Inazuma Eleven Solaris
La petite voiture rouge d’Aquilina s’éloigna rapidement, retournant vers les profondeurs des forêts du mont Fuji. Isabelle resta là quelques instants, la regardant s’éloigner. Les derniers mots échangés avaient été durs. Jusqu’au bout, elles n’auront pas su discuter. Tant pis, se dit Isabelle. Je sais faire avec. J’ai toujours fait avec. Ses bagages en main, elle s’apprêta à franchir les grilles de l’école Solaris.
Au premier abord, l’établissement semblait assez menu et sans prétention : une allée de terre menait vers un bâtiment de taille moyenne et de couleur ocre. Le jaune devait être trop brillant, se dit Isabelle. Il était de style assez classique, et ressemblait à ce qu’on trouvait dans la plupart des collèges, avec sa fenêtre circulaire au-dessus de la porte centrale, et les grandes vitres assez hautes, qui laissaient deviner des plafonds hauts, que ce soit au rez-de-chaussée ou à l’étage. Le toit était arrondi, aux tuiles orangées.
Malgré la banalité du bâtiment, cette entrée, cernée de deux rangées de platanes et d’une haie qui marquait les limites de la propriété, ou tout du moins ce qu’on voulait en montrer, laissait comprendre une certaine réflexion. Solaris se voulait discrète mais néanmoins accueillante, et cette dichotomie créait une ambiance légèrement mystérieuse, ce qui intriguait Isabelle à sa grande surprise.
Elle avait rendez-vous à 16h30 : il était 16h33. Rien de très grave. Il n’y avait pas grand monde devant l’établissement, certes quelques élèves, mais tout laissait à penser que la cour de l’école devait se situer plus profondément dans Solaris. L’heure était une autre explication possible : les élèves devaient être encore en cours.
Perdu dans ses réflexions, Isabelle finit par s’apercevoir qu’une jeune fille la regardait. Elle s’approcha d’elle, et, tâchant de faire bonne impression, elle afficha son meilleur sourire. La jeune fille répondit d’un ton froid :
« Vous êtes en retard. »
Ses yeux noisette regardaient Isabelle. Elle était grande, le visage inexpressif et habillée de la tenue réglementaire en version short, une des particularités de l’école. Ses cheveux étaient bruns et longs et venaient s’enrouler autour de son cou, comme si le vent venait tourner autour d’elle. Elle dégageait une aura de mystère, comme si elle connaissait la réponse à toutes les énigmes du monde et était capable d’y répondre en un instant. Un sphinx, se dit Isabelle.
« Je m’appelle Bernadette Stoker. Je suis la présidente du comité de discipline. Je n’aime pas les retards, et je trouve déplaisant que l’entrée à Solaris commence par ça. »
Décidément, se dit Isabelle. Elle avait encore les remontrances d’Aquilina en tête.
« Je suis effectivement en retard, répondit-elle sèchement. Le trajet a été long et j’aimerais m’annoncer à la direction le plus vite possible pour ne pas les retarder plus longtemps.
- Ça tombe bien, je suis chargé de vous guider jusqu’à votre dortoir. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Ah, et tutoyons-nous, ce sera plus simple. »
Isabelle soupira. L’idée de se la coltiner pendant quelques temps ne lui faisait pas envie. Elle s’aperçut alors que Bernadette avait pris la peine de prendre une valise. Peut-être pas si détachée, finalement. Elle suivit donc sa guide, armée du reste de ses bagages.
« Combien y a-t-il d’étudiantes ici ?
- A peu près 600. C’est un petit établissement.
- En quelle année êtes… es-tu ?
- Troisième année.
- Comment es-tu arrivée ici ? »
Bernadette sourit : « avec l’argent pour l’inscription ».
C’est qu’elle se moque de moi ! pensa Isabelle. Et cela marqua la fin de la conversation.
Le bâtiment de l’accueil était plutôt spatieux : on comprenait assez rapidement qu’il s’agissait aussi du bâtiment administratif. Isabelle s’adressa à l’accueil, qui lui fournit son dossier afin de compléter les quelques bouteilles restantes. Stoker indiqua qu’elle attendrait dehors puis sortit ; à ce moment-là, un jeune homme sortit des portes intérieures, venant de ce qui semble être la direction de l’établissement. En voyant Isabelle, il la reconnut et s’approcha pour la saluer.
« J’espère que l’école vous plaira, dit-il. J’ai appris votre passion pour le football. J’espère que les infrastructures sportives de Solaris seront à votre goût.
- Il y a une équipe de football ? demanda Isabelle.
- Non », lâcha l’homme. On le sentait gêné par le sujet. « Ce n’est pas considéré comme… assez important pour l’éducation.
- Ah, fit Isabelle, et elle dut s’exclamer de manière assez agressive car le visage de l’homme comprit rapidement ses sentiments.
- Je suis désolé. J’espère que vous trouverez votre bonheur à Solaris. »
Au moment de quitter l’homme après avoir fini les formalités, celui-ci ajouta :
« Vous savez, votre père a été d’une grande aide pour notre établissement. Nous avons quasiment une dette envers lui. Si nous pouvons faire quoique ce soit…
- Non, ça ira, dit Isabelle pour couper court à la conversation. Sauf si, bien sûr, vous avez un peu d’argent pour les finances d’Alius.
