Il y a des jeux bien pires

Chapitre 1 : Plaies à vif

5428 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/12/2023 23:28

Ceci est une traduction française d’une fanfiction en langue anglaise. Je ne possède rien, son auteur non plus, tout est la propriété intellectuelle intégrale de Suzanne Collins.


Lien du chapitre de la version originale: https://www.fanfiction.net/s/7916876/1/Worse-Games-to-Play




Quand Peeta me l’a demandé pour la première fois, je lui ai dit un non catégorique, avant de me retourner. Il n’a rien répondu. Il sait qu’il ne faut pas se disputer avec moi. Mes décisions sont toujours fermes et définitives. Comme il ne s’est pas lové immédiatement derrière moi, je me suis dit que je l’avais peut-être contrarié. Mais, quand je me suis réveillée alors qu’il faisait encore nuit tôt le matin, je trouvais ses mains agrippées aux miennes. Même quand il dort, il sait quand j’ai besoin de l’avoir tout près. Tout comme je sais quand il entend des choses qui ne sont pas de ce monde, issues des vieilles cicatrices mentales laissées par le venin des guêpes tueuses. Nous sommes la béquille l’un de l’autre. Nous sommes tous les deux perturbés au-delà de l’imaginable, mais nous continuons, en claudiquant. Ce n’est le plus romantique des arrangements, mais ça fonctionne. Et nous y trouvons de l’amour. En dessous des cicatrices, des cauchemars et des désillusions, c’est bien là. Nous prenons soin l’un de l’autre. Cela a été comme ça depuis nos premiers jeux, et ça sera toujours le cas.


Nous glanons de petits morceaux de bonheur de notre vie commune, comme en essorant les dernières gouttelettes d’un vieux linge humide. Nous essayons de notre mieux de garder la peur loin de l’autre. La peur. Les gens peuvent perdre tant de choses avant qu’ils ne puissent plus être heureux, de peur que ce bonheur ne leur soit ravi. Nous avons appris ce qui la déclenche chez l’autre, que dire, que ne pas dire. Comment calmer les crises. L’arrachement des cheveux, le recroquevillement en position fœtale. C’est pourquoi je suis surprise que Peeta pose de nouveau la question quelques mois plus tard. Il sait que ça m’effraie. Pourquoi le fait-il encore ? Je lui donne la même réponse, plus durement cette fois, mais il n’arrête pas de demander.


A chaque fois qu’il en parle, c’est le même cauchemar. Toujours le même. Je rêve du jour de la Moisson. Je rêve que les jeux ne se sont jamais arrêtés. Je rêve que je suis le mentor d’une enfant après l’autre. Que je les vois mourir. Une année, puis une autre, et la suivante. Des morts sanglantes et inutiles. Je me réveille, assez tremblante pour réveiller Peeta. Ses bras endormis me serrent contre lui ; en me murmurant des mots gentils. Il ne sait pas qu’il est à l’origine de ce cauchemar-ci.


La fois suivante, je ne me contente pas de dire non. J’essaie de lui expliquer.


-         « Peeta, je ne peux pas, tu sais que ça m’effraie »


-         Oui, mais je pense aussi que ça te rendrait heureuse. Vraiment.


-         Ça te rendrait heureux, toi, moi je ne cesserai d’être terrorisée.


-         Katniss, je ne pense vraiment pas que quoi que ce soit de mal arriverait. Vraiment.


-         A chaque fois que tu parles de ça, j’en fais des cauchemars. S’il te plaît, n’insiste pas.


-         D’accord


C’est le ton de ma voix et le regard qu’il arbore qui me fait faire machine arrière. Une défait complète se lit dans ses yeux. Un peu de honte aussi. Pourtant, ce qu’il demande n’est pas honteux, loin de là. C’est quelque-chose de bien, de prometteur, d’innocent. Alors, Peeta, je me sens mal. Je souris et ses yeux s’illuminent. Il sait à mon regard que je viens de reconsidérer quelque-chose.


-         « Je ne suis pas en train de dire oui », le préviens-je, il fait oui de la tête, mais son enthousiasme n’en est en rien amoindri.


-         « Tu peux me le demander une fois par an. Une. Je ne peux pas y penser plus d’une fois par an. Je peux très bien ne jamais accepter, mais tu peux demander. Je te promets de vraiment y réfléchir ».


