Il y a des jeux bien pires

Chapitre 2 : Le retour de la famine

5739 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/12/2023 12:17

Ceci est une traduction française d’une fanfiction en langue anglaise. Je ne possède rien, son auteur non plus, tout est la propriété intellectuelle intégrale de Suzanne Collins.


Le lien de la fanfiction en langue originale: https://www.fanfiction.net/s/7916876/2/Worse-Games-to-Play


Premier trimestre

 

J’ai toujours pensé que de faire face à la menace persistante de la famine était la chose la plus terrifiante à laquelle je n’ai jamais eu à faire face. Savoir pourquoi votre mère est fatiguée, pourquoi votre sœur est faible, savoir comment y remédier, et ne pas avoir les moyens de le faire. Mais c’est peut-être pire. Avoir toute la nourriture que vous voulez et pourtant être incapable de la garder me rend furieuse. Je suis à deux doigts de devenir folle. Peeta travaille toute la journée, avec bien peu de succès, essayant de préparer des aliments que mon estomac ne rejettera pas. Il y en quelques petites choses qui passent. Du gâteau, en premier lieu. Un peu de pain. Heureusement, les petits roulés au fromage ont passé le test de la nausée. Manger est aussi efficace que de boire directement du sirop d’Ipéca. Je suis bien obligée de survivre avec cette alimentation à base d’amidon et de sucre. Malgré cela, je suis plus maigre encore que je ne l’étais avant de tomber enceinte. L’inquiétude de Peeta pour moi le distrait quelque-peu ; mais il paraît du même coup soudainement convaincu que je suis faite de verre et agira sans doute de cette manière jusqu’à ce que le bébé naisse. S’il agit comme ça, je serai confinée à la maison où rien ne pourra m’arriver et je serai seulement autorisée à sortir du lit de temps à autres. Il ne l’a jamais dit, puisqu’il sait mieux que quiconque qu’il vaut mieux pour lui ne même pas faire mention de cette idée, mais je sais qu’il y pense. Je sais que Peeta a toujours été ridiculement protecteur envers moi, et envers tous les enfants de manière générale. Le fait que les deux soient réunis en moi, c’est trop pour lui.


Mes journées se transforment en une intéressante monotonie. Elles sont monotones en cela que l’enchaînement des évènements reste le même. Le même qu’il l’a été pendant ces quinze dernières années. Toutefois, ma grossesse casse juste assez le flot continuel de ces évènements pour rendre les choses intéressantes. Comme si l’enfant que je porte, qui n’est pas plus qu’une masse informe de cellules diverses à ce stade, est déjà en train de réfléchir à des manières d’inquiéter sa mère et de lui faire des blagues. Je ne sais pas si j’espère que cet enfant gardera cette personnalité une fois né ou pas.

Mes journées commencent toujours de la même façon. Me lever. Vomir. Tous les matins. Bien sûr, la nausée ne se limite pas au matin, contrairement à ce que dit la croyance populaire. Ça dure toute la journée. C’est juste que le matin, c’est pire. Alors que je me vide par saccades, je me sens comme si j’allais vomir tous mes organes vitaux, c’est alors que Peeta apparaît. Je pense que le bruit doit le réveiller. Autant je lève les yeux au ciel en pensant à quel point Peeta s’inquiète pour moi, autant le voir à mes côtés tous les matins m’est d’un grand soutien. Il s’assure que ma natte ne passe pas au-dessus de mon épaule, évitant ainsi qu’un petit cheveu ne viennent trop près de ma bouche. Une de ses mains est toujours sur mon dos, dessinant de petits cercles, apaisant un peu de la tension qui s’accumule du fait de mes vomissements continuels. Il a toujours des mots réconfortants. Parfois, ils sont encore endormis, doux et silencieux. Parfois ils sont drôles. Parfois ils sont prometteurs et encourageants. Quoi qu’il dise, c’est toujours au bon moment. Peeta n’a pas perdu son aisance avec les mots.


