Le Prix à payer - Highlander Fanfiction

Chapitre 12 : La Menace du Nouveau Monde

4660 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 5 mois

Aélis rentra finalement à Paris au bout de quelques mois. L’hiver s’était installé, dessinant un voile glacé sur la Seine et assombrissant les ruelles pavées. Elle errait dans une ville familière mais transformée, observant avec une pointe de mélancolie les vitrines éclairées et les passants emmitouflés dans leurs manteaux. Le tumulte du métro, les clameurs des marchés de rue, tout était à la fois rassurant et étrangement distant. Elle aspirait à un répit, à une forme de normalité, mais le monde, lui, semblait préparer une autre surprise.

Tout commença par une vidéo floue, postée sur une plateforme de partage. Deux hommes s’affrontaient dans une ruelle sombre, épées croisées, à des lieux des querelles banales que l’on aurait pu imaginer. Puis vint l’éclair, une explosion de lumière et d’énergie qui fit vaciller la caméra. Les images, fascinantes et terrifiantes à la fois, furent visionnées des millions de fois en quelques heures.

 

Ce soir-là, tandis que Paris s’agitait autour de cette révélation, les immortels en prirent connaissance dans un moment d’accalmie trompeuse.

L’appartement de Methos, baigné dans la lumière diffuse, semblait imprégné d’une sérénité fragile. Un vieux disque de jazz tournait doucement sur une platine, ajoutant une chaleur nostalgique à l’atmosphère. L’immortel, plongé dans son fauteuil favori, faisait défiler des articles sur son ordinateur portable, une chope de bière fraiche posée à portée de main. Aélis, enveloppée dans un plaid, lisait un roman sur le canapé, les yeux parfois attirés par les flammes dansantes des bougies d’ambiances.

Il brisa soudainement le silence.

— Ça commence, murmura-t-il, les yeux fixés sur l’écran.

Aélis releva la tête, intriguée par le ton grave de sa voix.

— Qu’est-ce qui commence ?

Methos pivota son ordinateur pour qu’elle voie l’article. Le titre en gras accrochait le regard : “Combats surréalistes capturés dans plusieurs villes du monde.” En dessous, une vidéo montrait deux silhouettes s’affrontant violemment dans une ruelle mal éclairée. Les étincelles d’un choc d’épées étaient visibles malgré la mauvaise qualité de l’image. Puis, à la fin, une lumière éclatante qui semblait défier toute logique.

— Ça… C’est quoi ? balbutia la jeune femme, se penchant en avant pour mieux voir.

— Une bourde, répondit Methos en retournant à l’article principal. Une belle, grosse bourde.

Il cliqua sur d’autres liens intégrés à l’article. Chaque vidéo montrait une scène différente : un affrontement dans une ruelle à Tokyo, une clairière enneigée en Russie, une cour abandonnée en Espagne. Partout, les mêmes éclats de lumière irréels. Les journalistes, incapables de comprendre ce qu’ils voyaient, décrivaient les scènes comme “surnaturelles” ou “inexpliquées”.

— Ils ne savent pas ce que c’est, ajouta Methos, posant son ordinateur sur la table basse. Mais ils voient. Et ils partagent.

Aélis, le regard toujours fixé sur l’écran, semblait paralysée par une vague d’appréhension.

— Tu penses que ça va s’éteindre tout seul ? demanda-t-elle, espérant une réponse rassurante.

— Non. Les gens ont vu quelque chose qu’ils ne comprennent pas. Ils vont fouiller, échafauder des théories. Et tôt ou tard, ils vont comprendre que ce n’est pas un film ou une publicité.

— Les immortels sont doués pour se cacher, poursuivit-il. Mais le monde a changé. Chaque téléphone est une caméra. Chaque réseau est un mégaphone. Une fois que le doute s’installe, il est presque impossible de l’arrêter.

— Et si ça devient pire que ça ? demanda-t-elle à mi-voix.

