Demi-sang.

Le grand jour sonne enfin ! Elle a été si nerveuse, qu’elle n’a pas su fermer l’œil de la nuit. Elle est prête à rejoindre la classe anormale. Kikai pensait que Shichiro passerait par la fenêtre, mais le voici à l’accompagner, elle, Callego et les autres professeurs jusqu’à l’ascenseur.

–Tu as peur qu’elle se perde si tu ne la suis pas ? Ricane le brun.

–Il n’y a qu’un chemin pour rejoindre l’école, réplique Shichiro.

–Moi, je trouve cela amusant d’avoir une élève avec nous, rit Robin.

–Tout t’amuse le nouveau, râle Callego

–Il est vrai que nous n’avions encore jamais eu de professeur vivant dans la pension avec son enfant, rajoute Dali pensif.

Shichiro et Kikai s’échangent un regard bref, il rougit encore. Elle sourit face à la gêne de son tuteur. Shichiro arrive de moins en moins à cacher sa satisfaction d’être considéré comme son père. Et, la dragonne n’a plus autant l’impression de trahir son vrai père en voyant Shichiro comme tel.

Callego et les autres professeurs le nargue. Ce qui fait rougir de plus bel le démon qui ne sait plus où se mettre. Kikai sourit, puis se tourne vers la gentille prof. Comment c’est déjà ? Ah, oui Momonoki, qui sourit alors qu’en vérité, celle-ci refoule une tristesse que Kikai ressent malgré tout. Elle observe la prof à la chevelure ciel un instant, interloquée.

Sa peine se creuse quand elle regarde Callego, elle a vite remarqué l’attirance de la démone envers Callego. Pas besoin d’en être proche pour cela. Jusqu'à maintenant, elle n’éprouvait pas de peine à son égard. Cependant, il ne s’agit pas d’un chagrin d’amour, ce n’est pas ce genre de ressentiment. Elle devrait se mêler de ces affaires, mais cela l’interloque.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et tout le monde s’en va rejoindre sa classe. Kikai salue Shichiro et emboite le pas à Callego, puisque c’est avec lui qu’elle aura d’abord cours.

–C’est bien, la première fois que je vois quelqu’un aussi emballée de reprendre les cours.

–C’est une première pour moi. Et, il est temps que je prouve à Shichiro que son enseignement n’aura pas été inutile.

Callego esquisse un sourire sur le coup, avant de reprendre son expression froide. La classe anormale fait déjà du remue-ménage dès son arrivée, Kikai a pu passer incognitos parce que les élèves ne la connaissent pas encore et comme elle a perdu connaissance au parc, elle n’a pas été mentionnée aux infos. Ils peuvent enfin souffler maintenant qu’ils sont dans la royale one. Les élèves saluent la demi-sang qui, comme au parc, l’accueillent comme si elle était là depuis le début. Picero, Jazz et Alice l’appellent directement par son prénom, surprenant le reste de la classe. Et, en parlant de familiarité.

Sabro lui parle normalement. Son cœur bat des records de vitesse depuis qu'elle a posé ces yeux sur lui et comme à l’examen, c'est à ces côtés qu’elle s’assoit. Elle ose à peine le regarder de peur de rougir. Le démon a les yeux rivés sur son cours. La violette se sent si nerveuse qu’elle n’arrive pas à se calmer pour vérifier s’il l’est lui aussi. Sabro l’a embrassée quand il l’a ramené chez le géant. Attendait-il un signe de sa part ? Elle ne sait toujours pas comment elle doit prendre son acte. Les jeunes ne se sont pas vraiment parlés, elle s’est excusée d’avoir eu un cours de rattrapage avec Callego et d’être allé chercher du matériel le lendemain. Hormis les salutations rituelles du matin et du soir, rien d’autre n’a été échangé.

Le cours commence par une annonce des examens de rang restant, et ce, de façon bruyante. Il va y avoir un festival de la récolte et un festival de la musique. Sur ce dernier, Sabro vient à se retourner vers elle en souriant. Non… Elle ne chantera pas ces improvisations foireuses à la classe.

Comme ils ont obtenu la royale one, un enjeu en plus, leur a été imposé. Toute la classe doit passer Dalet avant la fin de l’année au risque de perdre la classe. Kikai est Gimel et elle sait à présent que seule Alice est Daleth dans la classe. Les autres paraissent désabuser. Est-ce si compliqué de prendre du galon ? Il y en a au rang deux, évidemment, pour eux, cela sera plus compliqué.

