Le Prix à payer - Highlander Fanfiction
Les jours s’effilochaient dans l’esprit d’Aélis comme un tissu usé, son existence réduite à un flot monotone dans cette cellule austère. Était-ce des jours ? Des semaines ? Elle avait perdu toute notion du temps, prisonnière d’un lieu où la lumière artificielle ne s’éteignait jamais et où le silence pesant était seulement interrompu par le bruit mécanique de l’air recyclé.
Elle passait des heures à observer les murs gris, à tenter d’imaginer ce qu’il se passait au-delà. La solitude s’était insinuée dans chaque recoin de son esprit, la rendant étrangère à elle-même. Parfois, elle espérait qu’on vienne pour l’interroger ou même la blesser, juste pour briser cette inertie. Mais rien ne venait.
Jusqu’à ce jour.
Deux hommes entrèrent soudainement dans la cellule, leurs visages toujours masqués par leurs casques. Sans un mot, ils l’attrapèrent par les bras. Elle ne résista pas. À quoi bon ? Ses forces étaient épuisées, et la peur s’était muée en un étrange mélange de résignation et de curiosité morbide.
Ils la firent sortir de la cellule et la guidèrent à travers un couloir étroit. L’air y était plus frais, et elle sentit un léger courant d’air sur sa peau, quelque chose de différent. Lorsqu’ils émergèrent à l’extérieur, elle plissa les yeux, éblouie par une lumière naturelle qu’elle n’avait pas vue depuis ce qui lui semblait être une éternité.
Devant elle, un véhicule volant attendait. Son design était fluide et aérodynamique, ses surfaces brillantes semblant défier les lois de la physique. Lorsqu’ils la poussèrent à l’intérieur, elle sentit une légère vibration sous ses pieds, mais aucun bruit de moteur. Le véhicule s’éleva doucement, comme s’il flottait sur un courant invisible, avant de s’élancer avec une vitesse vertigineuse.
Par la large baie vitrée, elle put enfin observer le monde extérieur. Des paysages inconnus défilaient sous ses yeux, des villes tentaculaires aux architectures futuristes, des étendues désertiques ponctuées d’immenses éoliennes. Le trajet semblait interminable, et chaque minute renforçait l’idée qu’elle était emmenée loin, très loin de tout ce qu’elle connaissait.
Enfin, le véhicule ralentit et amorça sa descente. Aélis aperçut un bâtiment colossal qui dominait l’horizon. Il ressemblait à une arène gigantesque, mélange de modernité et de monumentalité antique. La structure ovale était composée de panneaux métalliques miroitants, qui captaient et réfléchissaient la lumière du soleil en un jeu d’ombres et de reflets. Des arches massives s’élevaient en spirales élégantes, soutenant un toit partiellement ouvert.
Le véhicule se posa doucement au pied de cette construction intimidante. Aélis fut tirée à l’extérieur, ses jambes flageolantes à la fois d’appréhension et de faiblesse. Elle fut conduite vers une large porte, une ouverture béante dans la paroi métallique qui semblait aspirer tout ce qui s’approchait.
L’intérieur était encore plus impressionnant. Les murs immaculés et éclairés par des bandes lumineuses diffusaient une lumière froide et diffuse. Le sol semblait résonner sous chaque pas, amplifiant la sensation d’être dans un lieu conçu pour impressionner autant que pour contenir.
Ils la firent descendre sous terre, dans ce qui ressemblait à un réseau circulaire de couloirs interminables. De part et d’autre, des cellules individuelles s’alignaient à perte de vue. Leurs murs transparents permettaient de voir l’intérieur : un lit simple intégré dans le mur, un cabinet de toilette minimaliste, et rien de plus. Le style était épuré, presque clinique, dans des tons clairs qui renforçaient l’impression d’un lieu impersonnel.
Alors qu’ils la guidaient vers une cellule libre, Aélis sentit soudain un frisson familier. Une vague de sensations, un mélange unique de vibrations électriques, la traversa. Elle s’arrêta net, son regard fouillant les cellules transparentes autour d’elle. D’autres immortels. Ils étaient nombreux, assis sur leurs lits ou debout, observant la scène avec des expressions mêlant résignation, curiosité ou hostilité. Mais aucune de ces présences ne résonnait en elle comme celle de ses amis. Ces immortels lui étaient tous étrangers.
On la poussa dans une cellule vide. La porte se referma derrière elle en un bruit sec et final. Elle s’effondra sur le lit, ses pensées incapables de se détourner des silhouettes de ce qu’elle venait de voir. Que faisaient-ils tous ici ? Quel genre de cauchemar était-ce ? Une nouvelle vague d’angoisse l’envahit alors qu’elle comprenait que ce lieu n’était pas simplement une prison. C’était quelque chose de bien plus sinistre.
Aélis n’eut que quelques jours pour tenter de trouver ses repères dans cette captivité glaciale avant de découvrir le sort funeste réservé à elle et aux autres détenus. Elle était assise sur le bord de son lit, son regard perdu dans le vide, lorsque le silence fut brisé par un par un bourdonnement électronique subtil. Devant elle, les murs du couloir se soulevèrent lentement, dévoilant le centre de l’arène massive qui surplombait leurs cellules.
Le spectacle qui s’offrait à elle était saisissant. Le cœur de l’arène, immense et circulaire, brillait d’un éclat presque irréel sous un ciel artificiel recréé par des hologrammes au plafond. Il n’y avait pas de spectateurs dans les gradins, mais la sensation d’être observée était omniprésente. L’espace était vide, presque intimidant, comme si l’arène elle-même attendait patiemment le début de quelque chose de terrible.
Soudain, une voix jaillit des haut-parleurs invisibles, claire, théâtrale, et teintée d’un enthousiasme presque grotesque, comme celle d’un animateur de show télévisé. Elle résonna avec une puissance qui fit vibrer l’air :
— Bienvenue, chers spectateurs, à l’Arena d’Ouraï ! La première manche du… Jeu va bientôt commencer !
La voix avait une intonation enjouée, presque caricaturale, comme si elle présentait une comédie, mais l’effroi sous-jacent dans ses paroles ne pouvait être ignoré.
