Il y a des jeux bien pires

Chapitre 3 : Ai-je droit au bonheur ?

9388 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 01/01/2024 20:21

Ceci est une traduction de la fanfiction de Belmione sur le site fanfictions. net.


Lien vers la version originale: https://www.fanfiction.net/s/7916876/3/Worse-Games-to-Play


La peur me tord le ventre, m’enserrant le cœur, asséchant ma bouche, me donnant des sueurs froides. Je cours à la salle de bain, retirant mes bottes, sautant hors de mon pantalon de chasse. Il y a du sang dessus. Je me tiens entre la chambre et la salle de bain, paniquée, essayant désespérément, malgré mon hyperventilation de me souvenir ce que ma mère faisait dans ce genre de situations. Ce qu’elle faisait quand j’étais petite. Des mères en train de sangloter et de saigner demandaient à ma mère si elle pouvait y faire quelque-chose. Parfois, elle pouvait y faire quelque-chose. D’autres fois, non. Je pense que je me rappelle qu’elle les couchait sur la table de la cuisine comme elle le faisait avec tous ses patients. Mais il fallait qu’elles restent comme ça. Je crois que je me souviens qu’elle leur demandait de rester couchées et de ne plus bouger. Mon instinct me dit que c’est la meilleure chose que je puisse faire. Faire tout mon possible pour éviter que mon corps n’ait à faire encore le moindre effort. Je prends une serviette dans la salle de bains et je me couche délicatement sur le lit. J’ai peur à l’idée de bouger ne serait-ce qu’un peu. Pas même pour aller au téléphone. D’un autre côté, personne au village n’en a. Seules les maisons du village des vainqueurs et celle du maire avant qu’elle ne brûle en étaient équipées. Je n’ai d’autre choix que d’attendre que Peeta rentre à la maison. Ensuite, je pourrais l’envoyer chercher Sage, pour qu’elle vienne à la maison. Je n’ai d’autre choix que d’attendre et de me battre contre ma peur. Je reste ici une heure, une heure et demie. Je me demande pourquoi la moindre bonne chose qui m’arrive dans ma vie doit invariablement finir par être menacée. Je me demande si j’ai fait quelque-chose de mal. Je me demande comment je vais réussir à gérer Peeta. Qu’est-ce que je vais faire de lui ? Je suis inconsolable à la fois du fait de ma peur, et de la menace que je perde encore une chose à laquelle je suis attachée quand j’entends la porte s’ouvrir.


-         « Peeta » dis-je. Je croasse plus que je ne parle, je sanglote, je m’étouffe presque, j’ai un puissant hoquet.


-         « Katniss ? » J’entends Peeta m’appeler d’en bas. Je sais qu’il ne m’a pas entendue. Il a dû voir mon sac. Dieu merci, Peeta est observateur et je n’ai qu’à attendre qu’il me trouve.


-         « Katniss ? » Sa voix devient plus pressante lorsqu’il voit mes bottes sur les escaliers. Il sait que je ne laisse jamais mes chaussures en désordre comme ça. Je ne peux même pas répondre. J’entends son halètement alors qu’il passe le coin de l’escalier et qu’il me voit. Je suis blottie sur le lit, les pieds contre la tête de lit, couchée sur mon flanc, protégeant mon ventre, en train de sangloter jusqu’à l’étouffement, avec une serviette détrempée de sang entre mes jambes.


-         « Peeta, va vite voir Sage »


Je n’entends aucune réponse. Je regarde derrière moi et je vois la main de Peeta enfoncée dans la porte, ses yeux fermés.

 

-         « Peeta ? Peeta, écoute-moi, il faut que tu ailles voir Sage. »


Il secoue sa tête d’avant en arrière comme s’il essayait de s’éclaircir les idées. Il ouvre ses yeux très lentement, il semble confus. Pourquoi est-ce qu’il reste là ? Pourquoi n’est-il pas déjà dehors ?

Je m’approche de lui. Peut-être que si j’arrive à lui tenir la main, ou quelque-chose, il va réaliser ce qu’il se passe. Mais je m’arrête immédiatement quand je vois ses yeux se refermé brutalement encore une fois. Je vois ma main, rendu poisseuse et légèrement écarlate par un peu de mon propre sang. Je réalise. Maintenant, je ressemble à toutes les peurs de Peeta rassemblée en une seule personne. Je saigne tellement, je suis couchée là, j’ai juste l’air d’avoir été blessée par quelqu’un. Je réalise aussi, qu’avec le sang sur mes mains, je ressemble probablement trait pour trait à une de ses hallucinations. Les premières, quand j’étais une mutation, quand j’étais un outil que le Capitole utilisait contre lui. Je pense qu’il n’a pas dû faire le lien entre moi et cette hallucination depuis un long moment. Mais je viens juste de forcer son cerveau à le faire. Il faut donc que je l’aide à réaliser ce qu’il se passe, à le faire passer cette porte, et tout ça avant qu’il ne devienne violent. Je ravale mes larmes. Il faut que je sois claire et calme avec Peeta si je veux que ça fonctionne. Il faut que ça fonctionne, et il faut que je ça fonctionne vite.


-         « Peeta, que vois-tu maintenant »


-         « Un tas de choses » Il secoue sa tête frénétiquement.


