Le Prix à payer - Highlander Fanfiction
Elle s’était habituée à la présence de Methos dans son quotidien, sans vraiment s’en rendre compte. Il n’avait pas cherché à s’imposer, pas tenté de forcer les choses, mais il était là. Toujours à une distance raisonnable, toujours avec cette légèreté teintée d’ironie qui lui permettait d’effacer les tensions sans avoir l’air d’y toucher. Au début, elle l’accueillait avec une certaine froideur, encore piégée dans ses propres blessures. Puis, à force de conversations anodines, de piques échangées et de regards appuyés, la barrière qu’elle avait dressée s’était fissurée.
Il avait une façon bien à lui de lui changer les idées. Ce n’était pas en lui parlant de ce qui la hantait, mais en l’emmenant ailleurs, loin de ses pensées sombres. Une fois, il était apparu au dojo avec une bouteille de vin et un sourire malicieux, lui annonçant qu’il était temps de tester si elle était toujours capable d’apprécier les plaisirs simples de la vie. Elle avait levé les yeux au ciel, puis s’était laissé entraîner sur les quais, où ils avaient fini par rire de tout et de rien, assis sur un banc à regarder les lumières se refléter sur la Seine. Une autre fois, il l’avait convaincue d’aller voir un vieux film en noir et blanc dans un cinéma d’art et d’essai. « Un classique, tu ne peux pas ne pas l’avoir vu », avait-il affirmé d’un ton dramatique, avant de lui avouer qu’il n’en avait lui-même aucun souvenir et qu’il espérait simplement que ce ne serait pas trop ennuyeux.
Petit à petit, la tension entre eux s’était apaisée. Ce n’était pas immédiat, pas brutal, mais elle se surprenait à apprécier ces moments avec lui. Il ne cherchait pas à précipiter quoi que ce soit, et c’était peut-être ce qui la troublait le plus. Il aurait pu poser des questions, vouloir des réponses. Il aurait pu lui demander ce qu’elle attendait de lui, ce qu’ils étaient en train de devenir. Mais il ne le faisait pas. Et une part d’elle en était soulagée.
Un soir, alors qu’ils marchaient dans une ruelle tranquille, elle le taquina sur son goût pour les endroits improbables.
— Alors, quelle est la prochaine étape ? Tu vas m’emmener voir un cirque clandestin ou une galerie d’art illégale ?
Il haussa un sourcil, feignant la réflexion.
— J’ai bien un contact qui organise des combats de sumo dans une cave à Belleville…
Elle éclata de rire, secouant la tête.
— Je préfère ne pas savoir si c’est une blague ou pas.
— Sage décision, approuva-t-il en lui adressant un clin d’œil.
Ils s’arrêtèrent au coin d’une rue, et pendant un instant, un silence s’installa entre eux. Aélis le regarda, réalisant à quel point elle s’était habituée à lui, à sa présence discrète mais constante. Et pourtant, une part d’elle refusait encore d’y réfléchir trop longtemps. Elle se surprit à sourire sans raison particulière, mais aussitôt, un léger trouble l’envahit. Elle aurait pu dire quelque chose. Lui demander ce qu’il voulait vraiment, pourquoi il restait. Si lui aussi évitait d’y penser, ou s’il se contentait de la laisser choisir le rythme. Mais elle ne posa aucune de ces questions. Elle préférait ne pas briser cet équilibre fragile.
— Quoi ? demanda-t-il, intrigué.
— Rien, répondit-elle, secouant légèrement la tête. Juste… merci.
Methos haussa un sourcil, son sourire se faisant plus doux.
— Pour quoi ?
— D’être là, je suppose.
Il ne répondit pas tout de suite, se contentant de la regarder avec cette intensité qu’il ne laissait paraître que dans de rares instants. Puis il glissa les mains dans les poches et reprit leur marche d’un ton léger.
— C’est ce que font les amis, non ?
Aélis acquiesça, mais au fond d’elle, elle savait que c’était plus compliqué que ça. Ce n’était pas juste de l’amitié. C’était quelque chose qui se construisait sur des fondations fragiles, sur des blessures encore ouvertes, mais qui trouvait malgré tout un équilibre. Et tant qu’elle n’était pas prête à se poser les bonnes questions, elle préférait laisser les choses telles qu’elles étaient.
Le silence de l’église l’enveloppa tandis qu’il avançait, son regard glissant sur les bancs vides. Il n’avait pas prévu de venir, mais quelque chose l’y avait conduit malgré lui. Peut-être une envie de calme, peut-être un besoin de se retrouver face à quelqu’un qui, par son simple regard, savait toujours voir plus loin que les mots. Surgissant d’une allée, Darius lui adressa un sourire calme avant de s’installer sur l’un des bancs.
— Methos, quelle rare visite. Je suppose que tu n’es pas venu pour prier.
— Je pourrais te surprendre, répliqua le vieil immortel en s’asseyant à côté de lui, les bras négligemment étendus sur le dossier.
Le prêtre ne répondit pas tout de suite, observant son ami avec cette patience tranquille qui lui était propre. Methos soupira, fixant un point invisible devant lui.
— J’avais besoin d’un peu de silence, d’un endroit où je ne suis pas forcé de sourire ou de faire semblant.
— C’est une bonne raison.
Un silence s’installa entre eux, ponctué seulement par le craquement du bois sous leur poids. Methos resta ainsi un moment, perdu dans ses pensées, avant de lâcher d’un ton faussement détaché :
— Aélis va mieux.
Darius posa sur lui un regard attentif, mais ne répondit rien, l’encourageant simplement à poursuivre.
— Elle rit à nouveau. Elle s’entraîne. Elle recommence à vivre…
Il passa une main sur sa nuque, massant distraitement la tension qui s’y accumulait, comme s’il essayait de mettre de l’ordre dans ses pensées.
— C’est bien, déclara enfin Darius, posément.
— Oui…
Methos s’interrompit, hésitant. Il détestait se livrer, encore plus à quelqu’un qui savait toujours lire entre les lignes. Mais son ami ne le pressait pas, et c’était peut-être ce qui le poussa à continuer.
— Au début, j’étais juste là pour me faire pardonner, admit-il après un moment. C’était ma façon de réparer ce que je pouvais. Mais maintenant…
Il s’arrêta, cherchant les mots.
— Maintenant, je ne sais plus trop ce que je fais.
Darius esquissa un sourire en coin, mais il ne se moquait pas.
— Vraiment ? Parce qu’il me semble que tu es exactement là où tu veux être.
Methos le regarda, cherchant à déceler si c’était une simple observation ou une de ces manœuvres subtiles dont le prêtre avait le secret.
— Elle a traversé trop de choses, poursuivit-il, comme pour justifier son hésitation. Je ne veux pas… compliquer les choses pour elle.
— Ou peut-être que tu as peur de ce que ça représente pour toi.
— Ah, ça y est, le sermon commence.
— Pas du tout, répondit Darius avec douceur. Je dis simplement que si tu hésites, ce n’est pas parce que tu crains pour elle… mais parce que tu crains pour toi.
Le vieil immortel resta silencieux, les traits fermés. Il voulait nier, balayer cette idée d’un revers de main, mais son ami avait, comme toujours, mis le doigt là où ça faisait mal. Darius reprit, avec cette lucidité désarmante qui le caractérisait :
— Je sais que tu as voulu veiller sur elle pour réparer ce que tu crois avoir détruit. Mais ce n’est pas qu’auprès d’elle que tu voulais te racheter, n’est-ce pas ?
Il sentit son corps se raidir légèrement. Darius savait. Bien sûr qu’il savait.
— Tu pensais m’avoir déçu, continua le prêtre d’une voix calme. Et à travers elle, tu as cherché à réparer ce que tu croyais avoir brisé entre nous.
Methos expira lentement, s’adossant au banc, les bras croisés. Il se sentait mis à nu, et pourtant, Darius ne portait aucun jugement. Juste cette inlassable compréhension qui rendait la vérité impossible à fuir.
— Je ne voulais pas… J’aurais voulu faire mieux, admit-il à voix basse.
— Methos… tu ne m’as jamais déçu.
L’immortel releva brusquement les yeux vers lui. Il s’attendait à tout, sauf à ça. Darius esquissa un léger sourire.
— Tu crois que je ne savais pas à quoi tu étais confronté avec Kronos ? Que je ne savais pas à quel point c’était dangereux ?
Methos serra les mâchoires. Il aurait presque préféré un reproche.
— J’ai confiance en toi, poursuivit Darius avec une douceur implacable. Et tu n’as rien à te faire pardonner. Pas auprès de moi.
Quelque chose en lui se relâcha imperceptiblement. Ce n’était pas un soulagement instantané, mais une tension diffuse qui s’apaisa, comme un nœud qu’il n’avait pas su défaire. Darius posa une main légère sur son bras, un simple contact, un rappel que quoi qu’il décide, il n’était pas seul.
— Alors peut-être qu’il est temps d’arrêter de chercher à réparer. Et de commencer à simplement être là.
— Tu es insupportable, tu le sais ? Répondit Methos, esquissant un sourire en coin.
— Un fardeau que j’accepte avec humilité, répliqua Darius avec une légèreté feinte.