— Vous attendez tous avec impatience ce qui promet d’être l’événement du siècle !
La voix résonnait avec une ferveur presque jubilatoire, mais Aélis sentit son cœur s’accélérer. Elle n’aimait pas la manière dont cette voix rendait leur situation grotesquement légère, comme s’ils participaient de leur plein gré à un jeu absurde.
Elle comprit rapidement qu’elle ne s’adressait pas aux immortels. Ces paroles étaient destinées à un public invisible, peut-être des spectateurs distants, qui suivaient cette étrange mise en scène. Elle n’était qu’un pion dans ce spectacle, un simple élément d’un divertissement macabre.
— Dans quelques jours seulement, la première manche du Jeu commencera. Mais pour l’instant, laissez-moi vous expliquer le concept.
La voix exposa alors à l’auditoire les règles du Jeu des immortels, telles que Darius les avait décrites à Aélis lorsqu’elle venait tout juste de rejoindre leurs rangs. Le sang d’Aélis se glaça. Elle savait que les immortels étaient contraints de s’affronter pour leur survie, mais jamais elle n’avait imaginé un tel scénario orchestré.
— Mesdames et messieurs, le moment est enfin venu de découvrir nos valeureux participants. Oui, tous ceux que vous attendiez avec impatience, tous ceux qui ont marqué l’histoire par leur force, leur courage ou leur ruse. Grâce à la célèbre liste d’Horton, dévoilée y a plus de cent ans, nous avons localisé l’ensemble des immortels encore en vie aujourd’hui. Et ils sont tous ici, prêts à écrire les dernières pages de leur légende…
Un hologramme immense se matérialisa au centre de l’arène, illuminant l’espace désert d’une lueur vibrante. Le premier participant apparut : Abako, un guerrier centre-africain de 600 ans. L’hologramme, d’une précision quasi photographique, le représentait dans une posture fière, son torse orné de cicatrices symbolisant des combats passés. La voix se fit encore plus enthousiaste :
— Abako, le redoutable guerrier de l’Afrique centrale ! Connu pour sa force brute et sa détermination sans faille, il est un adversaire que peu osent défier. Qui se dressera contre lui dans l’arène ?
Aélis observait, le souffle court. L’hologramme pivota lentement sur lui-même, exposant chaque détail de l’apparence d’Abako, avant de disparaître pour laisser place au participant suivant.
Un nouvel hologramme apparut. Elle sentit son corps se raidir. Cette fois, c’était elle.
— Et voici notre plus jeune concurrente ! Née en 1993, Aélis, à peine 150 ans, est peut-être la benjamine du groupe, mais ne vous y trompez pas ! Sous son air angélique se cache une véritable tigresse. Déjà plusieurs têtes à son actif, elle compense son jeune âge par une ténacité remarquable. Elle est surnommée par certains… la Danseuse d’acier.
Aélis observa son hologramme avec un mélange de fascination et de dégoût. Elle se vit représentée dans une posture dynamique, comme figée en plein mouvement, ses cheveux châtains encadrant un visage concentré. Cette version idéalisée d’elle-même lui semblait presque étrangère.
Les présentations continuèrent. Chaque hologramme était accompagné d’une description exaltée, transformant chaque immortel en personnage d’un spectacle grandiose. Astrid, guerrière viking de 1 300 ans, fut décrite comme une stratège impitoyable, capable de renverser le cours d’une bataille avec une seule décision.
Un à un, les immortels furent présentés, leurs noms défilant dans un ordre méthodique qu’Aélis finit par comprendre : l’ordre alphabétique.
Elle sentit sa gorge se serrer. Amanda n’était pas là. Son nom n’apparut jamais. Pas d’hologramme projeté, pas d’annonce enjouée vantant ses talents de voleuse et de combattante insaisissable. Juste un vide. Un silence. Une absence qui lui lacéra la poitrine. Un souvenir éclata dans son esprit, brutal et imprévu. Elle se remémora leurs adieux, Amanda refusant de fuir et choisissant de rester à Paris malgré la peur. Aélis se revit lui sourire en retour, certaine que son amie trouverait toujours un moyen de se sortir de n’importe quelle situation. Amanda ne mourait pas. Elle disparaissait, elle trichait, elle roulait tout le monde, mais elle ne mourait pas. Et pourtant.
Une vague de tristesse et de culpabilité l’envahit, la rendant presque insensible aux noms qui continuaient à défiler. Elle aurait dû insister, la forcer à partir. Amanda aurait pu survivre si elles avaient pris une autre décision. Mais il n’y avait pas de place pour le regret ici. Seulement pour l’horreur d’une liste incomplète.
Les hologrammes poursuivirent leur procession macabre, projetant des visages anonymes, des noms dénués de sens. Jusqu’à ce qu’une image apparaisse, et que son souffle se bloque net.
Un homme massif, aux traits taillés dans la pierre, un regard glacial et dénué de remords. L’homme qui avait attaqué leur refuge. Celui qui, dans un déchaînement de violence brutale, avait pris la tête de Soleman. Sa vision se brouilla un instant sous l’effet de la rage qui la frappa de plein fouet. Un grondement sourd monta dans sa poitrine, ses muscles se tendant sous l’adrénaline.
— Gorath, déclara la voix mécanique de l’hologramme, comme pour ancrer davantage cette réalité. Brutal et direct. Une montagne de muscles et de force pure de 1 600 ans.
Aélis ne percevait plus les mots. Ses oreilles bourdonnaient, ses doigts se crispant. Elle n’avait pas besoin qu’on lui rappelle à quel point cet homme était redoutable. Elle l’avait vu de ses propres yeux. Gorath n’était pas qu’une brute ; il était méthodique dans sa sauvagerie, implacable, et dénué de toute pitié.
Elle sentit son corps bouger malgré elle, un mouvement instinctif, une pulsion irrépressible. Elle voulait se lever, l’attaquer, l’égorger avant même que ce "Jeu" ne commence. Mais une main invisible sembla la retenir.
Respire.
