L'école des démons acte 1
En début d’année leurs parents leur fait faire des tenues pour être en raccord et aux couleurs de leur famille… Elle ne voulait pas la portée, puisque c’est une robe lui arrivant en dessous du genou qui laisse donc sa prothèse apparente. Elle enfile une protection par-dessus pour éviter que ses bas noirs, qu’elle ne trouve pas, ne se déchirent en se coinçant dans les parties amovibles. Elle se pince les lèvres, s’énervant dans son coin. Degan qui lasse ces chaps devant l’armoire de sa sœur, s’en aperçoit et les lui lance puisqu’elle les avait laissés sur le cintre. Aérin les enfile puis se regarde dans le miroir tout en se tordant alors qu’elle ne reconnaît pas cette démone qui s’y affiche. Elle tire sur les longues manches blanches qui forment une ouverture au niveau de l’épaule tandis que le reste de la robe est rouge. La rousse se peigne les cheveux comme elle le fait habituellement, c'est-à-dire lâche. Son frère la fait s'asseoir tout en saisissant un ruban rouge et attache la chevelure de sa jumelle en demi queue de cheval.
— Tu es coiffeur à tes heures perdues ? Dit Aérin taquine.
— Ouaip et arrête de rire, j’adore ça.
Il le fait souvent que ce soit avec elle ou Azael et elle ne sait pas si elle doit rire de la dextérité de son frère ou être vexé qu’il s’en sorte mieux qu’elle. Degan était étonné de la voir sortir sa tenue ce matin, il a hâte de constater la tête d’Azael quand il la verra à son tour. Ils se sont même levés avant lui, pour une fois. Du moins, Aérin l’a tiré de son sommeil alors qu’elle se faisait une scène seule devant l’armoire.
Ils se rendent dans la chambre de l’aîné qui ne devrait plus tarder à se réveiller. Il dort sur le dos, les bras croisé au-dessus de sa tête, la bouche grande ouverte. Elle prend le verre d’eau sur sa table de chevet et le lui fait boire, ce qui a pour effet de le réveiller en sursaut et tousser l’eau qu’il a avalé de travers.
— Ça s’appelle un meurtre, Aérin ! Tousse le bicolore.
Il se redresse, frappant son torse pour s’aider à recracher l’eau, puis dévie son regard furieux sur elle… Elle lui sourit rougissant de honte et il se frotte les yeux pas certains d’être correctement éveillé. Il regarde sa sœur, puis son frère qui aborde un large sourire, derrière elle.
— Tu cherches à séduire quelqu’un ? plaisante-t-il.
— Toi non plus, tu ne vas pas t’y mettre, Azael !
Ils n’ont tellement pas l’habitude que celle-ci soit… Féminine, qu’ils sont tous les deux sous le choc. Mais, pour une fois qu’elle accepte de mettre sa tenue, ils s’empressent de se prendre en photo pour ensuite l’envoyer à leurs parents.
Les voilà partis pour l’école. Aérin vole derrière de ses frères, elle se sent de moins en moins à l’aise. Callego doit déjà être à l’école et Shichiro devrait bientôt les rattraper. Elle va finir par être aussi rouge que sa tenue. Elle a plus qu’envie de faire demi-tour pour aller chercher sa longue veste. Le portail est en vue et derrière eux s’élève la voix de Shichiro. La fratrie s’immobilise, Aérin se cachant immédiatement derrière ces frères en jouant avec ces doigts alors que son cœur s’emballe. Le démon les rejoints tout en les saluant, son regard s’arrêtant sur la rousse.
— Ils se passent quelque chose chez vous ? Demande ce dernier.
— Non, pourquoi ? S’interroge Degan.
— Bah, c’est la première fois que je vois Aérin en raccord avec vous, réfléchit Shichiro.
— Je ne la mettais pas à cause de ma jambe, dit-elle.
— Ça te va bien, dit le démon, en souriant.
Elle se gratte la joue en déviant les yeux. La prothèse est de haute qualité, elle reproduit fidèlement l’articulation et le mouvement naturel de la jambe. La matière interne est métallique et externe ressemble à un genre de caoutchouc élastique.
Ils reprennent la route… Est-ce que ça va plaire à Callego ? Elle secoue alors sa tête ! Pourquoi elle se le demande ? Elle cache son visage dans ses mains, s’énervant toute seule. C’est à cause de cette histoire de séduction ça ! Il faut qu’elle se calme, il n’était pas sérieux ! Les trois autres la regardent, pas certains de comprendre ce qu’il se passe dans sa tête.
— Ou là, trop de flatterie fait disjoncter, Aérin, plaisante Degan.
Ils se posent et rejoignent un Callego agité au côté d’Opéra. Une nouvelle fois, la rousse se cache derrière ces frères, son cœur s’emballe et ces jambes sont molles. Qu’est-ce qui lui prend ? Elle relève les yeux vers les garçons, Callego a déjà fait demi-tour, il est si pressé de se défaire d’Opéra, qu’il ne prête même pas attention à la démone. Ce n’est pas le cas du chat qui se penche vers elle en la regardant avec un petit sourire en coin.
