Du pain et des jeux...en théorie

Chapitre 1 : Chapitre I : Des candidats, une moisson, deux tributs.

2199 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:32

A mon réveil, tout ce que je trouve à ma droite n'est que la toile épaisse du matelas. Ma sœur a dû se glisser dans le lit de ma mère, encore. C'est ce qu'elle fait tout le temps lorsqu'elle fait un mauvais rêve. Normal, c'est le jour de la moisson. Le jour où les tributs du district Quatre seront sélectionnés au sort, au moyen de petits papiers dotés de milliers de noms tirés dans cette boule en verre tant haïe. Ce jour là, qui n'en ferait pas, de cauchemar ? Les riches bien sûr. Ceux qui ont de quoi manger tous les jours, ceux qui n'ont pas besoin de prendre d'autres inscriptions de leur nom pour la moisson en échange d'une misérable quantité de blé et d'huile. Sans oublier le poisson, tout a fait abondant ici au district Quatre. Ou bien, il y a toujours les gens qui arrivent a ce le procurer sans se faire remarquer. Le vol. Un des crimes considérés comme « grave » ; autrement dit, le prix capital. Mais nous, nous ne sommes pas comme ça.Nous, nous ne voulons rien savoir de cette ville que l'on appelle le Capitole. La capitale de Panem. Notre capitale. Celle qui nous oblige à nous entre tuer, simplement pour distraire ses habitants. Le blé, lui, ne vient pas du Capitole. C'est le district Neuf qui le produit. Le district des céréales, d'après ce qu'on nous apprend à l'école. Mais à seize ans, j'ai quand même appris à me faire une idée de notre patrie, je ne gobe pas tout ce qu'ils disent là-bas.

Pour subvenir à nos besoins, je m'échappe du district. Je chasse. Je pêche. C'est interdit mais comment faire autrement ? Notre mère ne vend plus rien depuis que nous sommes devenus les médecins attitrés des pauvres. Ses médicaments, ses breuvages pharmaceutiques ne lui rapportent plus rien. C'est compréhensible puisque tout ce que les pauvres ont à offrir est leur gratitude.Je me lève du lit et j'enfile mes bottes en cuir usé. Je ne sais combien de fois elles ont déjà pris l'eau mais elles sont toujours en vie, c'est le principal.

Je me prépare à sortir, sans oublier de laisser un mot à ma mère et à ma soeur Prim. Cette petite Prim. Elle n'a que douze ans mais elle ressemble déjà tellement à ma mère. Les mêmes cheveux blonds, les mêmes yeux bleus. Tout ce qui les différencie, ce sont le nombre de rides qui sillonnent le long du front de notre mère. Elles m'ont d'ailleurs laissé un joli petit fromage de chèvre sur la table. Hmmm, ça fera un bon petit déjeuner pour ce beau jour de printemps.Le temps que je descende la falaise, le soleil poind à l'horizon. Plus que quelque pas et je serai en face de ce grillage que tout le monde redoute. Pour le passer, il me suffit de me faufiler par le trou que j'ai repéré il y a bien longtemps. Le chemin habituel quoi. Une fois dans le bois, la jungle comme l'appelle Finnick, je récupère mon arc et je cours jusqu'à notre point de rendez-vous. Et comme prévu, mon ami m'y attend. Bien que déjà au travail, il ne paraît pas bien fatigué. En réalité, pêcher est comme un jeu pour Finnick. Quand on le voit agiter son trident avec son petit sourire narquois sur son beau visage bronzé, on pourrait presque le confondre avec un enfant qui sort son premier pain du four.Oui parce qu'ici, c'est une tradition. A l'âge de douze ans, les enfants des quartiers riches pétrissent leur premier pain de sel avec leur père pour affirmer leurs capacités.C'est à ce moment là que les jeunes montrent enfin à leurs parents de quoi ils sont capables. C'est aussi le moment où on entend le plus d'enfants pleurer après avoir déçu leur maître. Une tradition tout à fait méprisable mais assez drôle quand on voit tous ces petits visages désolés. Ils n'ont vraiment rien d'autre à faire ces gens.

« Hey, Finnick, je lui lance, on ferait mieux de partir chasser le dîner de ce soir. J'ai pas envie de me ramener avec la récolte habituelle de poisson fade.

-Bien, mais laisse moi le temps de ranger mon trident. Et puis, je ne vois vraiment pas ce qui te dérange chez ces poissons. Je te rappelle que ça va faire quatre ans qu'ils te nourrissent. Un peu de reconnaissance.

-Oui, oui, c'est ça. Allez vas chercher ton arc.