-         « Tu vas vraiment y réfléchir ? »


-         « Une fois par an, oui »


Il m’embrasse si tendrement que je voudrais pleurer. Je me retiens parce-que ça le perturberait. Il penserait qu’il m’a perturbée. Je lui rends un baiser tout aussi chaleureux.


-         « Merci », me dit-il en souriant


-         « Je t’aime Peeta », dis-je d’un air amusé


-         « Oh, je sais »


J’essaie, à partir de maintenant, de faire plus d’efforts pour montrer à Peeta que je l’aime.

Peeta s’est souvenu de la date à laquelle je lui ai dit qu’il pouvait me demander. Il demande chaque année ce jour-là. Il demande toujours normalement, essayant d’agir comme s’il n’espérait pas que je dise oui. Il ne fait jamais de grands gestes, bien que les petits pains au fromage qu’il fait ce jour de l’année aient tendance à être un peu plus forts que d’habitude. Il ne me regarde jamais dans les yeux, non plus. Il ne veut pas que je voie l’espoir puis la déception dans ses yeux. Je fais de mon mieux pour dire non gentiment. Je dis toujours non. Il répond toujours la même chose.


-         « Très bien » C’est toujours dit doucement et gentiment. Il me fait me sentir coupable à m’en rendre malade.


Je tiens le compte des années. Une, deux, trois, quatre. La cinquième année, il me demande si je dirai oui un jour. Je lui réponds que je n’en suis pas certaine. Il continue à demander. Six, sept, huit. Ça me surprend la dixième année. Il a sans faute posé la même question pendant une décennie. Il n’insiste jamais, il me laisse toujours en décider. Je me rappelle ce qu’Haymitch m’a dit un jour. Que je pourrais vivre cent vies que je ne serai toujours pas digne de ce garçon. Je sens chaque jour qui passe qu’il a davantage raison.


La onzième année, il arrête de sourire lorsqu’il me pose la question. La douzième, il est plus calme. Une treizième, une quatorzième. La quinzième année, il me le demande au milieu de la journée. Il est en train de pétrir une sorte de pain dans la cuisine. Je reviens juste des bois. Cette année, sa demande sonne différemment. Un peu plus pressantes, mais aussi un peu déçue. Je sais à quoi il pense. Je vieillis. Je ne suis pas encore vieille, mais les années qu’il a passé à me demander passent. Il demande, pour la première fois, comme si j’allais indéfiniment dire non. Je ne mens pas à Peeta. J’y pense vraiment chaque année. Toutefois, je n’y ai jamais pensé avec autant de soin que cette année. Je ne lui réponds pas immédiatement. Je monte à l’étage, j’enlève la vieille veste de chasse en cuir de mon père, je la pends. Je me roule les pouces pendant un moment, en regardant simplement au plafond. Je suis toujours terrifiée. Je serai toujours terrifiée. J’attendais de voir si je me sentirais un jour mieux avec cette idée. Ce ne sera pas le cas. Cependant, j’essaie de descendre avec davantage d’arguments que « J’ai peur ». Et je ne peux pas. Je ne peux plus. Je repense à toutes ces années passées aux côtés de Peeta. Je l’aime. Mais je pense que je suis parfois un peu trop froide avec lui. Parfois, je pense que je suis méchante avec Peeta. Ce geste sera une des rares choses que j’aurais faites uniquement pour lui. Il en a bien assez fait comme ça pour moi.


Je m’assieds, résolue. Je descends les escaliers et m’appuie sur le chambranle de la porte. Peeta est toujours en train de pétrir son pain, mais son visage s’est décomposé depuis que j’ai descendu les escaliers. Il pense que je vais dire non. Je réalise qu’il pense que je vais dire non pour de bon. Je déballe, sans réfléchir :


-         « D’accord »


-         Peeta ne lève pas les yeux. « Mmh ? »


-         « Oui »


Ça lui prend une seconde pour réaliser. Ses mains se glacent.


-         « Tu as dit oui. Réel ou pas réel ? »

 

Pauvre Peeta, m’entendre lui dire oui est si inhabituel qu’il pense qu’il n’est pas dans son état normal.

 

-         « Réel. Je dis oui »

 

Peeta rit. C’est un rire de bon cœur qui le fait pleurer.