Le vieil immortel secoua la tête, un sourire malgré lui aux lèvres. Puis il se leva, s’étirant lentement avant de glisser un regard à son vieil ami.
— Je vais y réfléchir.
— Non, corrigea le prêtre en s’adossant au banc, l’air satisfait. Arrête de réfléchir. Vis.
Methos roula des yeux, mais cette fois, il ne protesta pas. Sans un mot de plus, il tourna les talons et quitta l’église, un poids étrange sur la poitrine. Il marcha lentement vers la sortie. Il s’arrêta juste avant d’atteindre la porte, une main effleurant machinalement le bois vieilli.
Un soupir lui échappa. Ce fichu prêtre. Il baissa brièvement la tête, secouant légèrement la nuque comme pour se débarrasser d’une pensée agaçante. Il avait passé des siècles à esquiver les conflits inutiles, à ne pas s’embarrasser d’émotions compliquées. Et pourtant, Darius, avec sa patience infinie et ses mots choisis avec une précision chirurgicale, l’avait amené exactement là où il voulait. Lentement, un sourire en coin étira ses lèvres. Depuis le début, il savait. Il savait où cela mènerait, il savait que ce n’était pas seulement pour la culpabilité que je restais. Il voulait que je m’en rende compte moi-même.
Il secoua la tête, amusé et exaspéré à la fois.
— Manipulateur, souffla-t-il dans un murmure presque admiratif.
Puis il poussa la porte et disparut dans l’agitation de la ville.
Richie tourna son épée entre ses doigts, l’expression tendue, les pensées visiblement ailleurs. Duncan, qui l’observait depuis quelques minutes, posa finalement son propre sabre sur le râtelier et croisa les bras.
— Allez, crache le morceau.
Le jeune immortel releva la tête, comme pris en faute, puis haussa les épaules avec un soupir.
— J’ai croisé un type hier soir. Un immortel.
Duncan ne répondit pas tout de suite, le laissant poursuivre à son rythme.
— Il m’a repéré avant que je ne le remarque, reprit Richie. On s’est juste jaugés, rien de plus, mais j’ai vu dans ses yeux que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne vienne me défier.
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux avant de lâcher dans un rire amer :
— Et le pire, c’est que je ne sais même pas si je suis prêt.
Duncan le fixa un instant, puis s’approcha pour s’asseoir face à lui.
— Tu sais qui c’est ?
— Non. Il n’a rien dit, et moi… disons que je n’étais pas franchement d’humeur à faire les présentations.
— Ce qui est sûr, c’est qu’il t’a observé avant que tu ne le remarques, et ça veut dire qu’il a plus d’expérience que toi.
Richie serra les dents, tapotant nerveusement la lame de son épée contre son genou.
— Génial. Je suis foutu.
— Pas forcément. Mais tu vas devoir être plus malin que lui.
— Ça veut dire quoi ?
— Ça veut dire que ce n’est pas toujours le plus fort qui gagne, expliqua Duncan. C’est celui qui sait attendre le bon moment. Celui qui garde son calme, qui anticipe. Tu as tendance à foncer tête baissée.
— Super. Donc j’ai juste à être un autre mec que moi, et tout ira bien.
Le Highlander esquissa un sourire.
— Non. Tu dois juste apprendre à utiliser ce que tu as déjà autrement.
Il se leva et fit signe à Richie de le suivre.
— Allez, montre-moi comment tu comptes t’y prendre.
Ils s’avancèrent dans l’espace dégagé du dojo, et Richie reprit une position de garde, plus crispé qu’il ne l’aurait voulu. Duncan dégaina à son tour, mais ne l’attaqua pas immédiatement. Il observa son élève, scrutant chaque tension, chaque hésitation.
— Concentre-toi. Imagine que je suis ton adversaire. Je t’observe, j’attends que tu commettes une erreur. Que fais-tu ?
— J’attends qu’il attaque en premier ?
— Pas mal. Mais pas suffisant. Parce qu’il pourrait faire la même chose, et alors, tu resteras figé à l’attendre jusqu’à ce qu’il décide que c’est le bon moment pour frapper. Tu dois lui donner une raison de bouger.
Richie fronça les sourcils, puis tenta une feinte, avançant d’un pas avant de se raviser au dernier moment. Duncan ne mordit pas à l’hameçon et contrattaqua immédiatement, forçant son élève à reculer en urgence.
— Mauvais calcul, commenta le maitre. Une feinte fonctionne seulement si ton adversaire y croit. Il faut que tu la joues plus subtilement.
Ils reprirent leur position. Cette fois, le jeune homme se détendit légèrement et laissa son regard analyser les mouvements de Duncan au lieu de se concentrer uniquement sur sa propre attaque. Il vit alors une infime ouverture – un déplacement du pied un peu trop prononcé – et s’y engouffra. Duncan para, mais Richie tint bon, ajustant rapidement sa posture pour ne pas être déstabilisé.
Un sourire satisfait passa sur le visage du Highlander.
— Mieux.
Richie souffla, mais ne baissa pas sa garde. Duncan l’observa avec attention, cherchant à évaluer ce qui se jouait dans son esprit. Il savait que son élève était capable, mais l’hésitation était un luxe qu’un immortel ne pouvait pas se permettre en combat. Il rengaina son épée et croisa les bras.
— Ce n’est pas qu’une question de force ou de technique. Un duel, c’est un jeu d’échecs. Celui qui garde son sang-froid a l’avantage.
Le jeune immortel hocha la tête, mais son expression restait tendue.
— Il faudra que je sois plus patient.
— Pas seulement. Il faut que tu lui imposes ton rythme. Fais-lui croire que c’est lui qui mène la danse, alors que c’est toi qui le guides exactement là où tu veux.
— Je ne suis pas sûr de savoir faire ça.
— Tu le fais déjà, mais sans t’en rendre compte. Tu es rapide, imprévisible. Utilise ça. Ne te jette pas sur lui, fais-le s’énerver, fais-lui commettre une erreur.
Richie inspira profondément et passa une main dans ses cheveux.
— Et s’il est meilleur que moi ?
— Il l’est peut-être. Mais la question, c’est : est-ce que tu es prêt à te battre comme si ta vie en dépendait ? Parce que c’est le cas.
Le jeune homme soutint son regard un instant, puis serra les poings avant de hocher lentement la tête.
— Ouais. Je suis prêt.
Duncan posa une main sur son épaule, un geste à la fois ferme et encourageant.
— Alors va le prouver.
Richie rangea son épée et quitta le dojo, son pas plus assuré qu’à son arrivée. Duncan, lui, resta un instant immobile, le regard perdu dans le vide. Il savait que le jeune homme devait apprendre par lui-même, mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir cette inquiétude sourde. Parce que cette fois, il ne pourrait pas être là pour lui.
Le Highlander referma la porte du dojo derrière lui, essuyant distraitement la sueur sur son front après cet entraînement intense avec son protégé. Il s’attendait à retrouver un peu de calme, mais un éclat de rire cristallin l’arrêta net. Amanda était installée sur l’un des bancs, jambes croisées, l’air parfaitement à l’aise comme si elle possédait les lieux. Elle jouait avec une pièce entre ses doigts, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.
— Je croyais t’avoir déjà dit que je préférais te voir entrer par la porte, fit-il en s’approchant, bras croisés.
— La fenêtre était ouverte, répondit-elle innocemment, faisant disparaître la pièce avec une aisance désarmante.
Duncan secoua la tête, mi-amusé, mi-exaspéré. Avec Amanda, il s’attendait toujours à une surprise, même après tant d’années. Il s’installa face à elle, l’observant avec cette lueur dans le regard qu’il réservait à ceux qu’il connaissait trop bien.
— Alors, que me vaut cet honneur ? Tu as encore volé quelque chose que je vais devoir récupérer ?
— Voyons, Duncan, tu me connais mieux que ça, minauda-t-elle, faussement blessée.
— Justement, c’est bien ça le problème.
Elle rit doucement, puis son regard s’attarda sur lui avec une lueur plus malicieuse.
— En parlant de problèmes… Je crois que notre cher Methos est en train de se laisser prendre à un jeu dangereux.
— Ah oui ?
— Il passe beaucoup de temps avec Aélis, remarqua-t-elle d’un ton léger. Et pour quelqu’un qui prétend toujours rester en dehors des complications émotionnelles, il a l’air plus impliqué que d’habitude.
Duncan laissa échapper un sourire en coin, s’adossant au banc.
— Tu trouves ?
Amanda leva les yeux au ciel.
— Ne fais pas l’idiot. Bien sûr que tu le vois aussi. Il essaie de faire comme si ça ne changeait rien, mais…
Elle pencha la tête, une lueur malicieuse dans le regard.
— Disons que je connais ce regard-là.
— Ah bon ? fit-il en la regardant avec amusement.
— Oui, il ressemble étrangement au tien, à une certaine époque…
Il rit doucement, secouant la tête.
— Ne recommence pas avec ça, Amanda.
— Oh, je n’ai même pas commencé, rétorqua-t-elle, s’approchant légèrement.
Il y avait une douceur taquine dans ses gestes, un écho d’un temps où leur relation était moins compliquée, plus libre. Ils se comprenaient d’une manière que peu d’autres pouvaient, et même après toutes ces années, il y avait toujours cette connexion entre eux, faite d’histoire, de souvenirs, et d’une affection indéniable.
