Le Prix à payer - Highlander Fanfiction

Chapitre 32 : Waterloo

6843 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 2 mois

Waterloo – 18 juin 1815

La pluie tombait en trombes sur le champ de bataille, transformant le sol en une boue épaisse où hommes et chevaux s’enfonçaient à chaque pas. Le fracas des canons secouait la terre, couvrant les cris des mourants et les ordres hurlés par-dessus le chaos. Entre les volutes de fumée, des silhouettes armées s’élançaient, glissant parfois sur le sol détrempé, combattant avec une brutalité primaire où toute stratégie semblait s’effondrer face à l’urgence de survivre.

Duncan MacLeod fendait l’air de son épée, sa lame maculée de sang et de pluie. Il avançait avec les troupes britanniques, engagé aux côtés des Écossais et des alliés de Wellington, luttant contre les forces napoléoniennes. C’était un massacre. À chaque assaut, il voyait des hommes tomber, fauchés par la mitraille ou abattus au corps-à-corps, leurs hurlements se mêlant au tonnerre de la bataille.

Un cri lui fit tourner la tête. À quelques mètres, un camarade écossais était à terre, une large entaille sur le flanc, luttant pour ne pas être piétiné par la mêlée. Duncan éperonna son cheval, le dirigeant vers lui, mais avant qu’il ne puisse l’atteindre, un boulet de canon explosa non loin, projetant des gerbes de terre et de chair mutilée. L’animal, paniqué, se cabra violemment, désarçonnant Duncan qui s’écrasa lourdement dans la boue. Son souffle se coupa un instant, et lorsqu’il rouvrit les yeux, son cheval était à terre, une patte brisée, hennissant de douleur. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits, le tumulte de la bataille tournant autour de lui comme une tempête insensée.

Il n’hésita pas longtemps. Ignorant la douleur qui irradiait dans ses côtes, il se releva et se précipita vers le soldat blessé. L’homme était pâle, la respiration saccadée, du sang imbibant déjà sa tunique rouge. Duncan le hissa sur ses épaules avec effort, manquant de glisser à plusieurs reprises sur le sol détrempé. Il se mit en marche, cherchant un endroit sûr où déposer son compagnon.

Autour de lui, les blessés jonchaient le sol. Il savait ce qui attendait ceux qui survivraient à cette journée : infections, amputations dans des conditions terribles, une lente agonie dans les hôpitaux de fortune. Ici, il n’y avait pas d’issue honorable, seulement une lutte désespérée contre la mort.

C’est alors qu’il l’aperçut.

Une silhouette drapée d’une cape sombre, se déplaçant lentement parmi les morts et les mourants. Un prêtre ? Ici ? L’homme s’agenouillait auprès des blessés, murmurant des paroles que Duncan ne pouvait entendre à travers le tumulte. Il posa un instant la main sur un soldat français en train d’agoniser, puis sur un autre, britannique cette fois, avec la même solennité. Il ne faisait pas de distinction entre les camps.

Duncan s’arrêta brusquement, une alerte instinctive parcourant son échine. Un frisson familier, discret mais distinct, s’immisça dans sa conscience. Le "buzz" d’un immortel.

Son regard balaya rapidement le champ de bataille ravagé. Quelqu’un venait de revenir à la vie. Un corps parmi les cadavres avait-il bougé ? Un soldat abattu un instant plus tôt était-il en train de respirer de nouveau ?

Toujours le blessé sur son dos, Duncan raffermit sa prise sur son épée. Il connaissait les règles. Lorsqu’un immortel en croisait un autre, il n’y avait normalement qu’une seule issue : un duel à mort. Mais ici ? Dans ce chaos de chair et de boue ? Ce n’était ni le lieu ni le moment pour une confrontation.

Ses yeux se posèrent sur la silhouette drapée de sombre qui se déplaçait lentement parmi les mourants. L’homme s’agenouillait auprès des blessés, posant une main apaisante sur certains, fermant les paupières de ceux dont la vie venait de s’éteindre. Il ne portait pas d’arme. Il ne semblait pas inquiet de la bataille qui grondait encore autour de lui.

Duncan fronça les sourcils, son instinct oscillant entre la prudence et l’incompréhension. Était-ce lui, l’immortel ?

Comme s’il avait senti son hésitation, l’homme leva les yeux vers lui. Son regard était insondable, calme au milieu de la tempête. Un regard qui n’avait rien de celui d’un combattant.

D’une voix posée, il déclara simplement, son regard se posant sur l’arme du Highlander :

— Je suis Darius. Tu n’auras pas besoin de ça.

C’est à cet instant que Duncan comprit. C’était lui. Cet homme, vêtu en prêtre, marchant sans crainte parmi les cadavres, était l’immortel qu’il avait ressenti.

Duncan hésita une fraction de seconde avant de relâcher lentement la garde de son épée. Qui était cet homme, et pourquoi un immortel choisissait-il d’arpenter le champ de bataille sans arme ? Darius désigna un endroit un peu à l’écart, où la boue n’était pas aussi profondément marquée par les combats.