-         « D’accord, que penses-tu qu’il se passe ? »


-         « Je ne sais pas. Je ne sais pas si quelqu’un t’a fait du mal, ou si tu es vraiment une mutante et que tu as fait du mal quelqu’un d’autre. »


-         « Est-ce que tu me fais confiance pour te dire la vérité ? »


-         « Peut-être. Oui, je pense. »


-         « D’accord, je ne suis pas une mutante, Peeta. Je n’ai blessé personne. »


-         « Comment je peux le savoir ? »


-         « Tu vis avec moi depuis quinze ans maintenant, Peeta. Est-ce que j’ai blessé quelqu’un pendant ce temps ? »


-         « Non »


-         « Est-ce que tu penses qu’un mutant serait capable de vivre quinze ans avec quelqu’un, et ne pas le blesser ? »


-         « Non, je ne pense pas. Alors, c’est quelqu’un t’a blessée ?


-         « Non, ce n’est pas réel. Personne ne m’a blessée. »


-         « Mais, le sang… »


-         « Peeta, tu te rappelles, je suis enceinte ? Tu t’en rappelles ?


Peeta ne répond pas pendant un instant. Je me prépare à le lui demander de nouveau quand il finit par répondre.


-         « Oui »


-         « D’accord, quelque-chose ne se passe pas bien. C’est de là que vient le sang, Peeta. Personne ne l’a fait, ça arrive, c’est tout. C’est pour ça que je t’ai demandé d’aller trouver Sage. Elle connaîtra peut-être une manière d’arrêter ça, d’accord ? Si tu n’y vas pas, je vais probablement perdre ce bébé. »


Ça secoue Peeta.


-         « Le perdre ? Tu vas perdre le bébé ? »


-         « Je n’en sais rien Peeta, c’est possible »


-         « C’est pour ça que le sang est là »


-         « Oui, et si je saigne trop, tu pourrais bien me perdre aussi. »


Les yeux bleus de Peeta s’ouvrent tout grand. Il secoue sa tête.


-         « Non, je vais aller voir Sage. Je ne vais pas te perdre. »

Je pousse un léger soupir de soulagement. J’ai ramené Peeta à son état normal.


-         « Merci. Vas-y aussi vite que possible »


Je parle à une pièce vide. Peeta s’en est déjà retourné, courant déjà en direction du village.

Il ne se passe que quelques minutes avant que j’entende la porte d’entrée s’ouvrir à nouveau. J’entends les pas légers, rapides de Sage, comme ceux d’un chat, qui montent les escaliers suivis par ceux de Peeta, plus lourds, tonitruants. Je ferme mes yeux alors qu’une main fraîche se pose sur mon front, tout doucement. 


-         « Quand est-ce que ça a commencé ? »


La voix de Sage est aussi rapide que d’habitude, mais elle a perdu de son mordant. Elle est professionnelle, directe, pas insensible, mais calme. Sage ne se préoccupe de rien, excepté du problème et comment elle peut le régler au plus vite.


-         « Il y a bientôt deux heures »


-         « Est-ce que le saignement s’est significativement aggravé, ou est-il à peu près au même niveau qu’il y a deux heures ? »


-         « Ça s’est un peu accentué, mais pas beaucoup, je ne crois pas. »


-         « Est-ce que vous ressentez des crampes, ou une autre douleur ? »


-         « Oui, un peu »


-         « Étiez-vous à la maison quand ça a commencé ? »


-         « Oui »


-         « Et cette serviette est là depuis que ça a commencé ? »


-         « Oui, je l’ai prise de la salle de bains quand je suis venue me coucher ici »


-         « Laissez-moi la voir »


Je sors la serviette de dessous moi et la lui tend. Je grimace. La vue de la serviette toute blanche devenue rouge écarlate du fait de mon sang me rend malade. Sage, quant à elle, ne semble pas affectée. Elle examine la serviette comme s’il s’agissait d’une fleur séchée ou d’une feuille de papier vierge. Elle fait oui de la tête, alors qu’elle écarte la serviette. Un mélange blanc et rouge finit en flaque sur le sol.


-         « Tournez-vous, et mettez vos pieds en direction des pieds de lit. Peeta, voulez-vous venir, s’il vous plaît ? »


Nous obéissons tous les deux à Sage. Elle est sans aucun doute possible le chef dans cette pièce à cet instant. Aucun d’entre nous ne veut protester, ou questionner son autorité.


-         « Peeta, voudriez-vous empiler ces oreillers de sorte qu’elle soit un peu surélevée ? Voila, c’est parfait, merci. Si vous voulez rester ici avec Katniss, peut-être que ce serait bien de lui tenir la main, elle a eu une dure journée. »

Peeta tient ma main, froide et tremblante entre les siennes, chaudes et fermes.


-         Katniss, mettez vos pieds en l’air. Reposez-les. Voilà, comme ça. »


Je ferme les yeux et serre les mains fermées de Peeta contre ma tempe. Je pense qu’après le nombre de séjours à l’hôpital que j’ai pu faire, je suis habituée à des soins invasifs. Mais là, c’est nouveau. C’est à la fois terrifiant et sanglant. Je déteste ça. Ça me coûte tout ce que j’ai de ne pas devenir folle en cet instant. Finalement, Sage me tapote la jambe, m’indiquant que je suis autorisée à retirer mes jambes des pieds de lit. Je n’ouvre pas mes yeux. Je ne veux voir aucun de leurs visages. Je ne veux pas entendre ce que Sage veut dire. Mais Sage le dit quoi qu’il en soit.


