Le Prix à payer - Highlander Fanfiction
La traque des immortels par les adeptes d’Horton atteignait une nouvelle intensité. Organisés, méthodiques et sans pitié, ils qualifiaient leurs proies de "prédateurs invisibles" et justifiaient leur violence par une croisade pour protéger l’humanité. Les premières victimes furent des immortels discrets, incapables de se défendre face à des assaillants en surnombre. Torturés, exécutés, leurs derniers instants furent capturés en vidéo, diffusés sur les réseaux sociaux pour alimenter la peur et légitimer encore davantage la haine collective.
C’est dans ce climat de paranoïa que Richie Ryan devint une cible de choix.
Richie, jeune et charismatique, attirait naturellement l’attention. Sa carrière dans les courses de moto, en plein essor, le plaçait sous les projecteurs médiatiques, bien loin de la discrétion que la situation actuelle imposait aux immortels. Horton, grâce à ses ressources et à ses contacts au sein des Guetteurs, connaissait non seulement sa nature, mais aussi son lien avec Duncan MacLeod. Richie représentait donc une opportunité parfaite : son assassinat servirait à la fois à ébranler émotionnellement les immortels parisiens et à renforcer la propagande d’Horton.
Ce dernier avait pris le temps d’attendre le moment idéal pour frapper. Richie, trop confiant dans sa double vie, avait sous-estimé l’ampleur de la menace. Après une course à l’étranger retransmise mondialement, il décida de revenir en France pour rejoindre ses amis à Paris. L’agitation récente et les rumeurs d’immortels traqués l’avaient profondément inquiété. Malgré ses appréhensions, il croyait encore que Paris pourrait être un refuge sûr.
Richie atterrit à l’aéroport Charles-de-Gaulle tard dans la soirée. L’atmosphère lourde des actualités lui pesait, mais il était pressé de retrouver ses amis. Après avoir récupéré sa moto, un modèle tape-à-l'œil à la fois puissant et bruyant, il quitta rapidement le terminal pour prendre une route secondaire, espérant éviter la circulation.
Il ignorait cependant qu’Horton et ses hommes le surveillaient depuis plusieurs jours. Ses déplacements avaient été tracés avec une précision froide, et une embuscade minutieusement planifiée l’attendait.
Alors qu’il roulait sur une section déserte en périphérie de Paris, les phares d’un camion banalisé jaillirent derrière lui, s’approchant à grande vitesse. Richie accéléra, mais une voiture surgit devant lui, bloquant sa progression. Une tentative de demi-tour fut rapidement avortée par l’apparition d’un troisième véhicule, enfermant le jeune homme dans un piège étouffant.
Des silhouettes sombres émergèrent des véhicules, armées et masquées. Les phares des voitures éclairaient la scène, projetant des ombres longues et menaçantes. Richie, bien que paralysé par la peur, descendit de sa moto, les mains levées.
— Qu’est-ce que vous voulez ? lança-t-il, sa voix trahissant une angoisse qu’il peinait à contenir.
L’un des hommes s’approcha lentement, une arme à la main.
— Tu sais très bien ce qu’on veut, répondit-il, une froideur calculée dans la voix.
Richie tenta de reculer, de fuir, mais un coup de feu éclata, le projetant violemment au sol. Haletant, il pressa une main contre sa blessure, tandis que ses bourreaux, fascinés, observaient son corps se régénérer lentement.
— Alors c’est vrai, murmura l’un d’eux, son visage figé entre horreur et incrédulité.
Ils ne lui laissèrent aucune chance. Une pluie de balles s’abattit sur lui, déchirant son corps déjà affaibli. Cette fois, Richie ne se releva pas. Il sombra dans l’obscurité, son cœur cessant de battre, tandis que son immortalité amorçait lentement le processus de résurrection.
— Finissons-en, grogna un des hommes, brandissant une lame étincelante.
D’un geste précis et implacable, ils achevèrent le jeune immortel avant que son corps ne puisse se régénérer, scellant son destin par une décapitation brutale.
La vidéo de l’embuscade, montée et diffusée par les adeptes d’Horton, fit le tour du monde en quelques heures. Le montage insista sur la résistance "inhumaine" de Richie, utilisant sa guérison comme preuve de la menace que représentaient les immortels. Chaque détail de son exécution était présenté comme une victoire dans une guerre pour l’humanité.
La nouvelle de la mort de Richie avait frappé comme un coup de tonnerre. Dans le petit appartement parisien où ils s’étaient réunis, l’atmosphère était lourde, presque irrespirable. Duncan, assis près de la fenêtre, fixait l'obscurité avec des yeux vides, une main crispée sur le rebord. Amanda, habituellement volubile, était recroquevillée dans un fauteuil, le regard baissé. Methos, accoudé à la table, faisait tourner un verre entre ses doigts, son expression indéchiffrable. Aélis, la plus jeune du groupe, se tenait debout près de la porte, les bras croisés, comme si bouger risquait de briser le fragile équilibre de cette scène.
Richie était plus qu’un compagnon pour eux tous. Il représentait l’espoir d’une vie où la lumière pouvait encore percer l’obscurité de leur existence. Sa mort, brutale et injuste, venait anéantir cette illusion.
— C’était un gamin, murmura Amanda, sa voix à peine audible. Un gamin qui n’avait rien demandé à personne.
Duncan détourna les yeux de la fenêtre et planta son regard dans le sien.
— Et c’est pour ça qu’il est mort, répondit-il, une colère froide dans la voix. Parce qu’il était jeune, parce qu’il croyait encore qu’on pouvait vivre autrement. Horton savait qu’il était une cible facile.
Methos leva son verre, mais ne but pas. A la place, il plongea son regard dans le liquide qu’il contenait, comme s’il voulait y trouver une réponse.
— Horton savait surtout que tuer Richie nous briserait tous, déclara-t-il. Et il avait raison. Regarde-nous.