— Pose-le ici. Doucement.

Le Highlander obéit, déposant son compagnon dans l’herbe humide, puis se redressa, fixant Darius avec méfiance. De près, l’homme paraissait calme, presque étranger à l’horreur qui les entourait. Il ne portait pas d’arme. Il n’avait rien d’un guerrier. Pourtant, Duncan pouvait sentir une force en lui, quelque chose de profondément ancré, un mystère qu’il n’arrivait pas à percer.

Darius s’agenouilla et examina le blessé avec attention.

— Ceux que nous ne pouvons pas sauver, nous les enterrons pour éviter la propagation des maladies. L’infection tue plus que tous les canons anglais et français réunis.

Duncan hocha la tête, essuyant l’eau qui dégoulinait sur son visage.

— Il a perdu beaucoup de sang. Il délire déjà.

— Peut-être que je peux le sauver.

— Comment ?

Darius tendit la main.

— Donne-moi ta gourde.

Duncan la lui tendit sans un mot. Darius y versa une fine poudre extraite d’une petite bourse en tissu. Il mélangea soigneusement avant de porter la tasse aux lèvres du blessé, l’aidant à boire.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Duncan.

— Des remèdes oubliés par les médecins modernes. Il fit une pause avant d’ajouter, avec une pointe d’amusement : On ne trouve pas tout dans les manuels de chirurgie.

Duncan observa l’homme, intrigué. Il ne pouvait pas dire pourquoi, mais quelque chose en Darius le perturbait.

— Et maintenant ?

— Maintenant, nous attendons. Cela prendra des heures.

Duncan soupira. Des heures. Il aurait dû repartir au combat. Il aurait dû rejoindre ses compagnons. Mais quelque chose l’en empêchait. Il s’assit sur un rocher proche, passant une main sur son visage maculé de boue. Puis, relevant les yeux vers Darius, il finit par demander, d’un ton grave :

— Comment évolue la bataille ?

— Pourquoi cela te préoccupe-t-il ?

— Napoléon va perdre cette campagne. Wellington va remporter une grande victoire.

Darius haussa légèrement les épaules.

— Et alors ? Qu’ont-ils vraiment gagné ou perdu ? Leur réputation ? Il balaya d’un geste les morts qui les entouraient. Ces hommes, eux, ont été privés de leur possession la plus précieuse… à jamais.

Duncan observa les cadavres, réalisant l’ampleur du carnage autour de lui. Des Écossais, des Anglais, des Français, des Prussiens… Tous étaient tombés de la même façon.

— Tu ne devrais pas prendre part à cette tragédie. Observa doucement Darius.

Le Highlander releva la tête, piqué au vif.

— J’ai été élevé en tant que guerrier. Je choisis les batailles que je crois justes.

— Je n’en doute pas. Tu es fidèle à tes convictions, et loyal envers tes compagnons.

Darius laissa flotter ses mots, puis son regard dériva lentement sur les corps éparpillés autour d’eux. Des hommes figés dans la boue, certains les yeux ouverts vers un ciel indifférent, d’autres recroquevillés comme s’ils avaient tenté de fuir la mort au dernier instant. L’odeur âcre de poudre, de sang et de chair brûlée stagnait dans l’air, lourde, presque étouffante.

Duncan suivit son regard, contemplant ces guerriers tombés sans distinction d’uniforme, certains encore accrochés à leurs armes, d’autres vidés de leur substance, des visages figés dans l’horreur ou l’incompréhension.

Darius inspira doucement, presque en prière, avant de murmurer :

— Mais je me demande ce qu’eux en pensent… à présent.

Duncan ne répondit pas tout de suite. Il sentit un frisson remonter le long de son dos, non pas à cause du froid, mais à cause du poids de ces mots.




Le vent s’éleva légèrement, soulevant des volutes de fumée noire provenant des carcasses d’armes et des canons éventrés. Le fracas de la bataille avait cessé, mais un autre bruit s’élevait désormais : les râles des blessés, les plaintes déchirantes de ceux qui n’avaient pas encore succombé.

Duncan n’avait jamais prêté attention à ce son auparavant. Il était d’usage, après un combat, de partir avec les survivants, de se réjouir de la victoire ou de pleurer les siens. Mais rester là, au milieu des morts et des mourants, était une épreuve à laquelle il n’avait jamais été confronté. Il observa Darius, toujours à genoux, ses mains s’activant avec un calme troublant. Il murmurait quelque chose – des prières peut-être – alors qu’il ajustait le corps d’un soldat sur le côté, lui fermant doucement les paupières d’un geste presque paternel.

Duncan s’humecta les lèvres, mal à l’aise. Il avait vu des hommes mourir toute sa vie, mais quelque chose était différent cette fois. Il prit une inspiration et déclara, la voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu :

— Ce n’est pas la première fois que je vois un champ de bataille après la fin d’un combat. Mais d’habitude… je repars avec les survivants. Il balaya la scène du regard, avant d’ajouter, plus bas : Je ne reste pas ici, parmi les morts.