— On change de style, la petite sœur ? dit le démon taquin.
Elle rougit davantage, Opéra qui marche à reculons se retourne alors pour aller vers leur classe à Azael et lui. Les trois autres filent le train à Callego. Ils rentrent dans la salle et rejoignent leur place, Aérin suscitant l’intérêt des élèves, s'assoit, regrettant de plus en plus de ne pas avoir pris sa veste avec elle.
Callego plongé dans ses notes s’aperçoit qu’il ne l’a même pas salué quand ils sont arrivés. Il se tourne de ce fait sur elle. Tiens, elle porte sa tenue formelle ? Elle dévie les yeux en rougissant, ce qui lui fait avoir un sourire en coin. Il inspire lentement alors qu’il sent son cœur accélérer et retourne dans ces pages tout en lui disant :
— Tu es élégante.
— Je rêve ou je viens entendre le vénère faire un compliment ? Dit Degan, en se penchant vers lui.
— Ta gueule ! réplique le brun, irrité.
— Ah, ah, il venait tellement du cœur celui-là !
— Oh, ça me fait penser ! Sursaute Aérin.
— Attention à la surchauffe, petite sœur.
— C’est ma réplique copieur ! Callego, Shichiro, si vous n’avez rien prévu pour ce week-end, nous passons notre rituel, vous y êtes invités. Enfin, si vous le voulez, ne vous sentez pas obliger de venir, dit-elle en perdant de plus en plus sa voix.
— Alors toi, les invitations, on repassera. Ça se passe le samedi, mais vous pouvez rester à la maison jusqu’au lendemain, ajoute Degan.
— C’est avec plaisir, répond Shichiro.
— Quel genre de rituel ? demande Callego.
— On doit se ridiculiser devant les adultes, nous fêtons nos 15 ans ce week-end, explique Degan.
— Si c’est pour te voir te ridiculiser, je n’ai aucune excuse de manquer ça ! réplique Callego.
— Moi, je cartonne, elle par-contre, réplique Degan en faisant un mouvement de tête vers Aérin.
— C’est ta faute, tu me perturbes ! dit la rousse, irritée.
— Je te perturbe aussi quand tu t’entraines seule ? ricane Degan.
— Vous devez faire quoi ? demande Shichiro.
— Nous devons danser, mais ce n’est pas au point, n’est-ce pas Aérin ?
Elle s’écroule sur la table… Absolument pas.
— Ne t'en fais pas, avec la tenue que tu auras samedi, les hommes n’auront d’yeux que pour toi, même si tu te plantes ! plaisante le rouge.
— Je doute que ça l’aide, réplique Callego.
— Pourquoi ? Si elle n'était pas ma sœur, je me la taperais bien ! dit Degan dans le plus grand des calmes, suscitant un regard blazer de la sœur et du duo.
— Votre clan se marie entre eux ? demande Shichiro.
— Degan, tu es glauque et Shichiro ne réconforte pas mon frère dans ces idées saugrenues, intervient Aérin, lasse.
Enfin, ils sont invités, il n’en tient qu’à eux de venir ou non… Le mercredi, les jumeaux sont directement rentrés chez eux pour s’entrainer. Aérin connaît les mouvements, elle est entrainée aux arts martiaux, elle devrait y arriver, mais… Bon sang, pourquoi est-ce si compliqué ! Son renard gronde en direction de la porte d’entrée alors que quelqu’un vient d’y frapper. Ils ont de la visite ? Azael est parti effectuer des achats et Degan est absent pour une autre raison. Elle va donc ouvrir au démon, écarquillant les yeux en sursautant.
— Opéra ! Je t’avais oublié, excuse-moi ! Je suis prise dans mes répétitions, dit-elle nerveuse.
Elle le fait entrer tout en faisant reculer le renard qui n’apprécie guère les inconnus. Opéra la suit alors qu’elle le mène jusque dans le salon tout en observant le canidé qui le flaire.
— Tu répètes pour ton rituel ? suppose-t-il.
— Oui, mais c’est un désastre, dit-elle, plaintive.
Il se tourne sur le canidé, se baisse à sa hauteur et ébouriffe sa crinière hirsute. L’animal au pelage blanc et bleu, agite alors sa queue en se laissant tomber sur le dos, pour lui donner son ventre. La rousse en soulève un sourcil, ébahie.
— C’est la première fois que Blase accepte aussi vite une personne qu’il ne connaît pas !
— J’adore les animaux pelucheux, répond simplement le félin.
Elle rit malgré elle, en pensant à sa forme monstrueuse… Ces frères ont des écailles, elle a des plumes.
— Reprends ou tu en étais, sommes le démon.