-         « Bon, ça pourrait être pire. Vous saignez bien, mais vous n’êtes pas dilatée, donc c’est bon »


-         « Dites-moi ce que ça veut dire et ce qu’il va se passer maintenant ». Je lâche ça, les dents encore serrées, ne parvenant pas à retenir quelques larmes.


-         « Ça veut dire que vous ne faites pas de fausse-couche pour l’instant, mais ça pourrait arriver. Il faut que je vous emmène à mon cabinet pour s’en assurer. »


-         « Ça va empire les choses si je bouge ? »


-         « Pas à ce stade, tant que vous n’êtes pas dilatée. Contentez-vous de ne pas bouger trop brusquement et les choses ne devraient pas empirer. »


-         « C’est mauvais ? »


-         « Je ne sais pas pour l’instant. Il faut que je vous emmène à mon cabinet maintenant. Vous y resterez certainement pour la soirée. »


-         « D’accord. Est-ce que Peeta peut venir ? »


-         « Bien sûr. En fait, je préfère même qu’il ne reste pas seul. Peeta, voudriez-vous mettre quelques vêtements de rechange dans un sac pour Katniss et vous-même ? En plus d’une tenue pour cette nuit ? »


Peeta prépare un petit sac en quelques minutes. Il m’aide à sortir du lit et marche tout le temps du trajet avec un bras autour de moi, comme s’il était effrayé que je tombe en morceaux s’il me lâchait. Le cabinet de Sage n’en est pas vraiment un. Il ressemble davantage à une maison qu’on aurait aménagé. Elle vit à l’étage. Quoi qu’il en soit, elle est parvenue à amener des bribes de technologie au District 12, et ça fait un monde de différence. Le District 12 devait survivre sur la base de sa médecine primitive auparavant.


« Couchez vous là. » Sage me montre un lit dans le coin du cabinet. Il y en a seulement une dizaine environ ici. J’y suis la seule patiente pour le moment. Il y a une machine à côté de mon lit qui me fait frissonner. Elle me rappelle une des choses que j’ai vu dans l’hôpital du District 13. Malheureusement pour moi, il semble que ce soit la machine à laquelle Sage est en train de s’afférer. Elle fait glisser une partie de la machine sur mon bas ventre, regardant attentivement à l’écran. Elle fait oui de la tête.


-         « Bon, le bébé est encore en vie. C’est une bonne nouvelle. Mais vous saignez toujours. »


-         « Qu’est-ce que ça venir dire ? Est-ce que je vais bien oui pas ? »

Sage soupire lourdement.


-         « Je ne sais pas. Malheureusement, Katniss, la seule chose que nous pouvons faire est d’attendre et de voir ce qui va arriver. C’est pourquoi je tiens à vous garder ici cette nuit. »


-         « Quelles sont les chances que je n’aille pas bien ? Quelles chances ai-je de le perdre ? » Je m’impatiente. Je veux juste que Sage me dise ce qu’il m’arrive et m’épargne le reste.


-         « Cinquante Cinquante »


Je regarde au sol pendant une minute. Cinquante cinquante. C’est une équivalence parfaite.


-         « Y’a-t-il quoi que ce soit que vous puissiez faire pour améliorer ces probabilités ? »


-         « Non, il n’y a rien qu’on puisse faire d’autre que de tenir le lit, même si ce n’est pas toujours efficace. N’importe quel médicament que je pourrais vous donner n’aura d’influence sur ces statistiques. L’effet serait si minimal que ça n’en vaut même pas la peine. Je vais prendre un échantillon de votre sang, mais quelque-soit l’information que cela me donnera, ça prendra un peu de temps, et elle sera rétroactive. »


-         « Alors, il faut juste que j’attende. »


-         « Je suis désolée. »


Je ne dis rien. Je ne la regarde pas. Je ne pleure pas. Je ne peux rien faire.


-         « Katniss ? »


-         « Je vous ai entendu »


Sage acquiesce et semble comprendre que je ne veux pas en parler. Je veux faire ce que je fais toujours, et me fermer comme une huître.


-         « Bien, je vais passer voir si tout va bien à peu près toutes les heures. Je serai à l’étage, donc, si quelque-chose se passe, envoyez-moi Peeta. Si vous pouvez prendre un peu de repos, faites-le. »

Sage disparaît à l’étage, nous laissant seuls avec Peeta dans la grande pièce avec les lits alignés le long du mur.

Le silence est presque insupportable. Je peux sentir les yeux de Peeta sur moi. Je ne sais que lui dire. Je sais que si j’ai peur, il est encore plus terrifié. C’est si important pour Peeta. S’il ne s’agissait que de moi, je serais terriblement triste, mais j’irais de l’avant. C’est à cause de Peeta, et le fait que je sais qu’il aura le cœur irrémédiablement brisé si ça finit mal qui me fait réagir comme je le fais ces dernières heures.


-         « Est-ce que tu m’en veux ? »


La question me fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre. Peeta m’a demandé ça trop de fois ces dernières semaines. Je me sens si coupable que j’ai l’impression que les murs vont s’effondrer autour de moi.