Darius, toujours concentré sur un blessé, ne leva pas immédiatement les yeux vers lui.

— Alors pourquoi restes-tu cette fois-ci ? demanda-t-il simplement.

Duncan ouvrit la bouche, puis hésita. Il croisa les bras, cherchant ses mots, avant de secouer la tête.

— Je ne sais pas.

Le prêtre esquissa un infime sourire, comme s’il s’attendait à cette réponse. Un long silence s’installa. Puis, sans un mot, il se leva et se mit à marcher.

Duncan le suivit du regard alors qu’il s’accroupissait auprès d’un corps, puis d’un autre, réajustant une main sur une poitrine, fermant un regard encore figé dans l’horreur. Il s’arrêta finalement près d’un trou béant laissé par un impact de boulet de canon. La terre avait été retournée, meuble, prête à recevoir quelque chose.

Il se redressa et déclara, sobrement :

— Aide-moi.

Duncan resta un instant figé.

— Quoi ?

— À les enterrer.

Le guerrier écossais cligna des yeux. Il n’avait jamais enterré un ennemi. Darius ne dit rien de plus, mais il se mit à creuser, à mains nues. Duncan soupira, passa une main sur son visage fatigué… et se baissa à son tour. Ils commencèrent à creuser ensemble, sous un ciel gris et lourd.

Au bout d’un moment, Duncan brisa le silence :

— C’est étrange… Je n’ai jamais enterré un ennemi. Seulement mes frères d’armes.

Darius s’arrêta, essuya la terre sur ses paumes et le regarda avec cette même patience insondable.

— Pourquoi fais-tu une différence ?

— Parce qu’ils se battaient contre nous.

— Ils se battaient aussi pour quelque chose en quoi ils croyaient, répondit doucement le prêtre.

Le regard du Highlander glissa sur les visages des morts, tous figés dans la même expression de douleur et de peur. Il n’y avait plus d’ennemis. Plus de drapeaux, plus de nations. Juste des hommes, tombés dans la boue, chacun croyant se battre pour une cause.

Et soudain, la guerre lui parut un peu plus absurde.




Duncan jeta un dernier regard aux cadavres qu’ils venaient d’enterrer. Les visages figés dans la boue semblaient lui renvoyer un écho silencieux, une question qu’il n’était pas encore prêt à formuler. Il se détourna, passa une main sur sa nuque, mal à l’aise.

Il voulait parler d’autre chose, briser ce silence pesant, mais il savait que ce n’était pas la vraie raison pour laquelle il ouvrit la bouche. Ce prêtre étrange, cet immortel qui refusait de se battre, l’intriguait trop.

Il lança, d’un ton légèrement provocateur :

— Tu n’as jamais été soldat, pas vrai ? Tu étais déjà prêtre lorsque tu es devenu immortel ?

— Non. J’ai été bien plus que ça, répondit Darius, un sourire au coin des lèvres.

Il marqua une pause, ses yeux se perdant un instant dans un lointain que seul un immortel pouvait connaître.

— J’ai conquis des terres, brûlé des cités. Pendant longtemps, j’ai cru que c’était ça, la force.

Duncan, surpris, le dévisagea. Il s’attendait à tout sauf à cela.

— Toi ?

Darius hocha lentement la tête. Son regard s’assombrit légèrement, non pas de regret, mais du poids d’un souvenir trop ancien pour s’effacer. Puis, d’une voix plus grave, il répondit :

— J’ai voulu prendre une ville. Paris.

Il marqua une pause, ses traits figés dans une expression indéchiffrable.

— J’avais conquis bien d’autres cités avant elle. J’avais vu des forteresses s’effondrer, des royaumes s’agenouiller. Paris ne devait être qu’une victoire de plus.

Duncan ne dit rien. Il connaissait ce regard. Celui des hommes hantés par une bataille qui ne les avait jamais quittés. Darius reprit, sa voix plus basse :

— Mais cette fois-là… quelque chose était différent. Nous étions aux portes de la ville, prêts à frapper. C’est alors qu’Emrys est venu à moi.

Duncan fronça légèrement les sourcils. Ce nom ne lui était pas familier.

— Emrys ?

— Un immortel, comme toi et moi. Un pacifiste, un érudit…

— Lui aussi avait connu la guerre, ajouta-t-il, plus bas.

Duncan croisa les bras, attentif.

— Et ?

— Et j’ai pris sa tête.

— C’est ainsi que tu es devenu ce que tu es ?

Darius acquiesça lentement.

— Lorsque sa vie s’est éteinte sous mon épée, j’ai reçu plus que sa force. J’ai reçu son savoir. Son regard sur le monde.

Il marqua une pause, puis ajouta dans un souffle :

— Et j’ai compris.

Duncan ouvrit la bouche, prêt à demander "Quoi ?", mais il n’en eut pas besoin. Darius poursuivit :

— J’ai compris que la guerre ne menait nulle part. Que le pouvoir que je cherchais n’était qu’un vide insatiable.

