Du pain et des jeux...en théorie

Chapitre 2 : Chapitre II : Les adieux

1990 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 11:45

Quoi ? Qu’est ce qu’elle vient de dire ? Et là, juste devant moi, je vois une petite fille s’avancer vers l’estrade, ses deux petites nattes blondes ramenées en arrière. Je réagis avant que je ne comprenne ce qu’il se passe.

-Prim, dis-je avant de me précipiter dans sa direction. Prim ! Non, je…je me porte volontaire !

Des pacificateurs me retiennent mais je crie d’autant plus fort.

-Je me porte volontaire comme tribut !

M’ont-ils entendue ? Je ne sais pas. Les gardes s’écartent et me laissent passer. J’en conclus que j’au dû crier assez fort alors. Prim ne peut pas y aller, c’est impossible. Ce serait son arrêt de mort. Je dois y aller à sa place. Les larmes me montent aux yeux presque instantanément mais je les retiens de toutes mes forces. Je dois me montrer forte.

-Bien. Il me semble que nous avons une volontaire, dit Lemy. Quel est ton nom ma chère ?

-Katniss. Katniss Everdeen.

Je me retrouve face aux spectateurs, debout sur la scène. J’ai envie de m’écrouler par terre mais je m’abstiens. Ce ne serait pas bon pour mon image, n’est-ce pas ?

Je ne sais plus où j’en suis. Je cherche quelque chose à quoi me raccrocher. C’est là que je l’aperçois. Finnick. Mon meilleur ami. Il me regarde droit dans les yeux. Je sais ce qu’il veut me dire.

-Tiens-toi forte. Je suis là, comme à la chasse. Pense à moi.

Je n’aime pas cette idée. L’idée qu’il doit me souffler des encouragements, à moi, Katniss. Tout le monde sait que je ne suis pas une faible. Mais là, il me réconforte. J’ai trouvé ma bouée de sauvetage.

-Passons aux garçons !

Lemy précipite sa main dans la boule qui contient les papiers sur lesquels se trouve le nom du tribut masculin qui sera identifié d'un moment à l'autre. Elle en retire un papier et se poste au centre de l’estrade.

-Frank Lewis !

Encore un malheureux que la vie ne tradera pas de quitter. Et en y pensant, un sentiment de lassitude s'agrippe en moi.

Soudain, un mouvement surgit de la foule. Une personne s'avance vers l'estrade.

"Je suis volontaire, dit-il calmement."

Oh non, pas lui. Pas Peeta Mellark. Voilà qu’on va aussi m’enlever le garçon des pains. Il faut croire que le sort ne m’est vraiment pas favorable aujourd’hui.

Sa chevelure blonde s’approche de l’estrade. Il est comme un roc et je n'arive pas à déchiffrer son expression. Partagé entre tristesse et effroi, il essaie néanmoins de rester impassible. Le dénommé Frank Lewis évite soigneusemetn de se pointer alors que moi, je me met à m'interroger sur les raisons qui auraient pu pousser ce petit fils de riche à se suicider même si c'est pas encore tout à fait accompli, à proprement parler.

Bon, déjà, il est clair qu'il aurait ses chances en partie grâce à sa masse de muscles, même si sa taille est son poids ne semblent pas sortir du commun. Et puis, notre district fait partie des plus favorisés tout comme celui du Un et du Deux dans lesquels certains s'entraînent depuis leur plus tendre enfance afin de pouvoir se porter volontaires à dix-huit ans et de remporter la victoire et être couverts de gloire.

Un sentiment de regret me submerge. Je pense à cette affreuse journée. Prim et moi, mortes de faim. Puis cette humidité intenable. Et pendant que Lemy poursuit la cérémonie avec la lecture du Traité De La Trahison, des images me reviennent en mémoire.

Des images du garçon des pains. Je me revois sous la pluie, au pied de ce palmier, affamée et le garçon qui se fait gifler. Il vient vers moi. Et les miches de pain ne tardent pas de voler dans ma direction, là, juste devant mes pieds. Deux grosses miches parfaites. Elles sont peut-être un peu cramées mais je ne pouvais pas rêver mieux. Tout te va quand tu crèves de faim.

Comment le remercier ? Je n’en aurais sans doute jamais plus l’occasion puisqu’on nous envoie dans une arène pour qu’on s’entre-tue. Je vois mal comment placer un « merci » là dedans si je m’efforce en même temps de lui trancher la gorge.

Je jette un dernier coup d’œil sur les spectateurs avant que je sente une main me pousser à l’intérieur de l’Hôtel de Justice. Il est somptueux, quoi qu’un peut vieillot, c’est l’endroit le plus luxueux qu’il m’ait jamais été donné de voir. On me conduit dans ma salle et je me mets à penser. Penser à ma famille, mes amis. Comment vont-ils d’en sortir sans moi. Qui va leur apporter à manger lorsque je serais morte ? Les larmes se mettent à couler sans que je m’en aperçoive. Je ne veux pas pleurer. Les larmes sont signe de faiblesse et si je veux mourir dignement, il me faut une petite place dans ses jeux, aussi infime soit-elle. Alors je bloque ma respiration et essaye de me vider la tête.