— Tu ne devais pas m’entraîner ? dit la rousse, gênée.
— C’est pareil, si tu ne me montres pas ou tu cales, je ne pourrais pas t’aider.
— Je ne sais pas danser, explique Aérin, espérant échapper au félin.
— Ce n’est qu’un problème de rythme ?
— De tout, je perds facilement l’équilibre et je me trouve ridicule à devoir bouger ainsi, alors je m’énerve et… Je n’ai pas envie de faire ça devant tout le monde, dit-elle, en s’asseyant au sol.
Il se penche face à elle et lui tend la main… Elle le regarde sceptique, puis elle soupire en la lui saisissant. Opéra la relève et la fait virevolter sur elle-même, la jeune manquant de s’en retrouver une nouvelle fois au sol, tant sa rapidité l’eut surprise. Elle cligne des yeux tout en le regardant aussi quelque peu amusé. Il a toujours cette expression sérieuse et concentrée peu importe ce qu’il fait. Des cinq, Opéra est celui qui exprime le moins ces émotions, il peut sourire ou avoir l’air fâché, mais cela reste rare. Elle ignore si c’est un trait de sa personnalité ou si cela est dû au fait qu’il soit majordome. Aérin baisse alors sa tête en riant doucement, ce qui en fait penché la tête le félin.
— Quoi ? demande-t-il.
— Azael et Degan ont aussi tenté de me faire danser, explique-t-elle, le visage rouge.
— Et comment cela se passe ?
— Avec eux ça va, mais c’est de le faire devant un public qui me gêne.
Opéra passe alors le bras dans son dos et l’attire contre lui, sans montrer le moindre signe de gêne, tandis qu'il emmêle ces doigts dans les siens. Aérin le regarde quelque peu désappointée, puis dévie le regard, ses joues devenant roses.
— Ce n’est pas ce genre de dance, Opéra, dit-il, embarrassée.
— Je m’en doute, ça te gêne de danser avec moi ?
Elle rougit et détourne les yeux… Oui et non. Elle n’est pas aussi proche de lui qu’elle ne l’est avec les garçons, mais elle n’est pas à l’aise, comme elle est avec ces frères. Il dévie, un pas en arrière puis revient vers l’avant tout en entrainant Aérin avec lui. Elle est rouge comme une tomate et se met à rire de nervosité, alors qu’elle lui marche involontairement sur les pieds.
— Je vais te faire des bleus, ce n’est peut-être pas une bonne idée.
— Tu vas le faire avec Degan, il me semble ?
— Oui, répond-elle en le regardant.
— Alors concentre-toi sur lui et oublie les autres ou pense à moi, dit-il en affichant un petit sourire mesquin.
Il se penche sur elle et lui fait incliner le dos dans un mouvement souple, jusqu’à avoir son visage près de celui de la rousse. Aérin s’en laisse tomber au sol sous le coup du stress. Opéra en écarquille les yeux, il a essayé de la retenir, mais c’est comme si elle avait soudain fondu.
— Ça va ?
— Oui, c’est… Quand même gênant, je n’ai rien de gracieux et c’est ce que l’on demande avant tout à une démone, dit-elle en faisant la grimace.
— Tu veux bien me montrer ?
Elle tapote ces doigts, se relève et lui montre les mouvements qu’elle doit effectuer. Elle est plus que raide et s’emmêle dans ces manœuvres parce qu’elle n’ose pas réellement se lâcher. Cela se voit qu’elle se restreint, du coup, elle n’a pas assez d’impulsions pour les gestes qui demande plus de dextérité. Elle baisse la tête, alors qu’elle sent son cœur frôler l’arrêt cardiaque. La lueur dans ses yeux témoigne du stress qui l’envahit. Le félin la dévisage, recule un peu puis imite ces mouvements. Aérin écarquille les yeux, ensuite détourne la tête, l’envie de pleurer la prenant tandis que la frustration lui en fait se tordre son estomac. Opéra s’arrête confus par son expression. Il se met à danser comme une diablodols, en exagérant ces mouvements pour se faire le plus ridicule possible. Aérin se met alors à rire doucement, inspirant un bon coup, relâchant un peu de la pression qu’elle se met sur elle.
— Je ne t’imaginais pas du genre à aimer la pop.
— J’aime bien danser, même si c’est du n’importe quoi, cela défoule bien, répond simplement Opéra.
Il revient vers elle pour l’inciter à recommencer là où elle en était. De fil en aiguille, elle parvient à avoir des gestes plus souple et une certaine élégance dans ses mouvements. Opéra l’accompagne, comme son frère le fera. Ce n’est pas synchronisé, mais certains de leurs gestes font qu’ils doivent l’être par moments. C’est justement sur ceux-là qu’elle flanche et que le félin la pousse. Enfin, Aérin verra bien ce qu’il en est le jour où elle devra le faire avec la pression que lui mettre également sa famille.