 

-         « Je n’aurais jamais cru que tu dirais oui »


-         « Moi non plus, mais je l’ai dit »

 

A un moment je me tiens à l’opposé de l’endroit de la pièce où se trouve Peeta, à celui d’après, je me retrouve à cinquante centimètres du sol me serrant contre lui aussi for qu’il le peut sans me blesser. Mes pieds se balancent, suspendus dans le vide, Peeta se balance avec moi. Il pleure de tout son corps maintenant. En cet instant, je ne sais pas comment j’ai pu lui dire non pendant quinze ans. Je pense que Peeta veuille un bébé depuis qu’il en était un lui-même. Il m’embrasse pendant je ne sais combien de temps, alors que mes pieds se balancent encore au-dessus du sol. Il me repose ensuite, en souriant. Je commence à pleurer à ce moment-là. Peeta Mellark n’a pas souri comme ça depuis la soirée sur le toit en terrasse avant les jeux de l’expiation. Je n’avais pas conscience d’à quel point ce sourire me manquait. Tout ce à quoi je peux penser alors que je l’embrasse, c’est que je ne veux plus jamais laisser ce sourire s’effacer de nouveau.


Cela prend quelques mois. J’arrête de contrôler le nombre de relations que j’ai avec Peeta. Avant, cela devait être très prudent. Maintenant, quand je sens ce désir qui monte de mon ventre, je le laisse prendre le contrôle. Parfois, la sensation me rappelle, de manière perverse, le brouillard acide qu’il y avait dans l’arène en forme d’horloge. Ça s’insinue en moi, doucement, en silence. Bientôt, l’air épais m’évoque la forêt tropicale, je l’inspire à pleins poumons, et, pour une fois, je suis heureuse de cette chaleur. Nos muscles commencent à trembler et à tressauter. Je ne peux pas le contrôler. Ça s’approche. Continue. Le souffle se fait court, superficiel, désespéré. Accroche-toi à Peeta, ne le perds pas, pas encore une fois. Plus jamais. Mon cœur tambourine dans mes oreilles. Je ne peux formuler des mots, simplement des sons primitifs. Le genre de ceux que les Avox sont obligés de faire. Mes muscles se figent, mes poumons me brûlent. La chaleur est torride. Continue. Ne t’arrête pas. Respire fort. Continue. Je m’essouffle. On en est presque à l’eau, elle est tout près. Ne t’arrête pas. Ne t’arrête pas. Je vois l’eau. Je ne peux pas m’arrêter. S’effondrer dans le sable. Je ne peux pas garder mes yeux ouverts. Oh. Je gémis alors que la première vague m’atteint. Et puis une autre, une autre, une autre, une autre. Elles lèchent la peau. J’entends la respiration rapide de Peeta. Je souris. Il est toujours là. La respiration se calme. L’eau nous a guéris. Nos muscles se relâchent, nos mains se desserrent. Nos yeux s’ouvrent tout doucement. Nous nous regardons fixement. Dieu merci. Il est en vie. Il est là. Il ne va pas s’en aller. Je me blottis contre l’épaule de Peeta et ne bouge plus jusqu’au matin.

Dans un premier temps, j’ai peur d’avoir attendu trop longtemps. Que je sois déjà trop vieille, bien que je sois seulement au milieu de la trentaine. Cependant, le jour où je sens le feu remonter ma gorge, le jour où je sens quelque-chose et que je dois aller vomir dans l’évier, parce-que je n’ai pas le temps d’aller aux toilettes, je sais. Je n’ai pas besoin d’un test étrange comme celui que les femmes du Capitole ont l’habitude d’utiliser. Même sans mon estomac dérangé, des années de chasses me donnent un instinct animal qui me dit des choses bien avant que j’aie à les rechercher par moi-même. Je le sais, tout simplement. Je suis enceinte.


Et je panique.


Il ne faut pas longtemps à Peeta pour me retrouver. Je suis partie me réfugier dans les bois comme je le fais d’habitude en temps de crise. Je me suis logée en haut d’un arbre, comme un chat peureux fuyant un chien asservisseur.

J’entends la faible voix de Peeta crier d’en bas.


-         « Katniss ? Katniss ? »


Je ne pense pas que Peeta aime vraiment les bois. Mais ça ne l’empêche pas de venir m’y chercher. Je le regarde chercher à travers la tapisserie de branches et de feuillages, essayant de me trouver. Ses yeux s’illuminent quand il me repère. Il recherche une branche et commence une lente et maladroite ascension. Bien du courage. Il ne peut pas monter aux arbres. Il n’a jamais pu. Mais il continue d’essayer.

