Laissez moi rêver...

Chapitre 8 : Un cauchemar dans un rêve

1374 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/10/2023 16:37

Après une brève conversation, le Président Nétéro et la juge se mirent d'accord sur la possibilité pour les participants qui avaient échoué d'obtenir une seconde chance. Comme j'avais déjà réussi cette épreuve, le Président me ramena alors avec lui dans le dirigeable et me donna quartier libre jusqu'au retour des autres aspirants Hunter. Je ne savais pas dans combien de temps ils allaient nous rejoindre, ni ce qui était prévu pour nous après, alors je décrétai que profiter de ce temps pour dormir serait une bonne idée. Physiquement, mon corps semblait toujours plus ou moins sous l'effet du « miracle » qui s'était passé dans le tunnel de la première épreuve. Je ne sentais aucune fatigue ni douleur particulière à l'exception de quelques courbatures. Mais psychologiquement, la journée avait été éprouvante.

La cabine que je rejoignis était étroite, seulement meublée de deux lits et leurs tables de chevet disposés symétriquement de chaque côté, mais je n'y fis guère attention. Après avoir ôté mes baskets blanches d'un mouvement hâtif, je m’affalai sur les couvertures grises avec un soupir de satisfaction. Or, dès que mes paupières se fermèrent, toutes mes pensées convergèrent vers une seule chose.

Le klaxon...

Cette masse rouge, qui s'approchait, s'approchait...

Mes yeux se rouvrirent brusquement, mon cœur s'affolait. Je m'assis au bord du lit pour réfléchir avec tranquillité et inspirai lentement.

C'était mon premier moment d'inactivité depuis que j'étais arrivée comme par magie dans le monde de Hunter X Hunter. Et je ne repensais pas aux rencontres et aux aventures que j'avais vécues, non. L'accident à lui seul occupait tous les recoins de mon esprit.

Je compris que ma motivation inattendue pour les épreuves était en réalité animée d'un but inconscient : me tenir éloignée de toutes ces pensées macabres. Et maintenant que je me trouvais dans le calme, seule et loin de toute adrénaline ou excitation, plus rien ne me protégeait contre elles.

Mon séjour était bien plus long que je ne l'avais cru au début, quand j'étais arrivée avant la première épreuve. Peut-être que, finalement, j'allais rester ici pour l'éternité. J'avais été tuée dans cet accident de voiture et m'étais réincarnée dans Hunter X Hunter pour une seconde vie. Pourquoi pas ? Je me rendis à peine compte de l'absurdité de cette pensée. Au vu des invraisemblances que j'avais faites et auxquelles j'avais assisté ces dernières heures, tout me semblait possible.

Je devais me concentrer sur quelque chose de positif, mais malgré moi, je repensai à mon réveil, mon trajet en bus.

Si je ne m'étais pas perdue dans la lecture de mon manga...

(je ne l'appréciais même pas, ce manga)

Si je m'étais présentée à l'heure à l'arrêt...

(les personnages me paraissaient banals et enfantins !)

...rien de ceci ne serait arrivé.

(ce monde est tout sauf banal et enfantin)

Je repensai à mes professeurs qui ne m'avaient jamais vue arriver en cours.

(ce monde est dur, violent, je n'y ai pas ma place)

À mes parents, lorsqu'ils avaient appris mon accident...

(je veux rentrer chez moi)

… ma mort.

J'émis un bruit entre un gloussement et un sanglot, avant de me rendre compte que j'étais à deux doigts de perdre les pédales.

Ça suffit.

Je recouvris mon visage d'un coussin et laissai s'échapper un hurlement si longtemps étouffé.

Puis avec le sentiment d'être plus vide que jamais, je m'allongeai sur le dos et regardai fixement le plafond pâle jusqu'à ce que mes paupières s'alourdissent enfin.


Je dormais, c'était certain.

Une mélodie aiguë montait derrière moi, une odeur âpre tournoyait autour de mon corps, se déposait sur ma peau, ma langue, dans mes cheveux et mes vêtements. Je la respirais, elle irritait mes poumons, je m'étouffe...

Je dormais, sans aucun doute.