Quand j’ai fini de vomir, Peeta me met doucement sur ses genoux. Il y a toujours une petite tasse avec de l’eau aromatisée avec des feuilles de menthe pour me rincer la bouche. Ensuite je prends un linge humide et je me le passe sur le visage, qui est encore brûlant du fait de l’exercice physique auquel mon corps m’a forcée. Il m’aide doucement, délicatement pour me lever du sol de la salle de bains, et il me tient lorsque je sens des vertiges. Je descends ensuite en base où je me vois donner une cuillérée d’un sirop brun foncé, un remède maison pour la nausée que les familles des districts 11 et 12 utilisent depuis des siècles. Ma mère m’a dit quand j’étais toute petite qu’encore peu de temps avant les Jours Sombres, les gens avaient l’habitude d’en boire par le goulot, en mettant dans l’eau, juste parce qu’ils trouvaient ça bon. Un autre signe que les gens de cette époque ne se souciaient pas de ce qui arriverait aux générations suivantes. Tant de gâchis. Mais ils avaient raison sur un point, le goût est excellent. Et ça marche un peu.


Ensuite, c’est le petit-déjeuner. C’est toujours quelque-chose que Peeta a cuit la nuit d’avant. D’habitude c’est du pain, mais il peut y avoir du gâteau. Si seulement j’avais su que j’en viendrais à manger du gâteau pour le petit-déjeuner. Je suis certaine qu’à cinq ans, j’aurais considéré que c’était un rêve qui devenait réalité. Si ça m’aide à prendre un peu de poids plutôt que d’en perdre, alors allons-y. Ensuite, nous attendons de voir si le petit déjeuner va passer ou non par l’évier. Si c’est le cas, Peeta fait les mêmes gestes réconfortants que dans la salle de bains. Sinon, il me sourit avec inquiétude jusqu’à ce que je lui sourie en retour, et qu’il sourit nouveau, soulagé que je ne vomisse pas encore une fois. Ensuite, il note quel a été le petit-déjeuner du jour sur un petit carnet, dressant une liste des aliments qui passent. Elle n’est pas très longue, mais Peeta est déterminé à ce que j’arrête de maigrir autant.

Après le petit-déjeuner, que je l’ai gardé ou non, je saute dans mes bottes de chasse, enfile la veste de mon père et me voilà dans les bois. Ça inquiète Peeta. Il est certain que quelque-chose n’ira pas dans les bois et qu’il ne saura pas où me trouver. Je lui rappelle habituellement que rien ne m’est jamais arrivé dans les bois ces quinze dernières années. Pourquoi maintenant ? Il ne me répond jamais, mais je sais ce qu’il pense. Je suis plus faible que je ne l’étais encore il y a quelques mois. Quelque-chose pourrait arriver. Mais je ne peux pas ne pas y aller. La forêt a toujours été ma maison. Je veux y aller autant que possible avant que je ne puisse plus passer sous la clôture. Peeta le sait aussi, alors il proteste relativement peu. J’y vais tous les jours. Je passe le plus clair de mon temps à chasser. Je ne peux plus manger de viande sans vomir, Peeta en mange relativement peu, et il n’y a plus beaucoup de monde avec qui commercer par ici. Mais il faut juste que j’y sois, dans l’herbe, dans un arbre, près de mon lac. Parfois, j’en profite pour réfléchir, parfois non. Mais je suis bien ici, et j’y passe la moitié de mes journées, si ce n’est davantage.

Ces dernières heures, je chasse, je range tout dans mon ancienne gibecière, et je retourne à la maison en passant par le village. Peu de gens vivent encore ici, mais je les connais très bien. Je suis vraiment la seule à continuer de chasser dans les bois en dehors du district. Des choses viennent régulièrement d’autres districts maintenant, avant, on n’en entendait jamais parler. Mais toujours est-il que le minuscule District 12 continue d’être un peu négligé, et mes talents de chasseresse continuent de faire un profit intéressant. Cela, en plus des pâtisseries que fait Peeta, nous fait vivre. Avec si peu de monde dans le district, les ressources sont allouées plutôt équitablement et tout le monde s’en sort bien. Tout le monde me salue aussi chaleureusement, mais seuls quelques-uns commentent ma maigreur.