— Tout ce que j’avais fait jusque-là… chaque ville brûlée, chaque victoire arrachée… n’avait eu aucun sens, reprit-il en posant une main sur sa poitrine, comme si le souvenir du Quickening brûlait encore en lui.

Il ferma brièvement les yeux, comme s’il pouvait encore entendre les cris d’Emrys lui révéler ce qu’il avait passé des siècles à ignorer. Il expira lentement, avant d’ajouter :

— Ce jour-là, le chef de Guerre est mort.

Duncan serra les mâchoires, secoué malgré lui. Il ne pouvait pas imaginer… Non. Il ne voulait pas imaginer. Il releva légèrement le menton, cherchant à s’accrocher à une certitude qui lui échappait.

— Mourir au combat, c’est le destin des guerriers.

Darius rouvrit les yeux, son regard aussi tranchant qu’une lame affûtée.

— Je ne parle pas de mon corps.

Un silence. Puis, plus bas :

— Je parle de mon âme.

Duncan voulait répondre, argumenter, réfuter cette idée, mais les mots refusaient de venir. Car, pour la première fois, il voyait devant lui un homme qui n’avait pas simplement choisi d’abandonner la guerre… mais à qui elle avait été arrachée. Un guerrier forcé d’ouvrir les yeux, contraint de renoncer à ce qu’il avait toujours cru être sa nature. Et il n’était pas sûr de savoir comment accepter cette vérité.

Il détourna les yeux, fixant un point indistinct sur le champ de bataille. Il cherchait une prise, une certitude à laquelle s’accrocher, mais tout ce qu’il voyait, c’étaient des ombres allongées dans la boue. Des corps sans vie. Des drapeaux effondrés. Des promesses de gloire balayées par le vent. Un frisson le parcourut, mais il refusa de se laisser troubler davantage. Alors, d’un pas lent, il recula légèrement, comme pour remettre une distance entre lui et les paroles de Darius.

Puis, après un silence pesant, il parla enfin :

— Tu penses vraiment qu’aucune guerre n’est juste ?

Darius inclina légèrement la tête, observant l’homme devant lui comme s’il voyait quelque chose que Duncan lui-même ne pouvait pas encore discerner. Puis, il balaya la terre retournée du regard, contemplant les monticules fraîchement refermés qui recouvraient les hommes qu’ils avaient enterrés.

Il finit par dire, d’un ton plus doux, presque compatissant :

— Dis-moi… Que croient ces hommes que nous venons d’enterrer ?

Duncan ouvrit la bouche… et s’arrêta. Il n’avait pas de réponse. Il regarda une dernière fois les tombes improvisées. Ce qu’ils avaient cru ? Que leur cause était la bonne ? Que leur sacrifice avait un sens ? Ou simplement qu’ils rentreraient chez eux, un jour ?

Il secoua la tête, brusquement agacé par ses propres pensées. Il ne voulait pas aller plus loin. Sans un mot de plus, il se détourna et s’éloigna lentement, comme si la conversation n’avait jamais eu lieu.

Mais Darius savait. Une graine avait été plantée. Et tôt ou tard, elle germerait.




Le voyage avait été long. Trop long. Les deux immortels avaient quitté Waterloo dans l’odeur de la cendre et du sang séché, marchant à travers des villages silencieux, où seuls les corbeaux osaient encore briser le calme funèbre. Les routes étaient jonchées de soldats blessés, abandonnés par une armée en déroute, les yeux creusés par la faim, les corps trop épuisés pour continuer. Certains priaient pour qu’on les achève.

Duncan ne s’était pas arrêté. Mais Darius, lui, s’était agenouillé. À chaque halte, il murmurait quelques mots de réconfort, partageait un morceau de pain, posait une main légère sur un front fiévreux.

Duncan n’avait rien dit, mais il avait observé. Encore et encore. Et puis enfin, Paris était apparue à l’horizon.

 

Duncan s’attendait à une cité soumise, terrassée par la défaite. Il imaginait des rues désertes, des drapeaux en berne, un silence pesant. Mais ce qu’il trouva, ce fut une ville suspendue entre deux mondes. Les rues grouillaient d’une agitation fiévreuse : marchands reprenant leur commerce comme si de rien n’était, anciens soldats impériaux traînant leur misère, affiches pro-Napoléon arrachées et remplacées par des proclamations royalistes.

Dans les rues pavées, le tumulte grondait encore. Des soldats de l’armée impériale erraient sans but, le regard vide, les uniformes en lambeaux. Abandonnés sans solde, ils survivaient en vendant leurs armes… ou en les utilisant contre ceux qui refusaient de payer. Des groupes de royalistes en haillons traquaient les partisans de Napoléon, les livrant à la justice expéditive de la foule.

Des pillards profitaient du désordre, arrachés entre la colère et la survie. Les églises étaient bondées de réfugiés, des familles entières ayant fui la répression prussienne ou les règlements de comptes entre factions.