Le silence qui suivit était pesant. Duncan se leva brusquement, renversant presque sa chaise.
— Alors quoi, Methos ? On reste là à discuter pendant qu’il massacre les nôtres ? Richie mérite qu’on agisse. Il mérite qu’on trouve Horton et qu’on le fasse payer !
Le vieil immortel haussa un sourcil, mais son ton resta calme.
— Et ensuite ? Tu comptes faire quoi, exactement ? Tuer Horton va-t-il ramener Richie ? Va-t-il arrêter cette guerre ?
— Peut-être pas, mais au moins ça montrera qu’on ne se laisse pas abattre sans riposter, rétorqua Duncan, sa voix tremblant de rage.
Aélis, qui n’avait pas encore parlé, intervint timidement.
— Methos a raison… Si on attaque Horton maintenant, on joue son jeu. On devient ce qu’il dit que nous sommes : des monstres.
Duncan se tourna vers elle, les traits durcis.
— Et si on reste passifs, alors quoi ? On attend qu’il vienne nous chercher un par un ?
— On doit être malins, Duncan. Ce n’est pas le moment de foncer tête baissée. Richie n’aurait pas voulu ça, répondit Amanda.
Le regard de Duncan s’assombrit davantage.
— Vous ne comprenez pas… Richie était comme un fils pour moi. Je lui ai promis de le protéger, et je l’ai laissé tomber.
La pièce retomba dans un silence glacé. Methos finit par briser ce moment, sa voix plus douce.
— Richie était jeune, Mac, mais il connaissait les risques. Il avait choisi cette vie, comme nous tous. Ce qui s’est passé n’est pas ta faute.
Le Highlander secoua la tête, visiblement en désaccord.
— Ce n’est pas aussi simple, Methos. Il n’aurait jamais dû être seul.
Aélis, mal à l’aise, se rapprocha de Methos, cherchant une forme de réconfort dans sa présence. Ce dernier posa une main sur son épaule sans rien dire, son regard toujours rivé sur Duncan. Amanda se leva lentement et s’approcha de son compagnon.
— Écoute, je sais que c’est difficile, dit-elle, sa voix presque cassée. Mais tu n’es pas seul. On est là.
Il ne répondit pas, le regard fixé sur le vide. Quelques minutes plus tard, il attrapa son manteau.
— Où est-ce que tu vas ? demanda Amanda, inquiète.
— Prendre l’air, répondit-il sèchement.
Aélis fit un pas vers lui, mais Methos la retint doucement.
— Laisse-le, murmura-t-il.
La porte se referma derrière Duncan, laissant les autres dans un mélange d’inquiétude et de résignation. Amanda croisa les bras, luttant contre ses propres émotions.
— Tu crois qu’il va faire quelque chose de stupide ?
Methos haussa légèrement les épaules.
— Avec Duncan, c’est toujours une possibilité.
Aélis, encore sous le choc, murmura d’une voix hésitante :
— Richie aurait voulu qu’on reste unis.
— Et c’est ce qu’on va faire, répondit-il enfin, d’un ton grave. Mais pour ça, il faudra être plus malins que Horton.
Dans cette nuit pleine de questions sans réponses, une chose restait certaine : la mort de leur ami marquait le début d’un combat dont aucun d’eux ne sortirait indemne.
La mort de Richie laissait une plaie béante dans le cœur de Duncan MacLeod. Ce n’était pas seulement la perte d’un compagnon : Richie était une part de sa famille, un frère d’armes, un fils spirituel. Duncan, habituellement stoïque face aux tragédies, montrait cette fois des signes inquiétants de rage incontrôlée. Ses gestes étaient brusques, ses paroles tranchantes, et ses yeux brûlaient d’une colère qu’il ne cherchait même plus à dissimuler.
Dans l’appartement d’Amanda, le silence pesant de la veille avait laissé place à une tension palpable. Duncan, assis près de la fenêtre ouverte, observait les rues animées de Paris comme s’il cherchait une réponse dans le tumulte en contrebas. Lorsqu’il se détourna enfin, ce fut pour exprimer son intention sans détour.
— Horton doit payer, déclara-t-il d’une voix basse mais tendue. Je ne peux pas laisser Richie mourir pour rien.
Methos, qui observait en silence depuis un coin de la pièce, secoua légèrement la tête.
— Et tu comptes faire quoi, exactement ? Marcher droit vers lui et espérer qu’il t’accueille avec des balles ? Parce que c’est exactement ce qui t’attend, Duncan.
— Si c’est le prix à payer, alors je suis prêt.
La tension dans la pièce était palpable. Methos, bien que souvent cynique et distant, ressentait lui aussi la perte de Richie, mais sa réaction était radicalement différente. Contrairement à Duncan, il savait que la vengeance aveugle ne ferait qu’aggraver leur situation déjà précaire. Il se leva lentement, son ton devenant plus pressant.
— Tu ne comprends pas ce qui est en jeu ici, MacLeod. Ce n’est pas seulement toi, ce n’est pas seulement Richie. C’est chacun d’entre nous. Nous sommes traqués. Chaque immortel encore vivant est une cible. Si tu te lances dans cette vendetta, tu risques de compromettre nos chances de survie.
Le Highlander le fixa avec une intensité glaciale.
— Alors quoi ? On reste cachés ? On accepte de se terrer comme des rats pendant qu’ils nous abattent un par un ?
— Ce n’est pas de la soumission, c’est de la stratégie, rétorqua le vieil immortel, sa voix trahissant une pointe d’impatience. Si nous mourons tous dans des combats inutiles, qui restera pour préserver ce que nous sommes ? Pour témoigner de notre existence ?