Elle se força à reprendre le contrôle, avalant sa haine avec un effort surhumain. Il était là. Elle était là. Un jour, il paierait. Mais pour cela, il fallait survivre.
Puis vint un soulagement inattendu. La voix annonça le nom de Methos.
— Methos, le doyen des immortels ! Avec plus de 5 000 ans d’existence, il est passé maître dans l’art de la survie et de la discrétion. Mais ne vous méprenez pas : ce vétéran a vu plus de combats que quiconque ici et sait exactement comment manipuler une situation en sa faveur. Son style de combat est aussi ancien que le monde, mais toujours terriblement efficace.
Aélis sentit une chaleur étrange l’envahir. Methos était en vie. Il était là, quelque part. Cette pensée seule lui donna la force de respirer à nouveau.
Enfin, le dernier nom fut annoncé : Zafira, la 104e immortelle.
— Zafira, la lionne des sables ! Vétéran de nombreux affrontements à travers les siècles, elle combine une précision redoutable avec une endurance exceptionnelle. Attention à ne pas sous-estimer cette survivante aguerrie.
L’hologramme de Zafira s’effaça, laissant Aélis dans un silence oppressant.
Après quelques secondes, la voix revint avec la même intonation exagérément enjouée. Pour l’immortelle, ce ton était une véritable agression, un contraste cruel avec la gravité de la situation.
— Maintenant que vous avez fait la connaissance de nos participants, laissez-moi vous expliquer les règles !
Un silence pesant suivit, comme pour amplifier l'importance de ce qui allait être annoncé.
— Dans quelques jours, débutera la première manche du Jeu. 104 immortels, 52 combats, et un seul objectif : survivre. Les affrontements auront lieu à un rythme effréné de quatre combats par jour, retransmis en direct sur ce canal dédié !
Le ton de la voix se fit plus conspirateur, presque complice, comme si elle partageait une information précieuse avec les spectateurs invisibles :
— Les noms des duellistes seront tirés au sort la veille de chaque combat, vous offrant tout le temps nécessaire pour analyser les participants, examiner leurs forces et leurs faiblesses, et… placer vos pronostics ! Oui, mesdames et messieurs, pariez sur vos favoris ou contre ceux que vous pensez surévalués.
Un hologramme surgit, cette fois d’une interface complexe qui détaillait un système de paris. Des statistiques s’affichaient, montrant des taux de victoire supposés, des historiques fictifs, et même des suggestions sur les candidats considérés comme des outsiders ou des valeurs sûres.
— Vos paris sont ouverts jusqu’à une heure avant chaque combat ! Alors, mesdames et messieurs, qui déjouera vos attentes ? Qui surprendra les foules et gravera son nom dans l’histoire ? Faites vos jeux !
La voix s’éleva encore plus fort, satire d'une exaltation grotesque :
— À très bientôt, et… WELCOME TO THE GAAAAAAME !
L'écho de ces mots résonna longtemps après que la voix se soit tue. En même temps, les lourds rideaux métalliques redescendirent lentement, coupant Aélis et les autres prisonniers de la vue de l’arène. La lumière vive disparut, remplacée par l’éclairage pâle et aseptisé du couloir et des cellules.
Elle resta immobile, figée devant la vitre de sa cellule. Son esprit peinait à assembler les pièces de ce qu’elle venait d’entendre. Ce n’était pas simplement un jeu, une compétition malsaine destinée à divertir. Ce n’était pas « Le Jeu ».
C’était une purge.
Les règles étaient claires : chaque combat se solderait par une décapitation, un quickening, une victoire… et une mort. L’objectif n’était pas de survivre à un simple tournoi, mais d’être le dernier en vie. Tout ce qu’elle avait vu, entendu, et ressenti menait à une seule conclusion : ceux qui les avaient capturés n’avaient pas seulement rassemblé les immortels pour les exploiter. Ils voulaient les exterminer, les uns après les autres, sous couvert d’un spectacle. Elle sentit une rage froide monter en elle, mais aussi une peur viscérale.
Non…
Un mot, un murmure intérieur, une tentative désespérée de repousser l’évidence.
Non.
Son esprit cherchait encore une faille, une logique qui ferait de tout cela autre chose qu’un massacre annoncé. Mais les règles, l’organisation, la mise en scène ne laissaient aucun doute. Jusqu’ici, chaque combat avait eu un sens. Même dans ses pires moments, lorsqu’elle s’était jetée dans des duels insensés pour ressentir la présence de Darius, elle avait eu un contrôle, un objectif, une quête, aussi malsaine soit-elle. Ici, elle n’était qu’un pion. Rien d’autre qu’une marionnette dans un jeu dont elle ne maîtrisait plus les règles.
Ses jambes cédèrent sous elle, et elle recula jusqu’à sa couchette, s’y laissant tomber lourdement. Une nausée sourde lui serra les entrailles. Ses mains moites se crispèrent sur le tissu rêche de sa tenue, comme si elle cherchait un ancrage, une prise pour ne pas sombrer complètement. Les images continuaient à défiler dans sa tête : les hologrammes, les noms, les visages destinés à disparaître les uns après les autres. Les cris de la foule résonnaient encore, des milliers de spectateurs déchaînés qui attendaient avec impatience le premier sang.
Son regard se perdit dans le vide, mais elle voyait encore les silhouettes projetées par les projecteurs. Elle les connaissait déjà. Certains étaient des combattants redoutables, des stratèges qui avaient traversé les siècles en survivant à des batailles impossibles.
Et elle, qu’était-elle dans tout ça ? Une survivante par instinct, une guerrière par nécessité. Mais ici, l’instinct ne suffirait pas. Si elle était encore en vie aujourd’hui, ce n’était pas seulement grâce à elle. C’était grâce à lui. À Methos. Il l’avait tirée du chaos de Paris, l’avait gardée à ses côtés alors qu’elle n’était qu’une proie de plus dans ce monde en ruines. Il lui avait appris à survivre, à reconnaître le danger avant qu’il ne frappe, à soigner plutôt qu’à détruire… et, quand il n’y avait plus d’autre choix, à se battre. Sans lui, elle n’aurait jamais tenu aussi longtemps.
