Le Prix à payer - Highlander Fanfiction

Chapitre 14 : Un Havre de Paix

5914 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 5 mois

Le vent sifflait à travers les arbres nus, secouant les branches avec une intensité qui donnait à la forêt un air de menace sourde. Aélis resserra son manteau autour de ses épaules et accéléra le pas pour suivre Methos, qui ouvrait la marche à travers le sentier boueux.

— Tu es sûr qu’on ne va pas tourner en rond encore une fois ? lança-t-elle, sa voix trahissant une légère irritation.

Methos, quelques mètres devant, se retourna avec un sourire en coin.

— Patience. Ce n’est pas parce que tu ne vois pas où je vais que je suis perdu.

Elle grogna, mais il ne manqua pas de remarquer le petit sourire qui effleura ses lèvres. Depuis des semaines, ils voyageaient ainsi, évitant les routes principales, dormant dans des granges abandonnées ou sous un abri de fortune. Elle n’était pas habituée à cette vie nomade, mais elle s’adaptait, apprenant chaque jour un peu plus du vieil immortel.

 

Ils débouchèrent enfin sur une clairière où un petit hameau s’étendait, silencieux et oublié. Quelques maisons de pierre grise, aux toits d’ardoise effondrés, formaient un cercle autour d’une vieille fontaine envahie par la mousse.

Aélis s’arrêta, ses yeux parcourant les lieux avec une étrange mélancolie.

— Il y a quelqu’un, tu crois ? murmura-t-elle, presque à voix basse.

Methos haussa les épaules.

— Si c’est le cas, ils ne se montrent pas. Mais regarde ces ruines. Pas d’électricité, pas de routes praticables à proximité. C’est parfait pour nous.

Ils s’avancèrent prudemment, inspectant les bâtiments un à un. La plupart étaient délabrés, mais l’une des maisons semblait encore solide, avec un toit intact et une cheminée qui tenait debout.

— Celle-là fera l’affaire, déclara-t-il en ouvrant la porte avec précaution.

L’intérieur était sombre et poussiéreux, mais les murs étaient épais, et l’odeur de pierre humide n’était pas insurmontable. Methos posa son sac à dos et se tourna vers Aélis.

—Un toit, des murs. C’est presque du luxe.

Elle lui lança un regard sceptique mais s’agenouilla pour observer le sol.

— On a du boulot, souffla-t-elle en traçant une ligne dans la poussière épaisse.

— Eh bien, on s’y mettra demain, répondit-il en préparant de quoi allumer un feu dans la vieille cheminée en pierres. Ce soir, on dort ici.




Les jours suivants furent rythmés par le travail, chaque tâche s'inscrivant dans une routine rigoureuse imposée par les nécessités de la survie. Methos, pragmatique et méthodique, guidait Aélis dans l’apprentissage des bases indispensables.

— Le bois sec est essentiel, expliqua-t-il un matin alors qu’ils s’enfonçaient dans la forêt. Évite les branches tombées au sol : elles absorbent trop d’humidité. Cherche plutôt celles encore accrochées aux arbres morts.

Aélis leva brièvement les yeux au ciel, un sourire discret sur les lèvres.

— Tu me l’as déjà dit au moins cinq fois.

— Et je continuerai jusqu’à ce que tu ne l’oublies plus, rétorqua-t-il calmement tout en ramassant une branche.

Leurs journées étaient remplies de tâches physiques : réparer les murs, bricoler des meubles à partir de planches récupérées, sécuriser la maison contre les intempéries et les intrusions. Methos lui apprenait aussi à reconnaître les plantes comestibles et à les cuisiner simplement pour en tirer le meilleur, transformant leurs trouvailles en repas modestes mais nourrissants. Malgré la difficulté, Aélis s’efforçait de suivre ses conseils.

 

Un matin froid, alors que le crépitement du feu dans la cheminée brisait le silence, Methos, accroupi près de l’âtre, taillait une branche pour en faire une lance rudimentaire.

La jeune immortelle entra dans la pièce avec un couteau de chasse à la main, ses cheveux en bataille tombant devant ses yeux. Elle s’agenouilla près de lui, le regard déterminé.

— Tu comptes faire quoi avec ça ? demanda son compagnon, levant les yeux de son travail.

— Les couper, répondit-elle simplement, posant le couteau à côté d’elle.