Le dilemme divisa le groupe. Certains estimant qu’il était nécessaire de riposter pour envoyer un message clair et protéger les leurs, d’autres pensants que la survie passait par la prudence et l’effacement. La discussion s’intensifia, les voix s’élevant dans une cacophonie d’arguments. Amanda tentait de calmer les esprits, mais sa propre voix se mêlait bientôt au tumulte. Aélis restait silencieuse, observant Duncan avec une inquiétude croissante.
— Je comprends ta douleur, Duncan, lança Amanda. Mais Methos a raison. Ce n’est pas le moment de foncer tête baissée.
— Et qu’est-ce que tu proposes ? riposta Duncan. Qu’on les laisse s’en tirer ? Qu’on attende qu’ils reviennent pour finir le travail ?
Methos croisa les bras, son ton glacial.
— Tu crois que Richie aurait voulu ça ? Qu’il aurait voulu te voir te jeter dans la gueule du loup ?
Duncan, à bout de patience, explosa.
— Si vous voulez fuir et vous cacher pour toujours, libre à vous. Mais ne m’en demandez pas autant. Je ne peux pas… je ne veux pas ignorer ce qu’ils ont fait.
Il se tourna vers la porte, sa démarche lourde de colère et de détermination.
— Où est-ce que tu vas ? demanda Aélis, sa voix tremblante.
— Là où je dois être, répondit Duncan sans se retourner.
Il claqua la porte derrière lui, laissant le silence et l’incertitude peser sur ceux qui restaient. Les immortels échangèrent des regards inquiets. Methos soupira, passant une main lasse sur son visage.
— Il va se faire tuer, murmura-t-il.
Aélis, malgré son propre chagrin, s’avança doucement.
— Et si ce n’était pas le cas ? Et s’il trouvait une autre voie ?
Methos haussa un sourcil, sceptique.
— Duncan MacLeod n’est pas connu pour prendre des demi-mesures, répondit-il.
Pourtant, même lui ne pouvait s’empêcher de se demander : Duncan allait-il vraiment traquer Horton, au mépris de tout danger ? Ou finirait-il par renoncer, pour préserver ce qui restait de leur fragile unité ?
L’incertitude de cette décision, et les conséquences qu’elle porterait, pesaient lourdement sur tous.
Le Highlander poussa la porte du bar d’un geste lent, presque mécanique. L’endroit était peu fréquenté ce soir-là, à peine une poignée d’habitués dispersés autour du comptoir et des tables. L’éclairage tamisé projetait des ombres incertaines sur les murs couverts de souvenirs de courses et de trophées.
Le Roadhouse, ce petit bar à la lisière de Paris, était l’un des endroits où Richie et lui avaient leurs habitudes. Un lieu sans prétention, où le bruit des moteurs couvrait souvent les discussions, où l’odeur de l’huile et de la bière rance s’imprégnait dans les vêtements. Richie aimait y venir après les entraînements, prétendant qu’il n’y avait rien de meilleur qu’une bière glacée après une bonne bagarre amicale sur un ring.
Duncan avança lentement jusqu’à leur table habituelle, près de la baie vitrée. Il s’y assit, ses doigts glissant machinalement sur le bois usé. En face de lui, une chaise vide. Il s’y attarda, incapable de détourner le regard. Les souvenirs affluèrent malgré lui.
Richie, adossé nonchalamment, le regard rieur.
— Sérieux, Mac, tu crois pas que t’es un peu vieux jeu ?
Duncan, levant les yeux au ciel.
— Parce que vouloir coller une flamme rouge sur le réservoir de ta moto, c’est moderne ?
Richie éclatant de rire, haussant les épaules avec insouciance.
— Mec, si tu veux qu’on nous remarque, faut assumer. Et puis, t’imagines ? La Flèche Écarlate ! Ça sonne bien, non ?
— Ça sonne surtout comme un nom de catcheur, railla Duncan.
Richie lui lançant un regard faussement outré avant de prendre une gorgée de bière.
— T’es juste jaloux parce que je vais être une légende, Highlander.
Duncan ferma les yeux un instant, revivant l’éclat de ce rire. Un rire qui n’existerait plus jamais. Il sentit sa gorge se serrer. Un serveur passa près de lui, reconnaissant sans doute son visage. Il hésita un instant avant de poser une main compatissante sur son épaule.
— Désolé pour ton pote, murmura-t-il.
L’immortel ne répondit pas. Il resta figé, les yeux rivés sur la chaise vide. La douleur était sourde, mais la rage grondait en dessous. Il serra le poing sous la table. Ses jointures blanchirent. Richie était mort. Pas dans un duel honorable. Pas parce qu’il avait fait un mauvais choix. Il avait été traqué, piégé, exécuté comme un animal, et sa mort avait servi de spectacle pour nourrir la haine d’Horton.
Il inspira profondément, tentant de contenir le tremblement qui parcourait ses muscles. Il avait échoué. Il n’avait pas su le protéger. Mais il pouvait encore faire quelque chose. Il rouvrit lentement les yeux, et cette fois, il ne regarda plus la chaise vide comme un symbole de perte. Il la regarda comme une promesse.
D’un mouvement fluide, il se leva, glissa un billet sur la table et quitta le bar sans un mot.
Lorsqu’il franchit la porte, il savait déjà ce qu’il devait faire. Horton allait mourir. Et cette fois, il n’y aurait pas de compromis.
Alors que le deuil de Richie pesait encore lourd sur le petit groupe, le monde autour d’eux sombrait dans une spirale de mesures de plus en plus radicales. La douleur de leur perte s’entremêlait avec une inquiétude croissante face à une société qui semblait glisser hors de contrôle. Les gouvernements, face à la peur alimentée par les récents événements, imposaient des tests d’identification sous prétexte de sécurité.