Duncan sentit une tension désagréable lui nouer l’estomac. Ils avancèrent, évitant les groupes armés, longeant les ruelles étroites où des ombres disparaissaient à leur approche. Puis soudain, un attroupement les força à s’arrêter. Au centre d’une petite place, un groupe de soldats royalistes tenait un homme à genoux. Son uniforme bleu était maculé de boue, son visage tuméfié par les coups. Mais ses yeux brillaient encore d’un feu indomptable.

Un officier lisait un décret d’une voix forte.

"Pour crimes contre la couronne, pour avoir suivi le tyran déchu dans sa folie, et pour avoir pris les armes contre Sa Majesté Louis XVIII…"

Le prisonnier ne trembla pas.

— Je ne renie rien.

L’officier leva son pistolet.

— Alors que Dieu ait pitié de ton âme.

Un coup de feu. Le corps s’effondra comme un pantin sans fil. Un silence pesant s’abattit sur la place. Mais ce ne fut qu’un instant. Très vite, les badauds s’éparpillèrent, reprenant leur quotidien avec une étrange normalité. Comme si ce genre d’exécution publique était devenue banale.

Duncan resta figé, une lueur dure dans le regard.

— Ce ne sont que des soldats… murmura-t-il, les poings serrés. Ils ont seulement suivi les ordres.

Darius, à côté de lui, détourna le regard, les traits marqués par une fatigue plus profonde que celle du corps.

— Les guerres ne s’achèvent jamais avec une simple victoire, souffla-t-il.

— Comment ça ?

— Elles continuent dans les cœurs et les esprits, bien après le dernier coup de canon.

Duncan serra les dents. Il pensait la guerre terminée. Mais il réalisait qu’elle ne l’était jamais vraiment.




L’église Saint-Joseph se dressait au détour d’une place silencieuse, étrangement épargnée par la violence environnante. À l’intérieur, l’odeur d’encens peinait à masquer celle plus âcre du sang séché et des corps entassés. Partout, des gens s’abritaient dans la nef transformée en refuge de fortune. Des femmes serraient leurs enfants contre elles, des vieillards chuchotaient des prières indistinctes, des soldats en guenilles, amputés ou blessés, attendaient qu’on leur apporte un semblant de soin.

Darius avançait parmi eux avec une aisance troublante, s’agenouillant ici pour murmurer quelques mots d’apaisement, offrant là un peu d’eau ou une couverture. Duncan le suivait d’un pas lent, mal à l’aise dans ce tableau. Il connaissait les champs de bataille, les bivouacs après la victoire, mais jamais il ne s’était attardé sur ce qu’il restait après. Jamais il n’avait vraiment regardé.

Un mouvement attira son attention. Plus loin, près de l’autel, Darius était penché sur un homme allongé sur un banc, un bandage de fortune couvrant sa poitrine. Un jeune soldat en uniforme bleu, les paupières mi-closes sous l’effet de la fièvre. Un bonapartiste. Duncan s’arrêta net, observant l’immortel qui pressait un linge imbibé d’eau fraîche sur son front.

— Cet homme a peut-être tué des innocents.

Darius ne cilla pas, se contentant d’essorer doucement le tissu avant de le remettre en place. Il leva les yeux vers Duncan, un calme inébranlable dans le regard.

— Et pourtant, aujourd’hui, il est sans défense. Doit-il mourir pour un crime passé, ou vivre pour en réparer un ?

Le Highlander ne répondit pas. Il n’était pas d’accord. Il n’était pas en désaccord non plus. Il détourna le regard, troublé par une vérité qu’il n’était pas encore prêt à affronter.




Paris, 1816.

Un an s’était écoulé depuis Waterloo, mais Paris restait une ville en équilibre fragile, suspendue entre un passé révolu et un avenir incertain. Ce n’était pas une capitale conquise, mais une cité fracturée, où les tensions couvaient sous une apparente normalité.

Les rues n’étaient pas désertes, mais animées d’une agitation inquiète. Les boutiques avaient rouvert, les marchés bruissaient de conversations, et pourtant, l’ombre de la défaite planait toujours. Aux murs, des affiches royalistes proclamaient le retour définitif des Bourbons, tandis que d’autres, déchirées à la hâte, portaient encore la trace du dernier espoir napoléonien.

Loin des salons dorés où les partisans du roi fêtaient leur victoire, la situation était bien différente. Les anciens soldats de l’Empire erraient dans les faubourgs, rejetés par la monarchie restaurée. Certains s’étaient réfugiés dans des emplois précaires, d’autres cherchaient une cause à défendre, et quelques-uns, plus déterminés, s’étaient enfoncés dans la clandestinité, rêvant encore d’un retour de l’Aigle. Mais la plupart n’avaient trouvé que la faim et l’indifférence.