Il s’arrêta un instant et jeta un regard curieux à l’arme.

— Pas besoin de te rendre plus redoutable, mon amour.

Elle esquissa un sourire.

— Ce n’est pas pour ça. Si quelqu’un nous croise, je veux réduire les chances qu’il me reconnaisse. Ces fichus dossiers m’ont mise en lumière, et je ne prendrai pas ce risque.

Methos hocha la tête en silence, approuvant sans un mot. Il continua à tailler sa branche, mais son attention restait discrètement sur elle.

Aélis, concentrée, attrapa une mèche de cheveux et la coupa avec des gestes précis et presque mécaniques. Les mèches châtaines tombaient sur le sol, mais elle ne s’arrêtait pas, absorbée par sa tâche. Finalement, il brisa le silence.

— Tu veux de l’aide ?

— Non, ça ira, répondit-elle sans se détourner.

Quelques minutes plus tard, elle passa une main sur sa nuque, désormais dégagée, pour vérifier le résultat. Ce n’était ni élégant ni soigné, mais cela n’avait aucune importance. Elle se redressa et croisa le regard de Methos.

Il l’observa un instant, son expression indéchiffrable. Puis, avec une lenteur calculée, il posa son couteau et se leva, s’approchant d’elle. Un sourire léger joua sur ses lèvres tandis qu’il tendit la main et fit glisser ses doigts dans ses mèches coupées.

— Tu aurais pu attendre que je le fasse pour toi, murmura-t-il avec une feinte désinvolture.

Elle leva un sourcil.

— J’ignorais que tu avais des talents de coiffeur.

— J’ai eu cinq mille ans pour en acquérir un ou deux, répliqua-t-il en haussant légèrement les épaules.

Il effleura une mèche rebelle du bout des doigts avant de la replacer derrière son oreille, son geste infiniment doux, presque intime.

— Ça te va bien, ajouta-t-il, son regard glissant sur elle avec une lueur d’amusement. Un peu sauvage, un peu libre.

Elle soutint son regard un instant avant de ramasser ses cheveux coupés et de les jeter dans le feu sans cérémonie. Les flammes crépitèrent brièvement, illuminant un instant leurs visages. Methos ne bougea pas, toujours proche d’elle. Puis, dans un mouvement à peine perceptible, il glissa une main sur sa nuque dégagée et y déposa un léger baiser. Aélis ferma brièvement les yeux sous la chaleur de ce contact, un frisson lui parcourant l’échine.

— Pratique et efficace, murmura-t-il contre sa peau.

Elle rouvrit les yeux et lui adressa un sourire en coin.

— Comme moi.

Il rit doucement, avant d’effleurer à nouveau ses cheveux courts d’un geste absent.

— Exactement comme toi, souffla-t-il. Puis, dans un éclair de malice, il ajouta: Dommage que le style moine-guerrier ne m’aille pas aussi bien, j’aurais pu me raser en solidarité… mais je ne suis pas prêt pour un tel sacrifice.




Les premières neiges avaient fondu, et la forêt environnante commençait à revivre sous un ciel d’un bleu éclatant. Le vent portait un parfum de terre humide et de mousse. Methos travaillait près de la cheminée, ajustant des pierres pour renforcer le foyer, pendant qu’Aélis ramenait une brassée de bois. Le village, presque silencieux, était devenu leur refuge. Mais ce jour-là, le bruit des pas lourds et des murmures étouffés troubla la tranquillité.

— Methos, souffla-t-elle en déposant précipitamment son fagot.

Il posa son outil sans précipitation, le regard fixé sur l’extérieur.

— Reste ici, murmura-t-il.

Elle ne protesta pas. Elle attrapa un couteau posé sur la table et se plaça près de la fenêtre, attentive mais dissimulée. Methos sortit lentement de la maison, une expression neutre mais calculée sur le visage.

 

Un groupe émergeait des arbres. Cinq silhouettes, fatiguées mais alertes, avançant prudemment sur le sentier envahi par les herbes. Deux hommes et deux femmes, accompagnés d’un enfant d’une dizaine d’années. Le plus âgé du groupe, un homme aux cheveux poivre et sel, leva une main pour signaler qu’il ne portait pas d’arme visible.

— Bonjour, lança-t-il d’une voix rauque mais posée.