D’abord présentés comme volontaires, ces tests devinrent rapidement très fortement recommandés, appuyés par une propagande omniprésente. Les citoyens étaient contraints de prouver leur mortalité en acceptant une blessure mineure sous supervision médicale, destinée à démontrer leur incapacité à guérir instantanément. Une fois identifiés, mortels comme immortels recevaient un tatouage numérique, un dispositif discret mais infaillible, capable de révéler leur statut à tout instant via des scanners publics.
Ceux qui refusaient les tests étaient exclus de la société : on leur interdisait l’accès aux institutions, aux transports, aux événements, voire à certains quartiers. Des zones spécifiques leur étaient attribuées, symboles d’une marginalisation croissante.
Pour Aélis, Methos, et leurs compagnons, l’étau se resserrait. Jusqu’ici, ils avaient réussi à esquiver les contrôles grâce à leur discrétion et à leurs réseaux. Mais chaque jour, la ville devenait plus difficile à naviguer. Les scanners fleurissaient à chaque coin de rue, et les contrôles se faisaient plus fréquents et intrusifs. Leur quotidien s’effritait.
Dans les médias, les immortels étaient diabolisés, présentés comme des prédateurs insaisissables menaçant l’humanité. Arrestations spectaculaires et récits sensationnalistes dominaient les ondes, alimentant une peur viscérale parmi les populations. Les divisions s’approfondissaient : une partie des citoyens applaudissait ces mesures sécuritaires, persuadée qu’elles garantissaient leur survie, tandis qu’une autre voyait en elles une dérive totalitaire alarmante.
Les manifestations contre ces pratiques furent rapidement réprimées. Les opposants, immortels ou mortels, étaient arrêtés et accusés de complicité. Les prisons débordaient, et la simple idée de s’élever contre le régime suffisait à alimenter les dénonciations.
Un soir, dans l’appartement d’Amanda qui leur servait de refuge temporaire, Methos fixait la ville plongée dans une lueur froide. Les drones de surveillance sillonnaient le ciel, projetant leurs faisceaux lumineux sur les immeubles endormis.
— C’est comme assister au suicide d’une civilisation, murmura-t-il, la voix empreinte de gravité.
Aélis, assise près de lui, le regarda.
— Tu penses qu’on devrait partir ? demanda-t-elle doucement.
Methos haussa les épaules, son regard toujours tourné vers la fenêtre.
— Partir où ? C’est pareil dans toutes les grandes villes. Il n’y a nulle part où aller... répondit-il d’une voix grave.
La tension était palpable. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que les restrictions ne se transforment en chasse à grande échelle.
Le sentiment d’un point de non-retour planait au-dessus du petit groupe comme une ombre lourde et oppressante. Les mesures drastiques imposées par les autorités, combinées à la peur omniprésente et aux divisions au sein de la société, rendaient leur vie dans le monde actuel impossible. Chaque jour les éloignait davantage de ce qu’ils avaient considéré comme normal. Une fin inéluctable semblait se profiler, et chacun le ressentait à sa manière.
Duncan, particulièrement affecté par les événements récents, n’était plus le même. La mort brutale de Richie hantait son esprit, s’ajoutant au poids des pertes qu’il avait déjà subies. Darius, tué par des Guetteurs sous les ordres de James Horton. Tant d’autres immortels tombés par sa faute. Horton n’était pas seulement un homme : il était devenu pour Duncan l’incarnation de tout ce qu’il abhorrait. Un visage pour la haine qui broyait leur monde.
L’atmosphère dans le petit appartement exigu d’Amanda était lourde, presque étouffante. Chacun semblait enfermé dans le silence de ses propres pensées sombres.
La porte s’ouvrit brusquement, et Duncan entra. Son pas déterminé résonna sur le parquet, brisant l’immobilité ambiante. Il s’arrêta au centre de la pièce, attirant aussitôt les regards de ses compagnons.
— Je dois m’absenter quelques jours, déclara-t-il, sa voix ferme laissant néanmoins transparaître une tension sous-jacente.
Amanda cessa immédiatement de bouger, ses yeux s’écarquillant d’incrédulité.
— Tu pars ? répéta-t-elle, laissant tomber les papiers qu’elle tenait. Et où comptes-tu aller ?
— Ce n’est pas important, répondit-il, évitant leurs regards.
Aélis fronça les sourcils, l’observant avec une attention inquiète.
— Pas important ? Depuis quand tu prends des décisions aussi stupides sans nous en parler ? demanda-t-elle, sa voix empreinte de colère contenue.
Duncan soupira, visiblement agacé, mais ne répondit pas immédiatement. Methos, qui l’avait observé en silence jusqu’alors, se redressa lentement, ses bras croisés.
— Ce n’est pas seulement une sortie pour aller chercher du pain, pas vrai ? dit-il, son ton glacial. Tu as quelque chose en tête.
— Laissez tomber, lâcha Duncan, la mâchoire serrée.
Amanda se planta devant lui, les mains sur les hanches.
— Non, pas cette fois. Richie vient de mourir, et toi, tu veux disparaître comme un voleur ? C’est quoi, ton plan, MacLeod ?
— Mon plan ? Mon plan, c’est de faire ce qu’il faut ! rugit-il soudain, son visage se durcissant. Combien de temps encore on va se terrer ici à regarder ce monde s’effondrer autour de nous ? Combien de morts faut-il pour que vous compreniez qu’il n’y a pas de solution pacifique ?
Un silence lourd tomba sur la pièce. Methos poussa un soupir et s’appuya contre le mur.
— Et tu penses que t’attaquer à Horton va tout régler ? Il y en aura d’autres après lui, Mac. Toujours d’autres.
— Peut-être, mais Horton doit payer, rétorqua Duncan d’un ton tranchant. Pour Richie, pour Darius, pour tous ceux qu’il a massacrés.
Aélis s’approcha de lui, les yeux emplis de tristesse.
— Et toi, tu es prêt à y laisser ta vie pour ça ?
— S’il le faut, oui, répondit-il, implacable.