Cette pensée serra son cœur et, aussitôt, l’évidence la frappa. Methos. Il était là. Pris au piège, comme elle. Un soulagement absurde l’avait traversée en le voyant vivant, mais il avait été immédiatement écrasé par la panique qui suivait. Que se passerait-il si leurs noms étaient tirés ensemble ? Elle ne voulait pas y penser. Pas maintenant. Pas alors qu’elle était enfermée dans cette cage de verre, réduite à l’impuissance la plus totale, au cœur d’un système implacable où seule la mort dictait les règles.
L’obscurité de la cellule était artificielle, coupée d’un monde extérieur qui lui semblait désormais aussi lointain qu’un souvenir. Methos était assis sur la couchette rudimentaire, le dos contre le mur, son regard dérivant sur la surface lisse et stérile des parois. Aucun angle mort, aucune faille structurelle. Ils avaient conçu cet endroit avec une intelligence méthodique, un lieu fait pour contenir des immortels, pour les isoler, les briser avant même qu’ils ne mettent un pied dans l’arène.
La cellule, aux parois lisses et froides, n’offrait aucun repère temporel, aucun bruit naturel, rien d’autre que la solitude et l’attente. Il savait exactement ce que ce genre d’isolement cherchait à produire : l’érosion progressive de la volonté, l’infiltration insidieuse du doute. Pas de violence brute, pas de torture physique. Juste un lent travail de sape psychologique.
Et ça fonctionnait.
Même lui, avec ses cinq mille ans d’existence et son sang-froid légendaire, sentait cette inertie peser sur lui comme un poison lent. Il pouvait lutter contre, rationaliser, s’occuper l’esprit, mais il savait que tous les immortels enfermés ici subissaient le même traitement. Il pensa brièvement à Astrid, à Zafira... et surtout à Aélis. Comment encaissait-elle cela ?
Son regard se porta sur la lumière pâle qui scintillait à intervalles réguliers au plafond. Une caméra, bien entendu. Ils étaient observés en permanence. Pas seulement pour s’assurer qu’ils ne tenteraient pas de s’échapper — il doutait qu’une évasion soit possible dans cet endroit — mais pour guetter leurs réactions. Pour voir comment ils encaissaient la peur, l’isolement.
Il soupira et s’appuya contre la paroi froide, fermant un instant les yeux. Ce n’était pas la première fois qu’il était prisonnier, mais c’était peut-être la pire. Pas à cause des chaînes invisibles qui entravaient sa liberté, mais à cause de l’absence totale de contrôle. Il pouvait manipuler les gens, tordre des situations à son avantage. Mais ici, tout était déjà orchestré, chaque détail savamment calculé pour réduire ses options à néant.
Methos redressa légèrement la tête, observant l’hologramme qui venait d’apparaître devant lui. Il ne fut pas surpris de voir un nom et un visage s’y afficher. Depuis plusieurs minutes, il voyait défiler ces projections en ordre alphabétique, révélant un à un les participants du Jeu.
Lorsqu’il avait vu Aélis, une tension qu’il ne s’était pas autorisé à ressentir jusqu’ici s’était relâchée imperceptiblement en lui. Elle était vivante. Enfermé, comme lui, comme les autres, mais vivante. Puis, un peu plus tard, Astrid était apparue, son regard dur projeté sur l’hologramme.
Et ensuite… rien. Le nom de Soleman n’était jamais venu.
Il n’avait pas eu besoin d’explications. Ce n’était pas une omission, ce n’était pas une erreur. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose.
Il ferma brièvement les yeux, laissant ce constat s’imposer en lui. Soleman était mort. Un goût amer lui resta sur la langue. Il ne pouvait pas dire qu’il avait connu Soleman comme un frère d’armes, pas comme il avait connu Darius. Mais il savait que c’était un homme droit, loyal, de ceux qui ne fuyaient pas leurs responsabilités. Son absence lui pesait, plus qu’il n’aurait voulu l’admettre.
Et puis, enfin, Zafira. Elle clôturait la liste, son visage projeté en l’air avec cette expression qu’il lui connaissait bien : impénétrable, mais tendue. Elle aussi était en vie.
Methos rouvrit les yeux et expira lentement. Il n’y avait pas de place pour le deuil ici. Pas maintenant. Il devait se concentrer sur les vivants, sur la survie. Son esprit revint à la liste, analysant rapidement les autres participants. Certains noms lui étaient inconnus, d’autres évoquaient de vieux souvenirs. Des adversaires potentiels, des survivants du chaos instauré par Horton.
Il tenta d’imaginer un scénario où il pourrait s’en sortir, mais chaque hypothèse le ramenait à la même impasse : il n’avait aucun contrôle ici. Et ça, c’était peut-être la chose la plus terrifiante de toutes.
Astrid était parfaitement éveillée lorsque la cellule s’était refermée sur elle. Comme Methos et sans doute les autres, elle avait été maintenue dans un isolement prolongé avant d’être déplacée ici. Elle n’avait ni blessures ni chaînes, mais elle sentait dans son corps une tension sourde, celle qui s’accumulait lorsqu’on était laissé trop longtemps sans mouvement, sans repères.
Elle s’était redressée lentement, observant immédiatement son environnement. Pas d’ouverture visible, pas de fissures dans le mur, un sol parfaitement lisse. Une prison clinique et impitoyable, conçue pour que les captifs se brisent d’eux-mêmes avant même d’être envoyés au combat.
Les premiers hologrammes avaient commencé à apparaître peu après. Un inconnu, Abako. Un visage dur, marqué par les combats, un regard qui en disait long sur son expérience. Un adversaire dangereux, sans aucun doute.
Puis Aélis. Un pincement désagréable lui serra la poitrine. Ce n’était pas qu’elle ne voulait pas qu’Aélis soit en vie, bien sûr que non. Mais elle savait que cette fille n’avait pas la mentalité pour ce genre de situation. Aélis était une survivante par instinct, pas par habitude. Ce n’était pas la même chose. Elle n’avait jamais été forcée de faire des choix purement pragmatiques, de voir les autres comme des obstacles à abattre sans hésitation. Et ici, il n’y aurait pas de place pour les hésitations.