« Ne va pas te blesser, Peeta. Je descends. » J’entends les tremblotements dans ma voix. Elle a perdu son volume habituel, c’est encourageant.

Il interrompt son ascension sans se faire prier, sautant sans grâce dans un tas de feuilles et d’aiguilles de pin sous mon arbre. Je me laisse glisser, atterrissant légèrement sur mes pieds à coté de lui. Je lui prend sa chaude, grande et forte main pour le conduire à un endroit où nous pourrons nous asseoir et discuter plus confortablement. Je l’emmène sur une colline avec des arbres clairsemés et de l’herbe longue et douce. Nous nous asseyons, Peeta et moi. Je ne dis rien pendant un moment, Peeta m’imite et reste silencieux. Peut-être que ce sont mes mains tremblantes, ou le fait de me mordre les lèvres, ou que j’arrache l’herbe du sol. Quoi qu’il en soit, Peeta doit finir par parler.


-         « Qu’est-ce qui ne va pas Katniss ? Je ne t’ai pas vu aussi secouée depuis des années. »

Je place mes mains tremblantes, les poings serrés, autour de mon visage, fermant les yeux.


-         « Je suis enceinte, voilà ce qu’il se passe », dis-je, me forçant à desserrer ma mâchoire. Peeta essaie de camoufler le sourire qui menace de lui envelopper le visage entier. Il essaye. De toute évidence, cela ne me rend pas heureuse et Peeta ne veut pas me rendre plus anxieuse que je ne le suis déjà.


-         « Je pensais que c’était le but ? »


-         « Ça l’était » Grogne-je


-         « Alors, où est le problème ? Je suis désolé, je ne comprends pas. »


-         « Le problème, c’est que je n’y avais pas réellement réfléchi »


-         « Tu n’y avait pas…attend Katniss, quoi ? »


-         « Je t’avais dit que ça m’effrayait de bout en bout ! Qu’attendais-tu d’autre ? »


-         Je n’attends pas à ce que ce soit facile. Mais je ne m’attends pas non plus à un pétage de plombs. Je voulais que tu te sentes prête pour tout. C’est pour ça que je t’ai laissée en décider. Tout était entre tes mains »


-         « Ce n’était pas uniquement entre mes mains »


-         « Katniss, s’il te plaît »

Alors, je deviens hystérique. Les mots sortent de ma bouche sans interruption, les phrases s’enchaînent sans que je puisse respirer.


- « Quoi ? Qu’étais-je supposée faire ? Tu me regardes comme tu le fais, avec les yeux que tu me fais, tu me demandes calmement et gentiment pendant quinze ans. Tu tiens tellement à avoir un enfant que tu vas en mourir, et moi, je veux juste que tu sois heureux et je ne me sens pas suffisamment gentille avec toi et je voulais te donner cette chose, à laquelle tu tiens si fort, alors j’ai dit oui, et maintenant je suis terrorisée parce-que je ne l’avais pas si bien réfléchi que ça ! D’accord ? »


- « Tu l’as fait pour moi ? »

Je fais oui de la tête, gênée que des larmes commencent à couler sur mon visage.


-         « Katniss, je voulais que tu sois heureuse, toi aussi. Je ne voulais pas que tu le fasses si tu ne voulais pas le faire. C’était l’intérêt de te le demander de la façon dont je les fait. Est-ce que tu ne veux pas - » Peeta avale puissamment sa salive, comme si il rassemblait son courage pour le dire. « Tu ne veux pas de ce bébé ? Est-ce que tu veux -»

 

Je secoue la tête, coupant la fin de sa phrase.

 

-         « Je le veux, et c’est bien ça le problème »

L’habituel son étouffé que je fais quand je sanglote commence. Je n’avais pas pleuré comme ça depuis la mort de Prim. Pas une fois en quinze ans.

            

           - « C’est pour ça que tu as peur ? Dit Peeta en murmurant. Je ne lui ai jamais dit pourquoi je ne voulais pas d’enfants. Peeta a simplement dû penser que je n’étais pas d’instinct maternel. Le problème, c’est que j’en ai. J’en ai trop. Tout ce à quoi je pense penser c’est comment faire que mes enfants ne finissent pas comme Rue ou Prim.