Amanda secoua la tête, exaspérée.
— Et qu’est-ce qu’on est censés faire, nous ? Regarder les nouvelles en attendant qu’on parle de ta mort en boucle ?
Duncan serra les poings, la tension visible dans chacun de ses muscles.
— Vous allez continuer. Sans moi.
Methos éclata d’un rire amer.
— C’est ton grand plan, MacLeod ? Une vengeance suicidaire qui laisse les autres ramasser les morceaux ? Une vengeance qui fait de Horton un martyre ?! Bravo. Très mature.
Le Highlander le fusilla du regard.
— Je ne vous demande pas de comprendre. Je vous demande juste de respecter ma décision.
Il tourna les talons, prêt à partir, mais Methos le retint par le bras.
— Écoute-moi, Mac. Si tu te lances là-dedans, sois sûr de ton coup. Mais ne crois pas une seconde que c’est la solution. Ce monde ne changera pas parce que tu tues un homme.
Il retira brusquement son bras et se dirigea vers la porte sans un mot.
— Fais attention à toi, lança finalement Methos d’une voix basse, presque résignée.
Duncan s’arrêta un instant, mais ne répondit pas. La porte se referma derrière lui, laissant un silence pesant dans la pièce. Methos croisa les bras et expira lentement, son regard suivant un instant la silhouette disparue de Duncan. Aélis baissa les yeux, luttant contre une vague d’inquiétude qu’elle n’osait pas exprimer à voix haute. Amanda, elle, resta figée. Puis, sans prévenir, elle se redressa brusquement et se dirigea vers la porte.
— Amanda…, commença Methos.
— Je vais lui parler, trancha-t-elle sans se retourner.
Elle ouvrit la porte et s’élança dans l’escalier.
Elle le rattrapa dans la rue, juste avant qu’il ne disparaisse dans l’ombre d’une ruelle adjacente.
— Duncan !
Il s’arrêta, le dos raide, mais ne se retourna pas immédiatement. Lorsqu’il le fit enfin, son visage était fermé, impassible. Amanda s’approcha lentement, comme si elle craignait qu’un mouvement trop brusque ne le fasse disparaître pour de bon.
— Tu vas le tuer, n’est-ce pas ? murmura-t-elle.
Il ne répondit pas. Son silence était une confirmation en soi. Amanda serra les poings.
— Je t’en prie, ne fais pas ça, Duncan.
— Ce n’est pas une option, Amanda.
— Ce que tu fais, ce n’est pas de la justice, c’est du suicide ! s’exclama-t-elle, sa voix trahissant un désespoir qu’elle ne prenait même plus la peine de masquer.
Duncan haussa à peine les épaules.
— Et alors ?
— Et alors ?! Tu m’entends ?! Je ne veux pas te perdre !
Il y eut un battement de silence. Le guerrier détourna légèrement le regard, les traits figés dans une détermination glaciale.
— Si c’était moi qui étais mort, et que c’était toi qui avais une chance de tuer celui qui m’a assassiné… Tu ne le ferais pas ?
Amanda ouvrit la bouche, puis la referma. La question la heurta de plein fouet. Bien sûr qu’elle l’aurait fait. Elle l’aurait traqué. Elle l’aurait tué. Et c’était précisément pour cela qu’elle savait à quel point cette voie n’apportait rien d’autre que le vide. Elle secoua la tête, les yeux embués.
— Ça ne ramènera pas Richie. Ni Darius.
— Non, répondit simplement Duncan. Mais ça mettra fin à Horton.
Il y avait quelque chose de terrifiant dans son calme. Amanda déglutit, cherchant une dernière carte à jouer.
— Et nous ? Qu’est-ce que tu crois qu’on va devenir, hein ? Moi, Methos, Aélis… Tu veux vraiment qu’on assiste à ta mort en direct sur tous les écrans du monde ?
Il baissa légèrement les yeux, mais ne répondit pas tout de suite.
— Je vais y arriver, souffla-t-il finalement.
Ce n’était pas une promesse. Pas vraiment. Il y croyait, il voulait y croire. Amanda secoua la tête, une larme silencieuse traçant un sillon sur sa joue.
— Et si tu te trompes ?
Un sourire imperceptible effleura les lèvres du Highlander.
— Alors je suppose que tu devras me venger.
L’immortelle laissa échapper un rire étranglé, entre colère et tristesse. Elle leva la main pour lui coller une gifle, mais au dernier moment, ses doigts tremblants se refermèrent sur le col de sa veste. Il la regarda un instant, puis il la prit doucement dans ses bras. Elle s’agrippa à lui, sentant la chaleur de son corps, la solidité de sa présence. Quand il s’écarta, elle aurait voulu dire quelque chose, mais aucun mot ne lui vint.
Alors Duncan l’embrassa. Ce n’était pas un adieu. C’était une certitude, une dernière trace d’humanité avant la tempête. Puis, sans un mot de plus, il tourna les talons et s’éloigna dans la nuit.
Amanda resta là, immobile, le cœur battant trop vite. Elle ne pouvait pas l’arrêter. Elle ne pouvait qu’attendre… et espérer.
Depuis des semaines, Duncan MacLeod préparait son opération avec une minutie implacable. Horton, devenu une figure publique à travers ses discours enflammés contre les immortels, apparaissait régulièrement lors d’événements médiatiques, toujours entouré de gardes et de mesures de sécurité. L’assassiner dans un tel contexte relevait de l’impossible, mais Duncan était déterminé à essayer, quitte à y laisser sa vie.
Il s’était fait poser un faux tatouage numérique, une contrefaçon presque parfaite qui lui permettrait de franchir les nombreux contrôles de sécurité. Ce tatouage, obtenu grâce à un contact dans la clandestinité, était son passeport pour approcher Horton.