Callego ne compte pas les laisser dans le pétrin pour autant, bien que les élèves croient que c’est perdu d’avance. Le professeur leur annonce qu’ils seront suivis jusqu’à la fin de l’année par des professeurs attitrés qui les aideront à atteindre ce but. Ils annoncent donc les duos et leurs mentors. Jazz Andro M et Allocer Shneider avec le général furfur, Goemon Gaap. Picero Agares avec Dame vepar. Kamui Caim et Crocell Keroli avec Mister Hat. Elisabeth Ix et Clara Valak avec la succube Reim. Alice Asmodeus et Sabro Sabnock iront avec Monsieur Balam et Iruma et Lied Shax avec Robin Bars. Kikai s'aperçoit qu’elle n’est assignée à aucun duo, ni prof. Sans doute parce qu’elle commence maintenant ou c'est parce qu'elle ne peut ni utiliser la magie, ni ses ailes.

Elle regarde les duos et maître discuter, puis se rapproche de Callego qui tourne de ce fait son regard sur elle.

–Bahamut ton cas est particulier, je t’expliquerai tout à la fin du cours.

–Heu d’accord monsieur…

Sabro et Alice sont ravies d’être avec Shichiro. La démone aurait aimé être des leurs. Callego a visiblement une idée en tête pour elle. Alors, elle patiente jusqu’à la fin du cours et quand la sonnerie eut retenti. Elle ne quitta pas la royale one avec les autres. Sabro, s’en rendant compte, revient vers elle. Ça y est. Son cœur recommence à s’affoler.

–Tu n’as pas eu de prof particulier ? Lui demande le blond.

–Non, mais monsieur Callego a demandé de l’attendre à la fin des cours, lui répond-elle.

–Il va certainement se charger de toi, tu viens seulement d’arriver.

–Peut-être, grimace la jeune.

Sabro, qui se tient le menton, sourit et claque des doigts en se penchant sur la demi-sang.

–Si c’est monsieur Callego qui se charge de toi, cela voudra dire que nous serons rivaux au festival de la récolte !

–On n’y est pas encore Sabro et j’aurais préféré faire équipe avec toi plutôt. Elle se raidit, plaçant ces mains devant sa bouche.

–Hé hé, nous ne sommes qu’en première et des occasions ou nous devrions faire équipe, il y en aura sans doute. Mais, je pensais que tu voulais m’usurper le trône, non ?

–Oh, mais ça, c'est un fait la montagne, la guerre ne fait que commencer, rit Kikai.

–Les cours particuliers commenceront dès demain à la fin des cours. Veux-tu que je reste un peu avec toi ?

Kikai rougit et sourit de gêne, alors que le blond lui dévie simplement les yeux, elle hoche du chef, tandis qu'elle entend Callego l’appeler. Elle quitte momentanément le démon pour rejoindre le plus vieux dans la classe.

–Bon, comme je te l’ai dit, ton cas en particulier Bahamut, comme le sien.

Kikai cligne des yeux, le sien ?

–Purson, tu te décides à te montrer ? Bougonne le brun.

Kikai ne comprend pas sur le coup, jusqu’à ce qu’un démon, un peu plus grand qu’elle, cheveux gris avec une coupe au bol, vient à apparaître.

–Je te présente ton binôme, Soi Purson et je serais votre superviseur.

–Ravie de te connaître, souri Kikai au démon… Qui disparaît de nouveau.

–Bordel Purson reste à découvert plus de trois secondes ! S’énerve le professeur

Purson est là depuis le début, mais personne ne l’a remarqué et cela est simple, c’est sa magie héréditaire. Le jeune est capable d’effacer sa présence, de ce fait, il est devenu timide et froussard. Pourquoi faire équipe avec ce garçon, il n’a pas de problème de magie lui ?

–Si je m’occupe personnellement de vous, c’est parce que vos cas ne sont compatibles avec aucun autre duo de la classe. Purson, tu gères parfaitement ta magie héréditaire et Kikai c'est l’inverse, mais contrairement au couard, tu es extravertie et te mêle facilement à la masse. J’espère que vos caractères respectifs auront un impact sur l’autre.

Le démon tique et tourne la tête.

–Bahamut, je pense avoir une idée de ton problème, je vous expliquerais le programme que je vous aie concocté, demain. À présent, vous pouvez y aller.

Le garçon fait demi-tour et s’éclipse si vite que la dragonne n’a même pas le temps de lui dire quoi que ce soit. Elle rejoint Sabro qui l’attendait comme il l’avait dit. Celui-ci se redresse à sa vue et lui emboite le pas alors qu’ils se dirigent vers la pension. Elle informe Shichiro pour qu’il n’en soit pas surpris et explique à Sabro ce que lui a dit Callego.

–Penses-tu que la classe peut y parvenir ? Demande Kikai.

–Hum… Je ne saurai pas l'affirmer. Je ne connais pas assez nos camarades pour m’avancer là-dessus, mais nos entraineurs sont là pour ça.

