JoJo's Bizarre Adventure : Lost Baby

Chapitre 69 : Lake Shore Drive (Partie 7)

1754 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/06/2024 15:24




Derrière la porte, haletant, Job se plaquait contre le mur de carrelage. Il se sentait à la place de ses anciennes cibles, terrifié de faire le moindre son et de se faire repérer. Les doigts de la main qui s’agitait devant ses yeux étaient devenus de petits maillets de bois. Il fallait faire vite. La respiration grondante de la bête traversait ses os et les cliquetis mécaniques de l’arme griffaient sa boîte crânienne. Quelques secondes de silence. Un nouvelle balle comme un coup de tonnerre dans le ciel calme de la salle de bain. Un nouveau puits de lumière bientôt caché par le nuage de ténèbres qui le surveillait de l’autre côté de la porte. Les mêmes bruits de recharge. Le même silence. Se pourrait-il que…?


T.I.A.B : C’est si triste quand on y réfléchit… Un chef de gang, un Mystère qui se retrouve à mourir dans la salle de bain d’un hôtel loin de son objectif. Un soldat qui meurt loin de son champ de bataille…


Au rythme des paroles, les sons du fusils continuaient et les vibrations de la voix revenaient. Peu à peu, dans une partition mentale, chaque cliquetis, chaque respiration, chaque mot, chaque détonation devint une note rythmée par les moments de silence. Noire, Blanche. Noire ; Blanche. Ronde… Même dans ce monde où le temps ne s’écoulait pas, elle était bien vivante. La Mélodie du Monde le guidait.


T.I.A.B : Noire, Blanche. Noire, Blanche. Ronde… Noire, Blanche. Ronde…


Les paroles de la masse liquide se noyaient dans le courant de la musique intérieure de Job. Le Chef d’Orchestre venait en aide une dernière fois à son vieil ami comme une lettre d’adieu. Une nouvelle détonation. Une balle qui rebondit dans un choc désagréable. Un “ré”. Une seconde fois dans un sifflement métallique presque mélodieux avant de tomber, écrasée, au pied de Job. Un “si”. 


Ziggy : Réveille-toi ! Si ça continue, il va te buter !


Job sourit en pianotant sur son clavier. 


Job : Ne t’inquiète pas. Je contrôle la situation. 


Ziggy : Comment veux-tu que je sois au courant ?! Je n’ai que le son !


Job : Justement, c’est précisément pour ça que tu devrais le savoir.


De nouveaux éclats de bois volèrent dans la pièce comme l’introduction bruyante d’une symphonie. Job appuya sur le “ré” de son clavier et le projectile rebondit sur le mur dans un angle de 60 degrés. Noire, le colosse avança d’un pas, semblant attendre quelque chose. Blanche. Quand le vaisseau de laiton percuta la surface de carrelage laiteux, le doigt assuré du musicien se posa sur la touche du clavier, encore légèrement tremblante après la détonation. Noire, la balle suivit la baguette du chef d’orchestre et reproduisit le rebond du projectile précédent. 


Job : Maintenant ! 


La note se fit entendre au temps précis et à l’endroit prévu. Dans l’obscurité de la pièce, le Stand azuré frappa la bille argentée qui fila vers la porte ambrée. À l’endroit prévu et au temps précis, le canon de l’arme se colla de l’autre côté du bois pour préparer son prochain coup. La balle traversa l’acajou et retourna auprès du canon qui l’avait vu naître et de sa sœur logée à l’intérieur. Blanche. Le chasseur ne comprit pas tout de suite ce qu’il s’était passé et prit du temps à trafiquer son fusil pour tenter de faire sortir un mot fatal de sa bouche chromée.


Job : Ronde…


Le temps d’accalmie permit à Job de défoncer la porte d’un seul coup de pied bruyant, arrachant une à une, cliquetis par cliquetis, les paumelles et tombant dans un grincement glaçant sur la bête. Il sortit de la pièce en un bond mais l’ombre soulevait déjà le fardeau de ses mille bras pour se relever.


T.I.A.B : J’ai sous-estimé à quel point tu pouvais être agaçant… 


Devant le succès de son plan, le visage habituellement impassible de Job laissa échapper un sourire dévoilant de petites dents noires au-dessus des blanches.


T.I.A.B : Ce jeu du chat et de la souris ne te servira à rien. La transformation est sur le point d’aboutir ! Se débattre ne te fera pas y échapper.


Job : C’est toi qui te trompes si tu crois que je me débats… C’est ça le souci quand on découvre une musique, on peut confondre un couplet et… le refrain. 


Le mur de plâtre céda sous le poing de Check the Rhythm et la touche blanche s’inclina sous le doigt de son manieur. Le cri de guerre de la chaudière retentit à nouveau et une armée de vapeur s'infiltra par le trou béant dans la muraille pour envahir le couloir. Job profita de la confusion pour presser l’interrupteur de la pièce, les ténèbres enveloppant les volutes de fumée. Le loup se retrouva vite entouré de brume, sans défense comme un animal blessé.


