Du pain et des jeux...en théorie

Chapitre 3 : Chapitre III : L'arrivée

2219 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 08:36

Vu que notre centre-ville ne se trouve pas trop loin du port officiel, celui dans lequel les plus grands navires prennent le large, notre escorte de pacificateurs nous y conduit à pied. Parfois j’entends même des protestations de notre chère escorte comme quoi ses chaussures ne sont pas faites pour faire de longs trajets, ou bien qu’elle n’arrive pas à respirer dans cette moiteur du district Quatre. Elle ne se rend pas compte à quel point elle se rend ridicule. A mon avis, elle est de mauvaise humeur parce qu’elle se retrouve avec deux tributs plutôt défavorisés – être fils de boulanger n'est pas forcément une image de luxe - et minces, quoi que la musculature de Peeta est assez généreuse et ses conditions de vies n’étaient pas aussi dégradantes que les miennes.. Elle espérait sans doute un peu plus de spectacle pour cette soixante-quatorzième moisson. Moi, je m’efforce de l’oublier, même si ses propos sont hautement divertissants. Autant ne pas me frotter à cette mentalité débile. Je préfère me concentrer sur le paysage qui m’est familier, plutôt joli de ce côté du district. Je ne le reverrai jamais donc je m’imprègne de cette dernière image de ma terre natale.

Nous ne marchons que depuis quelques minutes que je vois déjà le port apparaître. Et là, le long du débarcadère se trouve le yacht qui va nous amener jusqu’au Capitole. Contrairement à la plupart des autres bateaux du district, notre vaisseau va remonter le fleuve qui relie notre contrée à la capitale.

« Vous pouvez vous estimer heureux, dit soudain notre hôtesse. Vous êtes les seuls tributs à parvenir au Capitole en bateau, même si le trajet se termine sur un misérable canal. S’il y a bien une chose que je déteste chez le Capitole, ce sont les moustiques.

-Oh, alors va-t-on nous obliger à porter un costume de matelot, histoire de soigner notre arrivée jusqu’à dans les plus petits détails, demande Peeta sur un ton humoristique que je ne lui connaissais pas. En même temps, tout ce que je sais de lui c’est qu’il vit à la boulangerie et qu’on a été dans la même classe. Pourtant, une question demeure. Pourquoi se préoccupe-t-il tant de l’image qu’on peut donner. Je sais que mieux elle est pour les habitants du Capitole, plus on aura de sponsors. Mais pourquoi se pose-t-il cette question avant même qu’on ait embarqué ? On dirait bien qu’il prépare quelque chose.

-Pff, voyons Peeta, nooon. Bien sûr que non. Par contre, rien ne t’empêche d’afficher ton plus beau sourire une fois arrivés. Ou même dès à présent. Que j’ai l’impression d’être là avec des tributs qui n’ont pas l’air d’être là parce qu’on les y obligés. »

Alors c’est ça qu’elle pense de nous. Elle veut qu’on s’amuse. Mais ses jeux ne nous amusent pas du tout. Alors je rétorque méchamment :

« Si vous pensez qu’on est là pour le plaisir, détrompez-vous. Vous êtes donc vraiment aussi bête que vous en avez l’air, là-bas au Capitole, hein.

Lemy en reste bouche bée. Elle n’a pas le temps de répondre parce qu’on nous presse à l’intérieur du yacht et que j'en profite pour m’éclipser pour faire un tour dans cet endroit luxueux.

On ne m’en a pas encore donné l’autorisation mais tant pis. Alors je découvre. Tous ces nouveaux objets. Une chose me frappe : tout est rangé à la perfection. C’est tellement grisant que je me prends à tout manipuler. Tout ce que je ne connais pas, je le touche et je l’observe. J’en apprends des choses aujourd’hui.

Je m’enfonce de plus en plus et je me rends compte que l’on a démarré. Depuis combien de temps est-on parti ? Je me le demande. Alors je m’arrête et regarde par un hublot. Le cours d’eau est large mais nous naviguons à grande vitesse. Soudain, je m’aperçois que je ne suis pas seule dans ce couloir désolé. Peeta. Il m’a suivi.

C’est la première fois que je prends le temps de l’observer en détails. Je remarque alors plein de choses que je n’avais jamais vu chez lui. Prenons l’exemple de ses yeux. Je savais qu’il avait des yeux bleus, un bleu intense, très clair. Mais je n’avais jamais perçu les petites mouchetures jaunes près de son iris. Il y aussi as bouche. Pleine et charnue…voilà que je regarde sa bouche. Elle n’a rien d’intéressant. Et puis il y son air gêné qu’il affiche. Mais il ne tarde pas de disparaître quand il se met à parler :

« Salut

-Salut, lui dis-je.

-Désolé de t’avoir surprise. Je voulais juste te demander si tu savais où se trouvent nos chambres. Tu avais l’air de t’y connaître quand t’es entrée. Lemy m’a laissé en plan à l’entrée alors…

-Tu ne me suivais pas ?