-         « Non, Peeta. Pourquoi serai-je en colère contre toi ? Tu n’as rien fait de mal. »


-         « Parce-que tout ça était mon idée. J’ai continué à insister jusqu’à ce que tu dises oui. Tu ne le voulais pas. Tu l’as fait pour moi. Et maintenant, quelque-chose se passe mal, et si ça continue comme ça, je pourrais te perdre. »


Peeta enfouit sa tête dans ses mains.

« Tu me l’as demandé une fois par an. Ce n’est pas de l’insistance. Et j’ai dit oui. Pourquoi serait-ce ta faute si j’ai dit oui ? Je te l’ai demandé l’autre nuit, quand m’as-tu vu faire quelque-chose que je ne voulais pas ? »


Peeta ne dit rien, il garde sa tête enfouie dans ses mains.


-         « Je ne pense pas que je m’en aille où que ce soit, de toute façon. Je pense que tu es coincée avec une Katniss méchante et mordante pour un bout de temps. »


-         « Je ne pense pas que tu sois méchante »

 

« Bonne réponse » dis-je, amusée. Je frissonne un peu. Il fait frais dans cette longue chambre stérile. Peeta, sans un mot, s’assied sur le lit à côté de moi. Je me blottis contre lui pour essayer de me réchauffer un peu. Je ne sais pas s’il a le droit d’être ici, mais je sais que je m’en moque. Je me repose contre l’épaule de Peeta pour un moment, j’écoute les battements de son cœur. Après un moment, il sort un carnet de dessin qu’il a mis dans notre petit sac avant que nous partions. J’en suis heureuse. J’aime voir peeta travailler. Je suis toujours émerveillée de voir comment tout cela semble instinctif chez lui. Ses mains semblent savoir ce qu’elles vont faire avant même qu’il ne commence. J’aime voir les images sortir de son crayon, de ses peintures, et de ses glaçages. J’aime voir comment ce qui ressemble à un amas informe de lignes, ou des gouttes de peinture, se transforment soudainement en quelque-chose de reconnaissable. Je reste simplement comme ça, à regarder Peeta dessiner, en regardant ses coups de crayons légers et précis se transformer en une image. Je m’assoupis, doucement bercée par les gentils va et viens du bras de Peeta contre mes joues.

 

Sage me réveille plusieurs fois pour vérifier mon état. Je ne me rappelle pas ce qu’elle disait alors que j’étais à demi-éveillée. Je me contente de rester collée à Peeta et de la laisser faire ce qu’il faut. Je pense qu’elle prend un peu de mon sang à un moment donné. Je me rappelle une petite douleur aigue dans le pli de mon coude, alors elle a dû le faire. Je ne me réveille plus vraiment après ça. Ça me prend un moment pour réaliser ce qu’il se passe. J’entends des voix, mais je n’en reconnais aucune. Sauf celle de Sage, je l’entends poser des questions. J’ouvre les yeux et je lance un regard interrogatif à Peeta. Il est toujours bien réveillé. Je suppose sans peine qu’il est resté éveillé à dessein pour s’occuper de moi.

 

-         « Sage a un autre patient qui arrive. Tu peux te rendormir. »


Mais je suis réveillée maintenant. Je me frotte un peu les yeux et je me retourne pour regarder ce qu’il se passe. Je vois une femme agitée se tenir à deux lits de distance de moi, en train d’expliquer quelque-chose à Sage. Elle gesticule amplement en direction du lit. Quand elle se déplace, je vois une petite fille assise sur le lit. Je ne peux pas en voir beaucoup, mais suffisamment pour voir que la fille doit avoir six ou sept ans. Elle a des cheveux roux réunis en deux nattes tressées. Ses yeux regardent tour à tour Sage et sa mère. Les seules bribes de conversation qui me parviennent sont les dernières.


-         « Je suis désolée, je ne peux pas les laisser seuls »


-         « Ce n’est pas grave. Laissez-la ici pour cette nuit »


La femme, qui a la même couleur de cheveux que sa fille, hoche la tête, reconnaissante, et rejoint la porte. Sage s’assied sur le lit à côté de la petite fille, examinant son bras, puis sa jambe. Je réalise que la peau pâle de la petite fille a été brûlée. Je grimace, me doutant de ce qui a pu se passer. Je sais ce que ça fait, ce genre de brûlures.


-         « Dis-moi encore, ce qu'il s’est-il passé », demande Sage.


-         « Mmh, ma tante était à la maison, elle aidait mon papa parce qu’il s’est cassé la jambe. »


-         « Oui, je m’en rappelle. Je suis venue chez toi pour remettre sa jambe il y a quelques-jours. Tu t’en rappelles ? »


-         « Euh. Hmm »


-         « Pourquoi tu ne me dis pas ce qu’il s’est passé d’autre ? »


-         « Eh bien, ma tante était en train de cuisiner pour nous, et elle avait une casserole d’eau bouillante. Notre chat a couru sur le fourneau, et l’a presque fait trébucher. Un peu d’eau à éclaboussé et, comme j’étais à côté, j’en ai eu sur mon bras et ma jambe. Est-ce que ça va aller ? »


-         « Oui, ça va aller, trésor. J’ai juste besoin de regarder, de mettre des médicaments dessus, et de m’assurer que tu ne vas pas attraper d’infection. C’est tout »