-         « Katniss, tu m’as l’air maigre ces derniers temps. Dis à Peeta de te donner davantage à manger. » Dit l’un, en ricanant amicalement.

 


-         « Tu n’as pas l’air d’aller très bien. Tout va bien ? » dit un autre, plus inquiet.

 


Je dis à tous que je vais bien. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne veux dire à personne ce qu’il se passe. Pas pour le moment, en tout cas. Je suis exaspérée par le temps que je mets à me rendre chez ma dernière cliente, Sage, une femme qui a déménagé ici il y a quelques années et qui vient du District 6. Le District 6 produit toujours des médicaments pour Panem, mais ils sont aussi autorisés à former des médecins maintenant. Il y a environ sept ans, beaucoup de personnels médicaux qualifiés se sont répartis aux quatre coins de Panem, faisant un bon travail pour fournir aux districts des soins médicaux, quand ils étaient auparavant contraints de compter sur d’anciens remèdes primitifs faits maison. Je me demande souvent si Prim aurait finie comme ça, un médecin qualifié, formée dans un district lointain et envoyée dans des endroits comme le District 12. Nous aurions eu quelqu’un ici si ma mère n’était pas allée au District 4. Mais j’aime bien Sage, et puis elle me donne un bon prix pour les diverses plantes dont elle a besoin dans les bois. Elle ouvre la porte, m’attrape par le poignet, et me tire à l’intérieur.


-         « Venez-donc ici » dit-t-elle, me plaçant sur une petite balance. Tout arrive si vite que je n’ai pas le temps de protester. Elle équilibre les poids sur la balance et écrit un nombre. Ensuite, elle me tend une bouteille pleine de petites gélules.

 


-         « Vous perdez trop de protéines et vous êtes trop maigre. Prenez-les. Et il vaut mieux que je vous voie dans une semaine, ou je vais venir vous chercher moi-même ».

 


-         « Qu’est-ce que… » Je commence à être irritée. Recevoir des ordres par une personne dix ans plus jeune que moi est dur à avaler.

 


-         Elle lève les yeux au ciel. « Faites-le. Et si vous ne le faites pas, je vais demander à Peeta de vous y forcer. Alors, qu’avez-vous là-dedans ? Dit-elle en montrant du doigt ma gibecière. J’ai oublié que même si Sage a les mains guérisseuses de Prim, elle a une personnalité plus proche de celle de Johanna.

 


Je serre les dents et ouvre mon sac. Sage et moi n’avons pas eu d’interactions au fil des années, outre le commerce de gibier et de plantes. Mais j’ai l’impression qu’elle ne va pas me lâcher maintenant qu’elle a conclu que j’étais trop maigre. Sage conclut avec quelques bouquets d’herbes et deux lapins. Elle dit avec insistance que ces gélules sont un cadeau, dont elle espère que je ferai bon usage. Je les accepte de mauvaise grâce et je rentre à la maison.

 


La semaine suivante se passe de la même manière. Les gélules ne guérissent pas la nausée, bien que Sage de m’ait pas dit exactement sur quel effet elles devaient produire. Je ne semble pas non plus gagner plus de poids. Peut-être me donnent-elles les protéines qu’elle m’a dit que je perdais. Je n’en suis pas certaine. Peeta a abandonné ses expériences dans le but de tenter de trouver de la nourriture qui ne me rendrait pas malade. Au lieu de ça, il me donne seulement des aliments qui sont déjà sur la liste de ceux qui passent. Malgré tout, je ne peux en garder certains. Je déteste le voir si désespéré. Il veut tellement me faire me sentir mieux, et il ne peut rien n’y faire. J’essaie de lui sourire le plus possible cette semaine, de cette manière, il saura, au cas où, que je sais qu’il essaye et que j’apprécie ce qu’il fait pour moi.

