Il y a des jeux bien pires

Chapitre 4 : Têtard

5459 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/01/2024 16:58

Second trimestre


Aujourd’hui, pour la première fois depuis un mois et demi, je me sens dans mon état normal. Peeta est surpris également d’en être autant soulagé. Pas d’épisodes nauséeux. Pas de peur. Pas de saignements. Pas d’inquiétude. Je ne m’attends pas à ce que ça dure. Je commence à être désagréablement habituée à me sentir au plus mal. Je suis agréablement surprise que le reste de ma semaine reste sur le même ton. Je peux manger et me déplacer normalement. Le seul indice qu’il y a quelque-chose d’anormale est le fait que mes habits soient presque imperceptiblement plus serrés qu’avant. Je choisis de ne pas y prêter attention pour l’instant.

Pour Peeta, tout cela est merveilleux. Parce-que je ne me sens plus malade, il s’autorisé à être enthousiaste maintenant. Je ne tempère pas cet enthousiasme. Je ne le partage pas, mais je m’efforce de lui faire autant plaisir que possible. Qui plus est, il ne me l’impose pas plus que ça. Il se contente de fredonner quand il travaille, et je remarque des couleurs plus vives dans ses peintures, tout comme sur ses gâteaux. Il se penche plus souvent au-dessus de la table pour m’embrasser, mais je n’y fais pas attention. Parfois, ça me fait même sourire.


Pour Peeta, c’est merveilleux. Pour moi, cette normalité retrouvée marque un peu le début de la course contre la montre. Auparavant, j’étais trop malade pour y penser plus que ça, occupée que j’étais à tenter de m’alimenter pour réussir à tenir ma journée. Maintenant, j’ai les idées plus claires. Je crains déjà le jour où je resterai coincée à la maison. Je sais que ça arrivera. Pour le moment, je peux toujours courir, me faufiler sous la clôture ou monter aux arbres. Pour la plupart des gens, ne pas pouvoir faire ces choses pendant un temps ne serait pas insupportable. Pour moi, ça le sera. J’ai même inscrit le fait de pouvoir passer du temps dans les bois dans ma liste de requête, quand j’ai accepté de devenir le Geai Moqueur. C’est de la plus haute importance. Ça me démange si je ne peux pas sortir. Alors, ces jours-ci, je passe plus de temps dans les bois, essayant de rattraper les semaines pendant lesquelles je ne pourrai pas y aller. Les bois m’ont aidée à guérir après que la guerre s’est terminée. Ils continuent de le faire. Je ne peux qu’espérer que de leur être enlevée ne fera pas l’effet inverse.


Je sens que le temps joue contre moi. L’étroitesse de mes vêtements qui était à ce moment là presque imperceptible devient inconfortablement apparente deux semaines plus tard. Trois semaines et demie plus tard, je dois commencer à porter les chemises de Peeta. Elles sont encore un peu lâches pour le moment, mais nul doute qu’elles aussi finiront par devenir trop étroites. Il va falloir que je m’achète de nouveaux vêtements, à moins que je ne porte les quelques vieilles robes que je garde de ma mère. Celles qu’elle portait quand elle était enceinte de moi, puis de Prim. Je ne sais pas ce qui serait le pire entre aller au village acheter des vêtements plus grands, ou devoir porter une robe. Je décide que je devrais y penser plus tard.


Une semaine plus tard, je commence à manger. Je ne m’arrête pas. Dans un premier temps, je ne le remarque pas vraiment. Ce n’est que le jour où je surprends Peeta en train de me dévisager les yeux écarquillés que je remarque que quelque-chose n’est pas normal. Je réalise qu’il a mis sur la table une assiette de pâtisseries il y a seulement dix minutes, et que je les aie déjà finies. Si Peeta n’avait pas commencé à me dévisager, je n’aurais eu aucune idée que je venais juste d’ingurgiter une assiette entière de nourriture. Je n’ai jamais eu un petit appétit, mais je réalise que de regarder quiconque avaler une telle quantité de nourriture aussi rapidement fasse forte impressionnant. Même dans le District 12 où la famine était courante.


-         « Peeta, il serait dangereux pour ta santé de continuer à me dévisager. »


Il détourne son regard rapidement.