-         « D’accord. Est-ce que les médicaments vont arrêter la douleur ? »


-         « Pour quelques temps, oui. Ça peut encore faire mal pendant une semaine, environ. C’est ce qui arrive avec les brûlures, mais les médicaments vont te faire du bien. »


-         « D’accord. Je dois rester ici toute la nuit ? »


-         « Oui, comme ça je pourrai m’assurer que tout va bien, et comme ça, ta tante pourra continuer d’aider ton papa, ton frère et ta petite sœur à la maison. »


-         « Ah bon »


-         « Bon, je vais aller chercher des médicaments et aussi amener un peu à manger. Tu ne m’as pas l’air d’avoir dîné encore, et je sais qu’eux non plus » dit Sage en faisant un geste vers nous.

La petite fille fait oui de la tête et Sage reste à l’étage pendant un moment. Elle revient en apportant plusieurs assiettes. Je souris un peu, heureuse de voir un peu de familiarité. L’hôpital du District 13 avait toujours d’étranges couverts en plastique remplis d’une nourriture aussi insipide qu’équilibrée. Ici, dans le minuscule District 12, le docteur vit à l’étage, elle cuisine elle-même, et apporte le dîner dans sa propre vaisselle. Elle met le premier et le plus petit des plats sur la table à côté de la petite fille. J’entends un petit, « merci » aigu dans cette direction. Sage vient vers nous avec deux autres assiettes. Nous la remercions également, puis vérifie mon état tant qu’elle est là.


-         - « Des évolutions ? » Peeta demande-t-il prudemment.

 

-         - « Rien que je ne puisse affirmer », dit Sage, arborant sa tête sinistre.

 

-         Je demande, « Quelle heure est-il ? »

 

-         « Environ 20h30. Je serai de retour dans une heure, comme d’habitude. »

 

Avant que Sage ne s’en aille, elle soigne le bras et la jambe de la petite fille. Je peux sentir la pommade d’ici. C’est la même que celle qu’Haymitch m’a envoyée pour mes premiers jeux, quand j’avais été brûlée à la jambe. Sage couvre les brûlures avec un bandage léger et disparaît, une fois de plus.


Je peux sentir du gingembre dans ce que Sage nous a apporté. Elle a préparé le dîner pour nous tous, tout en gardant mes besoins à l’esprit. Il faut que je me rappelle la remercier quand elle descendra. Sage est peut-être brève et concise avec les gens, mais elle s’en soucie vraiment. Elle me rappelle tellement Johanna qu’elle en vient presque à me manquer. Presque. Je ricane en me rappelant de Johana, la féroce, l’insensible, la sans-détour, l’hilarante aussi, parfois. Je me demande où elle est maintenant. Peeta ricane aussi à côté de moi. Je le regarde, interrogativement. Je me demande s’il fait le même lien dans son esprit que moi, ou s’il y a autre-chose. Il me voit le regarder et s’explique.


-         « Elle est curieuse »


Je suis son regard jusqu’à la petite fille. Elle nous jette de temps en temps des regards, tout en faisant comme si elle ne prêtait pas attention à nous.


-         « Eh bien, il n’y a pas grand-chose d’autre à regarder, elle s’ennuie sûrement. », lui dis-je.


-         « Elle doit se sentir seule », continue Peeta. Il est toujours plus empathique que moi. Il faut que j’apprenne à m’adoucir un peu si cet enfant survit à cette nuit.

La petite fille nous regarde encore. Elle commence, rougit et regarde rapidement ailleurs quand elle se rend compte que nous l’avons prise.


-         « Salut. Comment tu t’appelles ? »


Peeta sait toujours que dire et comment apaiser les tensions dans une pièce, même en faisant quelque-chose d’aussi simple que de demander son nom à quelqu’un.


-         « Hazelle », murmure-t-elle.


-         « Ravi de te rencontrer, Hazelle. Je suis… »


-         « Peeta Mellark », finit Hazelle. Peeta fait patiemment oui de la tête. Nous sommes habitués à ce que tout le monde sache qui nous sommes, bien qu’ils ne sachent pas toujours ce que nous avons fait pour être si célèbres.


-         « Alors tu connais sûrement Katniss aussi, pas vrai ? » Je me prends appui sur mes coudes et la salue d’un coup de tête. Elle fait de même vigoureusement en retour.


-         « Oui ! Mon papa et ma tante me parlent de vous parfois »


-         « J’espère qu’ils ne parlent pas en mal de nous, Katniss. » S’exclame Peeta, feignant l’inquiétude.


-         « Non ! Des choses bien ! »


Peeta sourit.


-         « Ça fait plaisir de l’entendre. Alors, tu es coincée ici comme nous cette nuit, pas vrai ? »


-         « Oui, ma tante ne peut pas rester ici avec moi parce qu’il faut qu’elle aide mon père, mon frère et ma sœur ».


-         « Oh, alors la dame qui est venue ici est ta tante ? »


-         « Ouais. Tout le monde pense que c’est ma maman, parce qu’elle a les mêmes cheveux que moi ».


