Le Prix à payer - Highlander Fanfiction

Chapitre 4 : La Traque

9264 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 5 mois

L'église baignait dans une atmosphère de calme solennel. Methos, Duncan et Darius étaient réunis autour de la petite table en bois qui avait accueilli leur première assemblée. Le prêtre leur avait servi une infusion, mais les tasses restaient intactes, chacun étant absorbé par l’échange à venir.

— Kronos ne s’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut. Methos brisa le silence, sa voix teintée de lassitude. Son plan Pandora est l’apogée de sa folie… Une tentative de soumettre les mortels à travers leur peur. Il croit pouvoir les contrôler comme on manipule un troupeau.

— La peur est une arme puissante, mais elle finit toujours par se retourner contre son maître. Kronos sous-estime la force de la résilience humaine, répondit Darius, ses yeux bleus empreints de sagesse.

Duncan, appuyé contre le dossier de sa chaise, les bras croisés, intervint :

— Methos, nous l’empêcherons de mettre son plan à exécution. Mais pourquoi penses-tu qu’il le mettrait en pause ?

— Parce qu’il me hait plus que tout. Pour lui, cette affaire est devenue personnelle. Il va vouloir se venger, et pour cela, il cherchera à frapper là où ça fait le plus mal… chez vous, chez moi, chez Aélis.

— Alors nous devons rester vigilants. Nous avons l’avantage tant qu’il ne sait pas où elle se trouve.

Methos hocha lentement la tête, mais son regard restait sombre.

— Kronos n’est pas stupide. Il sait que je ne retournerai pas à mon appartement tout de suite, mais il trouvera un moyen. Il trouve toujours un moyen.

Un silence pesant s’installa. Darius posa une main apaisante sur l’épaule de son ami, son geste empreint d’une sollicitude discrète.

— Nous sommes unis, Methos. C’est là notre force. Il ne pourra pas nous briser si nous restons solidaires.

Le vieil immortel releva la tête et croisa leurs regards. Un instant, il sembla moins sur la défensive.

— Alors préparons-nous. Parce que cette fois, il ne s’arrêtera pas avant d’avoir répandu le chaos.


— Et nous serons prêts à l’arrêter, dit Darius en inclinant légèrement la tête.

Le silence qui suivit sembla marquer une pause fragile dans la tension ambiante. Methos attrapa la tasse d’infusion devant lui et porta le breuvage à ses lèvres, comme pour se raccrocher à une normalité illusoire. Duncan les observa en silence, les bras croisés, une lueur de détermination dans le regard. Il finit par se lever et attrapa son manteau, brisant l’atmosphère lourde d’un mouvement brusque.

— On devrait y aller, dit-il en regardant Methos.

Ce dernier hocha lentement la tête, mais son regard restait voilé, comme s’il pesait encore les ombres de ses pensées. Il se leva avec une lenteur calculée, enfilant machinalement son long manteau. Alors qu’il suivait Duncan vers la porte, Darius s’avança avec calme et posa une main ferme mais apaisante sur son bras. Le geste, discret mais empli de sollicitude, l’interrompit dans son élan.

— Reste un instant. J’aimerais te parler.

Duncan s’arrêta à mi-chemin, échangeant un regard avec Darius, puis acquiesça en silence.

— Je t’attends dehors.

Il quitta l’église, laissant les deux hommes seuls dans l’atmosphère paisible mais chargée de l’édifice. Methos hésita un instant, ses yeux scrutant le visage du prêtre, comme s’il anticipait une discussion qu’il n’était pas sûr de vouloir avoir.

— Si c’est pour une autre leçon de morale, je te préviens, je suis au maximum de ma capacité de sermons pour aujourd’hui, lâcha-t-il avec un sourire forcé.

Darius ne releva pas l’ironie. Son regard, calme mais grave, s’attarda un instant sur son ami.

— Ce n’est pas de morale dont tu as besoin, Methos. Et tu le sais.

Le vieil immortel détourna légèrement le regard.

— Je vais bien, Darius, répondit-il doucement.

— Tu mens, répondit ce dernier avec une douceur désarmante.

Methos pinça les lèvres. Il avait passé des siècles à éviter les regards qui en disaient trop, mais avec Darius, c’était impossible. Il vit dans ses yeux qu’il savait déjà tout.

— Tu sais, murmura le prêtre, parfois, ce n’est pas l’ennemi devant nous qui est le plus difficile à affronter, mais celui que nous portons en nous.

— Kronos… reprit-il, Il n’est pas qu’une menace extérieure pour toi. Il est un rappel, un écho de ce que tu étais.

— Tu crois que je ne le sais pas ? Il est tout ce que j’ai passé des siècles à essayer de fuir. Et maintenant, il est là, à me narguer, prêt à tout détruire juste pour me rappeler ce que j’ai été.

Darius s’approcha, posant une main sur l’épaule de son ami, son geste chargé d’une force tranquille.

— Ce n’est pas ce que tu es, Methos. Pas maintenant. Pas depuis longtemps. Kronos est une ombre, une réminiscence d’un passé que tu as choisi de quitter. Il n’a de pouvoir sur toi que celui que tu lui donnes.

Ce dernier secoua la tête, un rire amer lui échappant.

— Tu parles comme si c’était aussi simple. Mais regarde ce qu’il a fait à Aélis. Il l’a brisée, Darius. Et moi, j’ai été son complice. J’ai joué le rôle qu’il attendait de moi. Tout ça pour la sauver, et malgré tout… je me demande si elle pourra un jour se remettre de ce que nous lui avons fait.

— Ce qu’elle a vécu est une épreuve que peu de gens auraient pu surmonter sans y laisser des morceaux d’eux-mêmes, dit-il doucement. Mais tu n’as jamais voulu qu’elle souffre. Et ce qu’elle ressent envers toi… ce n’est pas aussi simple que de la haine.

— Elle me déteste. Elle me l’a dit clairement. Elle me voit comme un complice de Kronos. Et honnêtement, je ne peux pas la blâmer.

— La colère peut être une façade. Ce qu’elle ressent n’est peut-être pas si simple.

Methos fronça les sourcils, les mâchoires serrées. Il détourna le regard, ses pensées tourbillonnant dans un chaos silencieux.

— Et moi, qu’est-ce que je suis censé faire de tout ça ?