-         « Je suis désolé. Il y en a plus dans le four si… »


-         « Je t’interdis de finir cette phrase. »


Je m’en serais voulu d’avoir été si brusque si Peeta n’avait commencé à rire. Je refuse de plaisanter avec lui et je monte à l’étage pour enlever mes bottes. Je sais bien ce qui est si hilarant pour lui. C’est la première chose que je fais qui est vraiment un « truc de femme enceinte ». En dehors de vomir, qui, quoi qu’il en dise, l’effrayait pendant ses journées. Quand je redescends, il y a bien sûr une autre d’assiette des mêmes choses posées sur la table.


-         « Je suis désolé de t’avoir dévisagée. Tu peux en manger plus si… »


-         « Peeta, ce plat va finir dans ta tête si tu finis cette phrase. »


Peeta essaie de retenir son rire pendant un moment pour sa propre sécurité.


-         « Oui m’dame. »


Il retourne à son travail. Je profite du temps pendant lequel il glousse en ayant le dos tourné pour prendre une autre pâtisserie, et je sors comme l’éclair.


Les arbres arborent désormais une mosaïque de couleurs, des oranges lumineux, des rouges vibrants, et des jaunes doux. Je suis heureuse que, puisqu’il faut que je passe autant de temps que possible dans les bois, ce soit en automne. Il y a quelque-chose de différent dans l’air et dans la lumière en automne. L’odeur est différente, la vue est différente. Différente de toutes les autres saisons. C’est ma préférée. Peut être que c’est parce-que je suis heureuse que les jours frais et venteux de l’automne remplacent les journées chaudes et humides de l’été qui le précède. Peut-être que c’est qu’en cette saison, je peux sentir les bois plus vivement à cette période de l’année. Peut-être que ce sont les couleurs. Peut-être est-ce la façon dans les feuilles brunissent. Quoi qu’il en soit, mon point de vue s’améliore toujours dès que j’entends mes pieds crisser sur les feuilles mortes sur le sol de la forêt.

Je suis immédiatement au sommet d’un arbre, installée dans une sorte de berceau créé par trois grandes et solides branches. Je suis d’une certaine façon irritée par Peeta, mais je le suis surtout par la situation en général. Je décide ici que je n’aime pas particulièrement être enceinte, même les jours où je me sens bien. Les gens me traitent différemment. Comme si j’étais plus faible. Je sais que, physiquement, je le suis, d’une certaine manière. Mais je n’aime pas être traitée comme un bébé. Je suis fatiguée d’être observée, fatiguée que Peeta attende de moi que je fasse des « trucs de femme enceinte » qu’il pense être mignonnes. Pour l’instant, c’est seulement Peeta, mais finalement, tout le monde finira par le faire. Je n’ai jamais été considérée comme mignonne jusqu’à maintenant et je n’ai pas l’intention de m’y mettre.


« Je suis certaine que tu es merveilleux et je suis sûre que je vais bien t’aimer, mais j’espère que tu ne vas pas rester ici trop longtemps » dis-je, en soufflant, à mon ventre.


« J’aimerais aussi que tu ne manges pas autant. Ton père ne va jamais me laisser tranquille avec ça »


Je continue de regarder mon ventre. Il n’est pas encore assez gros pour l’instant pour que d’autres personnes puissent le voir. Ils pensent juste que j’ai pris un peu de poids et sont satisfaits de voir mon visage paraître un peu plus rond. Mais je peux voir le petit arrondi dans mon bas-ventre. Pour la première fois, je me demande ce que ça fera à cet enfant de m’avoir pour mère. En premier lieu, je m’inquiète surtout pour mes compétences parentales. Je sais que Peeta sera un père parfait. Mais je ne sais pas pour moi. Je suis calme, étrange, difficile à comprendre, et un peu dure parfois. J’espère que ce ne sera pas dur pour mon enfant de se rapprocher de moi. Je sais que c’est difficile pour toutes les autres personnes, mais j’espère que cet enfant le ressentira différemment. Je ne suis pas naturellement une personne bienveillante. Je suis protectrice par nature, mais pas bienveillante, patiente, ou douce. Tout ce que je peux espérer, c’est que Peeta saura compenser mes manques de compétences parentales et qu’il ne sera pas trop fatigué à la fin de la journée. Je secoue la tête.


« Je suis désolée, mais avec ta mère, tu as gagné le gros lot, gamin » dis-je à mon estomac. De nouveau, je réfléchis à un moyen de l’identifier. Je ne cherche pas un vrai nom. Juste un surnom. Quelque-chose au-delà du simple « tu », « ça » ou « gamin », que je puisse utiliser jusqu’à ce qu’il soit né et que nous puissions lui donner un vrai nom. Je jette un coup d’œil sur ma gauche et aperçoit le bord de mon lac à travers le feuillage. Cette pensée me rappelle quelque-chose. J’en ris tout haut.