Methos resta à bonne distance, ses mains détendues mais prêtes.

— Vous vous êtes perdus ?

L’homme secoua la tête.

— Non. Nous cherchons un endroit sûr.

Une femme, le visage marqué par la fatigue et la méfiance, prit la parole à son tour.

— Nous cherchons un refuge, dit-elle. Nous avons beaucoup marché. Sur le chemin, nous avons aperçu ces ruines et pensé pouvoir y trouver un abri… Nous ne savions pas qu’elles étaient déjà habitées.

Methos échangea un regard rapide avec Aélis, qui s’avança légèrement pour examiner les arrivants. Le garçon, à moitié caché derrière la plus jeune des femmes, fixait la maison avec curiosité.

— Vous venez de loin ? demanda la jeune immortelle, sa voix plus douce que d’ordinaire.

La femme qui tenait la main de l’enfant répondit à sa place.

— Très loin. On a quitté les villes, ce qu’il en reste. Le monde n’est plus vivable pour ceux qui ne veulent pas s’y plier.

Le silence s’étira un moment. Le garçon, qui serrait la main de la plus jeune des femmes, regardait tour à tour Aélis et Methos avec curiosité.

— Pourquoi être partis ? intervint Methos, cassant le silence.

La femme répondit cette fois, sa voix empreinte de détermination.

— Parce que la société qu’ils ont créée, ce n’est plus la nôtre. Tout est contrôle, surveillance, soumission. On a tout abandonné, tout risqué pour essayer de vivre autrement. Libres.

Le silence s’installa un instant. Aélis observa les visages fatigués mais déterminés des nouveaux arrivants. Elle lança un regard à son compagnon, comme pour sonder son avis.

— Cet endroit est grand, finit-il par dire en désignant les bâtiments délabrés autour d’eux. Mais il y a beaucoup à faire pour le rendre habitable.

— Si on peut rester, on est prêts à travailler, intervint la femme.

La jeune immortelle hocha la tête, plus décidée.

— Vous pouvez partager notre maison pour quelques jours. C’est rudimentaire, mais il y a de quoi s’abriter. Après, on pourra retaper les autres bâtiments ensemble.

L’homme sembla surpris par l’invitation, mais il inclina la tête avec gratitude.

— Merci. Nous vous devons beaucoup.

 

— Tu crois qu’on peut leur faire confiance ? demanda Aélis alors que les nouveaux venus s’installaient dans leur foyer.

Methos haussa les épaules, un sourire en coin.

— La confiance, ça se construit. Mais pour l’instant, ils ne semblent pas plus dangereux que cette poutre qui menace de s’écrouler.

Elle leva les yeux au ciel, mais un sourire furtif adoucit son expression.

— Alors, on va avoir des voisins…




Les jours qui suivirent l’arrivée des nouveaux venus furent marqués par un équilibre fragile mais prometteur. L’adaptation fut rapide : chacun trouva sa place dans cette petite communauté naissante. Léon, l’homme aux cheveux poivre et sel, semblait naturellement prendre un rôle de médiateur, aidant à répartir les tâches avec une efficacité discrète. Clara, la femme qui s’occupait de Lucas, son fils de dix ans, montra une aptitude à organiser la vie quotidienne, veillant à ce que tout le monde ait suffisamment de nourriture et de repos. Les deux autres, Théo et Anna, étaient plus réservés mais travailleurs, leur silence compensé par une énergie infatigable.

Les immortels, eux, participaient à leur manière. Methos, fort de son expérience, guida le groupe dans les travaux les plus complexes : consolider les toitures, remettre sur pied une réserve d’eau potable, et même recréer un semblant de jardin pour compléter les maigres provisions ramenées par les nouveaux venus. Aélis, bien qu'encore réservée, se rapprochait de Clara et de Lucas, partageant des moments simples autour du feu.

Le soir, la maison commune, désormais légèrement plus confortable, devenait un lieu d’échanges. On partageait des histoires, des anecdotes de leur vie d’avant, des espoirs timides pour l’avenir. Léon parlait parfois des villes désertées, des zones de contrôle de plus en plus oppressantes, et de la difficulté croissante à trouver des vivres.