 

-         « Tu as peur que quelqu’un le prenne ? »

 

J’acquiesce vigoureusement.

 

-         Qui va te le prendre. Le Capitole n’existe plus. Réel ou pas réel ?


-         Réel. Mais pourquoi pas ? Ils ont pris tout le monde ! Tout le district 12, il reste 800 personnes ! Tout le monde dans nos premiers jeux nous a sauvé, la moitié dans nos seconds ! Tous nos amis ! Presque tout le monde à la Plaque ! Tes parents ! Madge ! Finnick ! Rue, Prim… »

 

Les deux derniers noms ont du mal à s’échapper avant que je ne parvienne plus à parler. Peeta mets sont bras chaud et puissant autour de mes épaules et me serre contre lui. Il est le seul à me maintenir en un seul morceau.


-         « Je ne permettrai pas que ça arrive. Je mourrai avant. »

Je sais qu’il est sérieux, mais ça n’aide pas.


-         « Mais Peeta, ils t’ont pris aussi. Pour un moment au moins, ils t’ont même pris, toi »

 

Peeta serre ses poings autour d’une poignée d’herbe et ferme ses yeux pour un moment, en battant des paupières. Quand il les ouvre, il secoue la tête, comme s’il tentait de dissiper une certaine confusion.


-         « Tu m’as aimé malgré ça ? Réel ou pas réel ? »


-         « Définitivement réel »


Il acquiesce. Peeta est juste assis ici et me laisse plonger dans l’hystérie, incapable de faire quoi que ce soit d’autre. Le mieux qu’il puisse faire est de me prendre et de me mettre sur ses cuisses quand il le peut. Il sait que dans des moments comme celui-ci, il est la colle qui me retient de finir dévastée entièrement. Plus je m’agrippe à lui, mieux je me sens. Bientôt mes larmes se muent en hyperventilation. Habituellement, Peeta m’aurait tendu un sac en papier à ce stade, il y est habitué. Mais cette fois-ci, il réfléchit.


« A…A…A quoi penses-tu ? » Dis-je en gémissant entre deux respirations.


« Je pense que j’ai trouvé à un jeu. Comme mon jeu « réel ou pas réel ». Mais pour toi. Tu es tellement convaincue que tout le monde va faire le pire dont ils sont capables. Je ne peux pas t’en blâmer, tu as vu que ça arrivait. Mais qu’arriverait-il si, quand tu commences à être terrifiée, tu pensais à tous les actes de bonté que tu as vu des gens faire ? »

Je fais oui de la tête plusieurs fois. Il faut que je fasse quelque-chose ou je ne survivrai pas à ça.


-         « Peut-être »


-         « Essayons maintenant. Qu’a été la première chose que tu as vu quelqu’un faire ? De toute ta vie. Quelque-chose qu’ils n’étaient pas obligés de faire, mais qu’ils ont fait malgré tout ? »


-         « C’est simple, c’est toi ».


-         « Quoi, le pain que je t’ai donné quand nous étions enfants ? »


-         Je fais oui de la tête, « Je te l’ai déjà dit avant, tu as sauvé la vie de ma famille ».


-         Peeta sourie tout doucement. Aimablement.


-         « Bien, alors celui-là. Mais on peut en trouver d’autres. »


-         « Tous ceux qui se sont occupés de ma famille pendant mon absence lors de nos premiers jeux. Gale, sa famille et d’autres.


-         « Ouais. Peut-être de quelqu’un dont tu ne t’y attendais pas ? »


-         « Le district onze qui m’a envoyé du pain pendant nos premiers jeux. Et Tresh, il ne m’a pas tué alors qu’il l’aurait dû. Quoi que, il a tué Clove juste avant, ce n’est peut-être pas bon »


-         « Si, je pense que c’est bon. Il a juste tué Clove parce qu'elle était cruelle. Thresh avait un cœur ».


-         « Oui, il en avait un. Et tant de ces personnes sont mortes. Des gens qui avaient fait le bien. »


-         « Oui, mais beaucoup d’entre eux sont toujours là. Et il y a des gens que tu n’as jamais rencontré qui font la même chose. Est-ce que ça marche ? »


-         « Un peu » dois-je admettre.


