Laissez moi rêver...
Accroche toi, ma petite Norah...
Surprise, je relevai la tête. Personne ne m'avait parlé, ni même ne me regardait, et pourtant j'étais presque certaine d'avoir entendu quelqu'un.
La voix de mon père. Je fermai les yeux et me concentrai intensément.
J'étais certaine de l'avoir entendu.
Je priai pour qu'elle résonne encore dans ma tête, ne serait ce qu'une seconde, mais rien ne se passa durant un long instant. Je ravalai difficilement les larmes d'un chagrin mordant. Je n'avais pas une seule fois pensé à mes parents depuis que j'étais ici.
On est avec toi...
Je sursautai. Plus aucun doute, c'était bien la voix grave de mon père ! Je ne savais pas par quel miracle elle me parvenait, mais je ne pouvais nier qu'il m'adressait un message.
Mon cœur se serra. À présent, j'aurais tout donné pour prendre mes parents dans mes bras. Dans le tourbillon de violence des personnages, j'étais redevenue une petite fille, celle qui avait peur de l'orage et des araignées mais qui était rassurée par une simple étreinte.
— Norah ?
Je retins ma respiration et levai les yeux.
Encore lui.
Kurapika se baissa un peu pour se mettre à ma hauteur. Il me regarda. De ses yeux gris, froids en apparence et pourtant tellement compréhensifs. Ma détresse résonnait dans son regard avec toute la souffrance du monde. Un instant, je me demandai ce qui avait pu lui arriver pour que ses yeux soient si tristes, mais il posa sa main sur mon avant bras et mes propres problèmes revinrent à la charge.
— Tu n'es pas obligée de continuer les épreuves, dit il finalement, son regard retrouvant sa fermeté habituelle.
J'avais envie de lui crier que je n'aurais même jamais dû les commencer, mais je ne répondis pas. Kurapika lança un coup d'œil aux autres participants, leur attention toujours focalisée sur le juge.
Et pour la millième fois de la journée, j'éclatai en sanglots. J'étais faible, vulnérable, et je détestais offrir une telle image... Mais parfois, il devenait impossible de se cacher derrière des sourires assurés et des réparties cinglantes.
Kurapika eut un mouvement de recul mais agrippa mon poignet, pour me maintenir à flots. M'empêcher de couler. Sa chaleur me donnait envie de sauter dans ses bras, mais elle me permit seulement de trouver le courage de sécher mes larmes avant qu'elles mêmes ne me noient. Je serrai les dents et dégageai mon bras de sa poignée rassurante.
— Je ne pleurerais... plus jamais, je promis entre mes dents.
Kurapika ne répond rien.
— Plus jamais, répétai je dans un murmure.
Je me relevai en même temps que le jeune homme. Les autres concurrents venaient à peine de repartir ; Kurapika me jeta un regard hésitant et nous repartîmes pour les rejoindre. La course reprenait mais le béton plat avait laissé place à un sol humide et glissant. Les précautions que je dus prendre pour ne pas tomber me rappelèrent le givre de cette terrible matinée, et les larmes menacèrent de jaillir de nouveau. Reprends toi, Norah. Tu as déjà oublié ta promesse ?
Un brouillard épais se levait, et je commençai à me demander comment j'allais survivre dans ce marais. La respiration régulière de Kurapika se mêlait aux bruits de succion de nos pas dans la boue avec une tonalité angoissante.
— Fais attention, me prévint le garçon entre deux respirations. Les créatures de ce marais n'ont qu'un seul objectif : te piéger.
— J'ai entendu ce qu'a dit le juge, je répondis en m'efforçant de ne pas être trop sèche. Avoir ce comportement désagréable était presque un réflexe pour moi, mais Kurapika ne le méritait pas.
Des cris se firent entendre à l'avant du peloton.
— Il y a de l'agitation, observa calmement Kurapika.
J'hochai la tête en ralentissant un peu malgré moi. Difficile de rester impassible quand les gens hurlaient autour de vous... Kurapika et moi nous rapprochâmes un peu, sur nos gardes. Et soudain, les gens qui couraient devant nous, dont nos distinguions les silhouettes dans le brouillard, s'effondrèrent, comme si le sol s'était dérobé sous leurs pieds. Kurapika et moi, nous stoppâmes net. Enfin, comme nous pûmes, car la boue faillit nous faire déraper.
— Venez par ici, s'écria la voix du juge, quelque mètres devant nous.
J'échangeai un regard étonné avec Kurapika. Nous avançâmes à petits pas avec prudence, jusqu'à arriver au bord d'un gouffre dont la brume nous dissimulait le fond, mais dont l'odeur qui s'en dégageait nous en disait long. Je fronçai le nez.