Darius prit une respiration mesurée avant de répondre.

— Je pense qu’il y a des blessures qu’elle n’arrive pas à nommer, et qu’il t’appartient de lui laisser l’espace nécessaire pour qu’elle trouve ses propres réponses.

Le vieil immortel resta silencieux, absorbé par les paroles de son ami. L’idée que la colère d’Aélis puisse masquer autre chose le laissait circonspect. Mais au fond, ce n’était pas la seule chose qui le troublait.

Il jeta un regard furtif à Darius. Comme toujours, son ami n’avait exprimé ni reproche ni jugement. Pas un mot plus dur que nécessaire, pas un regard chargé de déception. Mais c’était peut-être pire ainsi. Il aurait presque préféré une accusation, quelque chose de tangible à quoi se raccrocher. Au lieu de cela, il n’y avait que ce calme implacable, cette patience insondable. Et Methos ne savait pas ce qui était le plus insupportable : l’idée que Darius puisse réellement ne pas lui en vouloir… ou celle qu’il ait simplement choisi de ne pas le dire. Darius comptait sur lui. Il comptait sur lui. Et lui n'était pas à la hauteur. Et peut-être que, cette fois, il ne pourrait pas réparer.

— Tu as fait ce que tu devais pour la protéger. Ce n’est pas à elle de porter ta culpabilité. Ce n’est pas non plus à toi de porter seul la responsabilité de ses blessures.

Methos releva lentement les yeux vers son ami, lisant dans son regard une profondeur de compréhension qu’il ne trouvait nulle part ailleurs.

— Comment fais-tu ? demanda-t-il à voix basse. Comment fais-tu pour porter tout ça ?

Darius sourit doucement, mais ses yeux trahissaient une tristesse ancienne.

— Je ne le porte pas seul. Et toi non plus, mon ami.

Leurs regards restèrent accrochés un moment, et Methos sentit une part de sa tension se dissiper. Darius, avec sa force silencieuse, lui rappelait qu’il n’était pas seul dans ce combat, qu’il avait des alliés, et plus important encore, des amis.

— Merci, murmura-t-il, sincèrement cette fois.

Le prêtre hocha doucement la tête, relâchant son épaule avec une expression paisible.

— Allez. Rejoins Duncan. Et rappelle-toi que, quoi qu’il arrive, tu n’as pas à affronter cela seul.

Methos esquissa un sourire, léger mais vrai, avant de se détourner et de quitter l’église.




L’entrepôt incendié s’élevait comme une carcasse calcinée, son ossature métallique tordue par la chaleur. Methos et Duncan avancèrent avec précaution parmi les débris, leurs pas soulevant des volutes de cendres et de poussière. L’odeur âcre du bois brûlé mêlée à celle des produits chimiques flottait encore, saturant l’air et rendant l’atmosphère oppressante.

Le vieil immortel s’accroupit près d’un tas de gravats et ramassa un morceau de plastique fondu. Il l’examina brièvement avant de le jeter avec un soupir agacé.

— Rien d’exploitable ici, déclara-t-il. Kronos a tout effacé. Il est méthodique, je lui accorde ça.

Duncan, debout à quelques pas, scrutait les environs avec une intensité calculée.

— Il n’a pas fait tout ça juste pour couvrir ses traces, répondit-il. C’est une diversion. Il veut qu’on perde notre temps ici pendant qu’il prépare autre chose.

Methos se releva, un rictus amer sur le visage.

— Tu as sans doute raison. Et ça veut dire qu’il est déjà un pas devant nous.

Sans ajouter un mot, ils quittèrent l’entrepôt, leur silence chargé de préoccupations. La nuit tombante enveloppait Paris d’un voile sombre, et les deux immortels se dirigèrent instinctivement vers le bar de Joe Dawson. Cet endroit discret, refuge familier, leur offrait un rare espace de répit et d’informations.

 

Niché dans une rue peu fréquentée, le bar de Joe respirait une ambiance feutrée, en contraste avec l’agitation de la ville. Derrière le comptoir, Dawson, le Guetteur de Duncan, essuyait un verre d’un geste machinal. Ses cheveux et sa barbe grise encadraient un visage marqué par les années, et ses yeux clairs observaient la pièce avec une acuité tranquille. Son regard s’illumina légèrement lorsqu’il aperçut Duncan, suivi de Methos.

Joe était plus qu’un simple observateur pour Duncan. Les deux hommes partageaient une amitié improbable, née malgré les règles strictes des Guetteurs qui interdisaient tout contact direct avec les immortels qu’ils surveillaient. Quant à Methos, Joe connaissait depuis longtemps son immortalité et son rôle au sein de l’organisation, sous l’identité d’Adam Pierson.

— Toujours un plaisir de te voir, Mac, lança le Guetteur en posant le verre. Et toi, Methos, je suppose que tu n’es pas là pour bavarder ? reprit-il en voyant son air grave.

Après quelques salutations, ils s’installèrent à une table dans un coin reculé. Joe leur servit des verres de whisky avant de baisser le ton pour entamer la conversation.

— Kronos, hein ? marmonna-t-il en s’appuyant contre le dossier de sa chaise. Je peux voir ce que je peux tirer de son Guetteur. D’après mes premières infos, il aurait quitté Paris récemment. Donnez-moi quelques jours, et je pourrai en savoir plus.

Duncan hocha la tête, son regard grave.

— Chaque information compte, Joe. Mais on n’a pas beaucoup de temps.

Dawson fixa Methos un instant avant de reprendre, hésitant.

— Kronos, c’est un gros morceau. Vous êtes vraiment sûrs de vouloir vous frotter à lui ?

L’immortel posa son verre avec une lenteur mesurée. Ses yeux verts, d’ordinaire pleins d’ironie, s’étaient glacés.

— Ce n’est pas une question de choix, répondit-il d’une voix coupante.

Un silence s’installa, reflétant l’ombre menaçante que Kronos faisait planer sur leur avenir.




Les jours qui suivirent furent tendus pour les immortels. L’attente des informations promises par Joe était alourdie par une série de messages étranges et provocants envoyés par Kronos. Ces « cadeaux », comme il semblait les appeler, étaient livrés à des moments imprévisibles et dans des endroits inattendus : à leur hôtel, dans le bar de Joe, ou même glissés dans la voiture de Duncan.