Les prisons de la capitale étaient pleines d’anciens officiers suspectés de conspirer contre le roi. Les tribunaux, expéditifs, rendaient des verdicts sans appel. Si la répression sanglante de la Terreur blanche s’était apaisée, les règlements de comptes se poursuivaient en silence. Certains disparaissaient la nuit, d’autres étaient exilés de force, et personne ne posait de questions.

Dans cet entre-deux, la misère et l’instabilité avaient donné naissance à une nouvelle menace. Des bandes de pillards hantaient les rues les plus pauvres, composées d’anciens soldats sans solde, de criminels opportunistes et de mendiants que la faim avait rendus désespérés. La police royale patrouillait, mais elle protégeait les quartiers riches, laissant les faubourgs à leur propre loi.

Duncan avait traversé cette ville en tension, ses pas résonnant sur les pavés usés. Il avait croisé les regards méfiants des sans-le-sou, les murmures dans l’ombre, les exécutions discrètes d’hommes qui avaient suivi Napoléon jusqu’au bout. Il avait vu des femmes et des enfants réfugiés sous les porches des églises, priant pour un avenir qui tardait à venir.

Il sentait la violence couver en lui, prête à ressurgir. Et pourtant, il était resté aux côtés de Darius.

Pendant un an, il avait tenté de comprendre. Il avait aidé à porter les mourants, à nourrir les affamés, à prier pour les âmes perdues. Il avait voulu croire qu’il pouvait apprendre. Darius lui parlait souvent de paix, de pardon, de la futilité de la guerre. Il parlait d’une autre voie, d’une vérité que Duncan n’était pas encore prêt à entendre. Mais chaque jour, il le voyait renoncer à se défendre. Chaque jour, il voyait la ville sombrer un peu plus, et Darius refuser d’agir. Il voyait ces hommes armés qui prenaient ce qu’ils voulaient, qui abattaient ceux qui leur résistaient, et il ne comprenait pas comment son ami pouvait rester impassible.

La tension était devenue un mur invisible entre eux. Duncan respectait Darius. Plus que n’importe quel homme. Mais il ne pouvait pas ignorer cette colère sourde en lui, cette certitude qu’un jour, ils seraient mis à l’épreuve. Qu’un jour, le prêtre immortel n’aurait plus d’autre choix. Qu’un jour, il lui faudrait se battre.

Ce soir-là, il n’y avait pas de signe annonciateur. Pas d’avertissement. Seulement le silence, lourd et menaçant, avant que la tempête n’éclate.

 

La nuit était tombée sur Paris, mais l’agitation ne s’était pas tue pour autant. La ville était en perpétuelle tension, comme une corde trop tendue prête à rompre.

Duncan marchait d’un pas rapide dans les rues sombres du quartier Saint-Joseph. Il connaissait ce silence trouble, ce moment suspendu avant que la tempête n’éclate. Un an qu’il vivait ici, qu’il tentait de comprendre ce que Darius voyait que lui ne voyait pas encore. Un an qu’il oscillait entre admiration et frustration.

L’église Saint-Joseph se dressait au bout de la rue, imposante dans la pénombre. Ce n’était pas un sanctuaire de paix. C’était une forteresse fragile, prise entre deux mondes. À l’intérieur, l’air était chargé d’encens et de misère. Des réfugiés dormaient à même le sol, protégés par la seule présence de Darius. L’immortel passait parmi eux, murmurant des paroles rassurantes, s’occupant des blessés, offrant de l’eau aux plus faibles.

Le Highlander s’était assis près de l’autel, observant son ami d’un regard indéchiffrable. Il respectait ce que Darius faisait, mais il ne comprenait pas comment il pouvait encore croire que cela suffisait.

Il voulait croire qu’il existait un autre moyen. Mais chaque jour, il voyait la violence gangrener la ville, et Darius se refuser à la combattre.

Et ce soir, ce choix allait être mis à l’épreuve.

 

Un bruit sourd retentit contre la porte de l’église. Duncan se leva d’un bond. Le battant de bois s’ouvrit violemment, laissant entrer trois hommes. Des anciens soldats, leurs vêtements en lambeaux, des regards d’hommes affamés et sans espoir. Ils étaient armés – des mousquets mal entretenus, des sabres volés sur des cadavres.

Le chef s’avança, un sourire mauvais aux lèvres.

— Curé, on sait que t’as des réserves. Nourriture, argent…

Il jeta un regard aux réfugiés blottis dans un coin.

— À moins que tu préfères qu’on se serve nous-mêmes ?

Duncan sentit son poing se serrer avant même que son esprit ne prenne une décision. Darius, lui, ne broncha pas. Il fit un pas en avant, levant calmement une main.

— Il n’y a rien ici pour vous. Mais je peux vous offrir un repas, et une place pour dormir.

Le chef éclata de rire.

— Tu veux qu’on devienne moines ? On a déjà tout perdu, curé. Mais toi, tu peux encore nous donner quelque chose.

Darius garda son calme, ses yeux plongés dans ceux du pillard.

— Vous n’avez pas besoin de voler pour survivre. Il existe une autre voie.

— Laquelle ? La prière ? ironisa l’un des hommes.

