Laissez moi rêver...
— MAINTENANT !!
J'eus à peine le temps de capter un ricanement d'Hisoka que je m'engouffrais entre les arbres. Me voilà encore en train de courir. Mais à présent, je ne courais pas pour avancer vers l'avant, mais pour fuir l'arrière. Cela faisait toute la différence dans ma motivation... Je courais donc de nouveau, mais de toutes mes forces cette fois ci, ne cessant de regarder par dessus mon épaule pour m'assurer que personne ne me suivait.
— Hé !
Un éclair vert se déporta à ma gauche, et je me pris les pieds de surprise, m'étalant la tête la première dans la boue.
— Ça va ?
Je levai une tête dégoulinante vers la personne que j'avais failli me prendre et devinez qui j'eus la surprise de voir... Le petit Gon, fébrile et pressé mais tout de même inquiet pour moi.
— Oui, répondis je en tâchant d'adopter un ton neutre et de m'essuyer le visage.
Il lança un regard perçant dans la direction que je m'efforçais de fuire.
— Bon, alors bon courage pour la suite !
Et il se remit à courir à toute vitesse, disparaissant aussi vite qu'il était apparu.
Je me retrouvai seule, assise dans la boue comme une imbécile. Gon n'allait quand même pas vers Hisoka ? Je secouai la tête. Tout allait bien, il était le héros de ce manga, il n'allait pas mourir.
Je me relevai péniblement ; malgré le miracle du tunnel toujours opérationnel. J'avais assez couru pour m'éloigner du magicien timbré et ce dernier ne semblait pas décidé à me poursuivre, alors retrouver le groupe de participants redevint ma priorité. Mais, même si la brume semblait accepter de se dissiper vaguement, je ne savais pas du tout comment me repérer. Quelle idiote j'étais d'avoir couru sans même me soucier de la direction.
J'essuyais mes mains sur mon jean boueux, ne sachant pas trop quoi faire d'autre. Marcher au hasard me semblait stupide compte tenu des pièges regorgeants dans ces marécages, surtout que je ne pouvais pas être sûre que je ne m'éloignais pas encore plus de l'arrivée.
Ma solution se présenta sous la forme de bruit de pas, venant à ma droite. L'allure calme témoignait de l'assurance de la personne. Elle devait savoir où elle allait...
Bingo. Je me jetai dans un buisson en faisant le moins de bruit possible, et attendis avant d'apercevoir une jeune femme plutôt petite, portant un grand chapeau rond. Elle courait doucement mais semblait sur ses gardes, balayant sans cesse du regard les environs autour d'elle. Je retins mon souffle et commençai à la suivre après l'avoir laissée marcher sur une cinquantaine de mètres. La chute du brouillard me facilitait grandement les choses. Je débutai ainsi ma première filature. Ça me faisait tout drôle : de là où je venais, ce n'était pas quelque chose qu'on faisait tous les jours.
Je suivis donc la femme pendant un long moment, de plus en plus certaine qu'elle savait où elle allait. Je ne comprenais pas comment elle se repérait mais elle avançait très confiante, en empruntant parfois des chemins escarpés. Et puis soudain, je la perdis. Je sortis la tête d'un buisson, surprise. Elle s'était volatilisée. Je me redressai et décidai de sortir sur le chemin, mais à peine fus-je debout qu'une douleur me vrilla l'épaule droite. Je fis un bond sur le côté et chassa une abeille d'un geste vif. J'ouvris de grands yeux ronds en voyant une dizaine de ses compagnes, planant devant moi. Je plaquai ma main sur mon épaule piquée et reculait d'un pas. Le bourdonnement s'intensifia, et les abeilles me foncèrent dessus. Paniquée, je me jetai au sol en me couvrant instinctivement la nuque, anticipant déjà la douleur des nombreuses piqûres, mais un cri retentit :
— STOP !
Je tremblai quelques secondes par terre, et osai enfin lever la tête. La femme que j'essayais de suivre se tenait devant moi, les poings sur les hanches et l'air agacé. Les abeilles voletaient calmement autour d'elle.
— Depuis combien de temps tu me suis ? demanda froidement la femme.
Affreusement honteuse, je ne tentai même pas de me relever et baissai les yeux dans la poussière. La femme m'attrapa par la veste. Je pensais qu'elle allait s'attaquer à moi mais elle me remit juste sur mes pieds. Elle m'évalua de la tête au pied et tapota son chapeau rond où la plupart des abeilles s'empressa de s'engouffrer.
— Allez, viens, dit elle en ignorant mon air ébahi. On ferait mieux de retrouver les autres.
Elle pointa du doigt trois petites abeilles et ajouta :
— Mes chéries nous guideront.
