JoJo's Bizarre Adventure : Lost Baby
Babylon : Mon frère est né avec une spécificité génétique… Vous savez que certaines personnes naissent avec trois exemplaires d’un même chromosome, n’est-ce-pas ?
Shizuka : Oui, je crois… Il s’agit d’une trisomie, c’est ça ?
Babylon : Oui, c’est ça… Cela provoque souvent des retards de développement et parfois, cela empêche même la naissance mais quand cela touche un certain type de chromosome, les effets sont très différents…
Job : Tu parles des chromosomes sexuels ?
Babylon : Mon frère est né avec deux chromosomes Y. Cela ne se voit pas physiquement comme d’autres anomalies de ce type et ça n’a jamais eu aucune forme d’impact sur son comportement ou sur sa personnalité mais…
Shizuka : Mais… ?
Babylon : Mais quand il est né, une rumeur traînait à l’époque…le médecin a dit à notre mère que les XYY était atteint du “syndrôme du tueur”... Que le deuxième Y donnait à l’enfant une virilité incontrôlable q-qui ne pouvait se manifester que par des pulsions violentes et sanglantes… Bien sûr, ce n’était que des histoires et des rumeurs mais… venant d’un médecin, ma mère a tout avalé. Elle s’est mise à imaginer que son fils avait une espèce de monstre en lui qui pourrait se réveiller n’importe quand…
Shizuka : Mais c’est terrible ! Comment on peut penser ça de son propre fils !
Babylon : Notre père était violent… Elle a dû se dire que ça venait de lui… que son fils était pareil… Mais même si mon frère se battait souvent… C’était toujours pour moi ! Dès que quelqu’un à l’école m’insultait… et… et parce que j’étais trop frêle pour répliquer, il fonçait tête baissée pour me protéger !
Shizuka posa une main compatissante sur l’épaule de Babylon qui éclata en sanglots. Elle renifla et passa un doigt tremblant sur son torrent de larmes, comme un mouchoir pour arrêter une hémorragie.
Babylon : A chaque fois que j’allais mal… Il prenait le temps de venir me consoler mais les gens ne voyaient que la bête qu’ils croyaient sommeiller en lui ! Ça me déchirait le cœur mais, au moins, je pensais… je pensais qu’on resterait toujours ensemble… Et puis, il y a eu… i-il… y a eu la mort d’Abel…
Job : Si ton frère l’a tué pour te protéger, il n’a pas à s’en vouloir. Il y a été contraint !
Les yeux de Babylon prirent une teinte encore plus sombre qu’auparavant qui se reflétait dans ceux du colosse. Un voile de ténèbres qui aurait pu rivaliser avec celui que Job avait porté durant son dernier combat. Cependant, son origine n’était pas une quelconque malédiction mais un traumatisme enterré au plus profond de l’âme de Babylon.
Babylon : Non, vous ne comprenez pas… Abel… C’est moi qui l’ai tué !
***
Mère Thorogood : Les enfants, descendez ! Abel est arrivé !
Babylon et Kobain, alors âgés respectivement de 12 et 7 ans, descendirent les escaliers en colimaçon qui menaient de leur chambre au hall d’entrée. À la porte, devant leur mère, se trouvait un petit garçon portant une capuche avec deux morceaux de tissus pendant de chaque côté, lui donnant des airs de chien aux oreilles tombantes. Son visage, comme à l’accoutumé, était radieux comme un soleil et illuminait la pièce.
Abel : Merci, Madame Thorogood ! Tenez, ma mère vous a préparé des cookies pour vous remercier de m’accueillir…
Mère Thorogood : Oh c’est adorable de sa part ! Mais mangez-les plutôt tous ensemble, les enfants ! Il fait beau dehors, allez vous amusez dans le jardin !
Abel et Babylon : Ouaiiiiis !!
Les deux plus jeunes filèrent vers la porte vitrée et se glissèrent dans le jardin ensoleillé, par la mince ouverture en échange d’un grand souffle qui rafraîchit l’intérieur de la maison. Le regard de la mère s’était aussi refroidi au passage de la brise.
Mère Thorogood : Écoute-moi bien, t’as intérêt à être sage et à ne pas te faire remarquer ! Déjà que tu passes ton temps à te battre à l’école, je n’ai pas envie que les relations avec la mère d’Abel se détériorent ! Donc tu vas être obéissant et rester sagement assis pendant qu’ils jouent ensembles. S’il se passe le moindre problème, je t’en tiendrais responsable, j’ai bien été claire ?
Celui qui s’appelait encore Kobain était coiffé d’un bonnet noir portant un crâne rose dont les orbites formaient des coeurs. Sur son t-shirt un smiley souriait, accompagné de l’inscription “Know that smiling heals the pain”. Il marmonna une réponse positive.
Mère Thorogood : Je n’ai rien entendu.
Kobain : J’ai dit que j’avais compris !
Quand son enfant releva la tête et qu’elle vit ses yeux, son visage se peignit de dégoût.
Mère Thorogood : Si seulement j’avais eu un fils normal. Ces yeux… Ils me rappellent l’autre !
Kobain : Mais je ne suis pas comme lui !
Mère Thorogood : Alors reste tranquille et prends exemple sur ta sœur… Elle est si douce et si gentille par rapport à la brute que tu es !
Kobain baissa la tête et s’enfuit vers la lumière du jardin où les deux autres enfants étaient déjà en train de jouer à la balançoire. Il s’adossa à la porte-fenêtre et les regarda s’amuser silencieusement.
Babylon : Grand frère, viens jouer avec nous ! On s’amuse super bien avec Abel !
Kobain : Baby, fais attention à ne pas aller trop vite sur la balançoire. Vous risquez de vous faire mal !