 

Les semaines passèrent, et la méfiance initiale céda la place à une cohabitation fluide. Les tâches étaient réparties équitablement, et les soirées autour du feu devenaient un rituel où les récits du passé se mêlaient aux plans pour l’avenir. Pourtant, Léon, observateur discret mais perspicace, ne pouvait s’empêcher de remarquer quelque chose d’insaisissable chez Methos.

Un soir, tandis que tout le monde s’était retiré pour la nuit, Léon trouva l’immortel assis devant le feu, un morceau de bois entre les mains, qu’il taillait méthodiquement à l’aide d’un couteau. Le crépitement des flammes offrait un fond sonore apaisant, mais l’atmosphère était lourde de non-dits.

Léon s’approcha, hésitant, avant de s’asseoir en face de lui. Ce dernier leva à peine les yeux de son ouvrage, comme s’il avait déjà deviné que la conversation arriverait.

— Tu es différent, dit Léon sans préambule, la voix calme mais chargée de curiosité.

Methos continua à sculpter, ses gestes précis et réguliers, sans se presser.

— Différent ? répéta-t-il doucement, sans lever les yeux, comme pour gagner du temps.

Léon haussa légèrement les épaules.

— Ce n’est pas une critique. Mais… on sent chez toi une sorte de… décalage. Une façon de voir les choses qui va au-delà des années qu’un homme peut avoir vécues.

L’immortel ralentit légèrement son travail, observant le morceau de bois d’un œil critique avant de répondre, sa voix tranquille :

— Et qu’est-ce que tu en conclus ?

Léon croisa les bras, fixant les flammes un instant avant de répondre :

— Tu as l’air de quelqu’un qui a traversé bien plus que ce que la vie devrait permettre. Pas seulement un rebelle, ni quelqu’un qui fuit. Quelqu’un qui a vu le monde changer… plusieurs fois.

Un silence s’installa, seulement brisé par le crépitement des flammes. Methos posa son couteau sur ses genoux, examinant un instant sa sculpture inachevée.

— C’est une manière poétique de voir les choses, dit-il enfin, un sourire énigmatique jouant sur ses lèvres. Mais certaines questions ne méritent pas de réponses directes.

Léon laissa échapper un rire discret, non pas moqueur, mais teinté d’acceptation.

— Tu réponds sans répondre, mais ça me va.

Methos haussa légèrement les épaules, son sourire s’élargissant à peine.

— Les vérités qu’on ne peut pas changer sont parfois plus simples à ignorer, Léon. Tant que nous avançons dans la même direction, c’est tout ce qui compte, non ?

L’homme acquiesça, comme satisfait par cette réponse évasive mais étrangement réconfortante. Il se leva, étira ses bras endoloris et jeta un dernier coup d’œil à l’immortel.

— Quoi que tu sois, tu nous as accueillis ici. Et pour ça, je te suis reconnaissant.

Quand Léon disparut dans l’ombre, Methos resta immobile un long moment, son regard rivé sur les flammes. Ce genre de moments, il en avait connu des dizaines à travers les siècles, mais ils le troublaient toujours.

Il finit par reprendre son couteau et continua à sculpter, laissant ses pensées vagabonder avec les courbes qu’il dessinait dans le bois.




Au fil des semaines, le petit hameau retrouva une vie nouvelle. Chaque maison, bien qu’encore en ruines pour certaines, portait les traces des efforts collectifs : des toits réparés avec des matériaux de fortune, des portes renforcées, et des potagers improvisés qui poussaient ici et là. Le quotidien s’organisait autour des besoins et des compétences de chacun, chaque membre du groupe trouvant peu à peu sa place.

Léon, Clara, Théo, Anna et le jeune Lucas, autrefois citadins peu habitués au travail manuel, apprirent vite à s’adapter. Leurs mains, d’abord maladroites, se firent calleuses à force d’efforts. Clara, pleine d’imagination, transforma les espaces communs en lieux fonctionnels et accueillants. Théo, patient et appliqué, s’improvisa menuisier, fabriquant des outils et réparant le mobilier. Anna, attentive et bienveillante, veillait à ce que personne ne manque de rien, s’assurant que chacun mangeait à sa faim.