Le contenu de ces livraisons avait de quoi déstabiliser. Des playmobils décapités, parfois soigneusement alignés, parfois disposés dans des postures grotesques, apparaissaient accompagnés de notes énigmatiques griffonnées à la hâte :

« Le jeu ne fait que commencer. »

« Les pièces tombent une à une. »

« Je vous regarde. »

Duncan, tenant l’un des petits jouets mutilés entre ses doigts, éclata :

— C’est une blague macabre, c’est tout ! Il essaye de nous faire perdre notre sang-froid.

Methos, assis nonchalamment sur un fauteuil mais les traits crispés, répliqua d’un ton acide :

— Ce n’est pas qu’une blague. C’est du Kronos tout craché. Infantile, dérangé, et terriblement efficace.

L’angoisse qui montait chez lui était palpable, bien qu’il s’efforçât de la dissimuler derrière son sarcasme habituel. Pour Duncan, c’était l’irritation qui prenait le dessus. Ces menaces absurdes ne faisaient que renforcer son envie de mettre un terme aux agissements de Kronos.

 

Quelques jours plus tard, ils retournaient au bar de Joe sur convocation de ce dernier. Après avoir fermé la porte derrière eux, le Guetteur les invita à s’asseoir à la table habituelle et leur servit des boissons avant de se pencher en avant.

— J’ai pu avoir des infos du Guetteur de Kronos, murmura-t-il, comme si prononcer le nom à voix haute pouvait attirer l’attention. Il paraît qu’il se cacherait dans un manoir des Ardennes. Un endroit isolé, difficile d’accès, parfait pour quelqu’un comme lui.

Duncan acquiesça, déjà prêt à agir.

— On part demain à l’aube.

Methos semblait moins enthousiaste, mais il se contenta d’un hochement de tête.

Joe posa une main ferme sur l’épaule de Duncan, un sourire en coin malgré l’inquiétude qu’il tentait de masquer.

— Faites attention à vous. Après tout, on n’a pas encore fini de goûter à toutes les bouteilles de ce bar. Et croyez-moi, il en reste quelques-unes qui valent vraiment le détour, dit-il d’un air inquiet, son regard glissant brièvement sur chacun d’eux, comme s’il cherchait à graver ce moment dans sa mémoire. Sa voix, légèrement tremblante malgré un sourire de façade, trahissait une angoisse latente à l'idée de ne peut-être plus jamais les revoir.

 

Le trajet jusqu’au manoir indiqué par Joe, fut long et silencieux. Duncan gardait les mains serrées sur le volant, concentré, tandis que Methos jetait des regards furtifs par la fenêtre, perdu dans ses pensées. Lorsqu’ils arrivèrent enfin, ils trouvèrent une bâtisse imposante mais délabrée, entourée d’une forêt dense.

À l’intérieur, tout semblait indiquer que Kronos avait récemment occupé les lieux. Des restes de repas, des papiers éparpillés, et même une arme laissée négligemment sur une table semblaient confirmer la présence de l’immortel. Mais au bout de quelques heures de fouilles méthodiques, il devint clair qu’il n’y avait personne.

— C’est une mise en scène, grogna Duncan en jetant une chaise contre un mur. Il voulait qu’on vienne ici.

Methos examina une feuille griffonnée sur laquelle des mots étaient illisibles, mais une phrase sautait aux yeux :

Vous êtes si prévisibles.

— Il joue avec nous, souffla Methos, les épaules voûtées.

Duncan hocha la tête, serrant les poings.

— Et il gagne du temps.




Kronos jubilait d’avoir réussi à éloigner Methos et Duncan de la capitale pour quelques heures. Profitant de cette occasion pour semer le chaos à sa manière, il entra dans l’église de Darius à la tombée de la nuit, l’air aussi décontracté qu’effrayant. Sa haute silhouette avançait d’un pas léger, mais chaque mouvement dégageait une menace implicite.

Darius, debout près de l’autel, leva des yeux calmes vers lui, son visage empreint d’une sérénité inébranlable.

— Kronos, dit-il avec une voix posée. Que me vaut l’honneur de ta visite ?

Ce dernier s’approcha lentement, ses yeux scrutant chaque détail de l’église, comme un prédateur évaluant un nouveau terrain de chasse. Il laissa traîner ses doigts sur le bois des bancs, son sourire moqueur s’élargissant à chaque pas.

— Un lieu sacré, hein ? Un sanctuaire. Je me demande, Darius, à quel point cette « règle » est gravée dans le marbre.

Le prêtre resta immobile, ses mains croisées derrière son dos, sa posture aussi paisible qu’un lac calme.

— Tu sais aussi bien que moi que tu ne peux pas te battre ici, répondit-il avec assurance.

— Moi, peut-être. Mais qui pourrait empêcher un mortel de transgresser cette règle ? Après tout, ce ne sont que des hommes, faibles et malléables, répondit Kronos, son sourire se teintant d’un éclat malveillant.

Il s’approcha davantage, jusqu’à être à quelques centimètres du prêtre, son regard brûlant d’une intensité glaciale.

— Tu sais ce qui me fascine, Darius ? C’est que tu te caches derrière ces murs, derrière cette foi. Comme si elle pouvait te protéger. Mais rien n’est sûr, pas même ici.

— Ce lieu n’a pas besoin de protection. Ce sont les hommes comme toi qui le rendent sacré, en respectant sa nature.

Un éclat de rire froid échappa à Kronos. Il recula légèrement, son visage se durcissant.

— Respecter ? Est-ce cela que tu appelles « respecter » ? Ce que je vois, c’est un homme qui a renoncé à sa véritable nature. Tu étais un conquérant, un guerrier. Et maintenant, tu es réduit à prêcher devant des êtres terrifiés.

Darius resta imperturbable, mais ses yeux brillaient d’une lueur de conviction.

— J’ai choisi de me consacrer à la vie, pas à la destruction. Et toi, Kronos, combien de siècles te faudra-t-il encore pour comprendre que la mort que tu sèmes ne te laissera rien ? Pas de royaume. Pas d’héritage. Seulement le vide.

Kronos plissa les yeux, son sourire se figeant légèrement. Il tourna la tête, observant les cierges qui brûlaient paisiblement autour d’eux.

— La vie, la mort… Ce ne sont que des cycles. Ce qui compte, c’est le pouvoir que tu exerces sur eux. Les faibles prient pour être épargnés. Les forts prennent ce qu’ils veulent. Tout le reste n’est qu’illusion.