— Tu te souviens de cette fois à Paris ? reprit-elle, un sourire en coin. Quand tu as voulu me ramener dans le droit chemin ?
Duncan grogna.
— Il va falloir être plus précise, parce que ça m’est arrivé bien trop souvent avec toi.
Elle éclata de rire, posant une main sur son bras.
— La nuit où je me suis introduite dans ce musée pour voler ce collier, et que tu as débarqué en pensant que tu pouvais me convaincre de le rendre ?
— Tu veux dire la nuit où tu as failli me faire arrêter en prétendant que j’étais ton complice ?
Amanda haussa les épaules, feignant l’innocence.
— Ça a fonctionné, non ? On s’est échappés tous les deux.
— Parce que j’ai payé le vigile pour qu’il nous laisse partir, rectifia Duncan, un sourire amusé perçant malgré lui.
Elle se mordilla la lèvre, visiblement ravie de raviver ce souvenir.
— Oh, Duncan, toujours aussi chevaleresque.
Ils échangèrent un regard complice, ce genre de moment où le passé semblait plus proche, où l’affection entre eux dépassait les années et les disputes. Amanda se rapprocha légèrement, sa voix se faisant plus basse, plus joueuse.
— Tu sais, je me suis toujours demandé…
— Quoi encore ? fit-il, faussement méfiant.
— Si ce soir-là, tu voulais vraiment m’arrêter, ou si c’était juste une excuse pour me mettre la main dessus.
Duncan leva les yeux au ciel, amusé.
— Amanda…
— Oh, ne fais pas l’innocent, continua-t-elle avec un sourire en coin. Tu m’as coincée contre ce mur avec un peu trop d’enthousiasme pour un homme en mission.
— C’était pour t’empêcher de t’enfuir.
— Mh-mh, bien sûr, répliqua-t-elle, visiblement ravie de le voir jouer le jeu.
Duncan secoua la tête avec un sourire, se souvenant parfaitement de la tension de ce moment-là, de la proximité, de cette façon qu’elle avait de toujours transformer n’importe quelle situation en quelque chose de plus... électrisant.
— Et puis, ajouta-t-elle en effleurant son bras, ce n’était pas la seule fois où tu as eu du mal à décider si tu voulais m’arrêter… ou m’embrasser.
Duncan croisa les bras, feignant une réflexion.
— Honnêtement ? Parfois, j’ai eu du mal à décider si je voulais t’étrangler ou t’embrasser.
Elle rit, un éclat de malice dans les yeux.
— Ça résume bien notre relation, je suppose.
Elle se pencha légèrement vers lui, son regard pétillant.
— Si je te volais quelque chose maintenant… tu tenterais de me rattraper ?
Il haussa un sourcil, amusé par la provocation.
— Tout dépend. Tu comptais me voler quoi ?
Amanda fit mine de réfléchir, puis effleura le col de sa chemise du bout des doigts.
— Oh, peut-être juste un instant de ton attention.
Duncan sourit, baissant brièvement les yeux avant de relever son regard vers elle.
— Ça, Amanda, tu n’as jamais eu besoin de le voler.
Elle le fixa un instant, son sourire s’adoucissant imperceptiblement, avant de se redresser avec une légèreté feinte. Mais cette fois, elle ne se détourna pas tout de suite.
— Tu sais, chéri, murmura-t-elle en s’approchant d’un pas, il y a quelque chose que tu n’as jamais compris.
— Ah oui ? fit-il, croisant les bras, mi-amusé, mi-méfiant.
— Tu m’as toujours accusée de jouer, de disparaître, de fuir, mais toi aussi, tu n’as jamais su choisir.
Il haussa un sourcil, intrigué.
— Choisir quoi ?
— Entre me rattraper et me laisser partir, souffla-t-elle avec un sourire en coin.
Le Highlander soutint son regard, un mélange de défi et d’amusement dans les yeux. Il y avait toujours eu entre eux cette danse, cette tension entre le désir et la méfiance, entre l’envie de s’abandonner et la peur de ce que cela impliquait.
— Et qu’est-ce qui te fait dire que je ne vais pas te rattraper cette fois ?
Amanda éclata de rire, et d’un mouvement fluide, elle fit un pas en arrière avant de pivoter sur elle-même, mais cette fois, au lieu de disparaître comme elle le faisait si souvent, elle se laissa tomber sur le banc avec une aisance nonchalante.
— Eh bien, on dirait que tu progresses, MacLeod.
Il secoua la tête, un sourire en coin, et vint s’asseoir à côté d’elle.
— Tu restes ?
— Juste un peu, concéda-t-elle, le regard pétillant.
La nuit était douce, enveloppante, et Aélis savourait cette tranquillité inattendue alors qu’elle marchait aux côtés de Methos. Ils avaient pris l’habitude de se retrouver ainsi, sans vraiment y penser, leurs pas les menant sans destination précise, juste un besoin partagé de prolonger ces instants où le monde semblait moins lourd. Il y avait une familiarité dans leurs silences, une aisance qu’elle n’aurait jamais cru retrouver après tout ce qu’ils avaient traversé. Et pourtant, elle était là, à ses côtés, sans ressentir le poids des rancœurs passées.
Ils finirent par s’asseoir sur un banc, l’un à côté de l’autre, les rues désertes autour d’eux comme un écrin paisible. Elle croisa les bras sur ses genoux, jouant distraitement avec le bord de sa manche.
— Tu regrettes des choses, Methos ? Je veux dire... tes choix, ton passé, certaines décisions ?
Il laissa la question flotter entre eux un instant avant de répondre, plus doucement.
— Des milliers.
Il ne détourna pas le regard, et elle y lut une sincérité qui la toucha plus qu’elle ne l’aurait cru.
— Et toi ?
Elle hésita, baissant un instant les yeux sur ses mains. Elle avait mis du temps à comprendre que grandir, ce n’était pas seulement accumuler des expériences. C’était aussi apprendre à vivre avec celles qui nous échappaient. Elle aurait aimé dire qu’elle avait toujours su faire face, qu’elle était du genre à prendre les bonnes décisions au bon moment. Mais la vérité, c’était qu’elle avançait souvent à l’aveugle, comme tout le monde, en espérant juste ne pas trop se casser la figure.
Elle se mordilla légèrement la lèvre, amusée par sa propre maladresse intérieure. Si quelqu’un lui avait dit, il y a quelques mois, qu’elle se retrouverait là, assise sur un banc à Paris, en train d’avoir une conversation presque philosophique avec un homme de cinq mille ans, elle lui aurait ri au nez. Mais la vie, visiblement, adorait les scénarios improbables.
— Oui. J’ai mis du temps à l’admettre, mais… j’aurais pu gérer les choses autrement.
Il hocha lentement la tête, sans jugement, juste avec cette compréhension calme qu’elle appréciait de plus en plus.
— C’est normal. Mais tu es là, maintenant. Et tu avances.
Elle baissa les yeux, absorbant ses paroles sans vraiment savoir quoi en faire. "Tu avances." C’était si simple, dit comme ça. Pourtant, avancer n’avait jamais été aussi effrayant. Parce qu’avancer signifiait aussi laisser quelque chose derrière. Son ancienne vie. Ses certitudes. Et peut-être même une partie de cette colère qui l’avait tenue debout ces derniers mois.
Elle inspira lentement, laissant ses doigts glisser sur le banc dans un geste presque inconscient. Elle ne savait même pas ce qu’elle cherchait. Un ancrage, peut-être. Quelque chose de tangible, de réel, qui lui prouverait qu’elle ne naviguait pas seule dans ce chaos. Elle sentit la chaleur de la main de Methos, à quelques centimètres seulement. L’espace d’un instant, elle hésita. Elle n’était pas quelqu’un qui cherchait le contact facilement. Pas après tout ce qui s’était passé. Mais là, maintenant, avec lui…
Elle frôla ses doigts du bout des siens. Juste une infime pression, un test, une façon de voir s’il allait reculer. Il ne bougea pas. Son regard toujours posé sur elle, il attendait, sans rien imposer. Alors, lentement, elle laissa sa main glisser contre la sienne, et lorsqu’il referma légèrement ses doigts autour des siens, elle sentit quelque chose en elle se relâcher. Ils restèrent ainsi un moment, en silence, savourant ce contact fragile, mais empli de promesses. Methos tourna légèrement sa main pour mieux envelopper la sienne, et elle réalisa à quel point ce simple contact comptait. Plus que toutes les paroles, plus que toutes les excuses.
— Aélis…
Elle releva la tête, et ce qu’elle lut dans son regard la fit tressaillir. Il n’y avait plus de barrière, plus de masque, juste une honnêteté brute, presque vulnérable.
— Au début, je suis resté parce que je me sentais coupable, murmura-t-il. Je voulais réparer ce que j’avais fait, ce que je n’avais pas su empêcher.
Il baissa légèrement les yeux, comme s’il pesait encore ses mots avant de les prononcer.