Le soir, après le labeur, ils se retrouvaient tous autour du feu. Les récits du passé s’entremêlaient aux idées pour améliorer leur quotidien. Une suggestion marqua un tournant pour le hameau : intégrer des animaux pour assurer leur autonomie. Quelques jours plus tard, après une expédition fructueuse, Léon et Lucas ramenèrent quelques chèvres et une demi-douzaine de poules. Leur arrivée transforma la dynamique du groupe. Les poules, aventureuses, provoquaient des éclats de rire lorsqu’elles s’égaraient dans des endroits improbables, et le lait des chèvres, bien que parfois difficile à obtenir, devint un luxe précieux.

Avec ces nouveaux ajouts et la solidarité grandissante, le hameau prit des airs de refuge. Aélis, qui s’était d’abord tenue à distance, se surprenait à sourire en regardant Lucas courir après une poule ou en entendant les blagues de Théo. Methos, quant à lui, restait un pilier discret mais infaillible, veillant à maintenir cet équilibre fragile.

Le monde extérieur et ses dangers n’avaient pas disparu, mais dans ce petit coin de ruines, ils avaient réussi à recréer quelque chose qui ressemblait à une communauté. Ce n’était pas qu’un simple groupe ; c’était une famille improvisée, soudée par la résilience et le partage d’une vie simple mais pleine de sens.




La nuit était claire, percée d’étoiles éclatantes qui semblaient flotter au-dessus des ruines du monde. Le silence n’était brisé que par le bruissement du vent et le lointain crépitement du feu de camp, où certains des survivants partageaient encore quelques paroles feutrées avant de rejoindre leur couche. Aélis était assise sur un vieux muret de pierre, le regard perdu dans l’obscurité. L’air frais caressait sa peau, mais ce n’était pas le froid qui la maintenait éveillée. Elle n’avait jamais connu un moment aussi paisible depuis… trop longtemps. Et pourtant, elle n’arrivait pas à se détendre.

Methos apparut à ses côtés sans un bruit, fidèle à son habitude d’émerger de l’ombre comme s’il y était né. Il tenait une couverture qu’il posa délicatement sur ses épaules avant de s’asseoir à côté d’elle, laissant entre eux une distance infime, juste assez pour qu’elle sente sa présence sans qu’il ne l’envahisse.

— Tu comptes veiller toute la nuit ? demanda-t-il d’un ton léger.

Elle haussa les épaules, serrant la couverture autour d’elle.

— Je crois que je n’arrive pas à croire que c’est réel.

Methos tourna légèrement la tête vers elle, intrigué.

— Cet endroit, continua-t-elle. Ces gens. Nous.

Elle inspira profondément, fixant les étoiles avec une intensité presque douloureuse.

— J’ai l’impression qu’on s’offre une illusion. Qu’on joue à la normalité alors que tôt ou tard, la réalité va nous rattraper.

Il ne répondit pas tout de suite. Il baissa les yeux, jouant distraitement avec un petit caillou qu’il fit rouler entre ses doigts.

— Peut-être, admit-il finalement. Mais qu’est-ce que ça change ?

— Tout, Methos. Si ce n’est qu’un sursis, si on est condamnés à fuir encore et encore, est-ce que ça vaut la peine d’y croire ?

Il lâcha le caillou dans l’herbe et se tourna vers elle, son regard capturant le sien dans la pénombre.

— Bien sûr que ça vaut la peine. Parce que c’est tout ce qu’on a.

La jeune immortelle le scruta longuement. Il n’y avait pas de cynisme dans sa voix, ni même la désinvolture qu’il aimait tant afficher. Seulement une vérité simple, brute. Il leva la main et effleura doucement son épaule à travers la couverture.

— Tu pourrais passer ta vie à craindre que tout s’effondre… mais regarde autour de toi. On a construit quelque chose ici. Et pour la première fois depuis longtemps, on n’est pas seuls.

Aélis baissa les yeux, mordillant sa lèvre.

— Je ne sais pas si j’arriverai à croire en un futur.

— Alors crois en maintenant.

Il dégagea lentement une mèche courte de son visage, effleurant sa joue du bout des doigts. Son geste était d’une infinie douceur, presque une prière silencieuse. Aélis ferma les yeux sous le contact. Quand elle les rouvrit, il était toujours là, à quelques centimètres seulement, ses traits détendus mais son regard chargé de quelque chose qu’il ne masquait plus.

Elle inspira profondément et, sans réfléchir, combla la distance entre eux. Leur baiser fut lent, hésitant d’abord, comme s’ils testaient encore les limites de ce qu’ils avaient le droit de partager. Puis plus profond, plus assuré, lorsque leurs mains se cherchèrent et que leurs souffles se mêlèrent dans l’air froid de la nuit.