Methos la fixa un instant, ses yeux verts perçant un voile de fatigue.

— Ça va devenir pire, admit-il finalement. Pas aujourd’hui, ni demain. Mais ils vont avoir peur. Et la peur est le plus dangereux des instincts humains.

 

Ils restèrent silencieux un long moment, le murmure du jazz comblant le vide. Pour la première fois depuis longtemps, la sécurité de leur monde secret semblait vaciller.




Dès le lendemain, Methos rassembla ses amis immortels de confiance pour une réunion discrète à Paris. Ils se retrouvèrent dans l’appartement d’Amanda, niché au cœur du Marais, à l’abri des regards indiscrets. L’atmosphère était tendue. Duncan MacLeod se tenait près de la fenêtre, les bras croisés, son expression sombre trahissant son inquiétude. Amanda, élégante malgré la situation, faisait les cent pas dans le salon, ses talons claquant sur le parquet ancien.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? lança-t-elle d’un ton tranchant. On reste cachés comme des rats, ou on prend les devants ?

— On ne peut pas se permettre de réagir à chaud, répondit Duncan calmement. Si on sort de l’ombre maintenant, on ne fera qu’attiser la curiosité… ou pire.

— Attiser ? répéta-t-elle, une pointe d’ironie dans la voix. Tu as vu les vidéos ? Ce n’est plus de la curiosité, c’est de la frénésie. Ils parlent déjà de nous comme s’ils savaient tout.

Aélis, assise dans un coin du canapé, observait en silence. Elle n’avait pas encore pris la parole, laissant les vétérans exprimer leurs opinions.

— Les hommes sont imprévisibles, intervint Methos, sa voix grave et mesurée. Aujourd’hui, c’est de l’incrédulité, demain, ce sera de la peur. Et après-demain…

— Après-demain, ils viendront nous chasser, compléta Amanda, son regard perçant fixé sur le vieil immortel.

— Peut-être pas tous, nuança Duncan. Il y aura toujours des gens pour nous défendre, nous soutenir.

— Oh, comme les Guetteurs ? ironisa Amanda. Ils nous soutiennent tellement qu’ils laissent leurs propres membres nous décapiter.

— Ce n’est pas le moment de refaire l’histoire, Amanda, répliqua Duncan, son ton devenant plus ferme.

Methos leva une main pour calmer les esprits.

— Les Guetteurs sont aussi dépassés que nous. Je leur ai parlé ce matin. Pour l’instant, ils observent, espérant que cette frénésie s’éteigne d’elle-même.

Amanda éclata de rire, un son amer qui résonna dans la pièce.

— S’éteindre ? Dans un monde où chaque idiot a un smartphone et un compte sur les réseaux sociaux ? Bonne chance.

Duncan pinça ses lèvres, visiblement en désaccord mais sans trouver d’arguments convaincants.

— Et toi, Aélis ? demanda soudain Methos, tournant son regard vers elle. Tu n’as pas encore dit un mot.

La jeune immortelle releva les yeux, visiblement surprise qu’on s’adresse à elle.

— Je pense… qu’ils ne s’arrêteront pas, finit-elle par dire. Pas tant qu’ils n’auront pas toutes les réponses. Et même là, ce ne sera pas suffisant.

Un silence lourd s’installa. La vérité de ses mots s’imposa à tous, une réalité qu’ils n’avaient pas envie d’admettre.




La réunion s’était achevée sur un silence pesant, un mur invisible dressé entre eux. Duncan était parti le premier, tendu, la mâchoire crispée sous le poids de sa détermination. Amanda l’avait suivi du regard, comme si elle voulait dire quelque chose mais s’était ravisée.

Methos, lui, était resté en retrait, le regard perdu dans le vide. Il n’avait rien dit lorsqu’ils s’étaient dispersés, mais Aélis avait perçu la tension qui l’habitait. Elle le retrouva un peu plus tard, assis seul sur un banc, dans une petite rue calme du quartier. Entre ses doigts, il faisait tourner une canette dont la surface métallique captait les reflets dorés des lampadaires.

