L'école des démons acte 2

Le quatuor est au point de rendez-vous ainsi que les autres classes. Monsieur Dali leur donne de derniers conseils, comme le fait de rester en groupe, même s’ils devront de ce fait se départager les points. Chaque année cet examen fait perdre à l’école une quantité considérable d'élèves qui ne peuvent pas être retrouvées où sauver à temps. À se demander comment cela se fait qu’un examen aussi dangereux ait encore lieu, surtout dès la première année ? Le quatuor est regroupé, mais Aérin hésite à leur parler, parce qu’elle se doute que cela ne leur plaira pas :

— Shichiro, Callego, j’aimerais au moins pour la première journée que nos équipes partent chacune de son côté, dit-elle, en se tenant recourbée.

— Pourquoi ? Ce n’est pas comme si nous allions nous affronter, râle Callego.

— Justement, ce serait plus amusant de voir qui de nos équipes amassera le plus de points, dit-elle, défiante.

— Ça, c'est facile, même seul, Shichiro va tout défoncer, intervient Degan, qui regarde un peu tout le monde.

Contre toute attente, bien que Degan et Shichiro s’apprêtaient à tempérer Aérin et Callego, le brun accepte la demande de sa compagne sans broncher. Il se contente de reculer aux côtés de Shichiro qui le regarde, étonné de son calme.

Callego s’y attendait et à vrai dire, il peut comprendre l’envie de sa compagne. Le duo n'est pas le seul à vouloir prendre du galon et elle ne pourra pas le faire, si les garçons passent leurs temps à la couvrir. Alors, Callego ravale sa fierté et ignore le regard que lui porte son comparse qui cherche un peu à le taquiner.

Le signal de départ est donné et une fois l’un des quatre portails de passé, les groupes prennent une direction différente.

Frère et sœur se sont mis d’accord sur ce qu’il y a de mieux à faire dans un premier temps. Ils comptent d’abord faire du repérage pour trouver un endroit où ils pourront revenir pour se reposer sans risquer d’être dérangé par les autres élèves. S’ils se méfient de Degan, depuis qu’Aérin ne cache plus sa prothèse, beaucoup de démons la pensent inapte à se défendre. Après quelques heures de marches, les jumeaux se sont établis près d’une cascade au pied d’un immense arbre que Degan regarde avec attention.

— L’endroit me parait bien, annonce le rouge.

— C’est le seul point d’eau que l’on ait croisé dans le coin. La plupart des créatures devraient s’y rendre pour s’y abreuver, répond Aérin, en se tournant sur son frère qui se balade à présent torse nu.

— Que fais-tu ?

— J’anticipe petite sœur, même si j’ai des vêtements de rechanges, je préfère ne pas détruire ma veste si je dois me transformer dans l’urgence, en rit Degan.

Aérin soupire et continue son tour d’observation, il y a des buissons avec des baies ici. Degan n’a pas voulu récolter la moindre chose, mais Aérin a déjà amassé quelques plantes en chemin. Les autres élèves vont récolter tout ce qu’ils vont trouver et la plupart sans réfléchir à ce qu’ils font. Ce n’est pas pour rien que plus de la moitié des élèves ne passent pas la première journée. Il ne sert à rien de se presser maintenant.

Shichiro et Callego l’ont bien compris, même s’il y en a un qui se balade, genre sortie, d’école.

— Shichiro, nous avons quatre jours pour trouver toutes les créatures qui peuplent le terrain de chasse, alors bouge-toi un peu ! supplique Callego.

L’argenté se tourne sur son camarade et le rattrape, l’avantage de leurs mauvaises réputations, c’est qu’aucun démon ne préfère franchement les éviter. D’ailleurs quand ils ont choisi la porte quatre, une grosse partie des démons se sont déportés sur les trois autres.

— Tu es certain de toi ? Nous devrions ramasser ce qui vaut le moins de points et nous les tenir comme vivres ? demande Callego.

— Oui, c’est un exercice de survie et s’il te plait n'envoie pas Cerberion à la moindre créature qui nous fait face, grimace le démon.

— Ça va, j’avais compris la première fois, je sais me contenir, moi, râle le démon.

Shichiro n’est pas certain qu’il s’y tiendra, la patience de son camarade n’étant pas la plus grande de ses qualités. Le duo s'enfonce dans la forêt tout en récoltant de petites choses à droite et à gauche. Pour ce qui est de l’abri, ils n’ont pas à s’en faire. Shichiro en fera un de fortune, le moment venu.

— Cela ne te perturbe pas de te retrouver dans un tel endroit aussi longtemps ? demande Shichiro.