Darius inclina légèrement la tête, ses traits marqués par une profonde tristesse.

— Peut-être as-tu raison, Kronos. Mais alors, que te reste-t-il ? Une poignée d’ombres qui te suivent par peur, une existence solitaire marquée par la haine. Tu crois dominer le monde, mais tu es prisonnier de tes propres chaînes.

Le guerrier serra les poings, son sourire devenant crispé. Il recula d’un pas, comme pour se protéger de l’écho des paroles de Darius. Mais il se reprit rapidement, ricanant de manière forcée.

— Tu es toujours aussi ennuyeux. Un homme de foi qui pense pouvoir m’atteindre avec des mots.

Il fit demi-tour, s’arrêtant une dernière fois à l’entrée de l’église.

— Mais ne t’inquiète pas, je ne suis pas venu pour ça. Pas encore.

Il tourna les talons et quitta l’église, laissant une tension glaciale dans l’air. Darius, seul à nouveau, ferma les yeux un instant, ses pensées tournées vers ses amis.




Les premières semaines d’Aélis au monastère furent un combat de chaque instant. Perché dans une vallée reculée, coupé du monde, l’endroit respirait une sérénité que tout en elle rejetait. Le silence, le rythme immuable des journées, les regards paisibles des moines : tout cela semblait en contradiction avec le tumulte qui l’habitait. Elle ne parvenait pas à apaiser cette colère sourde, ce mélange d’incompréhension et de rancœur qu’elle ressentait envers ceux qu’elle avait considéré comme ses amis. Ils avaient su. Et ils avaient laissé les choses se produire, comme si elle n’avait été qu’un pion qu’ils surveillaient de loin, attendant qu’elle se brise pour lui révéler la vérité.

 

Sous la tutelle stricte de Maître Sun Tzu, elle se plia à un entraînement intensif, rythmé par la méditation, la discipline du corps et l’apprentissage des armes. Pourtant, malgré ses efforts, elle peinait à progresser. Le maniement de l’épée lui semblait froid, mécanique, étranger à son corps. Ses coups manquaient de précision, ses postures étaient souvent bancales. Le maître ne disait rien, se contentant de la corriger d’un regard ou d’un mouvement de main, mais elle sentait son impatience grimper à mesure que ses erreurs se répétaient.

Le pire était la méditation. S’asseoir, faire le vide, trouver un calme intérieur… Elle n’y arrivait pas. À peine fermait-elle les yeux que ses pensées l’assaillaient. Noé. La façon dont elle l’avait traité. Son absence, inexpliquée. Les regards de Methos et Darius. L’un voilé de culpabilité, l’autre de tristesse. Son impuissance face à Kronos. Tout cela tournoyait en elle comme une tempête qu’elle ne savait comment apaiser.

 

Un soir, alors qu’elle s’apprêtait à s’endormir dans sa cellule austère, un novice frappa à sa porte, tenant une boîte soigneusement emballée qu’il lui remit avec une expression perplexe.

Elle ouvrit le paquet sous le regard attentif de Sun Tzu, qui s’était joint à elle, et découvrit une poupée, son visage pâle et figé encadré de cheveux bruns emmêlés. Autour de son cou, un ruban rouge était noué en un élégant nœud.

— Une poupée ? murmura-t-elle, intriguée mais sans comprendre.

Sun Tzu resta silencieux un moment, son regard se durcissant légèrement.

— Cela ne te dit rien ? demanda-t-il enfin.

— Non. Je… je ne vois pas, répondit-elle, le cœur battant légèrement plus vite devant son air grave.

Sun Tzu inspira profondément avant de s’asseoir face à elle.

— Darius m’a récemment envoyé un message. Il m’a parlé de menaces que Kronos aurait adressées à lui, Methos et Duncan. Des objets similaires, porteurs de messages implicites. Je crains que cela signifie que Kronos sache où tu te trouves.

Le poids de ces mots s’abattit sur Aélis, dissipant le mince sentiment de sécurité qu’elle avait commencé à ressentir.

— Alors… il pourrait venir ici ?

— Peut-être. Ou peut-être souhaite-t-il seulement te faire perdre ta sérénité, répondit Sun Tzu, son ton redevenant calme. Mais sache ceci : tant que tu resteras ici, tu es sous ma protection et celle de ce lieu. Il ne franchira pas ces murs sans conséquences.

 

Cette nuit-là, elle ne trouva pas le sommeil. Son esprit vagabondait sans répit, hanté par les souvenirs et la peur qu’elle refusait d’admettre. Mais au-delà de cette crainte, une autre émotion grandissait lentement en elle. Une forme de colère froide. Kronos s’amusait avec elle. Il la traquait comme un prédateur certain de sa victoire. Elle ne voulait pas être sa proie.

À l’aube, elle se présenta à l’entraînement plus tôt que d’habitude, le regard dur, les mâchoires serrées. Quand Sun Tzu lui tendit une épée, elle la prit sans un mot, déterminée à ne plus être la même.

 

Les jours suivants, cette détermination l’anima autant qu’elle la rongea. Elle s’acharnait sur chaque exercice, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à sentir ses muscles se tendre et ses gestes s’alourdir. Mais la progression était lente. Trop lente. Elle s’agaçait de ses erreurs, se battait contre son propre corps, contre son impatience. Sun Tzu observait, silencieux, sans jamais la ménager. Il voyait en elle une volonté brute, mais incontrôlée. Un feu dévorant qui, s’il n’était pas dompté, finirait par la consumer elle-même.

Et à chaque chute, chaque échec, Aélis ne pouvait empêcher cette pensée de revenir, acide et douloureuse : Methos aurait sans doute ri de la voir si maladroite avec une épée. Darius lui aurait dit de respirer, d’apprendre à accepter ses faiblesses. Et Noé… Noé l’aurait prise dans ses bras, sans poser de questions.

Mais ils n’étaient pas là. Et elle était seule face à cette nouvelle réalité.

Alors elle serra les dents, encaissa, et recommença.




Dans la capitale, les semaines s’écoulèrent dans un calme trompeur. Kronos n’avait plus donné signe de vie depuis sa visite à Darius. Malgré l’absence de confrontation directe, Methos et Duncan savaient que Kronos préparait quelque chose. Darius partageait leur inquiétude. Le trio se retrouvait régulièrement pour échanger des idées et tenter d’anticiper les prochains mouvements de leur adversaire.