Darius ouvrit la bouche pour répondre, mais le chef lui coupa la parole d’un geste agacé. Derrière lui, l’un des pillards s’approcha brusquement d’une femme réfugiée, sa lame étincelant sous la lueur des chandelles.

— Assez parlé. Si tu nous donnes pas ce qu’on veut, on prendra autre chose.

La femme recula, terrorisée.

Darius tendit aussitôt une main vers l’assaillant, sa voix douce mais ferme.

— Stop. Ce n’est pas nécessaire. Nous pouvons discuter…

Duncan ne lui laissa pas le temps d’aller plus loin. Son sang ne fit qu’un tour. Il jeta un regard à Darius, dont le calme lui semblait presque insensé face à la menace imminente.

— Darius… dis-moi que tu ne comptes pas les laisser faire.

Mais il connaissait déjà la réponse.

— Il y a toujours un autre choix, dit le prêtre en s’avançant d’un pas, cherchant encore une issue pacifique.

Duncan ne comptait pas attendre qu’on le trouve. D’un mouvement fluide, il dégaina et frappa le premier.

 

L’épée jaillit de son fourreau dans un éclat d’acier. Le premier coup fut rapide, précis. Un pillard désarmé en un éclair. Le combat éclata. Duncan n’hésita pas. Chaque mouvement était instinctif, fluide. Il frappait avec l’efficacité d’un guerrier né, repoussant les assaillants un à un. Les coups pleuvaient. Le silence de l’église se brisa sous le fracas du métal. Puis, dans un dernier mouvement, Duncan abattit son adversaire. Un coup net. Définitif.

Le silence retomba brutalement. Les réfugiés restèrent figés, les yeux écarquillés par la peur. Duncan se redressa, haletant. Son regard chercha celui de Darius. Mais il ne trouva ni reconnaissance, ni soulagement. Seulement de la tristesse.

Darius baissa les yeux vers le corps sans vie. Puis, doucement, il s’agenouilla. Il murmura une prière pour l’homme qui, quelques instants plus tôt, menaçait encore des innocents.

Duncan serra les dents, crispant son poing sur la garde de son épée.

— Ils allaient tuer ces gens, Darius. Qu’aurais-tu fait ?

Ce dernier releva les yeux vers lui, son regard insondable.

— Quelque chose d’autre.

— Comme quoi ? Leur demander gentiment de partir ? répondit le guerrier, sentant la frustration monter en lui.

— Oui. Peut-être. Ou leur montrer qu’il existait un autre choix.

— Ils n’allaient pas écouter.

Darius passa une main sur le front du mort, une dernière bénédiction. Puis, il murmura simplement :

— Et pourtant… maintenant, ils ne t’écouteront jamais.

Duncan resta silencieux, le regard baissé vers les corps inertes. L’odeur âcre du sang mêlée à celle de la cire fondue emplissait l’air, oppressante, presque suffocante. Autour d’eux, les réfugiés restaient figés, leurs visages marqués par une terreur qui ne s’effaçait pas avec la fin du combat. Certains baissaient la tête, d’autres observaient Duncan avec une méfiance à peine voilée, comme s’ils redoutaient de voir la violence éclater à nouveau.

Darius, lui, était toujours agenouillé près du pillard qu’il avait béni, ses lèvres murmurant une dernière prière pour un homme qui, quelques instants plus tôt, brandissait encore une lame contre des innocents. Puis, lentement, il releva la tête vers Duncan, son regard empli d’une tristesse insondable.

— Tu crois avoir résolu un problème… mais tu en as créé un autre.

Duncan serra les poings. Il sentait la colère poindre, ce brasier intérieur qui grondait en lui chaque fois qu’on remettait en cause ce qu’il considérait comme juste.

— Si je ne les avais pas arrêtés, ils s’en seraient pris à eux, à toi, Darius. Tu le sais aussi bien que moi.

Darius baissa brièvement les paupières, comme s’il pesait chaque mot avant de répondre, puis il expira lentement.

— Peut-être, murmura-t-il. Mais maintenant, leurs familles voudront se venger. Et la violence continuera.

Duncan ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun mot ne vint. Malgré lui, son regard glissa sur les cadavres, sur le sang qui souillait les dalles de pierre, et un doute s’immisça dans son esprit. Il n’y avait pas de soulagement, pas de satisfaction. Rien d’autre qu’un goût amer et cette impression insidieuse qu’il venait, une fois encore, d’alimenter un cycle sans fin.

Darius posa une main sur son genou pour se relever, le poids des années visibles dans ce simple geste. Il jeta un regard circulaire sur l’église, sur les visages encore marqués par la peur, puis il laissa échapper un soupir discret.

— Nous devons enterrer ces hommes, dit-il simplement.

Duncan lui lança un regard surpris.

— Maintenant ?

— Oui, répondit-il, d’un ton calme, presque fatigué. Nous ne pouvons pas les laisser ainsi.