— Et puis… c’est devenu autre chose. J’ai cessé de compter les jours en espérant que tu me pardonnes, et j’ai juste… voulu être là. Pour toi. Pas par culpabilité, pas par obligation. Juste parce que…
Il s’interrompit, cherchant une manière de mettre des mots sur ce qu’il ressentait, sur cette chose qui lui échappait encore parfois.
— Parce que je tiens à toi plus que ce que j’avais imaginé.
Un frisson parcourut la jeune immortelle, non pas de crainte, mais d’émotion pure. Son esprit lui souffla que c’était trop tôt, qu’elle n’avait pas assez réfléchi à ce que tout cela impliquait. Mais son corps, lui, réagit avant qu’elle ne puisse penser.
Elle se rapprocha sans réfléchir, guidée par une impulsion soudaine, un besoin viscéral de sentir quelque chose de réel, de tangible. Methos ne bougea pas, attendant qu’elle décide, qu’elle prenne l’initiative. Et lorsqu’elle combla la distance, il répondit à son baiser avec douceur. Le monde s’effaça autour d’eux. Ce n’était ni passionné ni précipité, juste une rencontre, un équilibre trouvé après tant d’hésitations. Mais à peine leurs lèvres se séparèrent qu’un doute immédiat l’envahit.
Qu’est-ce qu’elle venait de faire ?
L’espace d’une seconde, elle sentit la panique pointer, une voix en elle lui rappelant toutes les erreurs qu’elle avait déjà faites en fonçant tête baissée. Mais elle refusa de l’écouter. Pas ce soir. Alors, plutôt que de s’éloigner, elle força un sourire et souffla avec amusement :
— Dis-moi, j’espère qu’il n’y a pas d’autre fantôme de ton passé qui va débarquer et m’enlever maintenant.
Methos laissa échapper un rire bas.
— Disons que j’ai un passé chargé… et un certain nombre de personnes que je préférerais ne jamais recroiser.
Aélis arqua un sourcil, son sourire s’élargissant légèrement.
— Mais je doute que l’un d’eux ait l’obsession de Kronos, ajouta-t-il.
— Alors espérons que les autres préfèrent rester dans l’ombre.
— Ou qu’ils aient d’autres préoccupations, murmura Methos, effleurant du pouce le dos de sa main dans une caresse légère.
Ils restèrent ainsi un moment, simplement à savourer cette quiétude nouvelle, cet instant où rien d’autre ne comptait que cette chaleur discrète entre eux.
Richie poussa la porte du dojo avec précaution, l’adrénaline du combat encore présente dans ses veines. Duncan, qui s’entraînait en solitaire, s’arrêta en l’apercevant. D’un simple regard, il comprit.
— C’est terminé ?
— Oui.
Duncan ne dit rien, lui laissant le temps de parler à son rythme. Son apprenti passa une main sur sa nuque, cherchant ses mots, puis leva les yeux vers lui.
— J’ai repensé à tout ce que tu m’as dit. Ne pas foncer tête baissée. Attendre qu’il fasse une erreur. Rester concentré.
Il eut un léger rire, presque nerveux.
— Et pour une fois, j’ai écouté.
Duncan esquissa un sourire.
Un silence s’étira, chargé d’émotions plus complexes qu’un simple soulagement. Duncan observa son élève, notant les traces d’épuisement dans ses traits, mais aussi quelque chose de plus profond. Une gravité nouvelle.
— Tu sais quoi ? Ça fait du bien de pas juste foncer tête baissée.
— Tu vois ? Parfois, écouter, ça paye.
— Faut croire.
Il garda le silence un instant, son sourire s’effaçant légèrement.
— C’était pas un combat facile. Il était bon. Pas excellent, mais rusé. Je pense qu’il comptait sur moi pour faire une erreur, sauf que cette fois, c’est lui qui l’a faite.
Duncan posa une main sur son épaule.
— Tu as progressé. Et pas seulement avec une épée.
— Ouais… Merci, Mac.
Le Highlander lui donna une tape sur l’épaule avant de reculer.
— Va te reposer un peu.
Le jeune homme récupéra sa veste et se dirigea vers la sortie.
— Demain, on remet ça ? lança-t-il en souriant.
Duncan sourit en coin.
— On verra si tu tiens encore debout d’ici là.
Richie éclata de rire et quitta le dojo d’un pas plus léger, laissant derrière lui la fatigue du combat, mais emportant avec lui la certitude d’avoir franchi une nouvelle étape.
Methos ouvrit la porte avec son habituel détachement, mais Aélis capta aussitôt cette lueur dans son regard, un mélange d’amusement et de quelque chose de plus profond qu’il ne mettait pas encore en mots. Elle entra, balayant la pièce du regard, s’attardant cette fois sur des détails qu’elle n’avait pas pris le temps d’observer lors de sa première visite. À l’époque, sa colère était encore trop vive, chaque mot échangé trop chargé de rancune. Maintenant qu’elle était plus apaisée, elle remarquait les nuances dans l’espace. L’appartement reflétait parfaitement l’immortel : une apparente modernité, presque impersonnelle au premier abord, dissimulant une accumulation d’objets anciens, d’excentricités qu’il semblait collectionner sans vraiment les ranger. Sur une étagère, un sablier, à côté d’un vieux globe terrestre dont la surface était marquée par le temps. Un empilement de livres, certains en parfait état, d’autres aux pages jaunies, formait une tour bancale sur une console en bois sombre. Et puis, il y avait cette platine vinyle, et les disques soigneusement classés à côté.
Elle plissa légèrement les yeux. Un décor à son image : un pied dans l’ancien monde, un autre dans le présent, sans jamais vraiment choisir. Tout en Methos semblait osciller entre deux époques, comme s’il était coincé dans une boucle temporelle dont il s’amusait plus qu’il ne cherchait à en sortir. Il possédait un smartphone dernier cri et pourtant, il écoutait encore des vinyles. Qui faisait ça, honnêtement ? Elle se demanda si quelque part, caché derrière un meuble, il ne possédait pas aussi un phonographe juste "au cas où".
Un sourire effleura ses lèvres alors qu’elle s’approchait de la platine, effleurant du bout des doigts l’un des vinyles.
— Tu écoutes vraiment ça ?
Methos haussa un sourcil, amusé, et lança la musique. Un air de jazz des années cinquante emplit aussitôt l’espace.
— Ça me détend, fit-il en se dirigeant vers la cuisine.
— C’est un peu ringard, répondit-elle, le regard pétillant.
— Et pourtant, tu ne l’arrêtes pas.
Elle ne répondit rien, croisant les bras alors qu’elle le regardait sortir une bouteille de champagne d’un seau à glace. La mise en scène la fit sourire malgré elle. Toujours ce mélange étrange entre sophistication et détachement nonchalant. Il déboucha la bouteille avec une aisance presque théâtrale et lui tendit une coupe.
— J’espère que tu aimes ça.
Elle attrapa le verre, hésita un instant, puis effleura le bord du bout des doigts avant de le reposer sur le comptoir. Methos arqua un sourcil.
— Mauvais millésime ?
Aélis prit le verre qu’il tenait encore et le posa à côté du sien.
— Plus tard.
Il n’eut pas le temps de répondre. Elle s’était déjà approchée, ses mains trouvant naturellement leur place contre son torse alors qu’elle l’embrassait. Il lui rendit son baiser avec cette douceur teintée d’une retenue subtile, comme s’il voulait lui laisser l’espace de guider l’instant. Mais elle avait déjà trop attendu. Son impatience vibrait sous sa peau, et elle sentit Methos céder progressivement, sa main effleurant lentement sa taille, un frisson remontant le long de son dos.
Le baiser s’intensifia, leurs souffles s’entremêlant, leurs gestes s’accordant à une évidence qu’ils n’avaient plus envie d’ignorer. Il la laissa prendre les devants, mais lorsqu’elle pressa son corps contre le sien, ses mains glissèrent dans son dos, l’attirant plus fermement à lui. Ils reculèrent, trouvant leur chemin sans y penser, une alchimie subtile dictant leurs mouvements.
Lorsqu’ils atteignirent le canapé, Methos inversa la dynamique avec une fluidité déconcertante, la faisant basculer en arrière tout en capturant de nouveau ses lèvres. Son baiser était lent, profond, et Aélis sentit une chaleur diffuse l’envahir, plus qu’agréable. Elle s’agrippa à son pull, le tirant plus près encore, comme si elle craignait qu’il ne prenne soudainement du recul. Mais il n’en fit rien. Il resta là, contre elle, chaque contact allumant un peu plus le désir qui crépitait entre eux.
Le reste se fondit dans une suite de gestes qui n’avaient plus besoin de mots. Chaque touche, chaque caresse s’inscrivait avec une délicatesse inattendue, une découverte patiente et pourtant empreinte d’une intensité qui les laissa tous deux à bout de souffle.
Bien plus tard, alors qu’elle était allongée contre lui, son souffle redevenant lent et régulier, elle laissa ses doigts effleurer distraitement le poignet de Methos.
— C’est quoi ?
Il baissa les yeux vers sa main. Un tatouage ornait sa peau, un cercle traversé par un symbole qu’elle ne reconnaissait pas. Il ne répondit pas tout de suite, son expression difficile à déchiffrer.
— Juste un vieux souvenir.
Elle fit glisser la pulpe de son pouce sur l’encre, intriguée par son hésitation.