L'arme de prédilection de Finnick est le trident, bien sûr, mais je lui ai appris à se servir d'un arc dès notre rencontre. C'était un jour d'hiver, il me semble. Ici toutes les saisons se ressemblent tellement : l'humidité et la chaleur sont partout, qu'on soit en été ou en hiver. Je venais de subir la mort de mon père, celui qui m'a beaucoup appris de la chasse. Mais là, c'était la première fois que j'ai osé m'introduire dans ce fameux trou du grillage pour partir vers l'inconnu, désespérément seule et affamée. Je me suis avancée jusqu'à la plage, la petite baie que je connaissais si bien. Il était là. Il nettoyait ses proies. La première chose qu'il m'ait dite c'était : « Alors, on a faim ? ». Pas besoin d'être très observateur pour voir que je n'avais pas vu de viande dans mon assiette depuis longtemps. Puis on partagé son repas tout en faisant connaissance. J'ai vite appris que lui aussi avait perdu son père dans la terrible tempête qui a frappé notre district et a fait échouer le bateau de pêche dans lequel nos pères avaient embarqué. Ils étaient marins et pêcheurs. Tous les deux. D'ordinaire, ici, les hommes vont travailler au port, porter la marchandise dans les navires et tout le reste. Mais pas nos pères. Pourquoi ? Peut-être ne seraient-ils pas morts aujourd'hui s'ils avaient fait comme tout le monde. La pêche c'est pour les commerçants ou les professionnels, ceux qui sont engagés pour faire parvenir la prise au train, en route vers le Capitole.A partir de notre rencontre, Finnick et moi chassions ensemble, tout le temps. On s'est vite aperçus que nous étions deux personnes très complémentaires, malgré nos tensions. On se disputait souvent le butin de notre chasse jusqu'à ce que ça s'arrête, tout naturellement. Je ne me souviens même plus comment ça a pris fin. Et depuis, nous n'avons fait que peaufiner notre technique de chasse.Les pièges sont une très bonne arme mais je prends un malin plaisir à tirer le gibier pile au milieu de l'œil avec mes flèches. Alors nous partons. Et le résultat n'est pas mauvais. On a empoché trois gros lapins, un dindon sauvage, et les quelques poissons de Finnick. Sans oublier toutes les plantes médicinales qu'on a trouvées pour ma mère. On est même allés chercher des grenades pour le dessert de ce soir. Je compte d'ailleurs me surpasser pour cette occasion très spéciale. Ne pas être tiré au sort est un cadeau qui doit être marqué, donc toutes les familles essayent d'en faire une soirée sympa à l'exception de celles des deux tributs. Eux, ferment leurs volets et on ne les revoit que le lendemain, en route pour travail. J'espère que ça ne sera pas le cas pour nos deux familles à nous.On se dépêche de rentrer, on fait un tour à la plaque pour vendre notre butin -du moins ce dont on peut se passer- et nous regagnons notre quartier de banlieue. Je rentre dans notre taudis et laisse tomber ma besace par terre.

« Te voilà, me dit ma mère. Je t'ai fait chauffer de l'eau pour ton bain. »

Un froid s'est installé entre nous depuis son attitude après la mort de mon père, mais j'ai appris à ne pas toujours rejeter son aide. Alors j'obéis.Une fois propre, ma mère me désigne sa robe bleue du temps de la pharmacie.

« Tu n'as qu'à mettre celle-là.-Tu es sûre ?

-Oui, pas de problème. »

Ses réponses sont aussi brèves que dénuées d'émotion. Mais j'accepte.

« Oh, tu es trop belle, Katniss, me dit ma sœur en poussant un soupir d'émerveillement. J'aimerais tellement te ressembler.

-Tu sais que tu es la plus gentille des petites sœurs du monde, toi ?

-Hi hi, et toi la plus belle. »

Je l'aime. Ce ne sont pas ses compliments qui me touchent tant. Eux sont ponctuels. C'est plutôt son intégrité, sa tendresse. Prim est tellement...Prim. Soudain, je ressens un immense soulagement à l'idée que sont nom ne puisse pas être tiré pendant la cérémonie qui approche. La chance n'est pas inexistante mais incroyablement mince, vu qu'il n'est inscrit qu'une seule fois.A l'heure prévue, nous nous rendons tous ensemble sur la Grand Place. Elle est noire de monde à l'évidence. Une estrade a été érigée devant l'Hôtel de Justice et les bannières du Capitole sont accrochés sur les murs des bâtiments. Il y en a partout.

Primerose enlace notre mère avant de venir se ranger dans la queue, en attendant de se faire enregistrer. En l'observant, je me dis que je la trouve extrêmement courageuse. Sa première moisson. Je remarque néanmoins la panique sur son visage donc je la prends dans mes bras et nous restons ainsi pendant quelques minutes sans rien dire avant d'être bousculées par la foule de jeunes qui commence à se caler entre les cordons. J'entends le micro bourdonner mais je ne vois plus ma sœur. Elle a dû se laisser emporter par le flux de personnes. La cérémonie va commencer. Le maire se lève et fait un bref signe de la main à la foule avant d'entamer son discours habituel. Puis c'est au tour de Lemy, l'hôtesse du Quatre, de se présenter avant de lancer d'une voie joviale :

« Je vous souhaite de joyeux Hunger Games, et que le sort puisse vous être favorable. »

Son accent du Capitole rend cette phrase encore plus drôle. Mais pour qui ces Jeux vont être agréables ? Personne ici ne passe de  « joyeux Hunger Games ». Ce sont les gens du Capitole que ça amuse de jeter vingt-quatre tributs dans une arène afin qu'ils s'entretuent jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un.Mes idées se précipitent et avant que je n'aie le temps de prier pour Fin...

-Primerose Everdeen !

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