« Têtard », dis-je en souriant. Ne disais-je pas il y a seulement quelques semaines, assise au bord du lac, que l’enfant ressemblait certainement à un têtard, en ce moment ? Je ris encore intérieurement. C’est bizarre, mais adapté. Qui plus est, je sais que Peeta va certainement trouver ce surnom quelque-peu disgracieux, ce qui le rend d’autant plus drôle. Je m’installe plus profondément dans mon arbre, satisfaite. Il faut que je rentre à la maison plus tôt que je ne l’aurais aimé. Je ne l’admettrai jamais à Peeta, mais j’ai de nouveau faim. Bien spur, je pourrais facilement avoir quelque-chose à manger ici. Mais les productions de Peeta sont trop appétissantes, et je suis de retour sous la clôture avant de le savoir. Comme toujours, je m’arrêter au village sur mon chemin. Les gens commencent à me regarder un peu plus longtemps que d’habitude, fronçant très légèrement les sourcils. Ça doit être la combinaison de la rondeur nouvelle qu’affiche mon visage et de mes petits bras nageant dans une chemise de Peeta. D’ici deux semaines, ils vont commencer à poser des questions. Quand je m’arrête chez Sage, elle me tire à l’intérieur pour m’examiner plus précisément et s’assurer que tout est normal. J’ai droit à un léger sourire de sa part. Apparemment, je suis à la hauteur. Sage a pris l’habitude de faire ça. Une fois par semaine environ, elle me tire à l’intérieur pour rapidement vérifier que je vais bien. Je ne peux prédire quel jour elle va le faire. Certains jours, elle me laisse m’en aller. D’autres, je me fais aspirer à l’intérieur. Mais je sais qu’elle veut bien faire, donc je proteste relativement peu.


Le temps que je rentre à la maison, Peeta furette dans le four, vérifiant un certain plat qu’il a concocté. A ce stade, je ne peux pas discerner s’il glousse sur moi ou pas. Je suis affamée, mais pour l’instant, Peeta semble avoir quitté son humeur moqueuse. Il me sourit juste chaleureusement. Je mange de manière aussi impressionnante maintenant que je l’ai fait ce matin. J’ai la désagréable impression que cet appétit prodigieux ne va pas s’en aller de sitôt. Mais, du moment que Peeta ne m’asticote pas, ça devrait aller.


Cette nuit, je m’assieds à table avec Peeta, et je le regarde travailler sur une commande. C’est l’une des choses que j’aime faire le plus. C’est un gâteau de mariage. Je ne connais pas bien le couple, bien que je sache qui ils sont et comment ils s’appellent. Parfois, Peeta me laisse l’aider à prendre des décisions sur le gâteau qu’il prépare. Ce soir, il me laisser choisir la saveur du gâteau, comme le couple en question n’a pas de préférence. Peeta fait toujours de petits échantillons test et me demande de les goûter. Celui que je choisis a le goût de l’automne. Cannelle, Noix de Pécan, et ce que je crois être un peu de Citrouille, accompagnée d’un glaçage crémeux blanc comme l’Ivoire. Peeta hoche la tête et sourit en disant doucement « Je savais que tu le choisirais ».


Je le regarde mélanger la pâte dans un grand bol. Je le regarde la verser dans de grands moules circulaires, chacun plus petit que le suivant, pour faire les étages du gâteau. A chaque fois, il en verse dans un moule jusqu’à la moitié, saupoudre un Streusel composé de sucre, de cannelle et de noix de pécans, et remplit le reste du moule. Il ne me laissera pas finir ce qu’il reste de la pâte, parce qu’il y a des œufs crus à l’intérieur et croit que ça peut me rendre malade. Je m’impatiente « Tu m’as toujours laissée le faire avant, pourquoi pas maintenant ? »

Il lève les yeux au ciel, dans un geste très rare et répond « Katniss, tu n’étais pas enceinte avant. Sois patiente, il y aura d’autres choses à goûter. Je te laisserai finir le saladier de glaçage plus tard, si tu veux. »


Je croise les bras et je souffle sur lui. Il lâche un sourire et je me renfrogne encore plus. Peeta reste imperturbable et mon faux renfrognement se dissous en un large sourire alors que je le regarde travailler. Il sort les rangées de pâtisseries du four, et les dépose sur une grille en contrebas pour les laisser refroidir. Je sens l’odeur de la citrouille et j’en deviens presque folle. J’entends mon estomac gronder. Peeta l’entend aussi et commence à rire de nouveau. Cette fois-ci, je ne peux pas le lui reprocher. J’ai fini mon déjeuner, au plus, il y a deux heures de cela. C’est ridicule.