— Tu vas rester là toute la nuit ? demanda-t-elle en s’asseyant à côté de lui.

Il ne tourna pas immédiatement la tête, les yeux toujours fixés sur un point indéfini devant lui.

— J’hésite, répondit-il enfin, d’un ton neutre. L’idée de boire jusqu’à oublier la stupidité humaine est toujours tentante.

Aélis haussa un sourcil.

— C’est si mauvais que ça ?

— Disons que j’ai déjà vu ce genre de choses. Trop de fois.

Il passa une main sur son visage, soupira profondément.

— J’ai vu des civilisations entières sombrer dans la paranoïa, des rois ordonner des purges par crainte de ce qu’ils ne comprenaient pas. J’ai vu des hommes et des femmes traqués, brûlés, décapités non pas par d’autres immortels, mais par des humains terrifiés. Et à chaque fois, c’était la même chose : un secret brisé, la peur qui s’installe, puis la violence.

Elle croisa les bras, l’observant en silence.

— Et tu crois que ça va recommencer comme avant ?

— Ça a déjà commencé.

Il leva sa canette à mi-hauteur avant d’avaler une gorgée.

— La différence, c’est que cette fois, tout est filmé, diffusé en boucle sur toutes les chaînes. Avant, les rumeurs restaient des rumeurs. Maintenant, on peut revoir un immortel revenir à la vie autant de fois qu’on veut sur un écran.

Il secoua la tête, son regard se durcissant.

— Et l’histoire nous apprend une chose : quand les gens ont peur, ils cherchent des coupables.

Aélis resta silencieuse un instant. Elle comprenait son point de vue, mais quelque chose en elle refusait d’accepter cette fatalité.

— Peut-être que cette fois, ce sera différent, dit-elle enfin.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— Parce que cette fois, nous ne sommes pas seuls.

Il la regarda enfin, intrigué.

— Avant, vous viviez chacun dans votre coin, vous vous cachiez. Aujourd’hui, on est là, ensemble. Ce n’est pas juste un ou deux immortels livrés à eux-mêmes, c’est une communauté, une solidarité qu’il n’y avait pas avant.

Il la fixa un moment, comme s’il pesait ses mots.

— Tu es bien optimiste.

— Peut-être. Mais toi, tu es trop pessimiste.

— Je suis réaliste.

— Non, tu es fatigué.

Il ne répondit pas. Elle s’approcha légèrement, posa une main sur la sienne. Son geste était simple, naturel, un point d’ancrage dans l’incertitude du moment.

— Cette fois, tu n’es pas seul non plus, souffla-t-elle.

Il baissa les yeux sur leurs mains jointes, son pouce effleurant distraitement sa peau. Un soupir lui échappa, plus résigné que défaitiste.

— Tu sais, parfois, tu me rappelles un prêtre que j’ai connu.

Elle haussa un sourcil, amusée.

— J’espère que ce n’est pas une insulte.

— Ça dépend du prêtre.

Un silence complice s’installa, plus léger cette fois. Finalement, Methos se redressa légèrement, vida sa canette d’un geste avant de tourner son regard vers elle.

— Viens. Si je dois affronter l’apocalypse, autant commencer par une nuit de sommeil convenable.

Elle hocha la tête et se leva avec lui, glissant sa main dans la sienne sans un mot. Ils repartirent ensemble dans la nuit parisienne, unis par quelque chose d’indéfinissable mais terriblement solide.




Les jours suivants, la situation s’emballa. Les informations devinrent incontrôlables.

Dans un monde où chaque instant pouvait être capturé par un smartphone, rien ne restait caché bien longtemps. Les vidéos se multiplièrent, filmées depuis des balcons, des dashcams, des téléphones tenus par des mains tremblantes. Paris, New York, Tokyo. Les immortels, jusque-là dissimulés dans l’ombre, furent exposés aux yeux du monde.