Le Highlander hocha lentement la tête. Il n’aimait pas l’idée de rendre aux pillards un semblant d’honneur, mais il comprenait la nécessité d’effacer ces traces de violence avant que la peur ne prenne racine dans l’esprit des réfugiés.

Le prêtre tourna les yeux vers la sacristie.

— Il doit rester des linges et de quoi nettoyer les sols. Aide-moi à les rassembler.

Sans un mot, le Highalnder lui emboîta le pas. Ils traversèrent l’église, longeant une rangée de bancs usés par le temps, puis pénétrèrent dans une aile plus isolée, là où l’agitation ne les suivrait pas. Là, sous les voûtes silencieuses et loin des regards, le piège se referma sur eux.

Un bruit dans l’ombre. Duncan s’arrêta net, l’oreille aux aguets, mais il n’eut pas le temps de réagir. Une silhouette surgit d’un renfoncement, lame au poing, et se jeta sur Darius avec une rapidité fulgurante. Le Highlander se précipita en avant, sa main allant chercher son épée, mais il était déjà trop tard. L’acier s’enfonça dans la chair du prêtre dans un bruit sourd, brisant l’instant dans une brutalité implacable.

Darius chancela sous l’impact. Un souffle saccadé lui échappa tandis qu’il posait une main sur la plaie, comme s’il pouvait empêcher le sang de s’écouler. Il voulut reculer, mais ses jambes cédèrent sous lui et il s’effondra lourdement sur le sol de pierre.

Duncan sentit une onde glacée lui parcourir l’échine. Son regard passa du corps de Darius à celui du dernier assaillant, un homme au visage creusé par la faim, les yeux fous de rage et de peur. Mais Duncan ne vit pas un homme désespéré. Il ne vit qu’un ennemi de plus.

Dans un éclat de violence fulgurant, il abattit son épée. Le pillard n’eut pas le temps de crier. Le silence retomba aussitôt. Duncan lâcha un souffle tremblant, son cœur battant furieusement contre sa poitrine. Il recula d’un pas, observant le corps sans vie à ses pieds, puis tourna brusquement la tête vers Darius.

Le prêtre gisait sur le dos, son souffle déjà absent, son regard fixé sur un point invisible au plafond. L’ombre de la mort avait posé sa main sur lui. Duncan s’agenouilla, posant une main tremblante sur son épaule.

— Darius…

Aucune réponse. Son poing se serra. Il savait que Darius reviendrait. Il savait que ce n’était qu’une question de minutes avant que l’immortalité ne le ramène à la vie. Mais cela n’effaçait rien.

Il baissa la tête, ses traits marqués par une expression indéchiffrable. Le sang s’étendait lentement autour de lui, traçant un cercle écarlate sur la pierre froide. Un cycle sans fin. Encore une nuit où le sang avait coulé. Et Duncan n’était plus certain d’avoir été du bon côté.




La nuit était tombée sur Paris, enveloppant la ville d’une obscurité lourde et oppressante. Le silence, pourtant, n’était pas celui du repos. Il était chargé de tensions non résolues, de rancunes prêtes à exploser à la moindre étincelle.

Duncan marchait lentement entre les bancs de l’église, sa main toujours crispée sur la garde de son épée. Ses pas résonnaient sur la pierre froide, se mêlant aux murmures lointains des réfugiés encore terrifiés. Les cadavres avaient été emportés, mais leur présence hantait encore les lieux. Darius, assis contre l’autel, observait Duncan avec une sérénité troublante.

— Tu pars.

Ce n’était pas une question.

Duncan s’arrêta, serrant la mâchoire. Il détourna le regard, incapable de soutenir celui de Darius trop longtemps.

— Je ne peux pas rester.

Il inspira profondément, comme pour s’ancrer à cette décision qu’il savait irréversible.

— Je vais en Amérique.

— Peut-être que là-bas, ce sera différent. Peut-être qu’un autre monde est possible, conclue-t-il.

— Je ne te priverai pas de cet espoir, répondit Darius en esquissant un sourire triste.

Ce dernier lui tendit la main. Duncan hésita. Puis il la saisit fermement.

— Au revoir, Darius.

— Au revoir, Duncan MacLeod. Je te souhaite de trouver la paix.

Leurs mains se serrèrent un instant de plus, puis le Highalnder recula, rompant le contact. Il se détourna, traversa l’église, passa sous l’arche de pierre, et sortit dans la nuit.

 

L’air était froid. Les ruelles de Paris s’étendaient devant lui, sombres et silencieuses. Il inspira profondément, laissant le vent glacé mordre sa peau. Mais ce froid n’était rien comparé au tumulte qui grondait en lui. Il avait toujours su où était sa place. Il avait toujours su ce qui était juste. Mais désormais… Il n’en était plus certain.

Ses pas résonnèrent sur les pavés alors qu’il s’éloignait dans l’obscurité.

Darius, resté sous l’arche, le regarda disparaître. Il ne le retint pas. Il savait que Duncan devait partir. Il savait qu’un jour, il reviendrait.

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