« Tu te moques de moi ? « Dis-je en levant les bras, incrédule, regardant mon ventre. « Tétard, ça devient incontrôlable ! »


Peeta s’étouffe presque.

-         « Comment est-ce que tu viens d’appeler notre enfant ? »


Je sens un sourire s’esquisser sur mon visage. J’attendais de voir sa réaction.


-         « Têtard. Parce qu’il ressemble à un têtard maintenant »


Peeta ride le nez.


-         « S’il te plaît, dis-moi que tu n’as pas l’intention de l’appeler comme ça. »

Je lève les yeux au ciel.


-         « Bien sûr que non, Peeta. C’est juste un surnom pour que je cesse de l’appeler « ça » tout le temps. »

Le nez de Peeta reste ridé.


-         « Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça ? » C’est à mon tour de rire maintenant. Peeta a l’air si drôle, restant ici, adossé au comptoir, avec son air dégoûté.


-         « Katniss, les têtards sont des bébés grenouilles. »



-         « …Je suis au courant »


-         « Des bébés grenouilles », réitère-t-il.

Je ris si fort que je n’arrive plus à respirer. Peeta est vraiment contrarié après ce surnom. Il fait la moue de l’autre côté de la pièce alors que je ris en silence, j’en suis pliée. Quand je peux de nouveau parler normalement, je prends la parole.

-         « Eh bien, tu devrais t’y habituer parce-que je compte bien utiliser ce surnom. »


-         « Tu peux le faire. Je ne le ferai pas. »


-         « Alors, comment est-ce que tu vas l’appeler ? »


-         « Je vais penser à un vrai nom pour lui »


-         « Eh bien, bonne chance, étant donné que nous ne savons même pas si c’est un garçon ou une fille ».


-         « J’en choisirai un neutre. »


Même Peeta ne peut pas rester sérieux face à cette outrance. Nous rions tous les deux maintenant, je caquète comme une hyène. Les gloussements de Peeta bourdonnent dans la pièce. Je ne me rappelle pas que nous ayons déjà ri de la sorte.

Peeta continue de s’occuper de son gâteau, son travail ponctué par des ricanements intempestifs. Je le regarde empiler les couches du gâteau les unes sur les autres. Il les fixe les unes les autres avec un glaçage collant. Une fois que tous les niveaux sont empilés – il y en a cinq en tout – il fait le glaçage intégral. J’aime cette partie. J’aime observer des masses informes de glaçage, paraissant si désordonné, devenir une douce armure blanche comme de l’Ivoire autour du gâteau. J’aime voir Peeta aplanir prudemment le glaçage avec son couteau, se concentrant de son mieux, les yeux plissés. Ensuite, Peeta doit laisser reposer le gâteau. Il faut que le glaçage durcisse pour qu’il puisse le décorer. Il fait suffisamment frais dehors pour que Peeta ait juste à laisser le gâteau à côté d’une fenêtre et attendre que le glaçage se fasse. Dans le même temps, il commence à faire les fleurs en sucre. Il les fait en une sorte de pâte à modeler. Je ne sais pas ce qu’il y a dedans, ou comment il la fait, mais je sais que c’est comestible, que c’est bon, et que ça peut être modelé jusqu’à ressembler à de véritables fleurs. Les fleurs qu’il fait ce soir sont dans le thème de l’automne. Des chrysanthèmes, des soucis, des Zinnias, et quelques-couches faites à la semblance de feuilles d’automne. Il les peint avec des colorants alimentaires, dorés, oranges et rouges. Elles ont toujours l’air terriblement vraies. Il en recouvre vite toute la table. Il les met aussi sur la fenêtre, elles doivent aussi reposer. Peeta tient parole et, alors qu’il vient s’assoir en face de moi alors qu’il attend que le gâteau se repose, il m’apporte le saladier rempli de glaçage. Je parviens à effacer le large sourire qui menace de m’envelopper. J’épargne dans un premier temps le glaçage. Je ne l’attaque pas comme je le voudrais. Je ne veux pas subir une nouvelle crise de fou rire de la part de Peeta. Il ne m’a pas totalement cernée durant nos quinze ans de vie commune, mais il est incontestablement devenu meilleur à l’exercice de lire dans mes pensées.