Puis, son propre nom apparut. Astrid. Elle resta impassible, se contentant de graver dans son esprit ce que cela signifiait : elle était une pièce de plus dans leur jeu, un pion dans cette arène grotesque. Rien de surprenant.
Ensuite, Methos. Elle expira légèrement, presque imperceptiblement. Lui aussi avait été capturé. Pas étonnant qu’il ait tenu jusque-là, mais cela signifiait que même son instinct de survie légendaire n’avait pas suffi cette fois.
Et enfin, Zafira. Astrid sentit sa mâchoire se contracter malgré elle.
Zafira.
Un instant, elle ferma les yeux, inspirant lentement. Elle savait qu’elle était là, bien sûr. Elle l’avait su dès qu’elle avait vu son propre nom. Mais maintenant que c’était officiel, maintenant que son visage flottait devant elle, c’était une réalité inévitable.
Zafira savait se battre. Elle savait survivre. Mais elle n’aimait pas ça. Et Astrid... Astrid détestait l’idée qu’elle doive se battre ici.
Elle s’installa sur le sol, dos au mur, et laissa sa tête reposer contre la surface froide. Elle ne pouvait pas contrôler ce qui allait arriver. Elle ne pouvait qu’être prête. Mais dans un recoin de son esprit, elle espérait que Zafira ne serait pas la première à être appelée dans l’arène.
L’obscurité pesait sur elle depuis un temps impossible à déterminer. Pas de lumière naturelle, pas de sons extérieurs. Un isolement parfait, conçu pour affaiblir les corps et user les esprits. Ils pensaient peut-être qu’elle se laisserait abattre. Ils n’avaient rien compris.
Lorsque la cellule s’était illuminée d’un premier hologramme, elle n’avait pas réagi immédiatement. Juste un inconnu dont le visage dur et la posture tendue indiquaient une habitude du combat. Un guerrier, clairement.
Puis Aélis.
Zafira avait à peine tressailli. Elle aurait préféré que son amie n’ait pas été capturée, mais elle savait qu’elle était forte. Le problème, c’était que le Jeu ne récompensait pas seulement la force. Il récompensait la cruauté.
Puis Astrid.
Son cœur eut un battement plus lourd dans sa poitrine. Astrid était là. L’immortelle laissa échapper un lent soupir, détournant légèrement le regard de l’hologramme. C’était une information qu’elle savait déjà, au fond d’elle. Mais la voir ainsi projetée, affichée comme un simple nom dans une liste, raviva quelque chose en elle. Elles avaient toujours eu une relation faite de force contenue et de silences partagés. Ni fusionnelle, ni distante, juste une évidence tranquille. Astrid n’avait jamais été du genre à promettre quoi que ce soit. Mais Zafira savait qu’elle était là. Et elle savait qu’Astrid penserait exactement la même chose en voyant son nom à elle.
Puis Methos. Lui aussi. Une partie d’elle s’était toujours demandé si Methos finirait un jour piégé dans une cage.
Enfin, son propre visage apparut. Elle ne détourna pas le regard. Elle ne ressentait pas de peur. Seulement du mépris. Ils étaient en train de jouer avec leurs vies.
Elle croisa les bras, fixant un point invisible devant elle. Elle n’aimait pas se battre. Elle l’avait toujours fait parce qu’elle n’avait pas eu le choix. Ici, on allait l’y forcer encore une fois. Mais ce qu’ils n’avaient pas compris, c’est qu’elle n’était pas qu’une simple pièce sur leur échiquier.
Ils voulaient des guerriers, des bêtes de spectacle. Ils allaient voir ce que ça donnait quand on poussait une survivante à bout.
Quelques jours plus tard, les rideaux s’élevèrent à nouveau, dévoilant cette fois un hologramme projeté au centre de l’arène. La voix familière retentit avec sa même intonation théâtrale :
— Mesdames et messieurs, le moment est venu de révéler nos premiers duellistes !
L’hologramme scintilla avant de révéler deux noms en lettres lumineuses, accompagnés des visages et descriptions sommaires des participants. Aélis, tendue, observa l’écran avec une peur viscérale. Son cœur battit plus vite à chaque seconde, mais elle fut soulagée : ni elle, ni Methos, ni Astrid, ni Zafira n’étaient sélectionnés.
Les noms des autres immortels s’affichèrent successivement, un mélange de figures intimidantes et d’inconnus, avant que le rideau ne retombe brusquement, replongeant les couloirs dans leur pénombre oppressante.
Le lendemain, le rideau se releva une nouvelle fois, mais cette fois, l’arène était méconnaissable. Des gradins massifs, remplis de spectateurs bruyants, s’étendaient tout autour de l’espace de combat. Les murmures s’entremêlaient aux cris enthousiastes, donnant à la scène une atmosphère de jeux du cirque moderne. Certains spectateurs étaient vêtus de costumes extravagants, d'autres brandissaient des pancartes avec des noms ou des slogans, comme s’il s’agissait d’un événement sportif.
Aélis observa la scène avec horreur. Les immortels n’étaient pas seulement des participants forcés, mais des objets de divertissement pour une foule avide de sang et de drame.
La voix jaillit à nouveau, amplifiée par les haut-parleurs :
— Mesdames et messieurs, bienvenue au premier jour du Jeu ! Préparez-vous pour des combats palpitants, où seuls les plus forts triompheront !
L’hologramme réapparut, affichant les deux premiers combattants : Linara, une femme élégante mais robuste d’environ 800 ans, aux cheveux courts et au regard perçant, et Kael, un homme massif de 900 ans, au crâne rasé et à l’air menaçant.
— Et maintenant, que le combat commence !
Les deux combattants avancèrent dans l’arène sous les acclamations déchaînées. Après un bref moment d’hésitation, ils se mirent en garde. Le combat fut rapide et brutal. Linara, bien que plus petite, se révéla incroyablement agile, esquivant les attaques puissantes mais lentes de Kael. Elle anticipait ses mouvements avec une précision déconcertante, frappant aux moments opportuns pour l’affaiblir.