— Ça représente quoi ?
— Rien d’important.
Aélis leva les yeux vers lui, cherchant une faille dans son masque.
— Tu mens.
Il esquissa un sourire.
— Je ne mens jamais.
Elle roula des yeux mais choisit de ne pas insister. Avec Methos, elle avait appris qu’il fallait savoir attendre pour obtenir certaines vérités. Un silence s’installa, confortable, presque paisible. Elle glissa une jambe entre les siennes, se rapprochant davantage, et il remonta une main le long de son dos dans un geste presque distrait.
— Tu réfléchis trop, murmura-t-elle.
Il sourit contre sa tempe.
— C’est ce qu’on me dit souvent.
— Ça t’a déjà coûté des relations, ça ?
— Pourquoi ? Tu prépares déjà ton discours de rupture ?
Elle rit doucement.
— Non. Mais je sais que tu as du mal avec ça.
Il resta silencieux un instant.
— Et toi ?
Elle soupira, jouant avec une mèche de ses cheveux.
— J’ai toujours eu du mal à rester avec quelqu’un trop longtemps. Pas par manque d’attachement. Juste parce que, très vite, j’ai eu l’impression qu’on m’enfermait dans une version de moi qui ne me convenait plus.
Il hocha la tête.
— Je comprends.
Elle posa son menton contre son torse, l’observant.
— Toi aussi, j’imagine.
— Disons qu’être immortel… ça complique toujours les choses. Avec un mortel, tu passes ton temps à cacher une partie de toi. Tu mens, encore et encore, et à un moment, soit ça te ronge, soit c’est eux que ça brise. Et avec un immortel…
Il laissa sa phrase en suspens, et Aélis la termina à sa place.
— Il faut être capable d’aimer quelqu’un en sachant que ça peut durer des siècles… ou juste quelques années.
Il lui adressa un sourire en coin, appréciant qu’elle ait compris sans qu’il ait besoin d’en dire plus.
— C’est ça. On peut vouloir une éternité ensemble, mais on n’est jamais sûrs de pouvoir la traverser.
Aélis joua distraitement avec une mèche de cheveux, réfléchissant.
— En fait, ça revient toujours à la même chose. Il faut accepter que rien n’est garanti, qu’il n’y a pas de sécurité absolue.
— Et qu’il vaut mieux vivre le présent plutôt que de trop s’accrocher à ce qui pourrait arriver.
Elle tourna la tête vers lui, un sourire au coin des lèvres.
— Alors pour une fois, arrête de réfléchir et profite du moment.
Methos eut un léger rire avant de l’attirer un peu plus contre lui, déposant un baiser sur son épaule.
— C’est toi qui dis ça ?
— Ouais. Étonnant, hein ?
— Un peu. Mais c’est rafraîchissant.
La jeune immortelle sourit contre lui, savourant la chaleur rassurante de son étreinte. Après un moment, elle inspira doucement.
— Ça fait du bien.
Methos baissa les yeux vers elle, intrigué.
— Quoi donc ?
— Juste… parler de ça sans avoir l’impression que tout doit être défini, figé. Sans que ce soit une promesse impossible à tenir.
Il acquiesça lentement, glissant un doigt sur la courbe de son bras.
— Parce que parfois, c’est suffisant de juste savoir où on est.
Elle leva les yeux vers lui, leurs regards se trouvant dans la pénombre.
— Oui. C’est exactement ça.
La porte de ses appartements s’ouvrit sur une présence plus légère qu’à l’accoutumée, et Darius ne manqua pas de le remarquer. Ce sourire en coin, cette aisance nouvelle dans ses mouvements… Il n’eut pas besoin de poser de questions pour comprendre que quelque chose avait changé. Relevant les yeux de son échiquier, il l’observa s’approcher avec une curiosité teintée d’amusement.
— Tu sembles d’humeur légère aujourd’hui, fit-il remarquer d’un ton calme, son sourire à peine esquissé.
Elle haussa un sourcil en s’approchant, posant négligemment une main sur le dossier d’un fauteuil.
— Ah bon ?
— Hm. Moins de tension dans tes épaules, ton pas est plus détendu… et tu n’es pas venue ici en cherchant un prétexte.
Il croisa les mains devant lui, scrutant son visage avec cette acuité tranquille qui l’avait toujours déstabilisée.
— Alors, qu’est-ce qui t’apaise autant ?
Aélis inspira légèrement, se redressant comme si elle cherchait à masquer l’évidence. Mais face à Darius, elle savait que c’était peine perdue.
— Je crois que j’ai enfin fait la paix avec certaines choses.
Il inclina légèrement la tête, l’invitant à poursuivre sans un mot. Il n’avait pas besoin de poser la question. Son silence seul suffisait à faire naître en elle une envie de parler.
— Avec Methos, précisa-t-elle après un instant, sa voix plus mesurée.
Darius ne répondit pas tout de suite. Il l’observa, attentif, mais cette fois, il perçut autre chose. Une nuance qu’il n’était pas sûr de vouloir nommer. Il connaissait trop bien cette expression, cette douceur qui s’était glissée entre les mots. Il laissa son regard s’attarder sur elle, avant de détourner légèrement les yeux vers l’échiquier devant lui pour reprendre une contenance.
— Je veux dire… je ne ressens plus cette colère. Ça a pris du temps, mais elle s’est érodée, peu à peu. Il n’a rien fait pour me forcer à lui pardonner. Il a juste été là.
— Il t’a laissée venir à lui à ton propre rythme.
— C’est ça.
L’immortel tapota doucement sur l’échiquier, pensif. Un étrange pincement s’était logé au creux de son ventre. Il l’ignora.
— Et c’est tout ?
Elle releva la tête vers lui, une lueur de défi dans le regard.
— Quoi d’autre voudrais-tu entendre ?
— Oh, rien de particulier, répondit-il avec une innocence feinte. Mais il me semble que le pardon, à lui seul, n’explique pas cette lueur particulière dans tes yeux.
Aélis pinça les lèvres, tentant vainement de masquer le sourire qui menaçait de naître.
— Tu es insupportable.
Un silence complice s’installa entre eux, fait de cette compréhension mutuelle qui n’avait jamais totalement disparu, même au plus fort de leurs tensions. La jeune femme soupira légèrement, avant d’ajouter d’une voix plus basse :
— Je crois que j’ai arrêté de lutter.
— Contre quoi ?
Elle le fixa un instant, comme si elle hésitait encore à formuler ce qu’elle savait pourtant être une évidence.
— Contre ce que je ressens pour lui.
Il se contenta d’un sourire tranquille, celui d’un homme qui n’avait jamais douté de la tournure que prendraient les choses. Mais il y avait autre chose. Un écho diffus d’un autre temps, d’un passé qu’il croyait maîtrisé. Il posa ses mains sur ses genoux, comme pour ancrer son esprit.
— J’en suis heureux pour toi, Aélis.
Elle secoua doucement la tête, se laissant aller contre le dossier du fauteuil, un soupir mi-exaspéré, mi-amusé s’échappant de ses lèvres.
— Je suppose que tu avais vu ça venir depuis le début.
— Disons que j’ai l’habitude d’observer les âmes en lutte contre elles-mêmes.
Elle rit doucement, avant de fouiller dans son sac et d’en sortir une petite boite qu’elle posa devant lui.
— Et comme je tiens à t’épargner un combat inutile contre la technologie, je t’ai apporté quelque chose.
Darius baissa les yeux vers l’objet, son amusement ne faiblissant pas.
— Dois-je m’inquiéter ?
— Pas du tout, répondit-elle, malicieuse. J’ai juste décidé qu’il était temps que tu entres enfin dans le vingt-et-unième siècle.
Elle ouvrit la boîte et en sortit un téléphone dernier cri qu’elle posa sur la table entre eux. Le prêtre l’observa un instant, le froncement de sourcils subtil mais bien présent.
— Et qu’est-ce que je suis censé faire de ça ?
— Communiquer avec le reste du monde, répondit-elle avec un sourire. Ne me dis pas que tu es trop vieux pour apprendre.
— Trop vieux, non, répliqua-t-il en tournant l’appareil entre ses doigts. Trop ancré dans mes habitudes, peut-être.
— Ton téléphone est une antiquité, insista-t-elle. Tu n’as même pas accès à internet dessus. Tu réalises que la plupart des gens ne communiquent plus par lettres, maintenant ?
— Et si je refuse poliment cette… modernité ?
— Alors je vais insister jusqu’à ce que tu cèdes, annonça-t-elle avec un sourire malicieux.
Darius soupira avec une résignation exagérée, avant de prendre enfin l’appareil entre ses doigts. Il le retourna, analysant ses contours lisses, ses lignes trop parfaites, et alluma l’écran.
— Alors c’est ça, la clé du monde moderne ? Un rectangle de verre qui tient dans la main ?
Aélis croisa les bras, l’observant avec amusement.
— Tu fais comme si c’était un artefact magique. Ce n’est qu’un téléphone, Darius. Pas le Graal.
— Et pourtant, vu la façon dont les gens le traitent, j’ai l’impression que c’est bien plus que ça, murmura-t-il en effleurant l’écran du bout des doigts.