Peeta reste assis avec moi tout le restant de la journée. Nous continuons notre liste. Parfois, il parle de choses qu’il a expérimentées lui-même, ou de choses que j’ai oublié. Parfois, je lui rappelle des choses. Il me permet de réfléchir, de parler, ou de ne pas parler. Pendant la dernière heure, aucun d’entre nous ne parle. Nous sommes simplement assis dans l’orange du crépuscule et écoutons le bruissement des bois alors qu’une douce brise tempérée commence à souffler. Je repose ma tête sur l’épaule de Peeta, me réjouissant de l’odeur de Peeta et des bois. Alors que l’orangé du crépuscule fait place au bleu de la nuit tombante, Peeta se rapproche.


-          « On peut rentrer ? »


Je fais oui de la tête et me lève. Il me suit. Je dois aller plus lentement qu’à l’accoutumée, parce-que Peeta ne connaît pas aussi bien ces collines que moi. Je le guide, alors que nous nous tenons par la main. Alors que nous passons l'ancienne clôture, Peeta râcle sa gorge.


-         « J’ai le droit d’être enthousiaste, maintenant ? Mais, si tu ne te sens toujours pas bien, dis-moi non »

Je ne suis en aucun cas à l’aise. Mais comme l’hyperventilation a cessé, je décide de donner à Peeta ce moment d’exaltation. Après tout, c’est pour lui qu’on fait ça.


-         « Oui, tu as le droit d’être enthousiaste »


Peeta sourit comme si son visage allait se fendre en deux. Il s’arrête brusquement au milieu du chemin et m’embrasse, je peux voir qu’il sourit au travers de ce baiser. Je ne peux rien faire d’autre que de sourire un petit peu en retour, en dépit de mon malaise, quand Peeta se baisse et embrasse mon ventre.


-         « Alors tu ne vas pas t’énerver quand ça ne sera plus plat ? « Il me sourit, une main un peu sous mon chemisier, sur mon ventre. Je lève les yeux au ciel.


-         « Je me moque de ce dont ça peut avoir l’air. Mais attends-toi à ce que je sois plutôt énervée quand je serai trop grosse et maladroite pour chasser. »


-         « Oui, tes jours à grimper aux arbres sont comptés ».


-         « Je sais » dis-je en grognant. Je déteste l’idée que dans quelques mois je serai physiquement incapable de courir les bois comme je le fais habituellement. Je peux presque lire dans les pensées de Peeta. Il est impatient de me voir maladroite, incoordonée, ronde et lente. Ca sera probablement hilarant pour Peeta pour voir que la discrète, calculatrice Katniss se sera transformée en l’équivalent humain d’une boule.


-         « J’ai dit que tu étais autorisé à être enthousiaste, pas à m’humilier. On va mettre en place une règle ici et maintenant, Peeta ne dira rien quand Katniss sera trop grosse pour fonctionner normalement. 


Peeta ne s’arrête pas de glousser pendant encore quelques minutes. Mais il sait que je ne lui en veux pas, parce-que le coin de mes lèvres se retient de sourire.


-         « Peeta, sérieusement, ça sera suffisamment embêtant pour moi de ne plus pouvoir aller dans les bois. J’ai besoin de ton aide pour garder un semblant de dignité. »


Il hoche la tête, bien qu’il pouffe encore de temps à autres.


-         « Je promets que je ne dirai rien »


-         « Merci »


Peeta et moi regagnons l’ancien village des vainqueurs, main dans la main, regardant la fumée qui s’échappe des cheminées du village. Peu de maisons sont occupées maintenant, mais le District 12 grandit à nouveau, quoique lentement. Je me demande à quoi ressemblera le District 12 quand cet enfant grandira, et quand il sera adulte. J’espère qu’un jour, un de mes petits-enfants, ou arrière-petits-enfants connaîtra le District 12 que j’ai connu, ou peut-être un qui sera encore mieux. D’y penser me fait sourire. Peeta sourit aussi alors que je le regarde. Est-ce qu’il pense à la même chose, ou me sourit-il parce-que je le fais ? Peu importe. Nous sommes entre chien et loup, avec une ligne orangée sur l’horizon, du même ton que la couleur préférée de Peeta. Je sens le feu de bois et regarde les volutes s’élever dans le ciel, tout comme le brouillard le fait autour des basses, rondes et verdoyantes montagnes ici dans le 12. Je me blottis contre Peeta, ferme mes yeux, j’inhale calmement l’air doux, et je me sens chez moi. Je suis à la maison.

 

 

 

 

 

 


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