-         « Oh, je vois. Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? »


-         « Je me suis brûlée parce-que cet imbécile de chat a couru droit sur ma tante alors qu’elle tenait une casserole d’eau bouillante. »


-         « Katniss a eu un chat imbécile aussi pendant un temps. »

J

e finis par dire quelque-chose. Je ne sais pas toujours quoi dire aux enfants. En fait, je ne sais pas toujours quoi dire aux gens en général. Mais j’essaye de faire en sorte qu’ils sachent que je leur suis attentive. 


-         « Oui, son nom était Buttercup. Parfois, il était très malin. Mais la plupart du temps, plutôt imbécile. Il était vraiment moche comme chat »

Hazelle doit penser que de me voir insulter Buttercup est drôle, elle se met à glousser pendant une bonne minute. Elle bouge son bras sans le vouloir et trésaille.


-         « Ça va arrêter de te faire mal après un moment », lui dis-je.


-         « Vraiment ?»


-         « C’est certain. J’ai eu une brûlure assez méchante à ma jambe une fois. J’ai dû utiliser le même médicament dessus. Ça a très bien fonctionné. »


-         « Est-ce que je vais avoir une grosse cicatrice ? », me demande-t-elle, inquiète.


-         « Il y en aura une, mais elle ne sera pas grosse »


A la vérité, je ne sais pas à quoi ressemblera la cicatrice. Le Capitole m’a enlevé toutes mes cicatrices après mes premiers jeux, même celle qu’aurait eu ma jambe si on n’y avait rien fait. Peeta secoue la tête.


-         « Je me suis beaucoup brûlé. Tout va rentrer dans l’ordre. Tu vois ? »


Il montre ses mains. Il a effectivement quelques marques de brûlure sur ses mains et le long de ses bras. Des cicatrices qu’il a acquis depuis que nous n’avons cessé d’entrer et de sortir des hôpitaux du Capitole et du District 13. Une vie passée à cuire du pain a pour résultat tout un tas de brûlures. Même si vous êtes prudents comme Peeta. Mais Peeta a raison. Les cicatrices se remarquent à peine, à moins que vous ne les cherchiez.


-         « Je peux voir ? » demande la petite fille.


-         « Bien sûr, viens ici ».


Elle descend de son lit et se fraie un chemin jusqu’à Peeta, qui est couché sur le côté du lit qui est le plus proche d’elle. Je suis un peu serrée sur le mur derrière moi, toujours couchée sur mon flanc. Peeta tend son bras et montre quelques-unes de ses cicatrices.


-         « Ce n’est pas si mal », dit-elle, avant de demander, le souffle coupé « Qu’est-ce qui t’es arrivé à la jambe ? »

Je réalise que le pantalon de Peeta est remonté un peu, laissant apparaître le métal de sa prothèse. Hazelle rougit et revient en arrière.


-         « Désolée, mon père me dit que je ne devrais pas poser ce genre de questions aux gens ».


-        « Ce n’est pas toujours une bonne idée, mais je ne t’en veux pas. J’ai eu une grosse coupure à la jambe, qui saignait beaucoup. Katniss a essayé de m’aider et a réussi à arrêter l’hémorragie, mais il a fallu attendre trop longtemps avant de pouvoir aller chez le docteur. C’était soit perdre ma jambe, soit me perdre. Je pense que j’ai fait une bonne affaire, non ? »

Hazelle, fascinée, fait oui de la tête. Peeta, bien sûr, n’a pas précisé que ce n’était pas une coupure, c’était un coup d’épée. Et bien sûr, ce n’était pas que nous ne pouvions pas aller voir un docteur, il n’y avait pas de docteur. Il y avait juste moi et un bout de mon chemisier enroulé autour d’une flèche pour faire office de garrot jusqu’à ce que les juges décident que les jeux étaient terminés.


-         « C’est pour ça que vous êtes là ? » demande-t-elle.


-         « Oh non, c’était il y a longtemps. C’est pour Katniss qu’on doit rester ici ce soir. Je reste pour lui tenir compagnie. »


-         Elle s’adresse à moi « Est-ce que ça va aller ? »


-         « Je pense »


-         « Je sais que je ne devrais peut-être pas demander, mais, qu’est-ce qui ne va pas ? »


J’hésite. Si ça tourne au pire cette nuit, le village entier pourrait le savoir si j’en parle à cette petite fille. 


-         « Je suis désolée, c’est juste qu’un de mes oncles demande de tes nouvelles de temps en temps dans ses lettres. »


J’y suis aussi habituée. Depuis que tout Panem sait qui je suis, les habitants du district qui ont des amis ou de la famille dans d’autres districts ont les yeux fixés sur moi. Panem veut savoir que son Geai Moqueur est en vie et va bien. Je me demande simplement combien les parents de cette petite fille peuvent avoir de frères et sœurs pour qu’elle me regarde avec tant d’inquiétude. Je me demande ce qui me fait céder. Est-ce que je veux simplement m’ouvrir à quelqu’un qui s’inquiète innocemment pour moi, ou est-ce que ses yeux gris me rappellent quelque-chose de familier ?


-         « Je suis censée avoir un bébé. Mais quelque-chose ne va pas très bien. Je dois donc rester ici pour être sûre que tout va bien. »

Je ne rentre pas dans les détails avec elle. Je ne veux pas lui faire peur. Elle hoche la tête, comme si elle savait de quoi je parlais.