Elle secoua la tête et, sans trop y réfléchir, s’assit à côté de lui. D’un geste naturel, elle attrapa le téléphone. Leurs doigts se frôlèrent à peine, un contact furtif et anodin en apparence. Pourtant, elle sentit Darius se figer imperceptiblement.
— Je t’ai déjà tout installé, donc tu n’as plus qu’à suivre mes instructions, enchaîna-t-elle, comme si de rien n’était.
Elle lui montra comment déverrouiller l’écran, envoyer un message, passer un appel. Il s’exécuta avec application, bien qu’un peu lentement. Lorsqu’il tapota maladroitement un message, elle dut se pencher légèrement pour mieux voir l’écran, ce qui réduisit encore la distance entre eux. C’est là qu’elle le sentit. Un infime changement dans son souffle. Une tension imperceptible, mais réelle. Elle ne saurait dire pourquoi elle en était consciente, ni ce que cela signifiait exactement, mais soudain, l’espace autour d’eux semblait plus restreint. Darius, d’ordinaire si paisible, si inébranlable, avait cette fraction de seconde d’hésitation qui lui échappait rarement.
Aélis retint son souffle. Pourquoi était-elle troublée, elle aussi ? Ce n’était rien, juste un moment anodin, une proximité due aux circonstances. Pourtant, un étrange frisson la parcourut, et sans y réfléchir, elle se leva.
— Bon, fit-elle en croisant les bras, feignant la désinvolture. Maintenant que tu as un téléphone digne de ce nom, il va falloir que tu t’en serves.
Darius inclina légèrement la tête vers elle, son expression aussi posée que d’habitude. Pourtant, elle remarqua qu’il mettait une seconde de trop à détourner les yeux.
— Ce monde change si vite, souffla-t-il finalement en posant le téléphone. Chaque siècle apporte son lot d’innovations, mais parfois, je me demande si ces objets ne nous éloignent pas davantage de l’essentiel.
La jeune immortelle inclina la tête, réfléchissant à ses paroles avant de répondre avec douceur :
— Ce n’est qu’un outil, rien de plus. Ce n’est pas le téléphone qui compte, mais la personne à l’autre bout de la ligne.
Darius la fixa un instant, puis esquissa un sourire en coin.
— Et je suppose que cette personne, c’est toi ?
Elle haussa les épaules, feignant l’indifférence.
— Entre autres.
— Soit. Je vais essayer, mais je te préviens, Aélis, si ce téléphone me cause trop de soucis, je le reléguerai à ma bibliothèque, parmi mes autres curiosités.
Elle sourit, satisfaite, et reprit son explication, tandis que Darius, bien qu’encore méfiant, se laissait peu à peu séduire par l’idée de ce lien moderne qu’elle lui proposait.
Alors qu’elle s’apprêtait à quitter l’église, une vibration familière la traversa, une présence nouvelle et pourtant étrangement oppressante. Instinctivement, son regard chercha celui de son ami, et ce qu’elle y lut lui fit comprendre qu’il avait perçu la même chose. Son visage s’était fermé, sa posture d’ordinaire si sereine tendue par une alerte silencieuse. Il lui fit un signe de tête et, sans un mot, l’invita à le suivre.
Leur avancée dans l’église se fit lente et mesurée, leurs pas étouffés par la pierre et le murmure des prières murmurées çà et là par quelques fidèles. Aélis balaya l’espace du regard, cherchant celui qui venait de perturber cette quiétude monacale. Elle ne tarda pas à l’apercevoir.
Assis seul sur un banc, baigné par la lumière colorée des vitraux, un homme les observait avec une intensité troublante. Sa posture était détendue, presque nonchalante, mais quelque chose dans sa présence alourdissait l’air autour d’eux. Ses cheveux et sa barbe, crépus et encadrant un visage marqué, prenaient des reflets verts sous la lumière des vitraux. Pourtant, ce n’était ni son allure ni son immobilité qui la dérangeaient, mais son regard. Froid, direct, un éclat de défi mêlé d’une menace à peine voilée.
Darius s’arrêta brusquement, posant une main ferme sur son bras, comme pour l’empêcher d’avancer davantage. Aélis ne le quitta pas des yeux. L’homme pencha légèrement la tête de côté en la fixant, puis, d’un geste lent et théâtral, il leva une main et passa un doigt sur sa gorge, mimant un geste de décapitation.
Un frisson la parcourut, instinctif, viscéral. Il y avait dans ce mouvement une évidence sinistre, un avertissement qui n’avait pas besoin de mots. Darius demeura impassible, mais elle sentit la tension irradier de lui, comme si ce simple échange réveillait en lui une menace bien plus ancienne. Elle hésita à parler, à briser ce silence oppressant, mais l’attitude du prêtre l’en dissuada.
Sans précipitation, l’homme se leva, sa silhouette imposante se découpant nettement dans la pénombre de l’église. Il ne leur accorda pas un mot ni un regard de plus avant de tourner les talons et de disparaître dans l’ombre du porche.
Aélis attendit quelques secondes après son départ avant de se tourner vers Darius.
— Qui c’était ? demanda-t-elle à voix basse.
Il resta figé un instant, comme pris dans un souvenir qu’il ne parvenait pas à chasser. Lorsqu’il parla enfin, sa voix était plus grave, empreinte d’une inquiétude qu’il ne cherchait pas à masquer.
— Tu es en danger.
Elle fronça les sourcils, mais avant qu’elle ne puisse répliquer, il ajouta d’un ton qui n’invitait à aucune discussion :
— Tu ne dois pas rentrer seule ce soir.
La jeune immortelle hocha la tête, sentant que le moment n’était pas aux protestations. Ils rejoignirent les appartements du prêtre. À peine entré, Darius se dirigea vers la petite table où reposait le téléphone qu’elle lui avait offert plus tôt dans la soirée. Il le prit en main, l’air toujours aussi perplexe face à cet objet qu’il semblait traiter avec une étrange prudence.
— Alors, tu t’y mets finalement ? lança-t-elle en croisant les bras, tentant de détendre l’atmosphère.
Darius ne répondit pas immédiatement. Il fit défiler l’écran avec lenteur, cherchant quelque chose du bout des doigts. Elle avait pris soin d’enregistrer les numéros de Duncan et Methos pour lui, insistant sur le fait qu’il pouvait parfois être utile d’avoir un moyen de communication plus rapide qu’un simple coup de fil sur un vieux téléphone.
— Qui aurait cru que la technologie te séduirait si vite ? ajouta-t-elle avec un sourire en coin.
Il lui adressa un regard, mi-amusé, mi-exaspéré, avant de composer un numéro. Sa voix, lorsqu’il parla à Duncan, puis à Methos, était basse, mesurée, mais la gravité n’avait pas quitté son ton. Il leur expliqua sobrement la situation, évitant les spéculations inutiles, se contentant de rapporter l’essentiel. Lorsqu’il raccrocha, Aélis chercha son regard, tentant d’y lire une forme de certitude.
— Peut-être qu’il voulait juste se donner un genre, suggéra-t-elle avec prudence.
Darius ne sembla même pas envisager cette hypothèse.
— Ce n’était pas une simple intimidation, répondit-il, son ton sans appel.
Elle ne chercha pas à insister. Ce n’était pas tant les mots de Darius qui la troublaient, mais le poids invisible de cette menace qui s’abattait sur eux sans qu’elle ne puisse encore en saisir toute la portée.
Duncan arriva le premier à l’église, son pas rapide trahissant son inquiétude. Lorsqu’il poussa la porte des appartements du prêtre, il aperçut ce dernier, le visage grave. Aélis se tenait non loin de lui, les bras croisés, le regard encore troublé par l’étrange confrontation qu’elle avait vécue un peu plus tôt. L’ambiance était lourde, tendue d’une menace silencieuse qu’ils avaient tous du mal à nommer.
Quelques instants plus tard, la vibration caractéristique de Methos annonça sa présence. Il entra d’un pas souple, ses yeux balayant la pièce avant de se poser sur Aélis. Sans hésiter, il s’approcha d’elle et posa une main légère sur son épaule, la serrant brièvement avant de l’attirer doucement contre lui. Puis, sans se soucier des regards sur eux, il déposa un baiser sur son front. Un geste simple, naturel, mais qui ne laissa aucun doute sur la nature de leur relation.
Aélis sentit le poids des regards de Darius et Duncan, et une vague de chaleur lui monta aux joues. Ils ne firent aucun commentaire, mais elle perçut l’échange silencieux entre eux. Duncan haussa imperceptiblement un sourcil, un éclat d’amusement traversant son regard, tandis que Darius, fidèle à lui-même, ne laissa transparaître que cette compréhension tranquille qui lui était propre.
Puis ce dernier brisa le silence, recentrant immédiatement la conversation sur l’essentiel.
— Je l’ai connu sous le nom d’Alexander. Je ne sais pas grand-chose sur lui, mais ce que je sais suffit. C’est un chasseur. Il s’en est pris à l’un de mes protégés il y a plusieurs décennies.
Duncan fronça les sourcils.
— Un chasseur ?
Darius hocha la tête, son regard sombre.