 


Je ne vais pas voir Sage la semaine suivante. Je ne veux toujours pas que les gens sachent. Mais je pense savoir pourquoi. Je sais que le début de la grossesse est un moment délicat. Je sais que la mienne semble me donner quelques problèmes. Je ne veux pas voir les regards pleins de pitié des gens d’ici si quelque-chose se passe. Peeta et moi en recevons déjà assez comme ça. J’aurais déjà suffisamment de mal à consoler Peeta si ça devait tourner comme ça, je n’ai pas besoin d’autre-chose en plus.

 

Sage ne vient pas me trouver comme elle avait menacé de le faire. Les choses restent béatement les mêmes, dans un état quasiment stagnant. Je l’ai oubliée il y a deux semaines. Je suis plus inquiète à propos de Peeta maintenant. Ma maladie l’affecte autant, si ce n’est davantage, que moi. Je suis troublée alors que je marche à travers les bois, espérant que cette verdure, cet air, et ces grands espaces m’aideraient à trouver une façon d’aider Peeta. Je suis si absorbée par ma réflexion que j’entends à peine le mouvement à côté de moi. Je me retourne rapidement et trouve Sage, apparaissant de derrière un arbre, à la lisière du Pré. Sage était venue me trouver, comme elle l’avait promis. Une semaine en retard.

 


-         « Oui » dis-je sans formalités. Si ça a l’air malpoli, je m’en moque. J’ai déjà assez de chose à faire sans que la jeune docteure ne m’asticote.

 

Sage grimace alors qu’elle me regarde de haut en bas.

 


-         « Elles ne fonctionnent pas. A moins que vous ne les ayez pas prises. »

 


-         « Je les ai prises. Qu’étaient-elles supposées faire ? » dis-je en grommelant.

 


-         « Un supplément en protéines. Mais vous êtes en train de perdre de la masse musculaire, donc, elles ne fonctionnent pas. Vous les vomissez, non ? »

 


Je hoche la tête, de mauvaise grâce.

 


-         A combien de semaines en êtes-vous ?

 


Ma bouche s’assèche instantanément.

 


-         « Que voulez-vous dire ? »

 

Sage me regarde, impassible.

 

-         Vous savez ce que je veux dire. De combien de semaines êtes-vous enceinte ? »


Je cède devant le regard peu amusé de Sage.


-         « Mmh, je n’ai pas compté, sept ou huit ? »

 

-         D’accord. Pourquoi n’êtes vous pas allée me voir ? »

 

Je sais que j’ai l’air très agacée quand je réponds.

 

-         « Je ne veux que personne ne le sache. Juste au cas où… »

 

-         « C’est compréhensible. Mais en étant faible et malade à ce point, cela augmente les risques que cela se produise. Et si vous êtes inquiète à propos de Peeta comme vous semblez l’être, vous ne l’aidez pas en ne vous faisant pas aider vous-même. »

 

-         « D’accord, très bien, aidez-moi ! Qu’allez-vous faire ? »

 


-         « D’abord, je vais vous laisser aller dans les bois parce-que vous vous vous y sentez bien et que j’ai besoin que vous vous reposiez un peu. Pendant que vous y êtes, je vais aller dire à Peeta ce que vous avez besoin de manger. Vous devriez vous sentir mieux d’ici deux jours. »

 

Après ça, Sage tourne les talons et va droit en direction de ma maison, dans le village des vainqueurs.