-         « C’est ce qui est arrivé à ma mère. J’étais petite, et ma petite sœur était bébé. C’était avant qu’il y ait un docteur ici. Elle est morte. » La petite fille finit sa phrase doucement, tristement, hésitante.

 

J’ai envie de me frapper. J’essaie de ne pas effrayer cet enfant, et je lui mets devant le nez ce qui a tué sa mère. Hazelle semble remarquer que je suis bouleversée.


-         « S’il te plaît, n’aie pas peur ! Je ne voulais pas te faire peur ! Il y a un docteur ici maintenant, alors ça devrait bien se passer. Mon papa me dit souvent que tu as toujours été très forte, même quand tu étais petite. J’espère que tout va bien avec le bébé, mais si ce n’est pas le cas, tu iras bien, toi. »


Je m’émerveille de la confiance absolue que cette petite me porte. Je me demande aussi qui son père peut bien être. Bien que beaucoup de familles racontent des histoires à mon sujet, peu importe à quel point ils me connaissent réellement.


Je ne peux pas vraiment dire autre chose que « Merci ». Ça semble convenir à Hazelle, je crois, qui me fait un sourire éclatant. Nous parlons encore un peu avec Hazelle. Elle s’installe sur le lit qui est en face du notre, au lieu de celui deux lits plus loin, nous pouvons donc parler plus facilement. Finalement, Peeta lui pose une question, mais n’obtient pas de réponse. Hazelle s’est assoupie. Quand Sage descend pour vérifier comment nous allons pour la dernière fois ne la nuit, elle esquisse un rare sourire à la petite fille tousse lovée dans un lit différent  de celui dans lequel elle l’avait laissée.


-         « Je vais devoir vous quitter pour dormir un peu », nous dit-elle. « Mais comme d’habitude, si quelque-chose se passe, vous savez où me trouver. »

Peeta ressort son carnet de dessin quand elle part. Je l’observe comme je le fais tout le temps. Cette fois il dessine Hazelle. Elle rit sur l’image. Son nez plein de taches de rousseur est froissé par le rire. Je m’assoupis encore alors que je le regarde dessiner, me demandant ce qui est si familier chez cette petite fille aux tresses rousses.


Quand je me réveille de nouveau, c’est à cause d’un mouvement autour de mon ventre. Je me suis retournée sur mon dos pendant la nuit. Sage a pris la liberté de passer cette machine sur lui quand j’étais endormie.


-         « Bonjour » dit-elle, en chuchotant

 

-         « Vous auriez pu me réveiller » je râle, mécontente d’avoir été sortie de mon sommeil de cette façon.

 

-         Sage hausse les épaules. « Pourquoi vous lever alors que je peux faire mon travail sans que vous ne vous plaigniez ? »

 

-         « Je ne me plains pas. »

 

-         « Non, vous avez raison. Vous faites pire que de vous plaindre. Vous êtes l’un des patients les moins coopératifs que j’ai eu à traiter ».

 

-         « Quoi ? J’ai fait tout ce que vous m’avez demandé ! »

 

-         « Et j’ai eu toute la peine du monde pour que vous le fassiez ! Tenez, puisque vous êtes réveillée, venez donc vous assoir ici, allez, debout ! »

 

-         « Pourriez-vous au moins tirer le rideau ? » dis-je, en grognant.

 

Sage lève les yeux au ciel et tire le rideau autour de nous, dressant une fine barrière entre mon lit et le reste de la pièce.


-         « Peu importe si l’une des deux personnes qui pourraient vous voir si elles sont réveillées est du même côté du rideau que vous. ». Touché. 


Je serre les dents et fais come si j’étais ailleurs alors que Sage fait son examen. Je soupire d’exaspération tout au long de l’examen, plus longtemps que j’en ai l’habitude. Sage le remarque.

-         « Soupirez tant que vous voulez, mais vous allez devoir en prendre l’habitude pour les huit mois qui viennent. »

Je suis en train de formuler une répartie mordante quand  je réalise ce que Sage vient de dire. Je me redresse tout à coup.


-         « Quoi ? Vous voulez dire que… »


Sage sourit légèrement.


-         « Vous avez cessé de saigner cette nuit. Vous allez bien, et le bébé aussi. »

 

J’en suis tellement soulagée que j’en ris.


-         « Maintenant, attendez un peu. Il faudra que vous soyez un peu plus prudente à l’avenir. Mangez ce que Peeta vous dira de manger. Vous petites virées dans les bois devront être un peu moins stressantes. Vous devriez marcher plus lentement, moins courir et moins grimper aux arbres. Si vous faites comme ça, tout devrait bien se passer. Bien sûr, si quelque-chose se passe mal, faites exactement ce que vous venez de faire, et envoyez-moi Peeta. »


-         Je fais un hochement de la tête. « Je le ferai. Merci. »


-         « Il n’y a vraiment pas de quoi. Vous pouvez vous habiller et réveiller Peeta, vous êtes libres de partir. »

Sage s’en retourne du petit espace entouré de rideau. Je m’habille à la vitesse de l’éclair. Une fois que je suis habillée, je secoue Peeta.


-         « Peeta, Peeta, lève-toi »


Il cligne des yeux plusieurs fois en me regardant.