— Il traque les jeunes immortels, méthodiquement. Il les isole, les provoque en duel… et prend leur tête. Toujours. Sans exception. L’éthique ou l’honneur ne font pas partie de ses préoccupations. C’est un prédateur, pur et simple.
Un silence glacé s’abattit sur eux. Aélis sentit un frisson lui parcourir l’échine. Ce qu’elle avait pris pour une menace voilée s’avérait être bien plus grave.
— On ne peut pas le laisser continuer, lança Duncan d’une voix ferme. Je m’en charge.
Le Highlander fit quelques pas, l’intensité de son regard se braquant sur Methos.
— Il faut agir. Rapidement.
Le vieil immortel haussa légèrement les épaules, son ton presque détaché tranchant avec la tension palpable.
— Et qu’est-ce que tu proposes ? Attendre qu’il revienne et lui demander gentiment d’arrêter ?
Duncan ignora la provocation, les poings serrés.
— Joe pourrait nous aider. Il a accès à des informations qui pourraient nous mener à lui.
À l’évocation de Joe, Methos plissa légèrement les yeux, son expression se refermant. Il jeta un coup d’œil rapide à Aélis avant de faire signe à Duncan de le suivre à l’écart. Une fois hors de la pièce, il baissa la voix.
— Écoute, il faut éviter qu’Aélis ne se retrouve exposée. Si elle attire trop l’attention, ma couverture chez les Guetteurs pourrait voler en éclats.
Un bref silence s’installa. Duncan le fixa avec intensité, puis hocha lentement la tête.
— On fera attention, murmura-t-il.
Leur accord scellé, ils rejoignirent les autres. Methos adopta aussitôt un ton plus léger, masquant son inquiétude derrière son air habituel.
— Nous allons voir un ami qui pourrait nous aider. Tu viens avec nous, déclara-t-il en s’adressant à Aélis. Tu as vu cet homme de près. Tu pourrais nous aider à l’identifier.
Elle acquiesça sans hésiter, même si une part d’elle aurait voulu poser plus de questions. Elle sentait l’urgence dans leur attitude, la gravité de ce qui se dessinait sous ses yeux. Le danger n’était plus une abstraction. Il était là, quelque part dehors, et il savait déjà qui elle était.
Les présentations entre Joe et Aélis furent brèves, presque détachées.
Le Guetteur les accueillit avec une familiarité teintée de méfiance, un équilibre subtil qu’il avait appris à manier avec le temps. Il jaugea rapidement la jeune femme du regard, notant sa posture droite et la tension presque imperceptible dans ses épaules. Comme à chaque fois qu’il se retrouvait avec Methos en présence d’inconnus, il l’accueillit sous le nom d’Adam, son ton neutre, presque professionnel. Aélis capta immédiatement la retenue dans l’échange, ces regards lourds de sous-entendus qui circulaient entre eux. Il y avait quelque chose d’indéchiffrable dans l’attitude de Joe, une prudence qui la laissa sur ses gardes.
— On cherche quelqu’un nommé Alexandre ou Alexander, dit simplement Methos.
Joe ne posa pas de questions. Il hocha la tête et les guida vers l’arrière-salle de son bar, un espace plus sombre et isolé où l’odeur du bois ancien se mêlait à celle du whisky et du tabac froid. Il s’installa derrière un vieil ordinateur portable et, d’un geste mécanique, fit apparaître une base de données. L’écran projetait une lueur bleutée sur son visage tandis qu’il naviguait avec aisance entre les fichiers.
Aélis suivait les mouvements du curseur, son instinct lui soufflant que ce qu’elle voyait n’avait rien d’anodin. Cette base, cet accès aux informations… Ce n’était pas juste une liste. Joe n’était pas qu’un simple barman, et elle se demanda un instant s’il s’agissait d’un réseau clandestin, peut-être même d’une forme de surveillance dont elle ignorait encore l’étendue. Elle chassa ces pensées et se concentra sur l’écran où défilaient des visages accompagnés de noms.
— Alex… Alexander…
Le Guetteur murmura ces syllabes en laissant glisser son doigt sur le pavé tactile. Puis Aélis se figea. Une brusque tension la traversa et, sans réfléchir, elle tendit une main hésitante, posant un doigt tremblant sur l’image affichée.
— C’est lui, souffla-t-elle.
Joe arrêta immédiatement le défilement. Tous se penchèrent sur l’écran. L’homme avait un regard glacial, son visage empreint d’une neutralité inquiétante. Il était exactement comme dans son souvenir, comme figé dans un instant d’intimidation pure.
— Tu es sûre ? demanda Methos, son ton inhabituellement sérieux.
Elle hocha la tête, un frisson courant le long de son dos.
— Certaine. Il a le même regard…
Le nom complet s’afficha : Alexandre Robinson. Joe cliqua sur le profil, révélant une fiche détaillée. Elle contenait une multitude d’informations : une adresse en périphérie de Paris, des lieux qu’il fréquentait régulièrement, des annotations qui remontaient à plusieurs décennies. Mais un élément attira immédiatement l’attention de la jeune femme : son âge.
Elle comprit alors. Ce n’était pas une base de données ordinaire. C’était un registre d’immortels. Elle sentit sa gorge se serrer et jeta un coup d’œil à Methos, mais il évita son regard. L’atmosphère était encore plus lourde à présent. Elle hésita un instant avant de poser une question qu’elle devinait délicate.
— Combien de… personnes sont répertoriées ici ?
Joe releva les yeux vers elle. Son expression ne trahit rien de ses pensées, mais sa réponse fut immédiate, calculée.
— Assez.
Le silence qui suivit fut pesant. Elle avait la certitude que Dawson en savait bien plus qu’il ne le laissait entendre. Mais ce qui la frappa encore plus, c’était la manière dont il la regardait. Comme si elle était une anomalie, une pièce qui ne devait pas être sur ce plateau de jeu.
Duncan rompit brusquement la tension.
— Je vais m’en charger.
Il se redressa, sa décision prise, l’intensité dans son regard ne laissant place à aucune hésitation.
— Fais attention à toi, Mac ! lança Joe alors que Duncan s’éloignait déjà, mais ce dernier ne se retourna pas.
Aélis suivit Duncan des yeux, encore sonnée par ce qu’elle venait d’apprendre, mais la main de Methos sur son épaule la ramena à la réalité. Son geste était léger, presque imperceptible, mais elle sentit l’intention derrière : une promesse silencieuse qu’elle n’était pas seule.
— Je vais te raccompagner chez Darius, dit-il doucement.
Elle hocha la tête sans protester, encore trop absorbée par ce qu’elle venait de découvrir. Mais au moment où ils allaient sortir, Joe retint Methos par le bras. Il se pencha légèrement vers lui et murmura d’un ton chargé de sous-entendus.
— Il faudrait peut-être lui attribuer un Guetteur, non ?
La question était directe, presque provocante. Il cherchait une confirmation implicite à ses soupçons. L’immortel, impassible, le fixa quelques secondes, son regard énigmatique. Puis il secoua lentement la tête, un geste discret mais lourd de sens.
Joe comprit immédiatement. Ses soupçons étaient fondés. Mais son ami ne souhaitait pas que la nature immortelle d’Aélis soit révélée, du moins pas encore. Et à en juger par la lueur dans ses yeux, cela semblait directement lié à des raisons personnelles.
Ils échangèrent un dernier regard, avant que Methos ne rejoigne Aélis pour la ramener à l’église.
Duncan s’arrêta devant une petite maison en périphérie de Paris, alors que la nuit tombait. Les lampadaires projetaient une lumière jaune sur les pavés humides, et un vent froid s’engouffrait dans les rues sombres. Il eut rapidement sa confirmation ; la présence d’Alexandre était claire, comme un écho sourd résonnant au fond de lui.
Quelques secondes plus tard, la porte d’entrée s’ouvrit. Alexandre sortit, vêtu d’un long manteau qui dissimulait à peine la forme de l’épée qu’il portait dans son dos. Il s’arrêta en haut des marches et fixa Duncan avec un mélange de curiosité et de défi.
— Je suis Duncan Mac Leod du clan Mac Leod, lança le Highlander comme à son habitude.
— Je suppose que tu n’es pas ici pour faire la conversation, lança Alexandre d’un ton sec.
Duncan répondit avec calme, mais son regard était dur.
— Je viens t’arrêter, Alexandre. Ce que tu fais est une abomination. Tu ne mérites pas de continuer à vivre.
Un sourire cruel se dessina sur le visage d’Alexandre.
— Arrêter ? Tu penses vraiment être celui qui peut m’arrêter ?
Sans attendre de réponse, il descendit les marches et se dirigea vers la rue. Duncan le suivit en silence. Ils marchèrent quelques minutes, leurs silhouettes sombres glissant dans la pénombre, jusqu’à atteindre un parc désert.
Ils s’arrêtèrent dans une zone plus dégagée, entourée de jeux d’enfants, loin des habitations et des regards indiscrets. Alexandre sortit son épée d’un geste théâtral, la lame scintillant sous la lumière blafarde d’un lampadaire distant.
— Alors, MacLeod ? Montre-moi si tu es digne de tes grandes paroles.
Duncan dégaina à son tour. La lame de son katana étincela dans l’obscurité. Il se mit en garde, concentré, prêt à répondre à la moindre attaque.