Le duel atteignit son apogée lorsque Linara, avec un cri féroce, désarma Kael et l’envoya à genoux. Elle ne laissa pas de place au doute : avec un coup précis, elle trancha sa tête. Le quickening illumina l’arène, une explosion d’énergie violente et électrique qui fit taire la foule un instant avant qu’elle ne rugisse d’excitation.
L’immortelle, tremblante mais victorieuse, fut escortée hors de l’arène, tandis que le corps de Kael était évacué sans cérémonie.
Le combat suivant se déroula dans une atmosphère tout aussi macabre, mais ce fut le troisième duel qui brisa la monotonie du carnage. Les deux participants, un homme nommé Eryas et une femme appelée Selina, étaient manifestement réticents. Ils tournaient en rond dans l’arène, échangeant quelques coups pour faire illusion.
Les huées de la foule éclatèrent, suivies de hurlements pour les inciter à se battre sérieusement. Finalement, Eryas prit le dessus et mit Selina à terre. Mais au lieu de la décapiter, il jeta son arme et cria avec rage :
— C’est un massacre ! Vous voulez du sang ? Alors venez le chercher vous-même !
Un silence abasourdi envahit le stade, avant qu’un rayon laser ne jaillisse depuis une tourelle invisible, décapitant Selina sur place. Le quickening envahit Eryas, qui tomba à genoux sous le choc.
La voix retentit alors, imperturbable :
— Mesdames et messieurs, que pensez-vous de cette performance ? Il a gagné, oui, mais sans spectacle. Faut-il le laisser vivre… ou mourir ?
Les spectateurs furent inviter à voter et le résultat s’afficha comme une sentence, apparaissant en hologramme au-dessus de l’arène : La mort.
Sans lui laisser une seconde de répit, un second laser jaillit, tranchant la tête d’Eryas. Aucun quickening ne suivit. L’arène entière semblait satisfaite, comme si la justice avait été rendue.
Les immortels, observant tout cela depuis leurs cellules, étaient médusés. Ce n’était pas seulement un jeu cruel, c’était un cauchemar. On les obligeait à se battre, les rabaissant au rang d’animaux. Pire encore, il n’y avait aucun espoir, aucune issue.
Ce soir-là, alors que l’hologramme projetait les noms des prochains duellistes, Aélis sentit son cœur s’arrêter. Astrid et Abako. Elle serra les poings en silence, l’estomac noué, incapable de détourner les yeux de l’écran.
Dans les cellules voisines, d’autres regards restaient fixés sur l’annonce.
Methos observait l’écran d’un œil calculateur. Son expression restait impassible, mais son esprit tournait à plein régime.
Astrid savait se battre. Il n’avait aucun doute là-dessus. Son style était précis, efficace, sans fioritures. Elle ne cherchait pas l’honneur ou la gloire, juste la victoire. Mais dans ce genre de combat, il ne suffisait pas d’être bon. Il fallait être impitoyable.
Abako n’était pas un amateur. Son gabarit imposant lui donnait un avantage naturel, et il n’avait pas survécu jusque-là sans raison. La force brute contre la rapidité et l’expérience. Astrid pouvait gagner, mais cela dépendrait de combien elle pouvait encaisser, et à quel point elle était prête à aller loin.
Il se força à respirer lentement, gardant son regard fixé sur l’annonce. Une seule pensée traversa son esprit : Ne te fatigue pas trop, Astrid. Il y en aura d’autres après celui-là. Il savait ce que ce Jeu cherchait à faire. Fatiguer les plus forts. Les user jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus lever l’épée. Chaque victoire ne faisait que repousser l’inévitable.
Zafira se tenait droite, les bras croisés, son regard rivé sur l’écran. Elle refusait de détourner les yeux. Astrid allait se battre. Elle savait qu’elle gagnerait. Elle devait gagner.
Mais ce n’était pas seulement un duel. C’était un spectacle. Et ça, ça la rendait malade. Zafira n’avait jamais aimé le combat, mais elle en comprenait les règles. Et là, dans cette arène, ce n’était plus un affrontement entre deux guerriers, c’était une mise en scène calculée pour exciter la foule.
Elle observa chaque détail sur l’écran, chaque geste d’Abako, chaque mouvement d’Astrid. Elle enregistrait tout. Parce que bientôt, ce serait son tour, et elle devait comprendre les règles du Jeu avant d’y être forcée elle-même.
Elle ne priait pas. Elle n’espérait pas. Elle attendait.
Le lendemain, l’arène était pleine à craquer, l’excitation à son comble. Astrid, la guerrière viking, entra avec un regard déterminé, son épée prête. Abako, le puissant guerrier centre-africain, se tenait face à elle, imposant et concentré.
Dès les premiers échanges, il devint évident que le combat serait intense. Abako utilisait sa force brute pour essayer de désarmer Astrid, mais elle était plus rapide, esquivant ses coups avec une grâce mortelle. Elle frappait là où il était vulnérable, usant de sa tactique pour le fatiguer.
Dans sa cellule, Methos regardait sans un mot. Il nota la respiration d’Astrid, le calcul derrière ses déplacements. Elle temporise. Bonne stratégie, si Abako se laissait piéger. Mais un seul faux pas...
Zafira, elle, ne clignait pas des yeux. Ses doigts crispés sur ses bras, elle retenait chaque impulsion de son corps lui hurlant de faire quelque chose.
La bataille dura de longues minutes, chaque mouvement captivant la foule. À un moment, Abako sembla prendre l’avantage, sa lame déviant celle d’Astrid avec une force qui fit grincer le métal. Il tenta d’enchaîner, mais elle pivota, évitant de justesse le coup fatal.
Un frisson glacé parcourut Methos. C’était passé trop près.
Zafira serra la mâchoire.
Astrid, cependant, n’hésita pas. Dans un mouvement d’une fluidité effrayante, elle feinta une ouverture, attirant Abako dans une attaque plus frontale, et le fit trébucher. Elle ne lui laissa aucune chance. Le désarmer. Le forcer à genoux. Le souffle court, Astrid leva son épée. Puis, la lame s’abattit.