Les réseaux sociaux s’embrasèrent. Des hashtags surgissaient à chaque minute : #DieuxParmiNous, #ImmortelsDanger, #Quickening. Chaque post, chaque partage, ajoutait une couche de panique ou d’adoration.

Les théories du complot envahirent les forums et les fils d’actualité. Certains voyaient dans les immortels la preuve de manipulations génétiques, d’expériences ratées des gouvernements. D’autres les érigeaient au rang de divinités venues guider l’humanité. Les plus craintifs, eux, parlaient d’une invasion, d’une menace contre l’ordre établi.

Les plateaux télévisés devinrent les arènes modernes de ce débat. Experts et pseudo-spécialistes s’y affrontaient verbalement.

— Ce que nous voyons ici, c’est une manifestation énergétique sans précédent. Mais est-ce vraiment humain ? s’interrogeait une scientifique, son visage marqué par l’incrédulité.

— Une manipulation vidéo bien réalisée – voilà tout, affirmait un autre, catégorique.

Pendant ce temps, les clips continuaient de circuler, plus réalistes et troublants que jamais.

Dans les rues, les murmures se faisaient écho. On parlait d’étrangers dans le voisinage, de blessures qui guérissaient trop vite, de ces éclairs étranges aperçus au coin des rues. Des regards soupçonneux s’échangeaient, et les premiers signes de peur collective émergeaient.

 

Le monde était officiellement au courant. L’existence des immortels, autrefois dissimulée dans les ombres, venait d’être projetée en pleine lumière. Une lumière cruelle, impitoyable, qui ne laissait aucune place pour l’ambiguïté ou le repli.




Ils auraient dû s’y attendre. Methos, plus que quiconque, s’en était douté. James n’était pas le genre d’homme à disparaître facilement. Mais au fond, il avait espéré, contre toute logique, qu’il se trompait. Et pourtant, à leur grand désarroi, le visage de James Horton, marqué par les années, refit surface.

C’était une matinée comme les autres, jusqu’à ce que les écrans de télévision, les réseaux sociaux et les sites d’actualités soient envahis par une annonce qui semblait venir de nulle part. Assis dans un fauteuil austère, Horton fixait la caméra avec un calme glaçant. Ses traits marqués trahissaient une détermination presque obsessionnelle, et son regard semblait transpercer chaque spectateur à travers l’écran.

Son ton était posé, mais chaque mot était choisi avec soin pour captiver l’auditoire.

— Nous vivons un moment sans précédent, déclarait-il, la voix pleine d’une autorité sourde. Ces soi-disant immortels ne sont pas des êtres humains comme vous et moi. Ce sont des anomalies, des erreurs de la nature. Et ils marchent parmi nous depuis des siècles, dans le secret.

Chaque phrase pesait lourd, nourrissant un mélange calculé de peur et de fascination.

Horton révéla avoir été l’un des premiers à comprendre la portée des événements récents, lorsque la toute première vidéo montrant un Quickening avait fait surface, filmée par un citoyen lambda.

— J’ai vu ce qu’ils sont, continua-t-il, le regard dur. Lorsque je travaillais chez les Guetteurs, une organisation secrète qui observe ces créatures depuis des siècles, j’ai rassemblé des preuves. À l’époque, le monde n’était pas prêt. Mais aujourd’hui, il l’est.

Il expliqua alors être à l’origine du partage de plusieurs vidéos, enregistrées plusieurs années auparavant, montrant des combats entre immortels, des résurrections inexplicables et des éclairs déchirant le ciel après des décapitations.

— Nous ne pouvons pas rester passifs, asséna-t-il, sa voix s’élevant légèrement. L’humanité doit se protéger, s’élever au-dessus de cette menace. Je vous appelle à vous unir contre ces intrus, pour préserver ce qui fait de nous des êtres humains.