 

Je ne reste pas dans les bois trop longtemps. Juste assez pour me reposer comme Sage m’a demandée de le faire. Mais je suis incroyablement curieuse de ce que Sage est en train de dire à Peeta de faire avec moi. Donc je reviens à la maison sans rien dans ma gibecière et sans faire de détour par le village. Quand j’arrive dans la cuisine, Sage et Peeta sont assis à table. Peeta a sorti son carnet et est en train d’écrire furieusement, comme un étudiant survolté. Il est incroyablement impatient et plein d’espoir. Il se redresse quand il me remarque.

 

-         « Katniss ! Sage dit qu’elle pense savoir comment t’aider à garder tes repas ! Je ne sais pas pourquoi on ne lui a pas demandé avant ! »

 

-         « J’en ai entendu parler » dis-je en levant les yeux au ciel, les interrompant. Il y a peu de choses que je déteste plus au monde que d’entendre des reproches. Alors, bien sûr, j’ai décidé de me marier avec Peeta. Les reproches ne cessent donc jamais. Il a de la chance que je l’aime, sinon, je l’aurais tué.

 

-         « Ah, comment ça ? »

 

-         « J’étais inquiète avant d’aller dans les bois, et on m’a dit que vous feriez équipe contre moi ».

 

-         « Je suis désolé » dit Peeta, en s’excusant pour moi. « Elle ne voulait pas dire ça, je vous le promets ».

 

-         « Si »

 

Peeta se contente de rire légèrement.

 

-         « Vous êtes un homme courageux, Peeta, pour permettre à celle-ci de tomber enceinte. Les hormones vont devenir de plus en plus fortes. Rappelez-vous, baissez-vous, et à couvert. »

 

-         « Non, si elle en a après moi je suis mort. Elle est trop précise. Ma seule défense est le camouflage. »

 

-         « Tu ferais mieux de te peindre comme le vent, chéri » Dis-je, mordante.

 

-         « Très bien, très bien, je suis désolé ». Peeta met rapidement ses mains en vue, les paumes bien hautes, comme s’il voulait se rendre. Je fais la moue et m’effondre sur une chaise, les bras croisés.

 

-         « Ne vous inquiétez pas. Elle sera de meilleure humeur quand elle aura gardé un peu de nourriture. Ses hormones la travaillent et elle a faim. Je ne m’en sortirais probablement pas à moitié aussi bien si j’étais à sa place ».

 

-         « Vous allez arrêter de parler de moi comme si je n’étais pas là ? »

 

-         « Non, parce-que nous en avons fini de toute façon. Peeta a reçu des instructions sur la marche à suivre. Je serai par là la semaine prochaine, puisqu’apparemment, je ne peux pas compter sur vous pour tenir parole. Venez me trouver si quoi que ce soit d’autre arrive. »

 

-         « Comptez sur moi », Peeta répond pour moi. Sage acquiesce et passe la porte.

 

-         « Es-ce que tu es vraiment en colère contre moi ? » Peeta a toujours besoin de s’assurer qu’il ne m’a pas contrariée. Je me le note intérieurement pour le faire plus souvent.

 

-         « Non, je suis juste énervée de manière générale. »

 

-         « D’accord. Je vais essayer de te cuisiner quelque-chose. Sage dit que tu devrais pouvoir le garder. Elle dit que tu devrais pouvoir garder ça aussi. »

 

Il me présente encore plus de capsules. Les docteurs du District 6 sont entraînés à la médecine de pointe, à la manière de celle du Capitole, plus qu’autre chose. Je prends une gélule, sans conviction.

 

Peeta me présente un plat en un temps record. Ça ne sent pas de manière discutable. J’en prends une bouchée hésitante. Et puis une autre. Je le mange en entier. Effectivement, je ne le vomis pas.

 

-         « Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? »

 

-         « Du gingembre et quelque-chose d’autre qu’elle m’a donné. Je ne savais pas que le gingembre était un anti-vomitif naturel. »

 

Quelque part dans un lointain souvenir, je pense que je revois ma mère me le dire.

 

-         « Tout va bien, tu ne te sens pas malade ? »

 

-         « Pas vraiment. Je ne me sens pas dans mon état normal pour autant, mais je ne pense pas que je vais le vomir »

 

Peeta sourit et se frotte le visage avec une de ses mains.