-         « Tu devrais manger ce que tu veux, quand tu le veux. Profites-en maintenant. D’après ce que dit Sage, viendra un moment, à sept mois de grossesse environ, ou tu ne pourras plus le faire. Elle dit que l’enfant sera si gros que tu auras du mal à loger un muffin là-dedans. »

Je continue pendant une minute dans le même esprit, l’ignorant totalement. Mais après, un moment, je lui demande « Elle a dit ça ? Et à quel point elle a dit que mon état empirera ? »

-         « Oui, elle l’a dit. Elle a dit que pendant les trois derniers mois, le bébé va devenir plus grand et plus lourd. Plus gros il sera, plus dur ce sera de manger quoi que ce soit d’autre sans que tu ne te sentes remplie, comme Sage l’a dit, ça viendra de ton œsophage plus que de ton estomac »

Charmant. Une autre complication alimentaire. Je maugrée inintelligiblement et je commence à râcler le saladier comme je le voudrais. Peeta sourit un peu.

-         « Si tu ris encore, je te tue. »

Il sourit plus largement, mais est suffisamment malin pour réprimer son rire.

-         « C’est noté. Ne te remplis juste pas trop de glaçage. »

Je l’ignore et nettoie complètement le saladier. Peeta est toujours assis à côté de moi, attendant que le gâteau soit suffisamment reposé. Après un moment, il demande. « As-tu commencé à penser à des noms ? Je veux dire, des vrais, pas des surnoms. »

Je pouffe en repensant à la colère qu’il a piqué avec mon surnom.

-         « Pas vraiment. Et toi ? »


-         « Si, mais je n’arrive pas à trouver quelque-chose de bien. »


-         « Eh bien, le mieux que j’ai trouvé, c’est un surnom que tu détestes. Mes parents n’ont pas vraiment donné le bon exemple là-dessus. Et encore, Prim a eu le joli nom, moi, j’ai eu droit au bizarre. »


-         « Et moi alors ? Cela dit, j’aime bien ton prénom »


-         « Et j’aime bien le tiens aussi. Il te va bien. »


-         « Merci. En tout cas, aucun d’entre nous n’avons d’idées. On devrait peut-être commencer à y penser. »


-         « Peut-être, mais en tout cas, je ne pense pas pouvoir choisir de noms avant que je ne voie Têtard. Ça te paraît logique ? »


-         « Je pense. Mais explique quand même. »


-         « Eh bien, mes parents ne nous ont pas nommées avant que nous soyons nées. Ils n’avaient pas de nom prédéfini en tête. Ils disaient qu’il n’y avait pas d’intérêt à penser à tout un tas de prénoms avant que nous soyons nées, ils auraient pu trouver qu’aucun de ceux auquel ils avaient pensé ne convient. Il fallait que le prénom nous aille. »


Peeta hoche la tête, digérant l’idée.

-         « J’aime bien ça, attendre pour le nom »


-         « Moi aussi, alors faisons ça. Assurons-nous de bien faire » Je souris un peu, Peeta sourit en retour et hoche la tête.


-         « Oui, on évitera des noms comme le mien »


Je glousse un peu. « Ton nom est bien. C’est le genre de noms du District 1 qui me fait peur ».


-         « Oh, ouais, pas de Glimmer ou de Cashmere, dit-il en blêmissant. »


-         « J’appellerai cet enfant Têtard d’abord. »


-         « Moi aussi, et ça veut beaucoup dire »


Peeta s’en va pour vérifier l’état du gâteau. Il conclut qu’il est resté suffisamment longtemps par la fenêtre et il le ramène sur la table, avec le vrai bouquet de fleurs en sucre qu’il a fait. C’est mon moment préféré. J’aime observer Peeta qui sait parfaitement où il doit tout mettre, comment agencer les choses. Si c’était moi, le gâteau ressemblerait à une pagaille pêle-mêle. Mais Peeta sait comment tout rendre appétissant, et ce, sans effort. Les fleurs couronnent tout l’étage supérieur du gâteau et descendre en cascade sur les différentes couches. Il y a pléthore d’entre elles qui encerclent l’étage le plus bas. Le gâteau est superbe. Peeta se place à côté de la table et se tient à côté de moi, regardant le gâteau depuis ma perspective.


-         « Ça te paraît bien ? » demande-t-il. Je fais oui de la tête.