— Ce silence n’est pas normal, commenta le Highlander en passant une main nerveuse dans ses cheveux. Il agit dans l’ombre, j’en suis certain.

Methos acquiesça sombrement.

— Kronos n’a jamais été du genre à se précipiter. Il aime jouer avec ses proies. Ce calme apparent, c’est sa manière de nous faire perdre patience.

 

Le calme fut rompu par une série d’incidents troublants qui accentuèrent la tension pesant sur le petit groupe. Un soir, en quittant le bar de Joe, Duncan trouva une enveloppe glissée sous l’essuie-glace de sa voiture. À l’intérieur, une carte de Paris marquée de plusieurs croix rouges. Intrigué et inquiet, il se précipita chez Darius, où Methos l’attendait déjà.

— Regardez ça, dit-il en posant la carte sur la table.

Les deux immortels se penchèrent sur le document. Les croix correspondaient à des lieux bien précis : le bar de Joe, une épicerie où Methos s’était rendu récemment, une librairie que Duncan fréquentait régulièrement.

— Il vous suit, murmura Darius, son regard assombri par l’inquiétude.

— Il ne fait pas que nous suivre, rectifia Methos. Il veut qu’on sache qu’il est là, qu’il nous observe.

Ces mots lui firent froid dans le dos, mais il cacha son trouble en étudiant la carte avec une attention redoublée.

 

Autour de la table encombrée de plans et de notes griffonnées à la hâte, l’atmosphère était pesante. Le silence de l’église semblait accentuer l’urgence de la situation.

— Kronos ne va pas attendre indéfiniment, reprit Methos d’une voix grave. Il sait où nous sommes, et il frappera là où ça fait mal. Nous devons agir avant qu’il ne s’en prenne à l’un de nous.

Duncan, appuyé contre le mur, bras croisés, fixait la carte avec intensité.

— Alors nous le confrontons. Pas demain. Pas la semaine prochaine. Maintenant.

Methos leva les yeux vers lui, sceptique.

— Ça, c'est du grand MacLeod. Frontal, direct, et sans filet de sécurité. Tu oublies à qui nous avons affaire. Kronos n'est pas juste un combattant. C'est un stratège, un prédateur. Si tu te présentes à lui comme ça, il va te broyer.

— Alors quel est ton plan, Methos ? continua Duncan, une pointe de frustration dans la voix. Attendre qu'il vienne à toi et qu'il décime tout sur son passage ?

Darius, qui avait jusqu’ici observé en silence, posa calmement son verre et intervint d’une voix posée mais ferme.

— Duncan a raison sur un point : nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. Mais Methos a raison aussi. Un affrontement direct serait suicidaire. Kronos nous surpasse peut-être individuellement, mais ensemble, nous avons une chance.

Le Highlander fronça les sourcils, tournant son regard vers Darius.

— Et quelle serait cette chance, exactement ?

Darius s’avança, le regard perçant, ses années de stratégie militaire se reflétant dans son ton assuré.

— Kronos est un homme d’habitudes. Un prédateur, comme l’a dit Methos. Et tout prédateur suit un schéma : il observe, il isole, puis il frappe. Il veut nous diviser, nous pousser à agir dans la précipitation. Nous ne devons pas jouer son jeu. Il faut l’obliger à se montrer là où nous avons l’avantage.

Le vieil immortel esquissa un sourire en coin.

— Darius, le général en toi me fascinera toujours.

Le prêtre ignora la pique et poursuivit :

— Si vous voulez qu’il vienne à vous, vous devez lui donner une raison de le faire. Une provocation, oui, mais pas une qui le mette en position de force. Choisissez un terrain qui réduit ses options. Un endroit où vous pouvez limiter ses mouvements et où vous aurez des échappatoires si nécessaire.

Methos hocha lentement la tête, réfléchissant à ses paroles.

— J'ai pensé à un centre commercial abandonné à la périphérie de Paris. Plusieurs issues, des zones sombres, et suffisamment d’espace pour se battre. Nous pourrons le transformer en un champ de pièges.

Duncan, bien que sceptique, acquiesça.

— D’accord. Mais il faudra un appât.

Methos sortit une feuille où il avait ébauché une série de symboles et de phrases.

— Je vais utiliser ses propres attentes contre lui. Ces messages codés que nous avions utilisés il y a des siècles, entre les Cavaliers, il s'en souvient probablement. Si j'envoie une série de messages laissant entendre que je cherche à rallier d'autres immortels contre lui, il va vouloir m'intercepter avant que je ne puisse agir.

Darius étudia la carte un moment avant d’ajouter :

— Kronos aime dominer ses adversaires, les prendre par surprise. Si nous voulons qu’il s’expose, nous devons le forcer à croire qu’il contrôle la situation. Soyez prêts à agir vite. Si vous le déstabilisez au bon moment, cela pourrait faire la différence.

Un silence s'installa alors que les trois hommes réfléchissaient aux implications. Darius le brisa finalement, son regard scrutant tour à tour Duncan et Methos.

— Et qui se chargera de Kronos ?

Le Highlander leva les yeux, et après une brève hésitation, prit la parole.

— Je le ferai. J'ai un compte à régler avec lui. Melvin Koren. C’est personnel.

— Et si ça tourne mal ? se risqua à demander Darius.

Methos sortit un pistolet de sa poche et le posa sur la table.

— Alors j’interviens. Pour le neutraliser. Une balle dans la jambe ou l'épaule suffira à te donner une chance de reprendre le dessus. C’est notre plan B.

Duncan écarquilla les yeux, outré.

— Et tu penses que je vais accepter de prendre la tête de Kronos après ça ? Pour qui tu me prends ?

Le vieil immortel poussa un soupir exagéré et fit mine de réfléchir.

— Hmm, tu préfères mourir, Highlander ? Une belle mort héroïque, avec ton épitaphe : "Ici repose Duncan MacLeod, mort pour son éthique impeccable mais totalement inutile." Sérieusement, MacLeod, laisse-moi t’aider. Ce n’est pas un tournoi médiéval.

Duncan grimaça mais ne répondit rien, visiblement convaincu. Darius sembla réticent.