 

-         « Dieu merci, Katniss, tu m’as fait beaucoup m’inquiéter. Je craignais que quelque-chose n’arrive. Tu ne mangeais rien, et tu avais l’air si malade. Je veux dire, tu as toujours l’air très faible, mais au moins, tu as mangé quelque-chose de consistant. »

 

-         « Je ne voulais pas te faire peur. » J'ajoute d’une voix étouffée « Je suis désolée »

 

-         « Ce n’est pas ta faute. Je suis simplement heureux que ça semble marcher »

 

Je dis rarement des choses comme celle que je vais dire à Peeta. Mais il semble si réconforté, et en même temps si inquiet.


-         « Peeta, s’il te plaît, ne t’inquiète pas pour moi. Je n’aime pas te voir si contrarié. Je vais bien. »

Peeta regarde la table un instant.


-         « Tu me le promets ? »

 

-         « Bien sûr »


Peeta fait oui de la tête, visiblement toujours remué. Il dort particulièrement près de moi cette nuit. Collé à moi comme s’il essayait de me protéger de quelque invisible agresseur. Il se réveille parfois pendant la nuit et regarde autour sauvagement, essayant de me trouver. Je ne peux pas dire s’il voit d’autres choses maintenant, quelques-unes des hallucinations fantômes qu’il a encore. Je mets mes deux mains autour de son visage rougi.


-         « Peeta, Peeta »

 

-         « Katniss, où est-tu ? »

 

-         « Je suis là, juste là, tu me vois ? »

 

-         « Non »

 

-         « Tout va bien. Je suis juste là. Prends le temps de respirer un moment »

 

-         « Mais ils essaient de te prendre, Ils vont te… »

 

-         « Chuuuuuut, Peeta, personne ne va m’emmener où que ce soit. »

 

-         « Mais »

 

-         « Peeta, quand as-tu jamais vu quelqu’un me forcer à faire quelque-chose que je ne voulais pas ? Sérieusement. »

 

Tout ce que j’entends pendant un instant, c’est la courte respiration de Peeta. Puis il acquiesce.

 

-         « C’est vrai »

 

-         Je ne peux rien faire d’autre que de ricaner un petit « Trop vrai ».

 

-           « Attends, je peux te voir maintenant »

 

-         « Bien, alors tu sais que je suis là, et que je vais bien. »

 

-         « C’était juste un cauchemar. Réel ou pas réel ?»

 

-         « Réel. Honnêtement, tu es si bien maintenant que tu as à peine besoin de me demander. C’est réel la plupart du temps quand tu me demandes. », je lui souris doucement et je pousse quelques jolies petites boucles blondes de son front.

 

-         « Je veux m’en assurer, je pense. »

 

-         « Ça me va très bien. »

 

Peeta s’assied et prend un moment pour se calmer.

 

-         « Bon, ça va mieux maintenant. »

 

-         « Bien, tu penses que tu peux dormir ? »

 

-         Il acquiesce, « Oui, je pense que je vais bien »

 

Peeta se recouche et met son bras en travers de l’oreiller. Je me blottis dans le creux de son bras, serrée contre sa poitrine. Je le laisse jouer avec ma natte jusqu’à ce qu’il dorme. Je ne tarde pas à faire de même.

La journée suivante est considérablement meilleure. Je suis toujours un peu malade le matin, mais le petit-déjeuner passe bien. Après sa terreur de la nuit dernière, Peeta semble se sentir mieux en tout point. Il est à peine inquiet quand je vais dans les bois.