Son charisme était redoutable. Il jouait sur les émotions, sur les peurs primales et le besoin humain d’identifier un ennemi. Là où d’autres auraient été ignorés comme des fanatiques, Horton toucha une corde sensible. En quelques jours, il devint une figure incontournable des débats publics, son nom sur toutes les lèvres, ses mots relayés dans toutes les conversations.




La pression médiatique devint insoutenable pour les Guetteurs, qui furent contraints de révéler leur existence. Marc, le chef de la branche officielle, apparut lors d’une conférence de presse historique.

— Les Guetteurs sont une organisation dédiée à l’observation des immortels depuis des siècles, expliqua-t-il avec gravité. Nous n’avons jamais interféré dans leurs affaires ni tenté de manipuler les événements. Nous croyons que ces individus, bien que différents, font partie intégrante de l’histoire de l’humanité.

Des archives soigneusement sélectionnées furent diffusées, montrant des témoignages d’immortels recueillis au fil des âges. Methos, sous son identité de guetteur, avait contribué à rassembler ces récits : des combats héroïques, des amitiés improbables, des instants de paix au cœur des conflits humains.

— Les immortels ne sont pas des monstres, ajouta Marc. Ce sont des témoins vivants de notre passé. Ils ont vu ce que nous avons oublié, vécu ce que nous ne comprenons plus. Leur existence est une chance pour l’humanité, pas une menace.

 

Chef de file d’une faction extrémiste, James Horton, désormais considéré comme un « Guetteur déchu », incarna la voix d’une rébellion radicale.

— Les Guetteurs officiels sont des lâches, des complices, accusa-t-il dans une vidéo virale. Nous, les vrais protecteurs de l’humanité, refusons de rester spectateurs.

Les divisions éclatèrent au grand jour. Une partie des Guetteurs, fidèles à leur code ancestral, continuait de prôner la neutralité, insistant sur leur rôle d’observateurs passifs. L’autre, galvanisée par Horton, réclamait une croisade active, alimentant une rhétorique de haine et de peur qui se propageait rapidement.




Cette fracture au sein des Guetteurs faisait écho aux tensions grandissantes dans le petit cercle des immortels parisiens. Réunis dans l’appartement d’Amanda, l’atmosphère était électrique, alourdie par l’urgence de la situation.

— Il faut agir avant que cet homme ne fasse encore plus de dégâts, déclara Duncan MacLeod, les poings serrés. James Horton n’est pas seulement dangereux pour nous. Il est en train de semer la haine et la peur à une échelle mondiale.

— Et que proposes-tu ? répondit Methos avec une pointe d’ironie. Une vendetta publique ? C’est exactement ce qu’il attend. Nous deviendrons les monstres qu’il dépeint si nous lui donnons une excuse.

Duncan se tourna vers Methos, les sourcils froncés.

— Alors quoi ? On reste là à attendre qu’ils nous traquent comme des animaux ?

— Oui, murmura Methos d’un ton amer, un éclat sombre dans son regard. Parce que c’est exactement ce qu’ils vont faire. C’est ce qu’ils ont toujours fait.

Aélis, assise en retrait, regardait les deux hommes se disputer.

— Alors, on abandonne ? demanda-t-elle soudain.

Le silence tomba. Tous les regards se tournèrent vers elle.

— Si nous ne faisons rien, ils vont gagner. Horton gagnera. On ne peut pas juste attendre qu’ils nous détruisent.

— Écoute, Aélis, dit Methos en croisant les bras, son ton plus doux mais non moins sérieux. Ce n’est pas la première fois que l’humanité découvre quelque chose qu’elle ne comprend pas. Et chaque fois, elle réagit de la même manière : avec peur, avec violence.

— Mais on peut leur montrer qu’on n’est pas des monstres, insista-t-elle.

Amanda éclata de rire, mais sans joie.

— Montrer quoi ? Tu penses vraiment qu’ils veulent comprendre ? Ils veulent un ennemi. Et nous sommes parfaits pour ça.