Abel : Kobain, ne t’inquiète pas. Avec Babylon, on est super forts ! Va plutôt chercher les cookies s’il te plaît, on les a laissés à côté de l’arbre là-bas !
Kobain : Haha, très bien. Je vous laisse gérer, les pros ! Alors où sont ces cookies ?
Il repéra l’assiette, négligemment posée dans l’herbe. Il la saisit et se retourna le sourire aux lèvres, vers les deux enfants qui jouaient dans l’aire de jeu. Son regard et l’assiette chutèrent au sol, semant miettes et débris de porcelaine au milieu des herbes.
Kobain : Babylon, attention !!
C’était déjà trop tard. Quand il atteignit la scène, une goutte rouge vint se déposer à côté de l'œil droit de son smiley comme une larme de sang. La balançoire lancée par sa sœur avait frappé la nuque d’Abel de plein fouet. Il était mort sur le coup et sa silhouette s’étendait sur le goudron de l’aire de jeu.
Babylon : Grand frère, j-je voulais pas faire ça… a-aide-moi, il faut appeler les secours !
Kobain : I-il ne r-respire plus, il est mort…
Babylon : Non, Abel !! Par pitié, réveille-toi, j-je suis désolé. T’avais dit que tu voulais aller plus vite donc j’ai poussé… et… et…
Elle s’écroula en sanglot par terre tandis que leur mère, alertée par le bruit, sortit de la porte vitrée.
Mère Thorogood : Q-Qu’est-ce-qui s’est passé ?!
Babylon : A-Abel est m-mo-mo…
Mère Thorogood : Comment ?! Qu’est-ce-qui s’est passé ?!
Kobain s’apprêtait à dire la vérité avant qu’une pensée lui traverse l’esprit. Il se rappela les mots de sa mère. Il ne pouvait pas ternir l’image parfaite qu’elle avait de sa sœur. Lui, tout le monde le voyait comme un monstre prêt à se réveiller à tout moment. Cela ne décevrait personne de savoir qu’il était finalement passé à l’acte. Il s’avança et fixa la femme, avec les mêmes yeux qu’un homme qu’elle voulait oublier.
Kobain : C’est moi. J’ai lancé la balançoire et le choc lui a brisé la nuque.
Mère Thorogood : J-j’aurais du m’en douter ! Malgré tout ce que j’ai pu faire… tu avais ça dans le sang. Va-t-en… Je refuse d’avoir un meurtrier comme fils !
Derrière sa froideur, Kobain savait que sa mère était anéantie par le départ inévitable de son ancien fils. Il se tourna vers sa sœur qui ne pouvait s’arrêter de pleurer en perdant coup sur coup un ami et un frère à cause de sa maladresse et de sa faiblesse.
Babylon : M-Maman, c-c’est moi qu-
Kobain : Chut. Ne t’inquiète pas… T-tout va bien aller. C’est de ma faute, j’aurais dû mieux vous surveiller…
Kobain tentait de retenir ses larmes. Il ne voulait pas quitter sa sœur. C’était la seule qui l’avait toujours soutenu malgré toutes les rumeurs qui couraient sur lui. Il retira son bonnet et le plaça sur la tête de la petite fille.
Kobain : Tiens, tu as toujours aimé ce bonnet, non ? Je te l’offre… Comme ça, si un jour je te manque, tu pourras toujours le porter… Et si tu veux pleurer, pense à mon t-shirt.
Il montra le visage souriant du doigt.
Kobain : Pense à ce sourire et dis-toi qu’en souriant, t-tout ira mieux ! Sourire p-permet de faire disparaître toute la douleur du mon- !
Il regarda le visage de la petite sur lequel se trouvait le bonnet à tête de mort. En voyant le vêtement, il ne put réprimer ses larmes et se retourna pour ne pas affronter la triste réalité. Le bonnet était trop grand pour elle, si bien que le sourire du crâne semblait s’inverser et ses yeux se déformaient comme prêts à pleurer.
Il serra sa sœur le plus fort qu’il pouvait sans confronter son regard puis s’enfuit le plus loin que ses forces lui permettaient. Il courut pendant des minutes, des heures, des jours peut-être et finit par s’écrouler d’épuisement contre un bâtiment dans une ruelle sombre. Il pleuvait.
Kobain : J-je ne comprends pas. J’essaye de sourire mais… ç-ça ne marche pas ! J’ai toujours autant envie de pleurer… j-je ne voulais pas abandonner Baby… je ne voulais pas quitter maman… je veux pas sourire !
Il retira son t-shirt de rage et le lança dans une flaque d’eau devant lui. Alerté par le bruit, deux hommes s’approchèrent de l’enfant. Malgré le mauvais temps et l’obscurité, un emblème doré brillait à leur veste.
Mafieux : Bah dis donc, petit. Qu’est-ce-qu’un jeune garçon comme toi fait dehors par ce temps ? Comment tu t’appelles et où est ta famille ?
Le mafieux se baissa et lui tendit son t-shirt qui traînait sur le sol humide pour qu’il puisse le renfiler. Kobain prit le vêtement dont la pluie avait fait disparaître certaines des lettres dessinées. Il ne restait plus que la première et les trois dernières.
Kain : Je m’appelle… Kain. Oui c’est ça, mon nom c’est Kain ! Et… je n’ai pas de famille… Je suis orphelin.
Kain se força à faire un grand sourire mais la douleur qu’il cachait inquiétait davantage qu’il ne rassurait. Le criminel fut d’abord étonné de cette réponse puis lui tendit une main rassurante dont la chaleur tranchait avec le froid ambiant. Kain la serra fort. Il ne savait pas où ce nouveau nom allait le mener mais il espérait que ça soit le plus loin possible et qu’il pourrait retrouver une raison de sourire de bon cœur.