Je me sens suffisamment bien aujourd’hui pour pouvoir penser à tout ça. Être enceinte. C’est étrange pour moi. Je suppose que j’ai passé de trop longues années à essayer d’éviter d’avoir même à y penser que je ne sais même pas à quoi réfléchir maintenant que ça y est. Aujourd’hui, je ne panique pas, je n’ai pas faim, je n’ai pas la nausée. Aujourd’hui, je peux me demander de quelle manière je devrais aborder les choses. Je m’assieds sur le bord de mon lac, voulant sentir quelque fantôme de la présence de mon père. Comme si un écho venant de lui allait me dire comment je devrais gérer ça. Je me demande si mon père était effrayé à l’idée d’avoir des enfants. S’il était constamment effrayé à l’idée de les perdre. Je ne suis pas sûre. Tout ce que je sais c’est qu’il nous a aimées de tout son cœur.


« Peut-être que c’est tout ce que j’ai à faire », je m’exclame tout haut. Je crains tellement d’aimer cet enfant, parce-que j’ai peur de le perdre. Mais maintenant, je pense que l’alternative est pire encore. L’enfant existe maintenant. Il n’y a pas de retour en arrière possible. Maintenant qu’il est là, je peux choisir de garder mes distances avec lui pour me protéger, ou l’aimer. Je pense que ce serait une grande injustice de me tenir à distance de cet enfant parce-que j’ai peur. Ça ferait de ce qui était au départ un acte de désintéressement, un acte égoïste. Je pense qu’il faut que je me laisse aller à aimer cet enfant. Agir autrement serait cruel.


« Bien, je suppose que nous sommes coincés l’un avec l’autre, quoi qu’il advienne » dis-je à mon ventre. Je me sens un peu bête. Mais je sens aussi que j’ignorais le fait qu’il y avait une vie là-dedans. Et je ressens le besoin de m’adresser à elle.


Je reste assise un moment, appuyée sur mes coudes, en regardant l’eau trouble et peu profonde. Je regarde un petit groupe de têtards autour du banc de sable où je suis assise, nageant vigoureusement avec leurs petites pattes à moitié formées. Je ris un instant en voyant combien ils manquaient de coordination, étaient étranges, et si fragiles.


« Mais je pense que tu n’as pas l’air si différent à l’heure actuelle, n’est-ce pas ? » dis-je à mon estomac. Je me résous à trouver un surnom pour cet enfant, afin que je puisse cesser de d’appeler cette pauvre petite chose « ça », « tu », ou « ils ».


Je chasse juste assez aujourd’hui pour éviter tout soupçon au village. Bien que j’aie plus l’impression que ça s’apparente plutôt à une marche, profitant de cette journée étonnamment agréable. Les gens remarquent que je me sens mieux. Je souris presque quand je rendre à la maison. Je suis si en avance que Peeta n’est pas encore rentré. Parfois, il sort acheter des choses quand je suis dans les bois. De la farine, du sucre glace, des pinceaux ou des brosses. J’inspecte une peinture sur laquelle il travaillait dans une autre pièce. Je pense qu’elle était supposée être une salle à manger, mais Peeta et moi, nous mangeons dans la cuisine, alors nous l’avons transformée en atelier de peinture pour lui. Je suis heureuse de voir que la peinture du jour est joyeuse. Parfois, il peint les jeux. Parfois, ses hallucinations provoquées par le venin des guêpes tueuses. Souvent, il me peint. Il ne déroge pas à la règle aujourd’hui. La scène est un peu mondaine, comme toujours. Peeta arrive à insuffler de la vie à ses peintures. C’est moi à la table de la cuisine ce matin, ayant l’air un peu plus maigre, plus émaciée que d’habitude. Mais j’ai l’air heureuse. J’ai l’air soulagée. C’est une petite peinture pleine d’espoir. Je regarde autour de la pièce, me demandant dans combien de temps Peeta va rentrer. Je remarque un petit peu de peinture rouge sur la bâche qui couvre le sol. C’est encore humide, il ne doit pas être parti il y a si longtemps que ça. Ce n’est pas avant qu’une autre goutte la rejoigne que je réalise que ce n’est pas de la peinture. C’est du sang.

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