— Pourquoi, ça le devrait ? répond Callego, dédaigneux.

— Quitté le luxe dont tu es habitué, pour des arbres ? plaisante le démon.

— Je m’y ferai le temps qu’il faut, bougonne le brun.

Shichiro sourit tout en suivant le démon alors qu’il s’approche d’une caverne assez grande ou ils s’immobilisent.

— Il y a un boss ici, si je ne me trompe pas, réfléchit Shichiro.

— Le Pic et Pêche, répond Callego, en regardant la carte qu'il tient.

C’est un gigantesque oiseau démoniaque avec un bec effilé comme une lame de rasoir et dur comme du diamant. Il a pour manie de piquer dans le sol, ce qui crée des ondes sonores si fortes qu’elles font perdre le sens de l’équilibre ainsi que l’ouïe à quiconque l’entend. Cet oiseau est très prisé pour ses plumes qui ont étrangement un agréable gouter fruité rappelant celui de la pêche, dont le plumage du volatile en aborde la couleur.

— Nous devons absolument éviter de l’énerver ou de lui faire peur, un seul coup de bec peut nous rendre sourd pour un moment, explique Shichiro à Callego.

— On envoie Cerbère et ton dragon ?

— Je préfère éviter de le tuer…

— Je sais, on l’assomme et c’est bon, c’est un boss, on ne peut pas se permettre d’y aller en douceur.

Shichiro soupire, il est bien obligé de suivre l’idée de Callego, cet oiseau ne perd pas ses plumes à cette saison et il se montrera agressif dès qu’il comprendra qu’ils devront les lui arracher.

Ils appellent leurs familiers, Shichiro envoi en premier son dragon qu’il a déjà nommé Grapnir, même si ce n’est qu’en deuxième année qu’ils le font. La créature se glisse jusqu’au pic endormi et l’enserre de lianes pour l’immobiliser, Cerberion vient l’aider en tenant le bec de la créature dans sa gueule pour l’empêcher de le frapper contre le sol. Celle-ci, surprise, se débat vivement, tandis que les garçons se ruent dessus, tant que leurs familiers parviennent à le maintenir en place. L’oiseau se débat plus vigoureusement qu’ils ne l'auraient cru, ses griffes s’agrippent au sol, il tente de déployer avec force ses ailes et de se libérer des lianes du dragon d’écorce. Les démons parviennent à lui arracher chacun une plume et s'en éloignent, rappelant leur familier. Peut-être auraient-ils dû attendre encore un peu avant de le faire !

Le pic est fou de rage et à peine libéré, il martèle le sol avec force, créant plusieurs ondes se répandant partout autour de lui. Les familiers tout d'abord touchés tentent de se défendre. Cependant, ils ne parviennent plus à toucher leur cible et pire encore, ils se sont touchés entre eux.

Ne pouvant les approcher, Shichiro et Callego préfèrent annuler leur invocation. Shichiro conseil à son camarade de reculer, mais le brun réplique déjà en envoyant ses décharges électriques sur le volatile. Celui-ci s'envole dans un bruissement d'aile caractéristique et revient sur le démon en produisant une onde juste à côté de lui. Callego a porté les mains à ses oreilles, mais c'est inutile, il est éjecté avec violence un peu plus loin. Callego peine à se lever, ses oreilles saignent et sifflent si fort qu’il en est étourdi.

Shichiro c’est protéger dans son cocon, il désactive sa magie et s’empresse de rentrer dans l'animal, le faisant tomber sur le flanc et avant qu’il ne puisse réitérer son attaque. Il saisit Callego et se réfugie dans les hauteurs pour éviter toute récidive du volatile. Callego remarque que Shichiro lui parle, mais n’en ressent que ses secousses. Le brun n’entend rien hormis cet assourdissant acouphène qui lui donne le tournis. Où est-il ? Sur une branche ? Il a l'impression qu'il va en tomber, mais il sait que son compère ne le laissera pas chuter. Même sa vision est trouble… Callego se penche soudain dans le vide pour évacuer le contenu de son estomac tout en se tenant à Shichiro, n’arrivant pas à se redresser.

Shichiro grimace tout en aidant le brun à se remettre correctement sur la branche. Il y a dans cette forêt de la funambule, cependant se serait laissé Callego sans surveillance et Grapnir ne répond toujours pas. Le démon regarde autour de lui, les postes de secours ne sont pas loin, si seulement son dragon voulait bien se manifester !

— Balam ? Que fais-tu dans l’arbre ? dit alors une voix.

Il descend les yeux vers deux filles de la classe qu’il reconnaît.