Un éclair aveuglant déchira l’arène. Le quickening jaillit, illuminant Astrid avec une intensité surnaturelle.
Zafira ferma brièvement les yeux sous la lumière. Methos, lui, ne bougea pas.
Un bref silence suivit l’instant où le corps d’Abako s’effondra.
Dans les cellules, un soulagement discret, à peine perceptible, traversa les trois immortels. Mais il ne dura qu’un battement de cœur. Methos expira lentement, chassant l’illusion de sécurité. Un combat gagné. Combien encore avant qu’elle ne tombe ? Zafira rouvrit les yeux. Son regard suivit Astrid lorsqu’elle fut escortée hors de l’arène. Elle était en vie.
C’était tout ce qui comptait. Pour l’instant.
Le soir du quatrième jour, l’hologramme réapparut dans l’arène, annonçant les noms des prochains duellistes. Aélis fixait l’écran depuis sa cellule, le souffle court, priant intérieurement pour que son nom n’apparaisse pas.
Mais lorsqu’elle vit les lettres lumineuses formant "AÉLIS", son cœur s’arrêta. Un froid glacial parcourut sa colonne vertébrale. Sa poitrine se serra, et son estomac sembla se nouer en une boule douloureuse. Une panique sourde monta en elle. C’était son tour. Les acclamations des spectateurs retentissaient au loin, mais pour l’immortelle, tout bruit semblait avoir été étouffé, remplacé par le martèlement frénétique de son propre cœur.
Un autre nom apparut à côté du sien : Theron. L’image holographique qui l’accompagnait montrait un homme grand et athlétique, à la barbe sombre et au regard dur. Il avait l’air d’un guerrier expérimenté, sa posture évoquant une force implacable.
Aélis ferma les yeux un instant, essayant de respirer. Ses pensées se tournèrent immédiatement vers Methos. Lui aussi devait avoir vu son nom s’afficher. Était-il inquiet pour elle ? Avait-il déjà pensé à une manière de la soutenir ou de l’aider à survivre ?
Mais le temps ne laissait pas place à la réflexion.
Le nom d’Aélis s’afficha dans un éclat de lumière blanche. Methos sentit son corps se raidir instinctivement. Il savait que ça arriverait. Mais ça ne changeait rien à la nausée qui lui tordait l’estomac. Il se passa une main sur le visage, l’inquiétude tapie sous une expression impassible. Elle avait déjà tué. Il le savait. Il l’avait vue combattre, l’avait vue frapper avec une détermination brûlante. Mais ce n’était pas suffisant. Pas ici. Pas dans un combat comme celui-là.
Ses doigts se crispèrent contre sa paume. Elle n’était pas prête. Il aurait voulu pouvoir être avec elle, lui parler, lui dire quoi faire, comment survivre. Mais il était là, enfermé dans cette cellule, incapable de faire quoi que ce soit. Et ça le rendait fou.
Son regard glissa vers l’image de son adversaire. Theron. Il avait l’air calme. Maître de lui. Ce genre d’homme ne doutait pas, ne faiblissait pas. Il frappait avec la certitude qu’il gagnerait.
Methos serra les dents. Il n’avait jamais supporté l’impuissance. Et cette cage, ces murs froids, cette arène... Tout cela n’était qu’un immense piège. Pour la première fois depuis longtemps, il ne pouvait rien faire. Il se força à respirer, à maîtriser la panique sourde qui montait en lui.
Elle n’est pas encore morte. Il s’accrocha à cette pensée, parce que c’était la seule chose qu’il lui restait.
Dans sa cellule, Astrid resta immobile en voyant le nom de la jeune immortelle apparaître. Elle ferma les yeux une seconde, sentant une rage contenue monter en elle. Elle se souvenait encore des battements frénétiques de son propre cœur lorsque l’hologramme avait annoncé son propre combat. L’attente. L’adrénaline. Le regard affamé des spectateurs, trop excités à l’idée de voir un immortel tomber.
Elle va mourir. La certitude glaciale s’insinua en elle comme une lame enfoncée dans sa chair. Aélis n’était pas prête. Elle savait se battre, oui. Elle avait progressé. Plus rapide. Plus forte. Plus endurante. Mais pas assez. Pas pour ça.
Son regard se posa sur Theron. Grand. Expérimenté. Un combattant rompu à l’art du duel. Il connaissait les failles, savait comment briser un adversaire avant même de porter le coup fatal. Aélis, elle, manquait de technique. De puissance. De maîtrise. Son corps n’avait pas encore encaissé assez de coups, son esprit n’avait pas encore appris à ignorer la douleur, à analyser, à riposter sans perdre un dixième de seconde.
Elle serra les poings. Elle-même avait failli y passer. Malgré ses siècles d’expérience, elle avait dû puiser dans tout ce qu’elle savait pour survivre. Aélis, elle, n’avait pas encore ce savoir. Ce n’était pas qu’une question de volonté ou de courage. C’était une question d’années.
Elle baissa lentement les paupières. Aélis allait devoir brûler ces étapes. Brutalement. Ou elle allait mourir.
Les gardes ouvrirent sa cellule et la conduisirent hors des couloirs familiers, vers une salle qu’elle n’avait encore jamais vue. Aélis pénétra dans une immense pièce à l’écart de l’arène, éclairée par des néons froids qui jetaient des reflets métalliques sur les murs recouverts d’armes. Des râteliers alignaient des épées, des dagues, des haches et des lances, tandis que des mannequins portaient diverses tenues de combat. L’atmosphère y était presque cérémoniale, comme si cet endroit était un sanctuaire dédié à la guerre.
Un des gardes, d’un ton neutre, lui indiqua qu’elle devait choisir son équipement pour le combat du lendemain.
Elle parcourut la pièce, sa gorge sèche. Tout ici semblait conçu pour transformer les participants en spectacles vivants, des gladiateurs modernes sous les projecteurs. Chaque lame brillait sous la lumière artificielle, chaque armure semblait attendre d’être portée par un combattant condamné à divertir une foule invisible.