Elle tendit sa main pour m'inviter à la suivre, et je décidai de lui faire confiance, à elle et ses abeilles, même si mon épaule m'élançait. J'étais tout de même un peu méfiante. Je la filais et elle m'offrait son aide ? C'était tellement gentil que ça en était suspect.
Nous rejoignîmes rapidement un chemin, et après une dizaine de minutes, j'aperçus enfin le groupe de personnes. Ma propre pensée m'étonna. Je ne les considérais déjà plus comme des personnages, mais comme des personnes... De vraies personnes...
La femme aux abeilles me fit un petit coucou, me tirant de mes reflexions et elle s'enfonça dans la foule. Je n'avais même pas pu la remercier.
— Norah !
Kurapika accourut vers moi
— Tout va bien ?
Je lui adressai un pouce levé.
— Je n'aurais pas dû te laisser partir toute seule comme ça, aussi près d'Hisoka, gémit t'il. Je suis désolé.
— Ça va, t'inquiète pas.
— Viens, je vais te présenter à mes amis.
J'eus un mouvement hésitant, mais le laissai me trainer avec lui. Je soupirai en comprenant que ses amis étaient Léolio et Gon. Visiblement, quoi que je fasse, je me retrouvais au coeur du trio.
Je levai la tête vers les garçons et croisai un regard bleu qui ne m'était malheureusement pas étrangé. C'était le garçon aux cheveux blancs que j'avais percuté dans le tunnel. Gon semblait content de me voir, et Léolio avait une jolie patate sur la joue. Avec qui s'était il battu, après avoir fui Hisoka ?
— Oh je la connais ! s'exclama Gon. Elle m'a foncé dedans !
— C'est vrai, toi aussi ? rit le garçon aux cheveux blancs.
Mes joues chauffèrent de honte.
— Elle s'appelle Norah, ajouta Kurapika.
— Moi, c'est Gon !
— Je m'appelle Léolio.
Je sais, avais-je envie de répondre.
— Kirua, dit simplement le garçon aux cheveux blancs.
J'essayai de leur sourire.
— Vous savez ce qui va se passer maintenant ? demanda Gon, de qui j'étais sûrement déjà sortie de la tête.
— On ne peut pas entrer, expliqua Kirua en désignant un hangar un peu plus loin. Tout ce qu'on entend, ce sont ces espèces de grognements.
Effectivement, un grondement résonna entre ses murs. En haut de la porte, une horloge indiquait qu'il était presque midi. Au fur et au mesure que la trotteuse comptait les secondes, je sentais la tension monter chez les participants silencieux. Les grondements de faisaient de plus en plus forts, et enfin, l'horloge sonna midi. Presque en même temps, la porte du hangar s'ouvrit avec un grincement, laissant apparaître deux ombres. Un énorme homme au ventre incroyablement gros était assis par terre. Devant lui, une femme au cheveux coiffés d'une manière étonnante était installée sur un fauteuil, les jambes croisées et l'air assuré.
— Alors ? dit elle en levant la tête vers son immense compagnon. Tu as faim ?
Faim ? Quel rapport avec les épreuves ? Même si ça expliquait les grands grondements, sûrement les gargouillis de son ventre gigantesque.
— Et comment ! répliqua l'homme. Je meurs de faim !
La femme dirigea son regard amusé sur nous et déclara :
— Par conséquent, le thème du deuxième tour sera... la cuisine !!
Tous les participants se figèrent de stupeur, moi y compris.
— Nous sommes tous deux de fins gourmets ! dit la femme. Votre mission sera de satisfaire notre appétit en nous préparant à manger !
Je n'en croyais pas mes oreilles. Pour passer le deuxième tour, il suffisait de préparer un plat ? J'avais l'habitude de cuisiner quand mes parents rentraient tard du travail, alors cette épreuve serait pour moi d'une facilité inhabituelle. Un sentiment d'espoir m'envahit ; je pourrais peut être encore continuer l'examen.
— Vous allez commencer par me préparer les plats que je vous commanderai, dis le gros juge.
— Ensuite, compléta la femme avec un sourire, ceux qui seront qualifiés s'occuperont de moi ! Nous clôturerons ce test lorsque nous n'aurons plus faim.
Les candidats semblaient à la fois tendus et contrariés. Ça m'étonnerait si de grands colosses comme eux, qui se battaient comme ils respiraient, savaient simplement faire cuire des pâtes.
— C'est quoi ça ? marmonna Léolio. J'ai jamais cuisiné moi !
Pour une fois que j'avais une longueur d'avance sur eux, c'était incroyable !
Le juge leva son doigt pour attirer notre attention :
— Pour moi, ce sera de la viande de porc grillée ! Si vous chassez dans le bois de Biska, peu m'importe le type de porc... QUE LE DEUXIÈME TOUR COMMENCE !!