— Lamia, Abrahel ! Callego c’est fait toucher par l’onde du Pic et pêche, explique-t-il.

— Il va mal ? demande Abrahel.

— Il se l’est prise de plein fouet, dit Shichiro, nerveux.

— Allez au poste de récolte, réponds Lamia.

— Se serait abandonné maintenant, si je trouve de la funambule, il retrouvera ses sens, explique Shichiro.

— Nous en avons, confirme Lamia.

— Je te l’échange contre la plume du pic et pêche, propose Shichiro.

— Quoi ? Tu vas vraiment échanger un truc qui vaut cinq mille points contre une qui en veut cent ? dit Lily, abasourdie.

— Je ne peux pas laisser Callego dans cet état.

— Mais… D'ici à ce soir, l’effet ne sera plus actif ? dit Elisabeth, qui en cligne des yeux.

— Je le sais, réponds Shichiro, mais ce sont plutôt les risques qu’il ne retrouve pas l’ouï qui le préoccupe.

Shichiro vient de sauter à terre en tenant Callego sur son épaule qui lui marmonne d’arrêter de le secouer où il risque de le baptiser à son tour, quoi que cela veuille dire ? Il le pose contre l’arbre, le démon observant les trois autres.

— Je délire ou il y a deux personnes qui sont là ? demande Callego.

— C'est Abrahel et Lamia, l'averti Shichiro.

Callego ne réagit pas, mais il continue de fixer les filles en clignant des yeux.

— Il n’entend toujours pas, affirme Lily.

Elle sort la fleur de sa poche et la donne à Shichiro qui lui échange sa plume. Ce dernier écrase la fleur dans sa main et l’étale sur les tempes de Callego, qui en sursaute, cela devrait agir assez vite. Lily et Elisa observent les démons et s’échangent un regard, avant de se rapprocher de Shichiro qui en est quelque peu étonné.

— Ses oreilles… Il ne risque pas de devenir sourd si un prof ne le soigne pas immédiatement ? demande Lily.

— Si, répond, Shichiro.

— Il n’y a pas un spécialiste en soin dans la classe ? demande Elisa.

— Aérin, mais j'ignore où ils sont, réplique Shichiro.

Callego se redresse un peu, le parfum de la plante commence à agir. Il se touche le creux des oreilles et regarde ses doigts maculés de sang et grimace.

— Putain… râle le brun.

— En tout cas, il reste lui-même, rit Lily.

— Lily ! réplique Elisa, gênée.

— Ah ça va, on peut le charrier, il ne nous entend pas, continue cette dernière.

— Je ne vous entends pas, mais je comprends ce que vous dites, grogne le brun.

Les filles s'échangent un regard mi-amusé alors que Shichiro aide le brun à se remettre sur ses jambes.

— Nous devons trouver Aérin, dit Shichiro.

Callego ne peut deviner ce qu’il lui dit puisqu’il porte son masque.

— Au fait, les garçons, je suis surprise que tout ce que vous ayez, soient des denrées à faibles points ? Ajoute Lily.

— Si c’est une méthode pour nous faire dire si nous avons d’autre chose avec plus de valeur, c’est manqué, rit Shichiro.

— Vous pensez réellement pouvoir nous les prendre ? rétorque Callego, avec un sourire arrogant.

— Oh, certainement pas à vous deux ! Ma magie héréditaire me permet de charmer les démons, mais pour cela, le démon en question ne doit pas être amoureux, explique Elisa.

Shichiro, répond d'un sourire, Callego, lui, lutte encore un peu avec son point de gravité qu'il sent encore hasardeux. Ils reprennent leurs chemins, les filles les accompagnants.

— Elisa, on doit trouver un abri ou rester cette nuit, dit Lily.

— Et où tu veux faire ça ?

— Assez proche d'un point d'eau, mais pas trop près non plus, répond sa partenaire.

— Pourquoi pas à côté ? réplique la blonde.

— La plupart des créatures vont aller y boire, on se retrouverait entouré de plusieurs d’entre elles, explique Lily.

— Tu t’y connais en survie ? demande Shichiro, en se tournant sur elle.

— Je suis une Lamia, c’est un peu notre particularité de vivre à la sauvage, dit-elle, ne riant.

— Et toi Balam, d’où te vient cette passion pour les créatures ? demande la blonde.

— Je l’ai toujours eue, explique le démon, qui retient son camarade qui avance un peu vite, puisqu’il ne les entend pas.

Callego n’avait pas remarqué que les filles les suivaient, il se place alors derrière Shichiro, puisque de toute manière, il ignore où l’argenté compte l’emmener.