Soudain, le battant de la porte s’ouvre, dévoilant ma mère et ma soeur qui court se jeter dans mes bras. Je n’ose pas parler. Ne pas parler avant d’avoir repris sa respiration. Mais je le fais quand même et quand je prends la parole, ma voix se brise :

« Ne vous inquiétez pas. Tout va bien se passer.

-Non Katniss, non, crie ma sœur.  Je ne veux pas que tu partes !

-Ecoute Prim, tu dois être forte, dis-je. Je veux que tu tiennes bon. Finnick vous apportera du gibier. Tu vendras ton fromage de chèvre. Tout se passera bien, c’est compris ?

-D’accord.

On s’enlace encore un moment. Prim rompt le silence.

« Tiens, je t’ai fabriqué ce collier. Tu penses que tu pourras le mettre dans l’arène ?

-Euh, oui je pense.

-Promets le moi. Promets-moi que tu le porteras. Au moins une fois.

-Oui, c’est promis. »

Et elle me passe un ruban vert autour du cou auquel elle a accroché trois plumes. Je crois que ce sont celles d’un geai moqueur.

« J’allais te le donner ce soir mais je pense que c’est plus possible, se reproche ma sœur.

-Il est magnifique, renchérit ma mère.

Elle me trouble. On dirait que chaque mot qu’elle prononce lui coûte un doigt. Avant, elle passait des jours et des nuits sans jamais rien dire, suspendue dans un autre monde. C’est ça, l’effet qu’a eu la mort de mon père chez notre mère. Je crois donc que je peux m’estimer heureuse qu’elle n’ait pas vraiment perdu sa langue, bien qu’elle ne l’utilise pas très souvent.

Un pacificateur se plante sur le pas de la porte. Il nous fait signe que le temps est écoulé. Je plante un dernier baiser sur le front de ma sœur qui s’accroche à moi de toutes ses forces.

« Non, non. »

On les tire toutes les deux vers la sortie. 

« Je te promets d'essayer de gagner, Prim, je m’exclame à l'improviste. Je vous aime ! »

Et le silence se fait à nouveau dans la pièce. Elles sont parties. A jamais. Maintenant, il ne me reste plus qu’à les oublier.

C’est au tour de Finnick de me rendre visite. Et je me jette dans ses bras sans hésiter. Cela paraît si normal, si naturel. Je le sens. Sur ma peau, dans mes narines, il me parle. Je n’écoute pas. Tout ce que je fais c’est me laisser bercer par le son de sa voix. Je ne cherche même pas lui demander pourquoi il ne s’est pas porté volontaire avec Peeta pour tenter d'avoir sa chance pour m’accompagner dans l’arène. Je le sais déjà.

« Tu sais chasser. Tu as une chance de gagner. Tu dois gagner. »

Il se met à chuchoter. 

« Reviens-moi.

-Finnick, tu dois les garder en vie.

-Je te le jure. »

Et notre entrevue s’arrête là. Un garde vient le chercher. Il se laisse entraîner et me jette un dernier regard par derrière.

Il ne pouvait pas se porter volontaire. Il ne pouvait pas se le permettre avec toutes ses responsabilités. Il doit rester pour veiller sur sa famille et voilà qu’il se retrouve avec deux autres bouches à nourrir. Je le suis reconnaissant de ne pas s’être porté volontaire.

Et à mon plus grand étonnement, mon prochain visiteur s’avère être le boulanger du district, M.Mellark. Pourquoi lui ? Qu’est ce qui le pousse à venir me voir ? Il ne me semble pas l’avoir connu, si ce n’est en tant que très bon client de mes ventes illégales. Est-il venu me demander d’épargner son fils une fois dans l’arène ? Toutefois, il n’en fait rien. Il n’est pas très bavard. Alors nous passons toute l’entrevue à se fixer les mains jusqu’à ce qu’il dise, en me posant un sachet entre les doigts :

« Je garderai un œil sur la petite pour m’assurer qu’elle mange à sa faim.

-Merci.

Et il me quitte sans un mot de plus.

La troupe de pacificateurs l’accompagne dehors puis ils reviennent, me prennent par le bras et m’escortent jusqu’à la gare. Leurs mouvements ne manquent pas de brusquerie, comme d’habitude et je finis par laisser tomber le sachet en papier du boulanger. Les gâteaux colorés s’éparpillent par terre. Dommage, ils semblaient plutôt jolis avec ces petits dessins dessus. Je réussis néanmoins à distinguer une des images mais elle ne me fait que rappeler ce fameux jour. C’est un palmier.

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