Quand ils se séparèrent, Aélis sentit son cœur battre un peu trop fort, mais cette fois, ce n’était pas de l’angoisse.

Methos esquissa un léger sourire, son front effleurant le sien.

— On verra bien combien de temps dure notre illusion, murmura-t-il.

Elle sourit à son tour, un sourire fragile mais sincère.

— Autant en profiter, alors.

Elle se lova contre lui, et laissa le monde extérieur s’éloigner.




Ce fut au crépuscule qu’Aélis sentit une vibration familière dans son corps, une sensation qu’elle ne connaissait que trop bien. Methos, qui se trouvait à quelques pas d’elle, croisa son regard. La lueur de compréhension dans ses yeux confirma son ressenti.

Ils sortirent ensemble de la maison principale, leurs armes en main, avançant jusqu’à l’entrée du hameau. Là, dans la lumière dorée du soleil déclinant, deux silhouettes se découpaient, progressant lentement sur le sentier. Leurs vêtements étaient déchirés, leurs pas empreints de prudence, mais leurs mouvements trahissaient une force intérieure qui les portait malgré leur épuisement visible.

 

La première femme était grande, ses cheveux blonds tressés grossièrement, et son regard bleu perçant semblait analyser chaque pierre, chaque ombre du hameau. Une hache ancienne pendait à sa ceinture, témoin silencieux d’un passé de batailles et de survie. Malgré sa carrure imposante, il y avait une fatigue palpable dans sa posture.

À ses côtés marchait une seconde femme, à la peau brune, ses boucles noires retenues sous un foulard usé par le voyage. Ses yeux sombres, vifs et vigilants, balayaient les lieux avec une méfiance mêlée d’espoir. Si la première semblait incarner la force brute, celle-ci dégageait une énergie plus subtile, une prudence forgée par l’expérience et la nécessité.

Les deux immortels échangèrent un regard rapide. L’évidence s’imposa : ces deux femmes étaient comme eux, mais plus que leur nature partagée, ils ressentaient leur lassitude, leur fragilité après ce qui semblait être une longue fuite. Cette reconnaissance silencieuse adoucit légèrement leur méfiance.

— Halte, lança Methos, sa voix calme mais ferme résonnant dans l’air paisible.

Les deux inconnues s’immobilisèrent à une dizaine de mètres. La blonde posa une main sur la hache à sa ceinture, mais ne fit aucun geste agressif.

— Nous ne cherchons pas de combat, dit-elle d’un ton neutre, un léger accent nordique colorant ses mots.

— Qu’est-ce qui vous amène ici ? demanda Aélis, la main toujours sur la garde de son épée, le regard rivé sur elles.

La femme brune, Zafira, prit la parole. Sa voix, douce mais teintée de fatigue, semblait porter tout le poids de leur errance :

— Nous avons fui. Comme vous, sans doute. Le monde est devenu… intolérable. Nous cherchons un refuge, un endroit où nous ne serons plus traquées.

Leurs mots étaient simples, mais le désespoir sous-jacent était tangible.

Elles baissèrent légèrement leurs armes, comme pour montrer qu’elles n’étaient pas venues en ennemies. Leur posture tendue se relâcha imperceptiblement, comme si la présence de Methos et Aélis leur offrait une lueur d’espoir.

Methos observa les deux femmes en silence, puis, après un instant, il abaissa son épée et désigna le hameau d’un geste de la main.

— Entrez.

Les deux inconnues échangèrent un regard, un mélange d’hésitation et de soulagement. Finalement, la blonde hocha la tête.

— Je suis Astrid, dit-elle simplement, avant de désigner sa compagne d’un geste du menton. Et voici Zafira.

Cette dernière inclina légèrement la tête, un geste presque gracieux malgré son épuisement.

— Merci, ajouta-t-elle dans un murmure.

 

Aélis les regarda pénétrer dans le hameau, les traits de son visage restant fermes mais moins méfiants. Elle n’avait aucun doute : ces femmes portaient leurs propres cicatrices, leur propre histoire, mais leur présence ici témoignait d’une vérité simple. Dans ce nouveau monde hostile, les immortels n’avaient plus le luxe de la solitude. S’ils voulaient survivre, ils devaient apprendre à se rassembler, à s’unir.




