JoJo's Bizarre Adventure : Lost Baby

Chapitre 66 : Lake Shore Drive (Partie 4)

2784 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/06/2024 22:05




Après la fin du récit, le silence s’installa dans la pièce. Les quatre cadres où reposaient, endormies, des fleurs séchées étaient le dernier rappel sinistre au passé de la vieille dame. Malgré la douleur de ces souvenirs, Mathusalem gardait son sourire rassurant dessiné dans ses traits ridés. 


Mathusalem : Toute cette histoire, c’était il y a presque soixante-dix ans… c’est fou à quel point le temps est passé vite. On aimerait qu’il puisse s’arrêter parfois…


La vieillarde marchait en s’aidant de sa canne pour rejoindre la chambre de l’autre côté de l’ancienne ferme. Après son départ, les coups de fourchette d’Adam et Shizuka reprirent, d’abord timides mais bientôt bien plus enjoués, motivés par le goût délicieux des crêpes. Après avoir fini leur assiette, le grand enfant et la petite adulte se levèrent de table mais Job resta assis.


Shizuka : Tu ne vas pas te coucher, Job ? 


Job : Non, Signorina… j’ai besoin d’un peu de temps pour réfléchir. Ça ne devrait pas prendre trop de temps. 


Les yeux habituellement si brillants de la fillette s’étaient emplis de tristesse à la vue de la mine sombre de Job. Visiblement, il semblait avoir du mal à se sentir à sa place aussi bien dans ce manoir que dans sa nouvelle équipe. Pour la rassurer, l’italien sourit avec bienveillance et Adam lui tira la main pour l’emmener dormir.


Adam : Allons-y, il faut que tu te reposes, sœurette. 


L’esprit de Job était trop perturbé pour percevoir tout ce que disaient Adam et Shizuka. Ils montèrent à l’étage. Une fois disparus, le Chef d’Orchestre se leva et se tint à la table de la salle à manger pour ne pas tomber. Sa vision se troublait et son corps semblait lui commander de quitter cet hôtel le plus vite possible. Les murmures s’intensifiaient et semblaient venir des quatre coins du manoir. Le contenu du verre à vin posé sur le buffet était devenu d’un noir opaque. Job se pencha vers le fond de jus de fruit que Shizuka avait laissé dans son verre qui n’était maintenant qu’un puits noir sans fond à travers la table. Tous les liquides de la pièce devinrent des ciels nocturnes sans lune et même les poissons de l’aquarium se noyèrent bientôt dans une marée noire. 


Job : Qu’est-ce qui se passe ? Je suis en train d’halluciner…? 


Par réflexe, le colosse acculé tendit sa main vers le couteau qui restait dans son assiette mais le couvert se retourna en un instant, coupant sans se retourner la chair le long de son doigt. Job laissa échapper de sa plaie une encre noire ébène en même temps qu’un râle de douleur. Au bout du couloir, il entrevit une ombre légère se déplacer et il fut assourdi par le fracas qu’elle provoqua en frôlant le buffet. Il courut jusqu’au bout du couloir et ouvrit la porte proche de l’escalier où il pensait que l’ombre s’était engouffrée. Ce n’était qu’un vulgaire placard à balai. 


Job : Quelque chose ne tourne pas rond ici… Il faut vite que je prévienne la Signo-


Une vive douleur lui traversait la poitrine. La même que celle lorsqu’une goutte de sang avait été posée sur le “HOPE”. Il était à demi-conscient. Il tituba vers la douche où la chaleur de l’eau lui permit de retrouver un peu ses esprits. Cependant, la tête de fer commença à s’étouffer et refusa de cracher la moindre goutte d’eau supplémentaire. Il donna un coup de poing dans sa gorge comme lorsqu’on veut faire fonctionner un vieux téléviseur. Sous l’effet du coup, le long tuyau métallique se mit de nouveau à cracher mais, cette fois-ci, du sang noir. D’abord la quantité d’une petite entaille, puis d’une griffure, plus d’une coupure, puis d’une plaie béante et bientôt ce fut une véritable hémorragie noire qui se déversait sur les épaules de Job. La masse noire arrivait déjà à ses chevilles. Non. Elle arrivait déjà à ses genoux et rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Ses hanches. Il tournait la manette du mitigeur mais sans pouvoir empêcher l’eau trouble de monter. Sa poitrine. Il se retourna vers la porte de bois et donna de grands coups d’épaule mais rien n’y faisait. Sa gorge commençait à se remplir d’ombre, l’oxygène commençait à manquer et, petit à peu, sa conscience commençait à vaciller jusqu’à lentement s’éteindre. 