L’événement qu’il avait choisi pour agir était une cérémonie patriotique organisée dans un théâtre sécurisé. Les spectateurs seraient fouillés minutieusement. Il savait qu’il ne pourrait pas entrer avec une arme. Il avait donc étudié le lieu en détail, obtenant des plans d’architecte pour repérer les points faibles et identifier des objets qu’il pourrait improviser comme arme sur place.
Son choix s’arrêta sur un décor de scène : un projecteur de théâtre dont les fixations fragiles pouvaient fournir une pièce métallique affûtée, suffisamment discrète pour être utilisée comme une dague.
Le soir venu, Duncan se glissa dans la foule des invités, son tatouage contrefait passant les scanners sans déclencher d’alarme. Il garda son calme, évitant tout regard appuyé, se mêlant avec aisance aux autres. Les gardes ne lui prêtèrent qu’une attention superficielle.
Dans le théâtre, Horton se tenait sur scène, entouré de ses partisans et acclamé par une foule galvanisée. Chaque mot qu’il prononçait semblait enfoncer un peu plus la société dans la haine et la division. Duncan, dissimulé parmi les invités, sentit une rage froide monter en lui.
Lorsqu’il estima le moment opportun, il se glissa hors de la salle principale, prétendant chercher les toilettes. À l’abri des regards, il accéda à la zone technique où il trouva le projecteur qu’il avait repéré. Rapidement, il desserra les fixations et récupéra une pièce de métal tranchante, assez discrète pour passer inaperçue.
De retour dans la salle, il se rapprocha lentement de la scène, se mêlant aux spectateurs les plus proches. Le moment était presque là. Son cœur battait à tout rompre, mais sa main était ferme.
Alors qu’il s’apprêtait à passer à l’action, une main puissante l’agrippa par l’épaule. Avant qu’il ne puisse réagir, deux autres gardes surgirent, le maîtrisant rapidement. Un murmure d’agitation parcourut la foule tandis que Duncan, l’arme improvisée encore dissimulée dans sa manche, était violemment traîné hors de la salle.
Horton, depuis l’estrade, observait la scène avec un sourire triomphant.
Dans les coulisses, Il fut interrogé brutalement, son tatouage contrefait rapidement découvert. Les gardes semblaient plus intéressés par sa tentative que par sa véritable identité.
— Tu pensais vraiment pouvoir m’atteindre ? fit Horton en entrant dans la pièce, un sourire cruel aux lèvres.
Duncan, le visage ensanglanté, releva les yeux.
— Un jour, quelqu’un y arrivera. Peut-être pas moi. Mais quelqu’un.
Horton rit doucement avant de quitter la pièce, laissant le Highlander à son sort.
La lumière crue des projecteurs illuminait une place immense, où une foule s'était rassemblée, tenue à distance par des barrières et des gardes armés. Au centre, une estrade avait été érigée à la hâte, surmontée d’un écran géant. Horton se tenait là, impassible, avec son éternel sourire carnassier.
Attaché à genoux devant lui, Duncan MacLeod gardait la tête haute. Ses mains liées dans son dos tremblaient légèrement, mais son regard restait résolu, défiant, malgré l’inéluctable. Il avait perdu, mais il refusait de céder aux humiliations de son bourreau.
Horton s’adressa à la foule, sa voix amplifiée par des haut-parleurs.
— Mesdames et messieurs, voici la preuve que les immortels ne sont pas invincibles. Voici l’un de ceux qui vous ont manipulés, qui ont semé le chaos et la peur dans notre monde. Aujourd’hui, nous envoyons un message clair : personne n’est au-dessus de la loi.
Un murmure parcourut la foule. Certains spectateurs avaient les yeux écarquillés, fascinés par le spectacle macabre. D'autres détournaient le regard, mal à l’aise.
Dans l’appartement d’Amanda, les trois amis étaient figés devant l’écran de télévision, le souffle coupé. L’image de Duncan, agenouillé et vulnérable, les pétrifia.
— Non... murmura Aélis, le visage blême.
— Ils ne peuvent pas... pas comme ça... souffla Amanda, les mains crispées sur le dossier d’une chaise.
Methos, lui, resta silencieux, ses traits durs, son regard rivé sur l’écran comme s’il voulait percer l’image à force de la fixer. Sur l’estrade, Horton fit un signe, et un homme en uniforme s’avança, une hache brillante à la main.
— Non, non, non, c’est pas possible, répéta Amanda, la voix tremblante.
— Amanda, ne regarde pas, intervint Methos, sa voix rauque.
Mais elle ne bougea pas.
Horton se pencha vers Duncan et murmura quelque chose que le micro ne capta pas. L’immortel, pourtant, ne broncha pas. Il ferma les yeux un instant, inspira profondément, et rouvrit les paupières pour fixer son bourreau.
— Fais-le, lâcha-t-il, d’un ton ferme.
La lame s’abattit d’un geste net et précis. Aucune lumière ne jaillit. Aucun quickening ne vint perturber l’exécution. Ce fut une mort froide, silencieuse, presque banale.
Amanda ne bougea pas. Elle ne cria pas. Elle ne pleura pas. Elle resta figée, son regard rivé sur l’écran, incapable de comprendre ce qu’elle venait de voir. Son esprit refusait de l’accepter. Duncan ne pouvait pas être mort. Pas comme ça. Ce n'était pas possible.
Ses doigts, accrochés au dossier de la chaise, se crispèrent jusqu’à ce que ses jointures blanchissent. Son souffle était suspendu, son corps entier verrouillé dans un état de sidération absolue.
Aélis, elle, porta une main tremblante à sa bouche.
— C’est... ce n’est pas possible, balbutia-t-elle.
Methos détourna le regard de l’écran, sa mâchoire contractée, ses épaules tendues sous l’impact de la tragédie. Il se leva brusquement, incapable de rester en place, et se mit à faire les cent pas dans la pièce. Ses mains tremblaient légèrement. Il tenta de poser une main sur l’épaule d’Amanda, pour la ramener à la réalité. Elle ne réagit pas.
