala de charité ont pu être sauvés. Les responsables regrettent néanmoins la disparition de la femme du propriétaire et de trois enfants du nom d’Adam, Ziggy et Salomon… blablabla… C’est le deuxième orphelinat qui subit un incendie dans les cinq dernières années…
Le journaliste fut interrompu dans sa lecture par un bruit venant de la rue puis, quand il se rendit compte que ce n’était qu’un autre passant saoul, il reprit son investigation.
Altamira : Ce Salomon, qui ça peut bien être ? C’est la première fois que j’en entends parler… Est-il vraiment mort ce jour-là ou est-ce qu’il a survécu comme les deux autres…? Il faut que je retrouve sa trace !
Altamira prit une dernière photo avec l’image du mystérieux troisième enfant, referma le dossier et le cacha à l’endroit où il l’avait trouvé. Il composa un numéro sur son téléphone.
Altamira : J’ai les informations dont vous aviez besoin. Je suis là dans 17 minutes.
Il raccrocha et entra dans la télévision dont il était venu, traversant le plateau de part en part pour sortir du champ de la caméra. Quasiment instantanément, l’image se distordit et l’instant d’après, le clone numérique revint et recommença son speech enregistré depuis le début. Sur une scène de crime, quel inspecteur serait assez fou pour accuser la télévision posée au milieu du salon ?
Nom du Stand : Television Man
Nom du manieur : David Altamira
Ce Stand permet au manieur de passer d’un écran à l’autre du moment où un enregistrement de lui est diffusé sur celui d’entrée et celui de sortie. Il prend alors la place de son double à l’écran le temps que le pouvoir est activé. L’enregistrement ne reprendra son cours normal que lorsqu'il sera ressorti de l’écran d’origine. Cette capacité ne fonctionne qu’avec les vidéos et le manieur ne peut pas naviguer d’une photographie de lui-même à une autre.