–À vrai dire, j’ai peur de ne jamais savoir me servir de ma magie, est-ce que je peux vraiment passer à un niveau supérieur ?

–La force et la magie ne sont pas les seules qualités d’un démon et tu te défends bien au combat. Le professeur Callego utilise avant tout son familier, mais il serait bon au corps à corps de ce que j’ai pu entendre.

–Si je dois m’entrainer au corps à corps avec lui, je ne vais pas savoir garder mon sérieux s’il affiche toujours son air blasé, rit la violette.

–Ou son regard assassin, enchéri Sabro.

Kikai lui sourit, le démon est source de moquerie pour tous visiblement, à cause de sa mauvaise humeur. Sa nervosité est passée, elle a remarqué à un moment qu’il était nerveux lui aussi. Cependant, elle ne saurait dire si c’est à cause d’elle ou parce qu’il va s’entrainer avec Shichiro. Ils sont arrivés à la pension ou Kikai l’invite à venir jouer avec elle.

Assis sur le tapis de sa chambre, les manettes en mains. Kikai tire sur son pull pour le remettre inutilement en place, sa nervosité finit par se transmettre à Sabro, qui lui aussi, réajuste sa fibule qui n’en a pas besoin.

–Au fait, ces plaques te servent à accumuler ta magie ? Demande la jeune.

–Non, je matérialise mes armes quand je mords dans de la matière.

–Heureusement que je ne dois pas mordre les gens pour savoir ce qu’ils ressentent, ri Kikai.

–Essaie seulement, ricane Sabro.

–Ne me tente pas, la montagne ou je vais te laisser un beau souvenir, l'en nargue Kikai.

Sabro lui lance alors un regard défiant et il n’en faut pas plus à la demi-sang pour répliquer. Elle tente de renverser Sabro. Sa force brute ne lui est d’aucune utilité et en plus, il est bien trop grand. Le démon lui a attrapé les poignets, ce qui n’empêche pas la violette de mordre dans l’avant-bras du blond, qui réplique à son tour, si ce n’est que lui, la croque dans le cou. Kikai sursaute et s’éloigne en le regardant rouge de honte, ce qui fait bien évidemment rire Sabro, quant à son expression.

–C’est cela, mare toi ! Et, si ça laisse une trace ? Râle la violette.

–Tu as commencé, la nargue le blond.

–Je t’ai mordu au poignet, pas dans le cou et j’ai senti tes crocs !

–Moi non peut-être ? Et, ton gémissement était mignon.

–Je n’ai pas gémi ! S’en empourpre davantage la dragonne qui recule de ce fait.

–Oh que si, renchérit le blond.

Elle remonte les yeux vers lui, les joues gonflées. Les yeux dans les yeux, son ventre vient à la chatouiller, son cœur chavire et elle se mord la lèvre inférieure de stress. N’est-ce tout de même pas jouer avec le feu ? La dragonne ne devrait pas le laisser l’approcher, elle sait que tôt au tard, cela deviendra dangereux pour elle. Devrait-elle jouer franc-jeu avec lui et lui dire qu’elle est à moitié humaine ?

Sabro l’observe silencieux, il n’arrive toujours pas à comprendre la dragonne, ces silences. Il se penche pour avoir son regard face au sien, glissant la main sous son menton pour qu’elle le regarde dans les yeux.

Elle y avait résisté jusqu’à maintenant, alors pourquoi est-ce que cela la prend si soudainement ? Elle se blottit contre Sabro, tout en passant ces bras dans son dos, les larmes coulant d’elle-même le long de ses joues. Comme si toute la rage et la tristesse qu’elle réprime depuis le début, ne pouvait plus être contenue.

Sabro n’est pas aussi nerveux que la violette, toutefois, quand la dragonne vient à se blottir contre lui. Il est un peu surpris. Cependant, il ignore s’il doit être ravi de la voir enfin céder ou être ennuyé de la voir craquer à cause d’un trop-plein d’émotion. Quoi qu’il en soit, il vient de refermer ces bras dans son dos et de la réfugier contre lui. Sabro n’est pas spécialement doué pour le réconfort, il ignore quoi lui dire. Comment console-t-on une personne qui accepte enfin d’être triste pour la mort d’un proche ? Parfois le silence vaut plus qu’une belle parole. Juste un soutien physique, la chaleur d’un corps. Elle ne pouvait pas se permettre d’être aussi proche de Shichiro, pas ainsi.

–Désolé… Il fallait que je gâche tout, murmure Kikai.

–Je prends ça comme un, oui.

–Un oui ?

–Pour devenir ma reine.

Kikai sourit doucement, glissant la main dans la chevelure hirsute du blond qui se penche sur elle pour venir à la rencontre de ces lèvres.