Le bruit se faisait de plus en plus agressif, me pressait de me réveiller, mais je ne pouvais pas, je meurs...

« Je suis désolé. »

Je devais me réveiller.

Au prix d'un effort considérable, j'entrouvris les yeux. Plusieurs silhouettes se découpaient à contre-jour d'une lumière crue.

« Il n'y a plus rien à faire. »

Je levai une main devant mon visage et me redressai, repoussant mes couvertures blanches. Je ne parvenais pas à discerner les visages des formes à mon chevet, mais je crus entendre la voix de mes parents au travers du sifflement strident, qui ne s'arrêtait plus. Je n'avais aucune idée du lieu dans lequel je me trouvais, ni comment j'y avais atterri ; j'étais juste soulagée d'être en leur présence. Maintenant, tout allait s'arranger.

« J'aimerais vous dire que tout va s'arranger... »

Malgré lui, mon esprit était hypnotisé par la voix grave, profonde. Que disait-elle ?

« Mais elle ne se réveillera sûrement pas. »

Je ne comprenais pas.

— Maman ? Papa ?

Ma voix était rauque, rêche ; ma gorge, sèche. L'une des silhouettes, sombre, floue, se pencha sur moi et remonta mes couvertures sur mes épaules. Un geste simple, doux, attentif ; une menace oppressante.

« Elle ne se réveillera pas. »

Prise de panique, je me débattis pour me défaire de son emprise pesante, pour échapper à la prison de tissus sous laquelle il tentait de m'étouffer. Mes pieds nus rencontrèrent le sol glacé et un frisson de givre me parcourut. Mais il fallait que je fuie. Vacillante, je reculai d'un pas désordonné pour heurter un mur froid.

La pièce était inondée d'une clarté douloureuse, cuisante. J'avais le sentiment de me noyer dans une lumière si vive... J'inspirai une goulée d'air pour chasser une migraine acérée et, petit à petit, la pièce blanche autour de moi se précisa. Les formes tremblotèrent, se changèrent en homme, en femme, en meuble. Quatre personnes étaient réunies autour d'un lit en métal. Mes parents de dos, une vieille femme, un homme sévère, tournés vers la place que j'occupais il y a quelques secondes. Leur regard était vide, ils ne me prêtaient aucune attention.

« Elle ne se réveillera pas. »

— Maman, Papa...

Cette fois-ci, ma voix était claire, mais sa fragilité témoignait de ma détresse. Je plaquai mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre le sifflement, mais il se fit au contraire encore plus criard... Je cachai mes yeux, pour ne pas voir ce qui causait le désespoir palpable dans cette chambre. Mais une part de moi le devinait.

« Elle ne se réveillera pas. »

Je sentis ma gorge se nouer en percevant le son à peine audible d'un sanglot. Je longeai le mur et me déplaçai un peu sur la gauche, mais les quatre personnes me cachaient encore la vue de ce qui se trouvait dans le lit. Que regardaient-elles ? Il n'y avait rien. Personne.

Je ne voulais pas comprendre. Je ne voulais pas comprendre pourquoi mes parents pleuraient. J'ignorais l'odeur d’antiseptique, la tenue des médecins, ce signal sonore incessant. Je ne voulais pas comprendre ce que, pourtant, je savais déjà.

« Elle ne se réveillera pas. »

Impossible, je devais me réveiller.

J'esquissai un pas tremblant.

« Elle ne se réveillera pas. »

Le signal aigu s'intensifia, au même titre que la voix du médecin. J'avais envie de hurler pour les faire taire, au lieu de ça, je me précipitai près du lit. Je ne voulais pas comprendre, mais j'y étais obligée.

Mes parents et les médecins étaient immobiles, figés... presque aussi morts que moi.

Je lâchai un petit rire et tombai à genoux. Je posai le bout de mon index sur une tâche écarlate, parmi toutes celles qui recouvraient le drap auparavant d'un blanc immaculé.

Dans le lit, c'était moi. Bien sûr, je m'en souvenais, à présent. Cet accident m'avait coûté la vie. Tout ce qui était arrivé jusque-là et qui arriverait après n'avait aucune espèce d'importance.

Je devais me réveiller...

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