La nuit s’étendait sur le hameau, et les ombres des flammes dansantes du feu de camp illuminaient les visages fatigués mais curieux des occupants. Humains et immortels s’étaient rassemblés autour de la chaleur du foyer.

Astrid et Zafira s’étaient installées côte à côte, légèrement en retrait, leurs corps encore tendus par l’épuisement et la méfiance. Mais face à l’accueil de cette communauté improbable, elles sentaient leurs défenses se relâcher peu à peu.

Après un long silence, ce fut Zafira qui prit la parole, sa voix douce, presque fragile, contrastant avec la gravité de ses mots :

— Je ne sais même pas combien de temps j’ai passé là-bas, dit-elle d’une voix basse. Tout ce que je sais, c’est que j’étais devenue… un objet. Un rat de laboratoire.

Elle releva lentement la tête, ses yeux sombres rencontrant ceux d’Aélis.

— Ils m’ont capturée il y a… des mois, peut-être des années. J’ai perdu la notion du temps. Quand ils m’ont trouvée, j’étais seule, isolée, comme beaucoup d’entre nous. Ils savaient exactement ce que j’étais. Ce que nous sommes.

Zafira inspira profondément, serrant ses mains sur ses genoux.

— Ils m’ont transportée dans un lieu… un bâtiment sans fenêtres, où tout était froid et silencieux. Des murs de métal, des lumières artificielles, des couloirs qui semblaient sans fin. Les cellules étaient petites, vitrées, comme des cages pour des animaux dangereux.

Sa voix se fit tremblante, mais elle poursuivit.

— Ils nous observaient. Ils prenaient des notes. Ils mesuraient nos réactions, notre douleur. Nous étions… testés, encore et encore. Tués, encore et encore. Parfois, ils nous empoisonnaient. Parfois, ils nous noyaient ou nous brûlaient. Et chaque fois que nous revenions, ils recommençaient. Ils nous haïssaient mais cherchaient un moyen de devenir comme nous.

Autour du feu, un frisson parcourut l’assemblée. Même Methos, d’ordinaire impassible, avait le visage fermé, ses mâchoires légèrement crispées. Aélis se rapprocha de lui, cherchant son contact, comme si celui-ci pouvait atténuer l’horreur de ce qu’elle entendait.

— Nous étions seuls, reprit Zafira, sa voix à peine plus qu’un murmure. Chacun dans sa cage, sans possibilité de parler ni de se voir de près. Les rares fois où je croisais le regard d’un autre immortel, je voyais toujours la même chose : du vide. Une absence totale d’espoir.

Elle serra les dents, une ombre de colère passant dans son regard.

— On ne nous disait rien. Nous ne savions pas où nous étions, qui nous avait envoyés là, ni même ce qu’ils cherchaient vraiment. Au bout d’un moment, j’ai cessé de me poser des questions. Je n’avais plus d’identité. Plus de futur.

Zafira marqua une pause, sa main crispée sur le tissu déchiré de sa robe.

— Puis un jour, tout a changé.

Ses yeux se relevèrent, et malgré la dureté de son récit, il y avait une lueur étrange dans son regard.

— J’ai entendu une alarme, des bruits sourds… une explosion. Tout s’est écroulé autour de nous. Le feu, la fumée, les cris… je ne sais même pas comment c’est arrivé. Je me suis vue mourir encore une fois. Mais cette fois, je suis revenue entourée de décombres, et pas dans une cage.

Elle serra un peu plus la main d’Astrid, comme pour puiser du courage dans ce contact.

— Nous avons tous ressuscité, tous les immortels. Certains ont fui sans attendre. D’autres… d’autres étaient trop traumatisés pour bouger. C’est là que je l’ai vue, pour la première fois, ajouta-t-elle en jetant un regard vers Astrid. Elle m’a tendu la main. Et je l’ai suivie.

Zafira conclut son récit dans un silence pesant. La douleur qu’elle portait était évidente, mais dans son regard, il y avait aussi quelque chose d’autre : une reconnaissance, peut-être même une forme de renaissance, grâce à cette rencontre avec Astrid.

 

Cette dernière garda le silence un moment après le récit de Zafira, ses yeux fixés sur les flammes. Elle semblait peser chaque mot, comme si raconter son histoire risquait d’en altérer l’essence. Finalement, elle prit une profonde inspiration et se redressa légèrement, croisant les regards autour d’elle.