Le combat débuta avec fracas. Les épées s’entrechoquèrent violemment, le son métallique résonnant dans le silence de la nuit. Alexandre se montra rapidement impitoyable, lançant des coups puissants avec une brutalité presque animale. Sa force brute rendait chaque impact difficile à parer. Duncan, plus expérimenté, réalisa rapidement qu’un affrontement direct serait futile. Il adopta une tactique différente : esquives précises, feintes habiles, cherchant à fatiguer Alexandre et à exploiter ses ouvertures. Le combat s’intensifia, leurs silhouettes dansant dans l’obscurité. Une estafilade s’ouvrit sur le bras de Duncan, mais il contre-attaqua immédiatement, frôlant la joue d’Alexandre d’un revers de lame.
C’est alors qu’un son lointain les interrompit : des sirènes.
Duncan eut un instant d’hésitation. Alexandre, lui, continua de frapper, déterminé à en finir. Les sirènes se rapprochaient, devenant de plus en plus distinctes.
— Arrête ! Ce n’est pas le moment ! s’écria Duncan.
Mais Alexandre, aveuglé par son arrogance, ignora l’avertissement. Les coups reprirent, encore plus rapides, encore plus violents.
Le bruit de portières qui claquent, suivi d’ordres criés, mit soudain fin au duel. Des policiers, alertés par des promeneurs nocturnes, surgirent dans le parc, torches braquées sur les deux combattants.
— Lâchez vos armes ! cria l’un d’eux.
Duncan baissa immédiatement son épée, ses mains levées en signe de reddition. Alexandre, après un instant de défi, finit par faire de même, lançant un regard noir au Highlander.
— Vous deux, au sol ! ordonna un autre policier.
Sans résistance, ils se laissèrent menotter et furent escortés jusqu’à deux voitures de patrouille. Leurs épées furent soigneusement confisquées, enveloppées dans des housses en plastique comme des pièces à conviction.
Installé à l’arrière d’une voiture, Duncan jeta un regard à Alexandre, qui se trouvait dans un autre véhicule. Ce dernier avait un sourire en coin, provocateur malgré la situation.
Il soupira, réalisant que cette nuit allait être bien plus compliquée que prévu.
Ils venaient à peine de franchir les lourdes portes de l’église quand le téléphone de Methos vibra dans sa poche. Il s’arrêta pour répondre, tout en lançant un regard à Aélis.
— C’est Joe, murmura-t-il en décrochant.
La conversation fut rapide. L’immortel écouta attentivement, ses sourcils se fronçant au fur et à mesure des explications. Il lâcha un léger grognement d’exaspération avant de raccrocher.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? Demanda-t-elle en s’approchant.
— Duncan s’est fait arrêter. Lui et Alexandre étaient en train de se battre dans un parc, et la police est arrivée avant qu’ils puissent s’éclipser.
Elle écarquilla les yeux, surprise.
— Arrêtés ? Ils n’ont pas réussi à fuir ?
— Visiblement, les sirènes les ont pris de court, répondit Methos en soupirant.
Darius, qui lisait dans un coin de la pièce, posa son livre et se leva.
— Je suppose que nous devons agir vite avant que la situation ne devienne incontrôlable, dit-il d’un ton calme.
— On pourrait peut-être payer une caution ? proposa Aélis.
— Pas sûr que ça suffise. Ils ont été pris en train de se battre avec des armes illégales. Même si Duncan peut jouer la carte du gentleman un peu excentrique, les charges sont sérieuses, répondit Methos.
Le silence s’installa un instant, chacun réfléchissant à des options possibles. Puis Methos releva la tête, une lueur d’idée dans le regard.
— Je vais appeler Amanda. Elle est douée pour ce genre de… complications.
Le téléphone sonna à peine deux fois avant qu’Amanda ne décroche.
— Methos, qu’est-ce que tu veux à cette heure ? lança-t-elle d’un ton léger mais impatient.
— On a un problème. Duncan s’est fait arrêter. Il était en train de se battre dans un parc avec l’un d’entre nous et la police les a attrapés.
— Évidemment, soupira l’immortelle. Laisse-moi deviner : il a encore voulu jouer les chevaliers sans peur et sans reproche ?
— Ce n’est pas le moment pour les plaisanteries, Amanda, grogna Methos. On doit le sortir de là avant que les choses ne dégénèrent.
Il lui résuma rapidement la situation.
Elle resta silencieuse un instant, puis reprit avec un sérieux inhabituel :
— Très bien. Écoutez-moi, les garçons. Ne faites rien. Je m’en occupe.
Methos haussa un sourcil.
— Amanda, qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Ce que je fais toujours : régler les problèmes. Assurez-vous simplement que Darius, si jamais la police vient l’interroger, dise que cet Alexandre est venu directement dans son église pour le menacer. Rien de plus.
Avant que Methos ne puisse protester ou demander plus d’explications, elle raccrocha.
Il regarda son téléphone, puis échangea un regard avec Aélis et Darius.
— Eh bien, nous sommes officiellement dans le flou, marmonna-t-il.
La nuit s’était étirée lentement dans les appartements de Darius. Assis autour d’une petite table en bois, les trois immortels partageaient un thé fumant, chacun absorbé dans ses pensées. L’incident de la veille pesait lourdement sur l’atmosphère, bien qu’aucun d’entre eux ne le montre ouvertement. Le silence fut brusquement interrompu par une sensation familière et électrique. Tous trois se redressèrent légèrement, échangeant un regard.
— Duncan, murmura Darius, posant calmement sa tasse.
Quelques instants plus tard, les lourdes portes s’ouvrirent, et le Highlander entra dans la pièce, son katana à la main. Son visage était marqué par la fatigue, mais son expression restait dure, presque fermée. Il déposa son arme avec une précision mécanique contre la table avant de prendre une chaise sans attendre d’y être invité.
— Alors ? demanda Methos, brisant le silence en croisant les bras sur sa poitrine.
Duncan leva les yeux vers lui, ses traits toujours aussi graves.
— C’est réglé.
Aélis, silencieuse jusqu’ici, observa la tension dans ses épaules et la manière dont il frottait distraitement ses doigts, comme pour effacer une trace invisible.
— La garde à vue n’a pas été compliquée, reprit-il d’une voix rauque. J’ai joué le professeur d’arts martiaux confronté à un homme instable. Amanda a fait le reste.
Il se redressa légèrement sur sa chaise, posant un regard lourd de sous-entendus sur Methos.
— Vous savez à quel point elle peut être… inventive.
Darius inclina la tête, gardant son calme habituel.
— Que s’est-il passé exactement ?
Duncan prit une profonde inspiration, comme pour se débarrasser de la fatigue accumulée.
— Amanda s’est assurée que la police trouve de quoi détourner leur attention. Elle a fait croire qu’Alexandre préparait une attaque contre toi, Darius. Une histoire tordue mais crédible, apparemment.
Methos haussa un sourcil, l’ombre d’un sourire ironique effleurant ses lèvres.
— Amanda, toujours à son meilleur.
Duncan ne répondit pas, son regard se perdant un instant sur la surface lisse de la table.
— Ils ont cru à son récit. Mon statut de professeur d’arts martiaux et ma version des faits ont suffi à me faire sortir.
Le vieil immortel finit par poser une main sur l’épaule de Duncan.
— Au moins, tout est sous contrôle pour l’instant.
Duncan acquiesça, mais son regard restait sombre, comme s’il pesait déjà les conséquences potentielles de ce qui venait de se passer. Après un moment de silence, il tourna son regard vers Darius, ajoutant d’un ton direct :
— Mon ami, prépare toi à recevoir une petite visite des forces de l’ordre …
Ce dernier soupira, un voile de résignation dans le regard, avant de hocher la tête avec calme.
— Cela ne sera pas la première fois.
Comme prévu, Darius reçut la visite de la police en fin de matinée. Sans montrer la moindre tension, il les accueillit avec son calme habituel, leur proposant de s’installer dans un coin tranquille de la nef.
Les questions étaient précises, presque mécaniques, et le prêtre répondit avec une maîtrise parfaite, relatant comment un homme l’avait effectivement menacé la veille. Il mima calmement un geste de décapitation pour illustrer l’absence de paroles de son agresseur, sans se départir de son ton posé. L’un des agents hocha la tête, prenant des notes, tandis que l’autre sortait une série de photos.
Darius posa un regard attentif sur les clichés étalés devant lui, reconnaissant immédiatement Alexandre parmi les visages flous et mal cadrés. Il désigna son agresseur sans la moindre hésitation, expliquant que, bien qu’il n’ait pas semblé armé, cet homme avait clairement l’intention de lui nuire.
Les policiers acquiescèrent, apparemment satisfaits de son témoignage, et le remercièrent avant de se lever pour partir. L’immortel les raccompagna jusqu’à la sortie, les observant s’éloigner à travers la cour pavée.
Lorsqu’il referma les lourdes portes derrière eux, un soupir s’échappa de ses lèvres. Il retourna dans la nef, mais cette fois, le silence et la sérénité de l’église ne suffirent pas à apaiser son esprit. Alexandre était hors d’état de nuire pour l’instant, mais il savait pertinemment que ce répit n’était que temporaire.