-         « Indiscutablement. C’est magnifique. J’aime beaucoup les « trucs d’automne », que tu as mis dessus »


-         « Merci. J’espère qu’ils aimeront aussi. » Il sourit


-         « Il n’y a aucune chance que quiconque n’aime pas ce gâteau, Peeta. Ou quoi que ce soit que tu fasses. »


Peeta se contente de sourire en guise de réponse. Il traverse la pièce pour commencer à faire la vaisselle. Je reste assise et regarde avec insistance le gâteau. Vraiment, Peeta ne fait rien payer par rapport à la somme de travail qu’il met pour réaliser une seule de ces choses. Il aime juste les faire. Je pense que s’il le pouvait, il ne facturerait rien du tout. Je souris la bouche fermée, regardant le gâteau, lorsque j’entends le bruit de quelque-chose qui glisse dans ma direction. Peeta se tient de l’autre côté de la table, et a fait glisser une assiette devant moi. Je la regarde, c’est un petit gâteau, un peu plus grand que ma main. Il remplit l’assiette à pain dans lequel Peeta l’a déposé. Il est décoré comme le grand qui se tient à ma gauche. Il y a trois fleurs en sucre sur son bord, une de chaque sorte. Il y a également une feuille rouge-orangée dessus, elle commence sous les fleurs et couvre le reste de la façade du gâteau, le contraste entre la douce couleur Ivoire et l’orange vibrant est agréable. Peeta reçoit un large sourire de ma part pour avoir fait ça, une rareté.


-         « Je t’avais dit de ne pas t'empiffrer de glaçage. » glousse-t-il.


-         « Tu sous-estimes sérieusement la faim de Têtard »


Et Têtard fait comme promis. Je parviens à manger tout le petit gâteau. Peeta se contente de hocher la tête à la vue de l’assiette vide.


-         « Bien joué »


-         « Merci »


Quelques instants plus tard, je rejoins Peeta à l’évier et l’aide à sécher la vaisselle. Peeta a dû en salir beaucoup aujourd’hui, tout autant pour les besoins de ses pâtisseries que pour nourrir mon prodigieux appétit. Nous le faisons dans un silence complice. Je range un plat quand je sens mon estomac se retourner. Je me mets à jurer tout ce que ma respiration me permet. J’ai abusé, et ma nausée va certainement revenir. Cela arrive de nouveau et j’en viens à penser que je pourrais être malade. La troisième fois est différente, je ne la confonds pas avec un problème d’estomac. Je sens un chambardement à l’intérieur de mon corps, comme une vague, me tordant le ventre. Je lâche le verre que je tenais et il éclate sur le sol. Je recule du comptoir. Je suis terrifiée, et je ne peux pas me débarrasser de ce sentiment, c’est à l’intérieur de moi-même. Mon ventre continue de se tordre. Je ne sais pas pourquoi ça m’effraie, quel lien psychologique s’est créé. Mais je sais que je deviens, de manière totalement irrationnelle, brusquement terrifiée. Je parviens à m’assoir avant que je ne commence à hyperventiler. Peeta est alarmé de me voir réagir aussi brutalement à ce qui lui semble être quelque-chose d’anodin. Il est à côté de ma chaise immédiatement.


-         « Katniss, qu’est-ce qui ne va pas ? Katniss ? Katniss ? Que s’est-il passé ? »

J’essaie de lui répondre, mais je ne peux pas.


-         « Katniss, tu n’es pas obligée d’en dire beaucoup, mais dis-moi ce qu’il se passe. Que t’est-il arrivé ? »


Je marmonne imperceptiblement.


-         « Quoi ? »



-         « Ça a bougé »


Je commence à me balancer d’avant en arrière.


-         « Katniss, tout va bien. Chuuut, ça va. Si tu as besoin de dire ton monologue, fais-le. »


C’est comme ça que l’appelle Peeta, mon monologue. Mon nom est Katniss Everdeen. Je suis du District 12. J’ai été deux fois dans les Hunger Games. J’étais le Geai Moqueur dans la guerre contre le Capitole. Le Capitole n’existe plus. Ma sœur est morte. Elle a été tuée par une bombe. Gale est peut-être celui qui l’a tuée. Ma mère ne vit plus ici. Le District 12 a été détruit. Le District 12 est en train d’être reconstruit. Je vis avec Peeta Mellark. Je suis enceinte de presque cinq mois. Mon bébé vient juste de bouger. J’en suis terrifiée. Il me reste encore presque cinq mois à tenir. 


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