Job se réveilla en sursaut. Adam et Shizuka le fixaient depuis le pied de son lit comme s’il venait de voir un fou. Est-ce qu’il venait simplement de rêver ? 


Adam : Hey, tout va bien, mon pote ? T’as fait un cauchemar ou quoi ?


Shizuka donna un coup de coude dans la hanche d’Adam avant de s’avancer vers Job. Elle portait la même robe à fleurs qu’hier, et son aîné portait, quant à lui, un habit de fermier d’un autre temps. 


Shizuka : Adam ! C’est pas une façon de lui parler ! J’espère que vous allez bien, on a tout de suite accouru quand on vous a entendu crier. 


Job : Je crois que ça va…


Shizuka : Très bien ! On vous attend pour le petit-déjeuner alors !


Les deux quittèrent la chambre.


Job : “vous”... ”mon pote”...?


Il se leva de son lit, enfila son haut, mais avant de passer le bras dans sa veste, il remarqua une flaque noire sur le parquet au pied de son pieu. Le colosse regarda son doigt sur lequel se trouvait toujours la plaie de la veille qui n’avait pas cicatrisée. Il observa la chambre et constata le “HOPE” laissé négligemment au pied du lit d’Adam. Il le ramassa, l’enroula et le glissa dans la poche de son pantalon. Au moment où il descendit au rez-de-chaussée, la petite Joestar se jeta sur la vieille femme et la serra fort contre elle. 


Shizuka : Mamie, tu as bien dormi ?!


Mathusalem : Oui, très bien, Joséphine… et vous, Monsieur Fashek, vous avez bien dormi ? 


Job ne répondit pas, perdu dans ses pensées. 


Mathusalem : Monsieur Fashek…?


Job : O-oui, bien sûr, Madame. Votre hôtel est vraiment parfait. 


Mathusalem : Vous avez bien dit que vous étiez un voyageur, c’est bien mystérieux. Ma petite-fille ne cesse de parler de partir à l’aventure à travers le monde mais…


Shizuka: Oui, je sais, Mamie… c’est trop dangereux… je pourrais sortir quand je serais plus grande… 


Job serrait son poing et commençait à perdre patience.


Job : Signorina, si c’est une blague que vous me faîtes, je ne la trouve pas très drôle ! On doit retourner chercher le Mystère près du lac ! 


Shizuka : Signorina ? Mon nom, c’est Joséphine… vous commencez à me faire peur, Monsieur…


Dans les yeux de la petite fille, on ne lisait qu’un apeurement sincère quand elle se cachait derrière sa grand-mère. Adam vint à côté de Job, posa une main sur son épaule et s’adressa à lui d’un ton menaçant. 


Adam : Hey, mon pote, t’as intérêt à sérieusement te calmer. Tu fais peur à ma sœur là. 


Job regarda les yeux d’Adam comme s’il avait vu un revenant. Les chamailleries entre eux étaient habituelles mais cette haine sincère qui habitait son regard n’y était en aucun cas comparable.    


Job : C’est toi qui les a manipulés, sporca strega !