- Hélas, nous ne pouvons absolument pas vous aider pour cela. L’école est un organisme en partie géré par l’Etat et…
- Je ne veux pas entendre vos excuses, coupa sèchement Isabelle. Vous avez quasiment une dette, selon vos propres mots ; dans ce cas, construisez un quasi-terrain de football, ça sera déjà mieux que tout ce que vous pourriez faire.
Isabelle attrapa sa valise et s’éloigna vers la porte. En sortant, la tension diminua. Pourquoi était-elle en colère ? Tout n’avait été que dispute aujourd’hui. Elle se sentait à bout, éreinté.
En réfléchissant, c’était déjà une bonne raison : rien n’était de son côté pour l’instant. Elle était loin de chez elle, et elle était de plus en plus fatiguée par les changements autour d’elle. Si elle avait pu faire un peu de football, même s’entrainer un peu, elle aurait pu s’accrocher à quelque chose. Mais là, elle n’avait plus rien.
Bernadette l’avait suivie, sans se faire remarquer. Elle portait toujours les valises supplémentaires.
« Tu joues aux échecs ?
- J’en ai fait un peu. J’étais meilleure au shogi, répondit Isabelle.
- Je n’ai jamais fait de shogi. Il faudra qu’on se fasse une partie, un de ces quatre. »
Bernadette commença à descendre les marches vers la cour intérieure.
« Qui c’était ? fit Isabelle en la rejoignant.
- M. Cinquedea. Il est membre du conseil administratif. »
Isabelle et Bernadette continuèrent leur route et finir de descendre l’esplanade du bureau administratif. En face d’elle s’étendait un grand parc herbeux, où de nombreuses fleurs en bosquet s’épanouissaient le long du chemin cerclant le pré intérieur. Ce parc herbeux était un grand cercle et le chemin le balisant était à l’intersection de quatre chemins menant vers les bâtiments principaux : l’accueil et la direction, d’où sortaient Isabelle et Bernadette, les bâtiments dédiés au sport, se trouvant sur la droite de l’accueil, les bâtiments de cours, sur la gauche et enfin les dortoirs, reconnaissables à leurs balcons, qui se trouvait en face, à distance de la cour et dont l’intimité était protégée par un parc plus touffu et plus boisé.
Les élèves portaient la tenue réglementaire de Solaris, à savoir une chemise à manches courtes blanche et une jupe mi-longue jaune safran, dont la couleur avait été choisi sans doute pour ne pas créer un ton trop flashy. Une des particularités de l’école était le choix possible entre la jupe et le short, et Bernadette faisait partie de celles ayant choisi le short, malgré la non-mixité de l’école.
« Ton uniforme se trouve dans ta chambre, je vais t’y emmener. »
Isabelle était en effet en vêtements de ville, et elle jurait un peu au milieu des étudiantes en uniformes bien pimpants. Ses quelques bleus qui restaient de ses entraînements étaient visibles sur ses bras, et elle paraissait bien plus négligée que ses futures camarades.
Cela renda Isabelle un peu consciente d’elle-même, et tandis qu’elle avançait avec Bernadette, elle se surprit à chercher ces mêmes bleus sur les bras de sa guide. Ils y étaient. Ils y étaient. Décidément, Bernadette était une personne étrange et de plus en plus intéressante. Elle essaya alors de l’interpeller, afin de réessayer de poser quelques questions.
« Bouh ! »
Isabelle venait de sortir un son pour interpeller Bernadette, mais juste avant, ce cri avait surgi. Il n’avait pas surpris Isabelle et venait de derrière elle. Elle se retourna alors pour voir une jeune fille souriant jusqu’au yeux, aux cheveux bleus tenant en une queue de cheval, et qui dit :
« J’ai gagné. »
Elle se tourna vers Bernadette et cria :
« J’ai gagné ! J’ai gagné ! Je lui ai fait peur, Berna !
- Je t’ai déjà dit que je détestais ce surnom !
- Si je t’appelais par ton vrai nom, tu ne ferais pas attention à moi ! »
Elle semblait terriblement heureuse d’avoir réussi sa surprise, et semblait avoir mal interprêté le son sorti d’Isabelle.
« Tu te trompes, j’essayais de parler avec Bernadette et comme elle était un peu loin, j’ai préféré crier…
- Allons, tu ne vas pas me faire croire ça ? Tu as eu la frousse face à mon génie de l’horreur, c’est tout ! Berna peut en témoigner, pas vrai ? »
Bernadette soupira, et s’approcha des deux filles.
« Isabelle, je te présente Adora Shivers, membre du club d’histoires fantastiques… La seule membre d’ailleurs. Ne fais pas attention à elle dans les couloirs si tu la voies en train de crier sur tout le monde, elle s’est mise en tête de réussir à faire peur à tous les élèves du lycée.