Elle effleura du bout des doigts une armure légère en cuir noir, suspendue à un mannequin. La matière était souple mais résistante, idéale pour protéger son torse tout en lui laissant une certaine liberté de mouvement.
— Ce sera ça, murmura-t-elle pour elle-même, sa voix tremblant légèrement.
Elle compléta son choix avec un pantalon ample, suffisamment large pour dissimuler ses mouvements à son adversaire. Son raisonnement était simple : si Theron attaquait son vêtement, il pourrait manquer sa peau.
Puis vint le choix de l’arme.
Son regard se posa sur un katana finement forgé, son manche enveloppé d’un cuir sombre, la courbure élégante de la lame trahissant un tranchant mortel. Elle le prit en main, le soupesant avec précaution. L’équilibre était parfait, le poids léger mais stable. C’était une arme d’une efficacité redoutable, rapide et précise. Mais en avait-elle la maîtrise ?
Elle pivota sur elle-même, testant quelques mouvements, mais le geste lui sembla moins naturel. Elle connaissait les bases du katana, avait vu Duncan l’utiliser à la perfection, mais ce n’était pas le prolongement naturel de son bras.
Un souvenir lui revint brusquement. Soleman, debout face à elle, une dague dans chaque main. Il lui tendait l’une d’elles alors qu’elle observait avec scepticisme ces armes courtes, bien différentes de son épée habituelle.
— Si un jour tu hésites, avait-il dit d’un ton posé, choisis toujours ce que tu connais. Une lame que tu ne maîtrises pas te tuera plus sûrement qu’un adversaire dangereux.
Elle avait haussé un sourcil.
— Et si je veux m’adapter ?
— Ce n’est pas le moment de tester tes limites quand ta vie en dépend.
Sur le moment, elle avait trouvé son conseil trop rigide. Elle aimait expérimenter, apprendre. Mais ici, dans cet enfer orchestré pour leur destruction, l’expérience ne suffirait pas. Lentement, elle reposa le katana.
Son regard dériva sur une épée droite, simple, d’une longueur qu’elle connaissait bien. Elle la prit en main, sentant immédiatement son poids familier. La prise était naturelle, son équilibre déjà ancré dans sa mémoire musculaire. C’était ça. C’était son arme. Elle resserra sa prise autour de la garde, son regard se durcissant.
Chaque décision semblait peser une tonne. Ces choix détermineraient peut-être si elle survivrait ou non. Mais au moins, elle les faisait en connaissance de cause.
Une fois son équipement mis de côté, elle fut ramenée à sa cellule, où elle ne put que contempler l’échéance. L’arène, le combat, l’affrontement avec Theron, tout cela tournait en boucle dans son esprit, comme un cauchemar auquel elle ne pouvait échapper.
Elle s’efforçait de se rappeler les leçons de ses mentors, leur voix résonnant dans sa mémoire : Reste en garde. Évite les coups inutiles. La patience est ta meilleure arme. Des conseils sages, répétés inlassablement par Methos, Soleman, et d’autres avant eux. Mais ce soir, dans l’isolement glacé de cette cellule, ces mots semblaient si dérisoires face à la réalité brutale qui l’attendait au matin.
Un combat à mort. Non pas dans l’intimité d’un duel d’immortels, mais sous les yeux avides d’une foule en quête de violence et de spectacle. Elle pouvait presque entendre leurs cris déjà, les clameurs d’une arène impitoyable où chaque geste, chaque erreur, serait amplifié par l’euphorie collective.
Son esprit vagabonda vers ceux qu’elle avait aimés et perdus : Soleman, dont la voix réconfortante lui manquait cruellement, Darius, dont les mots de sagesse auraient été une ancre dans cette tempête. Puis ses pensées s’attardèrent sur Methos. Il était là, quelque part, pas si loin. Avait-il vu son nom apparaître ? Que ressentait-il en ce moment même ? De la peur ? De l’impuissance ? Elle l’imaginait, le regard sombre, ruminant probablement sur son incapacité à intervenir.
Une vague de chaleur mêlée d’amertume l’envahit. Methos était tout ce qu’elle avait maintenant, le dernier lien tangible avec un passé qui lui semblait si lointain. Elle se demanda si, à cet instant, il pensait à elle autant qu’elle pensait à lui.
Avec ce dernier fragment de pensée, elle ferma les yeux, son souffle se faisant plus profond, comme pour apaiser le tumulte intérieur. Elle tenta en vain de trouver un semblant de repos, mais l’idée de ce qui l’attendait au lever du jour l’écrasait, rendant chaque minute plus lourde que la précédente. Demain serait le jour le plus long de sa vie, et peut-être le dernier.
Allongée sur la couchette étroite de sa cellule, Aélis était incapable de trouver le sommeil. L’angoisse s’infiltrait dans chaque recoin de son esprit, dévorant ses pensées. Elle revivait chaque instant marquant de sa vie, chaque sourire, chaque larme, chaque combat. C’était comme si son esprit s’efforçait de revisiter tout ce qu’elle avait été, consciente que cette nuit pourrait bien être sa dernière.
Elle pleura en silence, son souffle saccadé. Une douleur sourde montait en elle, non pas seulement par peur de la mort, mais à l’idée de partir sans dire adieu.
— Methos… murmura-t-elle dans l’obscurité. Si seulement je pouvais te voir une dernière fois…
Elle sentit ses larmes couler librement, mais même cela ne parvint pas à apaiser son anxiété. Elle serra les poings, essayant de se convaincre qu’elle pouvait encore survivre, qu’il y avait une issue, même infime.
Soudain, un bruit à peine perceptible l’arracha à sa torpeur. Un sifflement discret envahissait la cellule, suivi d’une légère odeur âcre. Elle fronça les sourcils, tentant de comprendre, mais avant qu’elle ne puisse réagir, une sensation de vertige la submergea.
— Non… qu’est-ce que… murmura-t-elle, luttant pour garder les yeux ouverts.
Elle tituba, ses forces l’abandonnant progressivement, jusqu’à ce que le noir complet l’engloutisse.