-Bien sûr que non, qu’est ce que tu crois. J’étais en train de chercher quelqu’un à qui m’adresser et puis je suis tombée sur toi.

-Bon.

-Alors, tu le sais ?

-Sais quoi ?

-Ben, où sont les chambres. Pour qu’on puisse prendre une douche parce que franchement, j’ai pas envie de me mettre à table dans cette tenue. Tu ne trouves pas qu’elle contraste avec le reste. Je veux dire avec tout ce matériel flambant neuf dans ce foutu bateau ?

-Ah oui, pardon. Euh…j’en sais rien en fait.

-Je vois. Ça te dérangerait si je t’accompagne dans ta découverte du bateau. A moins que tu aie décidé de faire autre chose.»

Je le vois se mordre la lèvre. Heureusement que notre escorte choisit ce moment précis pour débouler. Elle annonce :

« Le dîner est servi. Oh, seigneur, mais qu’est ce que je vois ? Vous ne vous êtes pas encore changé ?

-C’est un peu difficile lorsqu’on ne sait pas où se trouvent les dits vêtements, dis-je sur un ton sarcastique.

-Parce que personne ne vous a fait visiter le yacht ?

-Il me semble que c’est à vous de le faire. A moins que vous ne considériez n’être venue que pour profiter du luxe et du confort, je réplique. »

Je vois qu’elle hésite. Visiblement elle ne trouve rien de convainquant à répondre. Elle a encore été déstabilisée par ce que j’ai dis d’après ce que je vois. Personnellement, je m’attendais à quelqu’un d’un peu plus diplomatique pour être notre escorte.

Finalement, un homme du Capitole s’approche et nous prie de bien vouloir passer à table. C’est vrai qu’on ne peut pas se permettre de rater le moindre repas ici. Et pour être franche, je n’en ai aucune envie. Il paraît que leurs gâteaux sont succulents. Je n’en ai pas la moindre idée en fait. C’est juste que j’aime bien me réjouir à l’idée que je pourrais enfin manger une sucrerie, tant convoitée chez nous au district Quatre.

Le repas me déçoit beaucoup. Rien qu’une soupe de poireaux, qu’on trouve chez nous aussi et du poulet déposé sur un lit de blé complet. Puis pour le dessert, ils ont eu la bonne idée de nous servir un yaourt aux fruits. Ce n’est pas si compliqué à refaire après tout, surtout quand on a des litres de lait de chèvre à son entière disposition.

Peut-être que ça ne m’a pas goûté à cause du trac car, bien que je l’ai ignorée jusqu’à présent, je sens maintenant comme une grosse boule dans ma gorge qui a envie d’en sortir sans plus attendre. Alors je m’enfonce dans les couloirs jusqu’à trouver une porte ouverte dans laquelle je pénètre sans hésitation. Et là, à genoux, je m’attends à une crise de larmes mais rien ne vient. Je patiente mais ça finit par partir tout seul. J’ai tellement peur de ne pas être à la hauteur. Ce ne sont pas les jeux qui m’importent car, que tout soit clair, je ne nourris aucune chance d’en revenir. C’est plutôt la peur de ne pas mourir dignement. Je ne veux pas que ce soit trop horrible pour ma petite Prim. Je ne tolérerais pas qu’elle assiste à la mort sanglante de sa propre sœur. Et s’il il faut que je meure, autant que ça reste propre.

A mon réveil, j’ai une affreuse douleur dans le dos, comme s’il était bloqué. Normal, quand on passe la nuit par terre, sur le sol dur. Je parviens néanmoins de me relever et de sortir de la cabine. Je vois que c’est une cabine, un compartiment plutôt. Avec un lit, une douche et un grand meuble tapissé de miroirs qui pourrait être une sorte d’armoire de rangement. Je me rends compte que c’était peut-être le compartiment qui m’était réservé. Tout ça pour dormir sur un sol froid et inconfortable. En même temps, qui pourrait s’imaginer qu’un sol soit « confortable ». Ce n’est pas possible. Et je l’ai appris à mes dépens, malheureusement.

Je m’avance vers l’avant du bateau et je trouve Lemy et Peeta derrière une porte, tout les deux assis autour d’une table.

« On pourrait aller manger sur le pont, me propose alors notre hôtesse.

-Non, ça va aller. »

J’aime bien couper court à leurs offres. Rien ne m’intéresse venant des gens du Capitole.

« Dans ce cas, viens t’asseoir avec nous, me dit Peeta. »

Ça, je ne le refuse pas. Je meurs de faim.

Je suis en train de déguster mon pain au chocolat quand nos mentors arrivent en riant dans la pièce. Ils ont l’air de bien s’amuser. On voit bien que ces anciens vainqueurs n’ont pas tardé à adopter le point de vue du Capitole. C’est vrai que des jeux dans lesquels de jeunes s’entre-tuent doivent être très divertissants. Mais pas pour les vingt-trois tributs qui n’en reviennent jamais. Ils nous disent :

« Alors, vous avez passé une bonne moisson ? »

Et ils se mettent tous les deux à rire sans pouvoir s’arrêter.

Laisser un commentaire ?