- Et j’ai quasiment réussi d’ailleurs ! La seule personne à qui je n’ai jamais réussi à faire pousser un cri, c’est Berna ! Elle résiste à tout ! Pas étonnant de la présidente et seule membre du comité de discipline ! »
Le sujet devait être glissant car Bernadette tiqua sur la fin de la phrase d’Adora.
« Je vais devoir faire taire un club aujourd’hui. A jamais. »
La menace fonctionna parfaitement sur Adora qui s’excusa rapidement.
« On dirait que c’est Bernadette qui te fait peur plutôt, et non l’inverse, fit Isabelle.
- Ha ! lâcha Adora. Je déteste qu’on me le rappelle, mais tu as sans doute raison… En même temps, c’est une force de la nature ! Je suppose que tu as remarqué que les filles peuvent porter des shorts à Solaris. Eh bien tu dois ça à Bernadette ! Il y a un an, quand elle arrivée, elle a fait pression sur le conseil de direction pour imposer le choix entre short et jupe pour les élèves ! A coup de pétitions et d’annonces publiques, elle a fini par donner raison à son choix ! Une force de la nature !
- Adora !
- Et ce n’est pas tout, continua-t-elle en s’approchant de moi pour garder entre elle et Isabelle la suite. Ce caractère, c’est aussi pour ça qu’elle est toute seule au comité de discipline : personne n’arrive à la supporter assez longtemps pour rester à temps plein au comité de discipline !
- Adora, ça suffit maintenant ! »
Bernadette semblait vraiment tendue, mais pas en colère. Adora souriait, et Isabelle comprit que leur relation était plus chaleureuse que ce que sa première impression laissait entendre. Adora ne faisait que taquiner la présidente du conseil de discipline. La cloche sonna alors, marquant les 18 heures.
« Ah, c’est l’heure de mon club ! Je vous laisse ! »
Adora parti en courant vers les bâtiments Ouest réservés aux cours, et Bernadette reprit son chemin vers les dortoirs, Isabelle sur ses talons.
« Le conseil de discipline ne se réunit pas aujourd’hui ? demanda Isabelle non sans une pointe de sarcasme. Bernadette lui répondit sur un ton neutre :
- Non, il n’y a que moi maintenant. Je m’occupe de l’accueil des élèves, et je préfère le prioriser à des réunions qui n’auraient pas beaucoup de sens. »
Elles descendaient dans le parc du dortoir, et des chênes et noisetiers rendaient la zone couverte, ce qui permettait d’échapper un peu au soleil chaud de la fin de l’été. Les ombrages des feuilles formaient des motifs abstraits qui passaient sur le visage des jeunes filles à mesure qu’elles avançaient vers les hauts bâtiments beiges.
« Tu dormiras avec Kiburn, c’est elle qui l’a demandé.
- Oh… Les positions données ne sont pas aléatoires ?
- Si, mais on parvient parfois à faire des compromis. »
En arrivant devant les dortoirs, Isabelle se vit penser qu’elle les avait imaginés un peu plus grands. En vérité, ils n’avaient que deux étages, et en regardant bien, le toit laissait entrevoir des serres et des personnes travaillant dessus.
« Il y a des serres et des terres au-dessus, expliqua Bernadette. Un club de jardinage coordonne la gestion des jardins, mais chaque dortoir a son coin à lui. La plupart font pousser des fleurs, mais beaucoup de terrains ne sont pas utilisés. Il y a toute une aile de dortoirs qui s’est coordonné pour faire pousser des tournesols. C’était assez joli, mais ils ont commencé à faner. Ils le referont sans doute l’année prochaine.
- Il y a beaucoup d’ateliers pratiques ?
- Oui, mais ils ont peu de membres…
- Peu de membres, c’est un euphémisme ! »
Celle qui venait de parler était adossé au mur du dortoir, à droite de la porte d’entrée. Les cheveux rouges, presque roses, la peau mate, elle regardait les deux jeunes filles arrivaient avec un sourire légèrement narquois. Décidément, elle ne changera pas, se dit Isabelle en la voyant.
« Salut Kiburn, ça va ? »
Sa comparse de terrain vint à sa rencontre, la salua aussitôt et elles n’hésitèrent pas à fondre dans les bras l’une de l’autre. C’était une des seules personnes qui était aussi proche d’Isabelle, et cela se sentait dans la surprise qu’avait du mal à cacher Bernadette en les voyant pleines d’affection.
« Je ne vous pensais pas si proches, finit par dire Bernadette.
- On se connaît depuis longtemps », répondit Isabelle après avoir étreint son amie, vers qui elle continua la conversation. « Dis-moi, sais-tu s’il y a d’autres membres d’Alius ici ?
-Viens, je t’expliquerais en montant, fit Kiburn en attrapant une valise.
- Bien, je pense que mon travail s’arrête ici. J’espère que vous vous intègrerait bien, madame Trick.
- Merci, mais tu peux m’appeler Isabelle.
- Comme tu voudras, acquiesça Bernadette. Puis elle reprit un ton plus solennel : « Le début des cours est à 9 heures, la cantine ouvre à 8h30 pour le petit déjeuner. Tâchez d’être à l’heure, toutes les deux. »
Et elle reparti, sans doute pour travailler la discipline de l’établissement.