Son piano s’enroula autour de lui comme un serpent autour d’un caducée prêt à soigner ses amis du charme qui les emprisonnait. Check The Rhythm serra son poing et fendit l’air d’un coup trop rapide pour être entendu même par l’oreille la plus sensible du monde. Cependant, les phalanges du Stand s’arrêtèrent à quelques centimètres du visage de la vieille femme. Elle n’avait pas réagi. Même pas un léger réflexe instinctif, elle était impassible. Même les pupilles de Shizuka et Adam n’avaient pas suivi le geste et elles fixaient Job avec un air consterné.  


Job : V-vous ne le voyez vraiment pas alors… 


Adam : Génial. Pourquoi cette auberge attire que les tarés ?!


Son regard assassin se détourna de la victime de ses insultes quand sa poche se mit à vibrer. Il sortit son téléphone et se mit à crier à la personne au bout du fil. 


Adam : Arrête de m’appeler ! Je t’ai déjà dit que je ne connais aucun Ziggy ! Je sais pas quel genre de technique d’escroc tu utilises mais lâche-moi un peu ! 


Il jeta avec violence son téléphone sur le vieux fauteuil en cuir, agitant les grains de poussière comme une foule paniquée. 


Adam : T’as intérêt à être parti quand je reviens sinon je te refais le portrait, le rital. 


Il claqua la porte et la vieille femme, après s’être platement excusé envers Job, se précipita pour le suivre à l’extérieur. La petite Shizuka tira à nouveau la manche du colosse avec les yeux rouges.


Joséphine : J-je pense que vous devriez partir, Monsieur… je n’ai jamais vu mon frère dans cet état… ma grand-mère veut le cacher mais vous n’êtes pas aventurier… vous êtes un criminel, n’est-ce pas…? 


Job restait silencieux. Il tentait de conserver son calme et son impassibilité habituelle mais une boule se nouait dans sa gorge et son poing se crispait. 


Joséphine : Je pensais que vous pouviez être gentil malgré ça… que votre cœur pouvait être sauvé mais… visiblement, un méchant reste un méchant. 


Sur ces mots, la petite fille courut vers la porte en semant une traînée de larmes pour retrouver le chemin de chez elle quand Job serait parti.  


Job : Signorina-je veux dire, Joséphine, revenez...! Je vous en conjure…


Il devait trouver un moyen de les sauver. Cependant, ne fallait-il pas mieux fuir ? Il ne pourrait jamais sauver Michelle en restant prisonnier de ce manoir. Pourquoi hésitait-il ? Le “Chef d’Orchestre” n’avait que pour seul but de la soigner mais que voulait Job Fashek exactement ? La lumière sortant de l’encadrure de la porte ouverte éclairait sa poitrine comme si elle visait les doutes de son cœur. 


Ziggy : Allo Adam ! Tu m’entends ?! Où es-tu à la fin ? 


La voix sortant du téléphone toujours allumé le sortit de ses conflits intérieurs. Il se dirigea agacé vers l’appareil et lança toute sa rage à l’auditeur au bout du fil.


Job : Stardust ! Qu’est-ce que tu leur as fait au juste ?! Je savais qu’il ne fallait pas écouter une vermine dans ton genre ! 


Ziggy : Hein, le Chef d’Orchestre ? Pourquoi tu réponds à la place d’Adam ?! Tant pis, il faut que tu m’écoutes, il y a un souci, Adam m’a totalement oublié ! 


Job : Que veux-tu que ça me fasse ?! En plus, ils m’ont oublié moi aussi… j’ai pensé que c’était dû à cette grand-mère mais elle ne voit pas les Stands, cela ne semble pas être une manieuse… En plus, l’autre insecte se prend pour le frère de la Signorina !


Ziggy : Alors tu es le seul immunisé à ce pouvoir s’il s’agit d’un Stand… c’est de plus en plus étrange et avec ce que j’ai découvert de mon côté, il y a définitivement quelque chose qui ne tourne pas rond…


Job : “Ce que tu as découvert” ? Tu sais quoi ? Je vais régler ce problème tout seul, aucune chance que j’écoute un informateur véreux dans ton genre !


Ziggy : Non, s’il-te-plaît, j’ai besoin de ton aide ! Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le au moins pour Adam et Shizuka ! 