— Cela n’a rien d’honorable, Methos. Mais je suppose que nous n’avons pas le luxe de l’éthique dans ce cas.

—Kronos a tué des milliers de gens, et il en tuera encore des milliers si on le laisse faire. Si nous devons tordre les règles pour l’arrêter, alors qu’il en soit ainsi.

Duncan prit une profonde inspiration et regarda ses deux compagnons.

— D'accord. Alors voilà le plan : Methos attire Kronos avec ses messages. Quand il arrive, je suis en embuscade. Methos reste hors de vue, prêt à intervenir si les choses tournent mal. Nous préparons le terrain pour limiter ses mouvements et lui enlever tout avantage.

— Et surtout, on ne sous-estime pas Kronos. Ce n’est pas un simple duel. C’est une exécution. Il n’y a pas de place pour l’erreur ajouta Methos.

— Alors on n’en fera aucune.




La réunion stratégique venait de s’achever, et Duncan avait quitté les lieux en silence, laissant ses deux amis seuls.

— Tu sembles pensif, lança doucement Darius.

— Je réfléchis, répondit Methos sans lever les yeux. Mais ça ne veut pas dire que j’apprécie ce que je trouve.

Darius s’avança jusqu’à s’asseoir sur un banc à quelques pas, son regard calme mais insistant posé sur son ami.

— Tu as toujours eu le don de ruminer les choses. Mais est-ce vraiment utile ?

— Je m’en sors très bien avec ma culpabilité habituelle, merci.

— Tu t’en veux encore pour ce qu’il s’est passé avec Aélis, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas lui présenter tes excuses ?

Methos releva la tête, ses yeux clairs se durcissant comme de la pierre.

— Elle ne veut pas m’écouter. Je l’ai déjà dit. Je ne suis pas là pour babysitter émotionnellement une jeune immortelle. Duncan veut jouer les mentors ? Très bien. C’est son problème, pas le mien.

— Peut-être que pour le moment, elle n’est pas prête à t’entendre. Mais cela ne signifie pas qu’elle ne le sera jamais. Laisse le temps faire son œuvre.

Il esquissa un sourire amer.

— Et quoi, je devrais attendre patiemment qu’elle revienne pour me jeter de nouveaux reproches au visage ? Très tentant.

— Je comprends que tu sois lassé. Mais l’excuse que tu lui présenteras n’est pas seulement pour elle. C’est pour toi.

— Elle se fiche de mes excuses. Ce que j’ai fait, je ne peux pas le réparer avec quelques mots.

— Peut-être. Mais le pardon n’a jamais été une question de résultat immédiat. Cela n’aura plus d’importance. Ce qui comptera, c’est que tu auras fait ta part. Le reste lui appartiendra. Et toi, tu auras la chance de laisser Kronos derrière toi, une fois pour toutes.

Un silence tomba entre eux, chargé de tension mais aussi d’une étrange sérénité. Methos croisa le regard de Darius, où la sagesse et la patience semblaient s’entrelacer.

— Tu es toujours aussi sage, dit Methos avec un sourire en coin, mais sans cynisme cette fois.

— Non, répondit Darius avec humilité. Je parle seulement par expérience.

Le vieil immortel se redressa lentement, les mains enfoncées dans ses poches.

— Je ne te promets rien.

— Je n’attends rien, répondit le prêtre avec douceur. Mais si tu veux vraiment avancer, tu sais ce qu’il te reste à faire.

Methos hocha la tête, un peu plus léger qu’il ne l’avait été en entrant. Il quitta l’église sans un mot de plus, mais les paroles de Darius continuaient à résonner en lui. Peut-être était-il temps de changer de chemin.




Le monastère baignait dans un calme apparent, mais Aélis sentait une tension sous-jacente à chaque pierre, chaque murmure dans les couloirs austères. Le poids de Kronos, bien qu’éloigné, pesait encore sur ses épaules, et elle savait que ce répit n’était qu’un interlude. Sun Tzu, maître des lieux, ne montrait rien de ses préoccupations, son visage demeurant impassible. Pourtant, Aélis remarquait qu’il avait toujours un regard d’avance, une vigilance permanente qui laissait deviner une menace invisible. Lorsqu’elle lui en fit part, il haussa un sourcil, un sourire imperceptible flottant sur ses lèvres.

— Les grands prédateurs savent attendre, dit-il doucement. Et même ici, il est sage de ne jamais oublier qu’ils existent.

Ces mots s’enfoncèrent dans l’esprit d’Aélis comme une lame bien aiguisée. Elle comprit que son séjour au monastère n’était pas seulement une période de formation physique, mais aussi une période de préparation mentale. Kronos attendait dans l’ombre, et elle devait devenir plus forte que son simple instinct de survie.

 

Les jours s’enchaînaient dans une discipline stricte, rythmés par des exercices rigoureux et des méditations prolongées. Aélis s’entraînait avec les novices, parfois surpassant certains d’entre eux grâce à son endurance d’immortelle. Mais elle se heurta vite à ses propres limites, et ce n’était pas celles qu’elle avait imaginées. Son corps guérissait vite, mais son impatience la freinait. Elle frappait trop fort, trop vite, sans prendre le temps d’analyser, et ses adversaires plus expérimentés utilisaient sa précipitation contre elle.

Un matin, alors qu’elle affrontait Sun Tzu en combat d’entraînement, la frustration atteignit son paroxysme. Le maître esquivait sans effort, retournant chacun de ses assauts d’un simple mouvement fluide.

— Pourquoi vous ne contre-attaquez pas ? lança-t-elle, essoufflée.

Il s’arrêta net et la regarda avec une intensité qui la fit frissonner.

— Parce que l’attaque est inutile si elle n’est pas pensée, répondit-il calmement. Tu te jettes sur moi comme un feu de paille. Impressionnant au premier regard, mais vite consumé.

Aélis serra les poings. Elle n’avait jamais été du genre à abandonner, mais elle avait l’habitude de progresser rapidement. Ici, tout lui semblait plus lent, plus exigeant.

— Alors, que dois-je faire ? demanda-t-elle finalement, à contrecœur.

— Apprends à attendre. La patience n’est pas une faiblesse, mais une arme. Et n’oublie jamais : la véritable force ne vient pas de l’épée, mais de l’esprit qui la brandit.