— Peut-être qu’il faudrait arrêter le Jeu un moment, proposa Duncan. Nous mettre d’accord pour cesser de nous battre, au moins jusqu’à ce que les choses se calment.

Methos secoua la tête, un sourire amer sur les lèvres.

— Ah, la grande sagesse écossaise, ironisa-t-il doucement. Tu sais aussi bien que moi que certains d’entre nous ne respecteraient jamais une telle trêve.

— Alors on fait quoi ? répliqua Duncan, exaspéré.

— On survit, comme on l’a toujours fait.

Il regarda par la fenêtre, observant Paris à travers les rideaux. La ville, si vibrante et pleine de vie, semblait plus sombre ces derniers jours.

— Vous savez ce qui est fascinant ? murmura-t-il, comme s’il parlait à lui-même. L’humanité adore regarder ses erreurs passées. Elle les analyse, les décortique, les met en lumière. Mais jamais elle n’apprend. Elle les répète simplement, sous une autre forme.

Un silence pesant accueillit ses paroles. Même Amanda, d’habitude prompte à répondre, garda le silence.

Le monde changeait, et ils allaient devoir changer avec lui. Mais à quel prix ?




La ville scintillait sous le voile nocturne, ses lumières reflétant un éclat trompeur de normalité. Mais Methos savait. Il avait toujours su. L’agitation montait, la tension s’accumulait dans l’air comme avant un orage. Il n’avait pas besoin des actualités en boucle pour comprendre que le monde tanguait dangereusement vers un basculement irrémédiable.

Il s’était toujours demandé ce que ça ferait, d’être là au moment où tout s’effondrerait. Il n’avait jamais pris ce risque auparavant. À Rome, il avait senti les fondations vaciller bien avant que les barbares ne franchissent les murs. Il avait quitté Byzance avant que les flammes ne consument Sainte-Sophie. Pendant la Révolution française, il avait échangé ses vêtements de noble contre ceux d’un bourgeois avant que la guillotine ne réclame son dû. Il avait toujours su quand partir.

Mais cette fois-ci, partir signifiait abandonner plus que des pierres et des souvenirs.

Il ferma brièvement les yeux, et pendant un instant, il revit les échos du passé : les rues pavées de Rome où il avait marché avec Flavius, persuadés tous deux que leur empire durerait mille ans ; les salons de la cour de France, où des murmures de révolte résonnaient déjà sous les lustres éclatants ; la chute des cités qu’il avait tant aimées, qu’il avait laissées derrière lui sans un regard en arrière.

Et maintenant, Paris.

La paranoïa gangrenait lentement la ville, rampant dans chaque quartier, s’infiltrant dans chaque conversation. Les visages étaient marqués par l’incertitude. Un regard un peu trop insistant dans le métro, un murmure échappé dans un café, un voisin qui ne saluait plus comme avant. Qui était immortel ? Qui ne l’était pas ? La question était devenue une obsession collective. Et il savait comment cela finirait.

Ce qui le troublait, ce n’était pas la chute imminente du secret des immortels. Ce n’était pas la peur viscérale qui gagnait le monde. Ce qui le troublait, c’était son propre attachement.

Cette fois, il n’était pas seul.

Aélis. Il pensa à elle, à son rire spontané, à la lumière qui brillait dans ses yeux lorsqu’elle parlait d’un monde qu’elle croyait encore réparable. Elle était forte, mais elle était encore trop jeune dans son immortalité pour affronter seule la tempête à venir. Il l’avait vue grandir, hésitante, faire ses premiers pas dans une existence où le temps ne comptait plus de la même manière. Il se souvenait de la première fois où il l’avait rencontrée, de cette flamme qu’il avait immédiatement perçue en elle, un éclat qui, contre toute logique, l’avait retenu plus longtemps qu’il ne l’aurait voulu.