— Amanda, murmura-t-il.
Silence.
— Amanda, il faut qu’on...
— Ne me touche pas !
Sa voix claqua dans la pièce comme un coup de fouet. Methos recula d’un pas, surpris par la violence de sa réaction. Elle se redressa lentement, ses yeux toujours fixés sur l’écran. Puis, d’un coup, elle tourna la tête vers lui, et son regard vide se chargea d’une colère froide, brûlante.
— Tu savais, lâcha-t-elle d’un ton tranchant.
Methos fronça les sourcils.
— Quoi ?
— Tu savais qu’il allait mourir ! Tu l’as laissé partir !
— Amanda, ce n’est pas...
— Tais-toi ! cria-t-elle, sa voix brisée par la rage et la douleur.
Elle avança d’un pas, menaçante, les poings serrés.
— Tu es resté là, à lui balancer tes foutues leçons de survie alors qu’il allait droit à l’abattoir ! Et tu n’as rien fait !
— Et toi, Amanda ? lança-t-il doucement. Tu l’as arrêté, peut-être ?
Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Elle vacilla légèrement, comme si ses propres mots venaient de se retourner contre elle. Un frisson la parcourut. Elle serra les mâchoires, détournant le regard une fraction de seconde.
— Il nous a laissés, souffla-t-elle enfin.
Sa voix s’étrangla sur ces derniers mots. Elle passa une main tremblante sur son visage, inspirant profondément, tentant de reprendre le contrôle. Puis, elle leva les yeux vers Methos, et quelque chose dans son regard changea. Là où il y avait de la colère, il ne restait plus qu’un vide béant, une douleur trop grande pour être contenue.
— Tu veux juste tourner la page, pas vrai ? dit-elle d’une voix basse, brisée. Comme tu l’as toujours fait.
Methos ne répondit pas. Mais elle vit son regard vaciller. Elle avait touché juste. Un silence glacé s’abattit sur eux. Amanda secoua la tête, recula de quelques pas, puis s’effondra sur le canapé, le visage caché entre ses mains. Dans un coin de la pièce, Aélis fixait le sol, ses bras enroulés autour d’elle-même comme une protection dérisoire contre le poids de la tragédie. Personne ne parlait. Il n’y avait plus rien à dire. Seulement le vide, et le bruit du monde qui continuait à tourner, sans Duncan.
À l’écran, Horton reprit la parole, sa voix glaciale résonnant comme une condamnation. Un écran géant s’alluma derrière lui, affichant une interminable liste de noms et de visages.
— Grâce à nos alliés, l'intégralité des données des Guetteurs a été rendue publique. Chaque immortel identifié est désormais connu. Que le monde sache qui ils sont, où ils vivent, et ce qu’ils sont capables de faire.
Les trois amis observèrent la scène avec effroi. Methos resta immobile, le visage impassible, mais ses poings serrés trahissaient une rage contenue. Aélis détourna le regard, incapable de supporter davantage. Amanda, quant à elle, fixait l’écran, le regard perdu et les lèvres pincées.
— C’est fini, souffla-t-elle finalement.
— Pas pour nous, répondit Methos. Pas encore.
Le silence régnait dans l’appartement, seulement troublé par les bruits de la ville qui semblaient si lointains. Sur l’écran désormais éteint, le visage de Duncan continuait de hanter l’air, invisible mais omniprésent. Amanda était toujours appuyée contre le bord de la table, bras croisés, le regard perdu. Elle avait cessé de parler depuis un long moment, comme si elle attendait que tout cela prenne un autre sens. Mais il n’y en avait pas.
Enfin, Methos rompit le silence.
— Il faut partir.
Sa voix était basse, presque fatiguée. Aélis, à ses côtés, acquiesça d’un léger mouvement de tête.
— Amanda, on ne peut plus rester ici. Tu sais ce qui va arriver maintenant.
Elle ne répondit pas immédiatement. Puis, elle esquissa un sourire sans joie.
— Alors, c’est vraiment décidé ? murmura-t-elle d’un ton étrangement calme.
— On n’a pas le choix, répondit Aélis. Pas si on veut survivre.
— Peut-être.
Un battement de silence. Puis, elle les regarda dans les yeux, et sa voix tomba comme un couperet :
— Mais moi, je reste.
La jeune immortelle cligna des yeux, abasourdie.
— Amanda…
— Non, coupa-t-elle.
Elle se redressa et posa les mains sur la table, ancrée dans le sol, comme si elle voulait s’assurer qu’ils comprenaient bien.
— Cette ville, cette vie… c’est tout ce que j’ai.
Sa mâchoire se contracta légèrement, mais son regard restait d’une froide détermination.
— Je ne veux pas tout quitter.
Aélis sentit un frisson d’inquiétude la traverser.
— Tu sais que ça va devenir impossible, murmura-t-elle. La surveillance, les dénonciations…
— Je sais, répondit Amanda, le ton sans appel.
Methos soupira, croisant les bras.
— Ce n’est pas seulement une question de vouloir, Amanda. Paris n’est plus ce qu’elle était. Aucun endroit ne l’est.
Elle tourna la tête vers lui, et cette fois, son regard s’emplit d’une amertume glaciale.
— Et donc quoi ? Je suis censée fuir ? Tourner la page ?
Un rire amer s’échappa de ses lèvres.
— Comme toi, Methos ?
Le silence fut brutal. Aélis sentit un poids peser sur ses épaules, la tension devenant presque tangible entre eux. Methos, lui, ne répondit pas. Mais Amanda vit son regard vaciller. Elle l’avait touché. Elle laissa échapper un souffle tremblant et secoua la tête.
— Je n’ai pas ta facilité à tout laisser derrière moi, ajouta-t-elle, la voix plus basse.