 

Ses paroles la suivirent longtemps après qu’elle eut quitté le dojo. Elle ruminait, incapable d’accepter l’idée que sa plus grande faiblesse n’était pas physique, mais intérieure. Chaque nuit, lorsqu’elle se retrouvait seule dans sa cellule austère, ses pensées revenaient inlassablement aux mêmes points : sa colère, son impuissance face à Kronos… et son amertume envers Methos et Darius.

 

C’est à cette période qu’elle trouva la lettre sous la porte de sa chambre. L’enveloppe, simple et sobre, portait l’écriture soignée du prêtre. Elle la ramassa lentement, la tourna entre ses doigts, hésitante. Pendant plusieurs jours, elle la laissa intacte sur la petite table près de son lit, comme un poids qu’elle n’était pas encore prête à soulever. Chaque soir, elle la regardait, sans parvenir à l’ouvrir. Une part d’elle voulait l’ignorer, la brûler même, mais une autre, plus profonde, savait qu’elle finirait par y céder.

Ce ne fut que bien plus tard, après une énième journée d’échecs à l’entraînement, qu’elle se décida. Ses doigts tremblaient légèrement lorsqu’elle déchira l’enveloppe et déplia la feuille soigneusement écrite.

"Aélis,

Je ne sais pas si tu es prête à lire ces mots, mais sache que je les écris sans attendre de réponse. J’ignore si tu es encore en colère contre moi. En vérité, je crois que tu en as le droit.

Il y a des vérités que l’on aimerait offrir au bon moment, dans les bonnes conditions. J’aurais voulu te parler de ce que tu es bien avant que la réalité ne te l’impose, mais nous n’avons pas toujours le luxe de choisir le moment des révélations. J’ai cru bien faire en te laissant vivre dans l’ignorance un peu plus longtemps, en espérant que tu aurais plus de temps pour être simplement… toi. Je réalise aujourd’hui que ce silence t’a blessée plus que je ne l’aurais imaginé.

Je ne peux pas changer ce qui a été fait, mais je peux au moins te dire ceci : je n’ai jamais voulu te manipuler. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait en pensant te protéger. Si je me suis trompé, alors je l’accepte, et je t’en demande pardon.

Là où tu es, loin de nous, tu as le droit de ressentir ce que tu ressens. La colère, la rancune, la douleur… tout cela fait partie du chemin. Ne te hâte pas à les faire disparaître, mais apprends à les comprendre. Elles ne doivent pas dicter tes choix, seulement te rappeler que tu es vivante, que tu ressens.

Je ne peux qu’espérer qu’un jour, quand tu seras prête, nous pourrons parler de tout cela autrement. En attendant, sache que tu n’es pas seule. Quoi qu’il arrive, tu ne l’as jamais été.

Que la paix accompagne ton chemin.

Darius."

 

Aélis relut plusieurs fois la lettre, les doigts crispés sur le papier. Une chaleur étrange l’envahissait, un mélange d’émotions contradictoires qu’elle ne savait pas nommer. Elle voulait être furieuse, mais quelque chose dans ces mots la désarmait. Ce que lui avait écrit Darius la touchait plus que ce qu’elle voulait admettre.

Elle posa la lettre sur la table et s’allongea sur son lit, fixant le plafond de sa chambre, son esprit en ébullition. Elle n’était pas prête à lui répondre. Pas encore. Mais pour la première fois depuis son arrivée, elle se sentit un peu moins seule.




Le centre commercial abandonné trouvé par Methos était l’endroit idéal pour le piège qu’ils avaient préparé. Ses murs délabrés et son sol jonché de débris offraient un décor austère et menaçant, tandis que sa vaste superficie et ses multiples niveaux leur donneraient l’avantage stratégique nécessaire.

Pour attirer Kronos, Methos avait élaboré une ruse ingénieuse. Jouant sur sa paranoïa naturelle, il avait créé des faux messages destinés à des immortels fictifs, évoquant une alliance secrète en cours de formation contre Kronos. Ces messages avaient été diffusés via des canaux discrets, des forums obscurs et des réseaux anonymes que Kronos avait l’habitude de surveiller. Chaque mot, chaque indice, avait été pensé pour capter son attention sans éveiller sa méfiance immédiate. Methos savait que Kronos, toujours à l’affût de la moindre menace, finirait par intercepter ces informations et conclure qu’il devait agir rapidement pour éviter une rébellion.

Au cœur du hangar, un projecteur holographique avait été installé avec précision. Il projetait l’image de Methos, debout, épée à la main. L’illusion visait à donner à Kronos l’impression qu’il avait enfin l’occasion d’affronter son ancien compagnon face à face : l’image devait être à la fois frappante et crédible.

Methos et Duncan avaient passé des heures à examiner les plans du hangar et à tester différents scénarios. Duncan s’était positionné en retrait, à l’abri derrière une poutre massive proche du centre de l’action. Bien que Kronos ressentirait forcément la présence de Duncan en s’approchant de l’hologramme, ce dernier avait veillé à se tenir suffisamment loin pour que le signal de sa présence ne domine pas celui de Methos. Son rôle était clair : intervenir dès que Kronos s’approcherait de l’hologramme, prenant l’avantage de la surprise pour engager le duel.

Methos, quant à lui, s’était posté en hauteur sur une plateforme métallique, le fusil qu’il portait équipé d’un viseur haute précision. Il était tendu et concentré. Kronos n’était pas simplement un ancien compagnon ; il incarnait le spectre d’un passé que Methos s’efforçait de fuir depuis des millénaires. Chaque détail comptait, chaque seconde pouvait faire la différence entre la victoire et un échec fatal.

Le plan reposait sur une exécution parfaite. L’hologramme devait retenir Kronos juste assez longtemps pour que Duncan puisse intervenir, et Methos devait être prêt à ajuster la stratégie en cas de besoin. Ils savaient que Kronos était un adversaire rusé et imprévisible, et qu’ils n’auraient droit à aucune erreur

 

Le cadre de leur piège était plongé dans un silence oppressant, seulement brisé par le faible grincement des poutres métalliques sous le vent. Methos et Duncan, déjà en position depuis une heure, scrutaient leurs dispositifs de surveillance. Ils avaient installé un réseau de caméras discrètes autour du hangar, reliées à leurs téléphones. Une alarme silencieuse, programmée pour se déclencher à l’approche de Kronos, leur fournirait un signal visuel et vibratoire dès qu’il franchirait un périmètre prédéfini.