T.I.A.B : Tu as enregistré le son de la chaudière, espèce de…


Un coup de jambe de bois lui perfora ce qui lui servait de cage thoracique avant de se cacher de nouveau derrière le voile blanchâtre.


Job : Tu as perdu. Si tu ne veux pas que je t’achève ici et maintenant, tu as intérêt à te rendre, sporco cane…


En se relevant, la fourrure de la bête se changea en une nuée de corbeaux qui se mirent à ricaner en regardant la brume qui s’étendait devant elle. La masse noire s’appuya sur le mur en laissant une trace d’encre sur le plâtre et posa un doigt dégoulinant sur l’interrupteur de la lampe.


T.I.A.B : Tu crois que je n’avais pas remarqué ? Tu as peur de la blesser, n’est-ce pas ? Derrière ton air de mafieux sans coeur, tu hésites à tuer pour atteindre ton objectif… Tu retiens tes coups et c’est pour ça que tu ne pourras jamais protéger ceux que tu aimes !


Job : Comment as-tu pu…


Un éclat de rage avait brillé dans la voix de Job. Ce léger moment d’égarement laissa le temps au loup de le repérer dans les torrents de brume et de lui lacérer sa jambe encore valide. Le colosse se mit à courir en boitant, serrant les dents de douleur à chaque pas, ne comptant que sur son fémur blessé. 


Job : Face d’étoile, tu m’entends ? Dis-moi si, dans ton livre, il y a un moyen pour tuer ces poissons…


Ziggy : Quoi ? Mais t’as rien écouté de ce que j’ai dit ! Si on tue le poisson qui se trouve dans le lac, on a aucune chance de sauver Adam et Shizuka ! 


Job : Il faut que tu me fasses confiance. Si tu ne m’aides pas, aucun de nous trois ne sortira d’ici alors réponds à ma question !


Ziggy : Très bien… Le brûler ne le blesse pas, l’électricité l’assomme mais ne l’achève pas, le seul moyen de s’en débarrasser c’est de lui trancher la tête.


Job : Il faut que je me prépare. 


L'œil de Ziggy prisonnier de son étoile brillait d’une pointe de curiosité. Il sentait qu’il devait peut-être laisser Job mettre son plan à exécution.




   ***




L’ombre se répandait dans la maison comme une nuée d’insectes rampants. Seules les deux pattes visqueuses et la tête de loup enragé témoignaient de la vie qui animait ce blob de haine et de ténèbres. Dans le salon silencieux, la porte s’entrouvrit et un torrent de sang surgit de l’ouverture, emportant les meubles et les bibelots sur son passage. Chaque nouvelle âme absorbée était un nouveau cri dans la foule inanimée qui traversait la pièce. Tous les ustensiles de cuisine filèrent vers le monstre et transpercèrent son bras pour le hérisser de pointes métalliques. Tout le mobilier brisé se propagea en un millier d’échardes. Le fantôme de l’hôtel sortit en baissant son corps chimérique et aperçut l’autre Mystère qui se tenait face au lac, dos à lui. Sa voix résonnait en une centaine d’échos.


T.I.A.B : Te voilà enfin. Je vais enfin pouvoir mettre fin à ta pitoyable vie. Il doit te rester à peine une ou deux minutes avant que tes amis soient définitivement perdus. Tu es dos au mur. Tu ne retrouveras jamais l’exocet dans ce lac immense. Tu vas continuer ta vie seul au milieu des meubles de ce manoir.


Avant qu’il ait pu faire un pas de plus, l’autre Mystère frappa au sol avec son Stand pour lever un nuage de poussière que le colosse d’ombre chassa d’un revers de main. 


Job : Je me doutais que tu ne te laisserais pas avoir… mais je peux encore amocher ta tête de chien galeux.


Son interlocuteur avait presque perdu sa forme humaine et ressemblait de plus en plus au piano qu’il allait devenir. Ses deux jambes n’étaient plus que des pieds en bois enfoncés dans le sol ; ses dents ressemblaient à des touches blanches et noires ; son abdomen était ouvert et laissait apparaître des cordes d’acier. 


T.I.A.B : Quel mal tu pourrais bien faire… je suis sûr que tu ne peux même plus bouger… et puis…


De l’eau, deux silhouettes émergèrent et attrapèrent les bras de Job. Il se débattit et se prépara à asséner un violent coup de poing avec la force qui lui restait. Cependant, il arrêta son geste. 


Job : Shizuka ! Adam ! Qu’est-ce que vous faites ?!


T.I.A.B : Ne t’inquiète pas. Dans moins d’une minute, tu n’auras plus à te soucier de ce qu’ils deviendront.



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