— Nous savions que c’était un risque, mais nous n’avions pas d’autre choix, commença-t-elle, sa voix grave teintée d’une pointe d’amertume.

Elle posa un regard protecteur sur sa compagne, avant de continuer :

— Depuis que le régime a pris le pouvoir, certains immortels, ceux qui tentaient de rester dans la société, ont décidé de résister. Nous étions peu nombreux, mais nous avions une cause : protéger les nôtres. Nous ne pouvions pas rester les bras croisés alors qu’ils traquaient et emprisonnaient les immortels pour… pour des expériences.

Astrid marqua une pause, sa main effleurant la garde de la hache accrochée à sa ceinture, comme pour se rappeler d’où elle venait.

— Quand nous avons appris où ils les détenaient, nous avons décidé d’agir. Ce n’était pas une décision facile. Ce genre de mission… il n’y a pas de retour en arrière.

Elle fixa les flammes, son regard brillant d’une détermination froide.

— Nous avons planifié chaque détail. Repéré les lieux. Et nous avons conclu qu’il n’y avait qu’une seule façon de les libérer : détruire tout le bâtiment et tous ceux qui s’y trouvaient.

Autour du feu, un frisson parcourut l’assemblée. Astrid, imperturbable, continua.

— Nous avons infiltré l’endroit en prétendant livrer du matériel. Une fois à l’intérieur, nous avons placé des explosifs dans des zones stratégiques. Le but n’était pas seulement de faire sauter le bâtiment, mais de nous assurer que tout le monde à l’intérieur serait neutralisé : scientifiques, gardes… tout le monde.

Elle serra les dents, une ombre passant dans son regard.

— Je ne dis pas que c’était juste, mais c’était nécessaire. Chaque mortel dans cet endroit était complice de la souffrance infligée aux notres.

Elle tourna la tête vers Zafira, une tendresse discrète adoucissant ses traits.

— Quand les explosions ont retenti, nous étions prêts. Certains immortels ont ressuscité plus vite que d’autres. Mais au final, tous ont réussi à sortir.

Astrid serra les poings, son ton devenant plus dur.

— Nous avons fui ensemble, une dizaine au départ. Mais le régime ne nous a pas laissés tranquilles. Ils ont lancé des patrouilles pour traquer les survivants. Peu à peu, notre groupe s’est dispersé. Certains ont pris des chemins différents. D’autres…

Sa voix se brisa légèrement, mais elle reprit rapidement :

— Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus. Peut-être qu’ils ont trouvé un autre refuge. Peut-être qu’ils…

Elle ne termina pas sa phrase, mais le silence qui suivit était éloquent.

— Zafira et moi avons continué. À chaque village détruit, à chaque forêt traversée, nous cherchions un endroit où nous poser, où nous pourrions enfin respirer. Mais à chaque fois, il y avait quelque chose. Des hommes armés, des drones… ou juste le poids de ce que nous avions vécu.

Astrid releva la tête, ses yeux bleu acier rencontrant ceux de Methos et Aélis.

— Et c’est ici que nos pas nous ont menés, dit-elle en jetant un coup d’œil aux humains rassemblés autour du feu.

 

Le silence retomba après leurs récits, mais il n’était pas gênant. C’était un silence d’empathie, de respect, et d’une compréhension mutuelle que seule cette époque pouvait inspirer.

— Vous êtes les bienvenues ici, dit finalement Methos, brisant le silence. Mais il posa un regard sérieux sur elles. Vous comprenez que cela implique de vivre ensemble, de contribuer, de nous faire confiance, tout comme nous devons vous faire confiance.

Les deux femmes acquiescèrent, visiblement soulagées. Aélis, quant à elle, ressentit un élan de respect pour elles. Leur force et leur résilience étaient palpables, et leur présence semblait déjà ajouter une nouvelle dynamique à la petite communauté.

Autour du feu, les regards se détendirent peu à peu. L’histoire de ces deux immortelles était venue s’ajouter aux autres récits de survie, formant une trame collective, une mémoire commune.

 

Dans ce coin de ruines, ils n’étaient plus seulement des survivants : ils devenaient une véritable famille, une force unie dans un monde devenu hostile.

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