— Venez par ici, répéta le juge devant nous. C'est sans danger !
— Mais...?
Kurapika pointa du doigt un point devant en réponse à mon interrogation. Un corbeau planait au dessus du gouffre, la voix du juge sortant de son bec entrouvert.
Sans dire un mot, Kurapika m'entraîna avec lui, longeant le ravin. Comment allions nous retrouver le groupe maintenant ? Les cris des autres participants pourraient nous guider, comme ils pourraient nous mener à la mort. Mais soudain, Kurapika releva la tête, en alerte.
— Viens, m'ordonna t'il d'une voix ferme en accélérant.
J'allongeai le pas pour le suivre, inquiète. Après quelques pas dans le bourbier infernale, je distinguai des silhouettes. Je jetai un regard à Kurapika, qui semblait guetter quelque chose. Ou peut être quelqu'un.
— Léolio ! s'écria t'il.
Ah. Ok. On vole au secours du grand Léolio.
Une silhouette émergea du brouillard, une main sur sa poitrine ensanglantée. L'homme blond lâcha un cri étranglé quand quelque chose le percuta à l'arrière du crâne et il s'effondra. Kurapika se pencha sur lui.
— C'est Hisoka.
La panique qui se lisait dans ses yeux reflétait parfaitement la mienne quand il retira la carte du crâne de l'homme.
— Il faut partir d'ici, dis je d'une voix blanche.
— Léolio est là bas, répliqua le garçon fermement.
Je déglutis. Je ne voyais pas à quoi je pourrais bien servir pour les aider mais je ne voulais pas m'éloigner de Kurapika, alors je le suivis à contre coeur.
— Léolio ! répéta Kurapika, borné, en se dirigeant vers son ami, blessé au bras gauche.
En l'apercevant, Léolio grimaça.
— Kurapika, vas t'en, cria t-il. Il est fou !
Je ralentis un peu, et m'arrêtai finalement quand je remarquai les nombreux corps étendus au sol devant nous. Un rire mielleux retentit à notre droite. Hisoka. Qui que soit cette personne, fou me semblait être un mot trop faible pour le décrire. Imaginez alors ma surprise quand il sortit enfin du brouillard, laissant apparaître l'homme aux cheveux roses, le fameux Joker. Les cartes. Évidemment. Dans la panique, je n'avais pas fait le rapprochement. Inconsciemment, je me cachai derrière Léolio et Kurapika, le cœur battant. Quelques personnes tenaient encore debout autour de nous, mais semblaient aussi terrorisées que moi.
— Je m'étais dit que je me tiendrais tranquille jusqu'à la fin du premier tour, sourit Hisoka, mais il est un peu trop facile d'après moi... J'ai donc décidé de donner un petit coup de main au jury !
Comment pouvait il être aussi calme après avoir tuer autant de personnes ?
— C'est donc à mon tour de vous juger...
Son sourire se fit franchement démoniaque.
— Nous juger ? ricana un homme. Avec ce brouillard, impossible de retrouver le peloton de tête ! Tes airs supérieurs n'y changeront rien : toi comme nous sommes éliminés !
En guise de réponse, il reçut une carte dans le font.
— Un peu de respect, s'il te plaît, dit Hisoka sans se départir de son sourire effrayant. Ne me compares pas à toi, veux tu ?
Il porta son attention vers nous.
— N'oubliez pas ceci quand vous passerez dans l'autre monde. Rien n'est impossible pour le magicien.
Je me crispai. Kurapika tendit son bras devant moi, comme pour me protéger. Les hommes sortirent un lot d'armes tranchantes, mais ils eurent a peine le temps de réagir que le magicien les avaient tous abattus avec une simple carte. Les hurlements mêlés a l'odeur âcre du sang me donnaient envie de m'enfuir en courant mais mes jambes semblaient figées au sol.
— Vous êtes tous recalés, conclut sombrement Hisoka. Il ne reste que vous quatre...
Il pointa son long index sur nous, et un autre homme qui n'était pas mort. Je deglutis difficilement.
— Ecoutez, nous chuchota l'homme. A mon signal on part tous dans des directions différentes...
Non, je n'avais pas envie de m'éloigner d'eux !
— Il est très fort, poursuit il. Même en l'affrontant à quatre contre un, il est presque évident que nous n'avons aucune chance...
Ma respiration s'accéléra.
Je tentai d'intercepter le regard de Kurapika mais il était rivé devant lui, sur Hisoka qui se rapprochait toujours plus...
— MAINTENANT !!