Job hésita. Sa main se crispa sur le téléphone mais il finit par abandonner.


Job : Tu as une minute.


Ziggy : Alors je skip mon magnifique exposé sur le réseau GPS et ses enjeux contemporains et je passe direct à l’essentiel. J’ai remarqué que vos coordonnées n’évoluaient pas du tout. J’ai d'abord pensé que c’était parce que ce village est totalement paumé mais, en réalité, j’ai réalisé en remontant l’historique que les données étaient très bonnes quand vous avanciez dans la forêt…


Job : Abrège sinon j’explose ce téléphone contre le mur !


Ziggy : T-très bien… en gros, depuis que vous avez quitté la clairière -ou plutôt depuis que vous l’auriez quitté - vous n’avez pas bougé d’un mètre sur les coordonnées GPS. Autrement dit…


Job : On est toujours dans la clairière. 


Mathusalem retourna à l’intérieur de l’hôtel en se tenant sur sa canne et sursauta en voyant le colosse qui se tenait au centre de son salon. Sa main tremblante attrapa un couteau posé sur le buffet et le pointa vers Job, le regard apeuré.


Mathusalem : Qu’est-ce que vous faites ici ? Vous êtes un voleur ?! Éloignez-vous de ma maison, je vais vous…


D’un seul coup, la vieille dame s’effondra et Job se précipita pour l’aider.


Job : Madame, vous allez bien ? Vous ne me reconnaissez pas ?! Vous êtes blessée ? On dirait que vous saignez ! Mais ce sang, c’est… Non, hier, j’étais sûr qu’il était…


Une flaque d’encre s’étendait de plus en plus sur le parquet comme une marée noire. Job recula, terrifié par cette ombre qui dévorait le soleil. 


??? : Je n’ai plus à me cacher. Dans 30 minutes, ça fera une journée que la queue de ce poisson a été arrachée et, à ce moment précis, vous ne pourrez plus les libérer. 


La flaque de sang commençait à prendre la forme d’épines. Cinq épines. Elles devinrent bientôt des griffes à l’extrémité d’une patte ébène. Le long de cette patte, des gouttes de sang dégoulinaient perpétuellement jusqu’à prendre peu à peu la forme d’une fourrure animale remuée par le vent. Elle jaillit de sa mare et lacéra la page du calendrier accroché au mur derrière elle. La page du 22 succéda à celle du 22. 


Job : Alors, c’est toi Lake Shore Drive ?!


??? : Non, mon véritable nom de Mystère était bien plus distingué mais il en révélait beaucoup trop sur mes véritables capacités. Votre ami vous a déjà dit que vous étiez toujours dans la clairière, n’est-ce pas ? Alors faites un petit effort. D’où peut bien venir ce lac ? 


Job : Qu’est-ce que tu racontes ? Il n’y avait pas la moindre goutte d’eau dans cette clairière…


??? : Vous en êtes bien sûr ?


Job restait sur ses gardes mais cette énigme l’intriguait. Il réfléchit quelques secondes avant de comprendre et qu’une goutte de sueur apparaisse sur son front.


Job : On serait dans… Non c’est impossible, alors ce manoir… ce lac… ils sont tous les deux dans…


Job se précipita et ouvrit le “HOPE” qu’il avait ramassé près du lit d’Adam. Le Mystère avait subitement changé de nom. À quelques mètres de là, Adam, toujours énervé, marchait à pas rapide dans la forêt jusqu’à ce qu’il se cogne contre un obstacle invisible.


Adam : Une vitre ? Mais qui l’a foutu ici ? Tout le monde a décidé de m’énerver aujourd’hui ?!


Job toisait le cahier et n’en croyait pas ses yeux. Comment allait-il pouvoir s’échapper de cet endroit si ce Mystère disait vrai ? Il n’y avait plus aucune chance de s’en sortir. Ils étaient prisonniers comme des poissons dans un aquarium. 


??? : Le véritable Mystère de ce lac se nomme “Time in a Bottle”. 



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