Il aurait pu partir, comme toujours. Il l’avait fait tant de fois. S’éloigner, disparaître, laisser derrière lui les ruines fumantes des mondes qu’il avait traversés. Il savait comment survivre, comment se réinventer encore et encore. Mais avec Aélis, c’était différent. Il ne pouvait pas la laisser derrière lui. Il n’aimait pas admettre à quel point il tenait à elle, à quel point il veillait sur elle, presque malgré lui. Ce n’était pas de l’amour fou ou une passion dévorante, mais une tendresse profonde, un attachement protecteur. Elle était une partie de lui, une présence qu’il ne pouvait plus ignorer.

Il passa une main sur son visage, comme pour chasser le poids de ses pensées. Partir aurait été plus simple. Mais pour l’instant, il resterait.




Le discours enflammé de James Horton ne tarda pas à trouver un écho politique. Ce qui avait commencé comme une rhétorique de peur se transforma en un mouvement structuré, galvanisant des foules à travers le monde. Horton, charismatique et déterminé, se positionna comme un leader incontournable dans ce qu’il appelait "la lutte pour la survie de l’humanité".

Des figures publiques et politiques prirent position, certains dénonçant Horton comme un extrémiste, d’autres le rejoignant en louant son courage face à une menace supposée.

La société, déjà marquée par des fractures profondes, se divisa encore davantage.

Les médias jouèrent un rôle déterminant dans cette polarisation. Plateaux télévisés et documentaires sensationnalistes posaient la question : Et si votre voisin était immortel ? Les théories complotistes explosèrent, affirmant que ces "immortels" avaient infiltré les gouvernements et dirigeaient secrètement le monde depuis des siècles. Des rumeurs infondées prétendaient que certains d’entre eux avaient manipulé des événements majeurs de l’histoire, de la chute des empires à la montée des régimes totalitaires.

Ces spéculations firent naître une paranoïa collective. Dans les grandes villes, des groupes d’autodéfense émergèrent, patrouillant les quartiers à la recherche de signes "suspects" : des guérisons miraculeuses, des gens trop discrets ou "étrangement charismatiques". Des lois autoritaires furent rapidement adoptées dans plusieurs pays, ostensiblement pour "protéger la population".

Parmi ces mesures, les plus controversées incluaient des tests d’identification obligatoires – prélèvements sanguins ou scanners cellulaires conçus pour détecter les "non-mortels" –, ainsi que la création de bases de données nationales centralisant les résultats. Ces outils étaient destinés à identifier les immortels et à restreindre leurs déplacements. Ceux qui refusaient de se soumettre à ces tests se retrouvaient progressivement exclus de la vie sociale : l’accès aux événements, aux lieux publics, et bientôt même aux boutiques, leur était interdit. En parallèle, des marchés clandestins émergèrent pour répondre à leurs besoins essentiels, illustrant l’ampleur de leur marginalisation.

 

Ces mesures furent accueillies avec indignation par les défenseurs des libertés civiles, mais leurs voix furent rapidement étouffées. Des manifestations eurent lieu dans certaines capitales, mais elles furent marginalisées et souvent réprimées par des forces de l’ordre plus préoccupées par le maintien de l’ordre que par la protection des droits fondamentaux.




La société vacillait sur un fil tendu, prête à basculer dans le chaos. Les premières émeutes éclatèrent dans des quartiers où des immortels étaient soupçonnés de vivre. Des citoyens, armés et furieux, envahirent des domiciles, détruisant tout sur leur passage. Certains immortels, piégés, n’eurent d’autre choix que de se battre, ce qui alimenta encore davantage les récits d’un "danger immortel".

Pendant ce temps, Horton exploitait chaque incident pour légitimer son mouvement, désormais connu sous le nom de "Coalition pour l’humanité".

— Ils se cachent parce qu’ils savent que nous avons raison, clamait-il dans un discours. Chaque immortel capturé est une victoire pour l’humanité. Chaque immortel libre est une menace pour notre avenir.

La fracture entre ceux qui voulaient comprendre et ceux qui voulaient exterminer ne cessait de s’élargir. Une guerre, d’abord souterraine, semblait inévitable.

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