Methos détourna les yeux, incapable de soutenir son regard plus longtemps. Un silence pesant s’installa.
Aélis s’approcha d’Amanda, son souffle irrégulier. Elle voulait lui dire que ce n’était pas juste, qu’elles avaient déjà perdu trop de monde, qu’elle ne voulait pas ajouter Amanda à cette liste. Mais les mots se bloquèrent dans sa gorge. Elle avait déjà vécu cette scène trop de fois. Darius. Duncan. Richie. Combien de fois encore devrait-elle faire ses adieux ? Un instant, elle eut envie de dire viens avec nous. Mais Amanda avait déjà pris sa décision. Elle serra les poings.
— Alors... c’est un adieu, dit-elle d’une voix étouffée.
L’immortelle ne répondit pas tout de suite. Elle tendit la main, hésitante, avant de prendre celle d’Aélis dans la sienne.
— Oui. Mais prends soin de toi, Aélis. Et de lui.
Elle jeta un dernier regard à Methos. Aélis sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle les refoula. Elle serra Amanda dans ses bras, un geste bref mais empreint d’une intensité déchirante. Methos, quant à lui, resta en retrait un instant, avant de s’approcher lentement. Amanda le regarda droit dans les yeux.
— Tu sais, si quelqu’un peut survivre à tout ça, c’est toi, dit-elle doucement.
Il lui rendit un mince sourire, sans cacher la mélancolie dans son regard.
— Et si quelqu’un peut continuer à croire en cette foutue société, c’est toi, répondit-il.
Elle rit doucement, un rire sans joie.
— On verra bien, murmura-t-elle.
Ils ne se serrèrent pas dans les bras. Ils n’en avaient pas besoin. Tout ce qu’ils auraient pu se dire était déjà dans leurs regards.
Quelques minutes plus tard, Methos et Aélis descendirent les escaliers de l’immeuble, laissant derrière eux non seulement une amie, mais aussi un pan entier de leur vie.
Les deux immortels se glissèrent dans leurs appartements respectifs pour rassembler quelques affaires. Ils ne prirent que le strict nécessaire : des vêtements, des couvertures, des outils, un peu de nourriture. Tout le reste serait abandonné, effacé, comme si leur vie à Paris n’avait jamais existé.
Le trajet en voiture fut silencieux. Aélis regardait la ville défiler à travers la vitre, les rues familières baignées dans une lumière froide et artificielle. Chaque bâtiment, chaque quartier portait les souvenirs d’une vie désormais révolue.
En traversant les faubourgs, Methos brisa finalement le silence.
— Certains combats ne valent pas la peine d’être menés.
Aélis tourna la tête vers lui, perplexe.
— Tu crois que Duncan aurait accepté ça ?
Methos haussa légèrement les épaules, les yeux rivés sur la route.
— Il n’est plus là pour le dire. Mais survivre, c’est aussi savoir quand il faut partir.
Ils quittèrent Paris sans un regard en arrière, le cœur lourd mais résolu.
Amanda poussa lentement la porte du logement de Duncan. Le silence, lourd et oppressant, l’accueillit aussitôt. Duncan n’était plus là. Mais tout ici portait encore son empreinte. Elle fit un pas, puis un autre, refermant la porte derrière elle sans même y penser. L’endroit était resté figé, comme s’il attendait son retour. Comme si rien ne s’était passé.
Elle avança dans le salon, son regard balayant la pièce.
Sur le dossier du fauteuil, une chemise de Duncan était toujours accrochée, laissée là dans la précipitation de son départ. Amanda tendit la main, ses doigts frôlant le tissu. Il était encore doux sous sa peau, encore imprégné de son odeur. Elle le serra entre ses doigts, le porta inconsciemment à son visage, mais aussitôt, un vertige l’envahit. Elle recula d’un pas, comme si le contact du tissu brûlait sa peau.
Son regard tomba sur la table basse. Là, juste à côté d’un verre encore à moitié plein, reposait sa montre. Une vieille montre en argent, griffée par le temps, qu’il n’oubliait jamais d’ôter avant de dormir. Il l’avait laissée là. Comme s’il comptait la reprendre en rentrant.
Comme s’il comptait rentrer.
Amanda sentit sa gorge se serrer. Elle s’assit lentement sur le canapé, attrapa la montre d’une main tremblante et la fit tourner entre ses doigts. Son souffle devint court. Elle voulait parler. Elle voulait dire quelque chose. Mais aucun son ne sortit. Elle ferma les yeux, mais cela ne fit qu’empirer.
Les souvenirs déferlèrent.
Duncan, adossé contre le comptoir, la regardant avec cet air à la fois amusé et exaspéré.
— Un jour, Amanda, tu apprendras la patience.
Elle, levant les yeux au ciel, un sourire en coin.
— Et toi, un jour, tu apprendras que la vie est trop courte pour perdre du temps.
— On a le temps, avait-il répliqué, avec ce calme qui la rendait folle.
Amanda rouvrit les yeux brusquement, fixant la montre dans sa paume.
Ses doigts se refermèrent dessus avec une force désespérée.
— Tu m’avais promis qu’on aurait le temps, souffla-t-elle dans un murmure brisé.
Elle resta ainsi une seconde, peut-être une éternité. Puis la douleur la submergea. Un hoquet lui échappa, violent, incontrôlable. Ses épaules tremblèrent, et avant même de pouvoir lutter contre l’émotion brute qui montait en elle, elle s’effondra.
Les sanglots la secouèrent, profonds, incontrôlables, déchirants.
Elle serra la montre contre sa poitrine, comme si elle pouvait encore retenir quelque chose de lui, comme si ce simple objet pouvait empêcher le vide de l’engloutir entièrement.
Mais il n’y avait plus rien à retenir. Duncan était parti. Et elle était seule.