-         « Qu’est-ce qui ne va pas ? »


-         « Rien. Sage dit qu’on peut y aller. »


-         « Quoi ? »


-         « Tout va bien. Je vais bien. Le bébé va bien. »


Ça lui prend un moment pour digérer l’information. Quand c’est fait, il se lève, il s’accroche à mon cou, m’agrippant pendant je ne sais combien de temps. Je reste plantée là à l’écouter renifler. Pauvre Peeta. Si les vingt-quatre dernières heures ont été difficiles pour moi, les siennes ont dû être insupportables. Mais tout va bien maintenant, et je le lui dis. Il acquiesce contre mon épaule, et me laisse m’en aller, souriant largement comme à son habitude. Il m’embrasse ensuite, toujours souriant. Je lui souris aussi quand il se retire.


« Allez, dégageons d’ici et rentrons à la maison ».


Il se moque de moi et fait oui de la tête. Notre petit sac être presque prêt quand Sage se penche autour de notre petit rideau.


-         « Désolée de vous déranger, mais quelqu’un est veut vraiment savoir si vous allez bien, Katniss. »


-         Je regarde et vois Hazelle sortir de derrière Sage.


-         « Ma tante est ici pour me ramener chez moi, mais je lui ai dit qu’il fallait que je te demande d’abord si tu allais bien. »


-         « Je vais bien. Tu avais raison »


Elle me sourit sans interruption.


-         « Est-ce que ça veut dire que ton bébé va bien aussi ? »


-         « Oui, tout le monde va bien. »


-         « Bien. Je vais pouvoir dire ça à mon oncle quand il me demandera. Il faut que je rentre à la maison maintenant, mais je suis contente que tout aille bien. »


-         « Moi aussi »


Hazelle s’est évaporée avant que je n’aie pu dire quoi que ce soit d’autre. Sage secoue la tête.


-         « Cette enfant est déchaînée. Elle n’arrête jamais de bouger. Comme le reste de sa famille, d’ailleurs. »


-         « Vraiment ? »


-         « Mmmh, je ne sais pas si vous connaissez son père, Rory Hawthorne ? »


J’en reste figée.


-         « C’est la fille de Rory Hawthorne ? »


-         « Oui. Alors vous le connaissez ? »


J’ignore sa question.


-         « Et qui est sa tante ? »


-         « Posy Hawthorne. La rouquine que vous avez vue ici la nuit dernière. »                                          


Posy. La dernière fois que je l’ai vue, elle avait cinq ans. Je réalise qu’elle doit avoir la vingtaine maintenant. Je ne savais pas que le reste de la famille avait déménagé dans le District 12. Je n’ai plus eu de contact avec aucun des Hawthorne depuis la mort de Prim. C’est à cette pensée que je réalise soudain qui est l’oncle d’Hazelle auquel elle n’arrêtait pas de faire mention. Je peux sentir mes yeux s’écarquiller.

« Tu vas bien ? » Peeta me le demande doucement. Il sait exactement ce qui me passe par la tête en ce moment. Chaque lien douloureux que je ne serai jamais en mesure de briser. Je suppose que les Hawthorne le savent aussi. Peut-être est-ce pour ça que je n’ai jamais su qu’ils avaient déménagé dans le douze. Ils savent aussi bien que Peeta que je ne cesserai de me demander si c’était la bombe de Gale qui a tué Prim. Mais c’est un plaisir inique de voir à nouveau un membre de la famille Hawthorne. De savoir que Gale se demande toujours comment je vais, alors même que je suis toujours, après quinze ans, si en colère contre lui et si meurtrie que je pourrais en hurler. Il partage d’ailleurs probablement ce sentiment. Il faut que je rie maintenant ou je vais pleurer.


-         « Katniss ? Tu vas bien ? » réitère Peeta, inquiet.


  • "Je ne sais pas pour l’instant. Demande-moi peut-être plus tard ?"


Peeta fait oui de la tête. Nous remercions de nouveau Sage et sortons de son cabinet par une journée chaude. Peeta marche encore avec son bras autour de moi, refusant de l’enlever. J’en suis contente. Je ne parle pas beaucoup. A ce moment, je ris encore amèrement. Peeta me regarde tristement.


-         « Je suis désolé »


Ces deux mots veulent dire tellement. Je suis désolée que j’aie perdu ma sœur. Je suis désolée que j’aie perdu mon meilleur ami. Je suis désolée qu’il ne puisse pas me donner ce que j’ai perdu avec ces derniers. Je suis désolée que j’aie presque perdu ce bébé. Je suis désolée que toutes ces pertes te font redouter d’être de nouveau heureuse. Mais c’est là. Le doux, gentil, et fidèle Peeta sera là jusqu’au jour où de sa mort. Peeta restera toujours avec moi. C’est ce pourquoi je l’aime. Dans un rare élan, je le lui dis.


-         « Je suis désolée, moi aussi. Mais tu es là, et je t’aime, alors tout va bien »


Peeta esquisse un sourire radieux.


-         « J’en suis heureux »


Plutôt que de retourner à la maison, Peeta et moi passons sous la clôture et nous aventurons dans les bois. Peeta s’assied avec son carnet à dessins et je m’assieds avec lui. Et c’est ici, dans mes bois, appuyée sur Peeta alors qu’il dessine, regardant le soleil jouer avec ses cheveux et ses cils, que je suis, ne serait-ce que pour un moment, vraiment heureuse. 


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