Soudain, la notification s’afficha sur leurs écrans. Une silhouette se déplaçait à pas mesurés vers l’entrée principale.

Sur l’écran de la caméra, Kronos apparut, vêtu de noir, son visage marqué par une expression de férocité concentrée. Son épée pendait à son côté, et chacun de ses mouvements semblait calculé, comme s’il anticipait déjà un piège. Il ne se précipitait pas, préférant avancer lentement pour analyser son environnement. Sa méfiance naturelle le poussait à examiner chaque ombre, chaque recoin, en quête du moindre signe d’embuscade.

Alors que les caméras montraient Kronos en train de franchir la porte d’entrée principale, Methos sentit une vibration familière parcourir tout son corps.

Il ajusta la position de son fusil sur la plateforme en hauteur. Il savait que Kronos avait également ressentit sa présence et qu’il finirait par repérer l’hologramme installé au centre du hangar. Tout reposait désormais sur le fait que Kronos interprète cette illusion comme une véritable confrontation.

Duncan, de son côté, se tenait prêt derrière la poutre massive qui le dissimulait. Son épée dégainée brillait faiblement dans l’obscurité, et il respirait profondément pour calmer son excitation. Il n’aimait pas l’idée de se cacher, mais il savait que cette stratégie était nécessaire. Kronos ne se laisserait pas surprendre facilement, et tout avantage, même infime, pourrait faire la différence.

Au fur et à mesure que Kronos progressait dans le hall, ses pas résonnant sur le sol délabré, Methos sentit une montée d’adrénaline l’envahir. Les secondes semblaient s’étirer à l’infini, chaque mouvement de Kronos renforçant l’intensité de la tension dans l’air. Il ne restait plus qu’à attendre le moment opportun pour que Duncan passe à l’action et engage le combat.

 

Kronos s’arrêta enfin, à quelques dizaines de mètres de l’hologramme de Methos, sa main serrant fermement le manche de son épée. Le Buzz qu’il avait ressenti confirmait la présence de son ancien compagnon. Un sourire carnassier étira ses lèvres lorsqu’il observa la posture apparemment déterminée de Methos, prêt à le défier.

— Enfin, murmura Kronos. Alors tu as trouvé ton courage, frère.

Il avança d’un pas, mais une fraction de seconde plus tard, son sourire s’effaça. Il s’immobilisa, ses yeux se plissant. Quelque chose n’allait pas. Une seconde vibration dans sa tête lui indiqua que Methos n’était pas seul.

Avant qu’il ne puisse réagir davantage, Duncan surgit de sa cachette derrière un pilier métallique, son épée déjà levée pour frapper. Kronos se retourna juste à temps pour parer le coup, l’acier des lames résonnant dans tout le hangar.

— Highlander ! siffla Kronos. Toujours le chevalier blanc...

Duncan ne répondit pas, concentré sur l’affrontement. Les deux immortels échangèrent une série de coups rapides et puissants, les lames traçant des arcs étincelants dans l’obscurité. Kronos se déplaçait avec une agilité surprenante, chaque mouvement témoignant de siècles de maîtrise. Duncan, de son côté, restait fluide, utilisant une combinaison de rapidité et de technique pour compenser la force brute de son adversaire.

À chaque coup porté, Duncan déplaçait subtilement le combat vers un espace où les larges miroirs installés dans le hangar reflétaient leur affrontement. Il s’efforçait de guider Kronos sans éveiller ses soupçons, utilisant les reflets pour créer des angles inattendus et des illusions momentanées.

D’un mouvement rapide, Duncan feinta une attaque sur le flanc gauche de Kronos, l’obligeant à pivoter pour se défendre. Profitant de l’ouverture, il fit glisser sa lame sous la garde de son adversaire, entaillant profondément son bras droit. Kronos recula avec un grognement de douleur, mais il tint fermement son épée malgré le sang qui gouttait sur le sol.

— Tu penses que ça suffit ? lança le cavalier, une lueur de folie dans le regard.

Duncan ne répondit pas, préférant garder son énergie pour le combat. Il enchaîna avec une série de frappes, alternant entre des attaques directes et des mouvements calculés qui forçaient Kronos à se repositionner constamment.

Son adversaire affaiblit, Duncan trouva rapidement une autre ouverture. Cette fois, sa lame traversa la défense de Kronos, lui infligeant une blessure à la cuisse. Ce dernier tituba légèrement, sa respiration devenant plus lourde, mais il ne montra aucun signe d’abandon.

Furieux, Kronos lança une contre-attaque désespérée, frappant avec une force qui aurait désarmé un combattant moins expérimenté. Duncan, cependant, réussit à dévier le coup, utilisant une poutre métallique proche comme soutien pour absorber une partie de l’impact.

— Tu n’es qu’un pion dans le jeu de Methos ! rugit Kronos en frappant de toutes ses forces.

— Peut-être, répliqua le Highlander alors que l’épée de son adversaire martelait le métal, mais c’est toi qui va perdre cette partie.

Kronos étourdit par le choc, tenta ensuite une feinte, visant le flanc de Duncan, mais ce dernier pivota agilement, bloquant l’attaque. Dans le mouvement, il parvint à désarmer Kronos d’un geste précis. L’épée de l’ancien cavalier de l’Apocalypse glissa au sol, hors de portée. Mais avant que Duncan ne puisse porter le coup final, Kronos le saisit à la gorge, l’entraînant dans une lutte acharnée.

Les deux immortels roulèrent sur le sol, chacun essayant de prendre l’avantage. Finalement, Duncan parvint à planter son genou dans le torse de Kronos, le forçant à lâcher prise. D’un bond, il se releva, son épée à la main. Kronos, blessé et haletant, tenta de ramper vers son arme, mais Duncan le devança et l’immobilisa d’un coup précis dans le flanc.

 

À cet instant, Methos descendit lentement de la plateforme, son arme abaissée, mais toujours prêt à intervenir si nécessaire. Il s’arrêta à quelques mètres des deux immortels.

— Finissons-en, MacLeod, dit-il simplement, le regard sombre.

Kronos, allongé sur le sol, leva les yeux vers Methos, un mélange de défi et de haine dans son regard.

— Tu n’as jamais eu le courage, cracha-t-il. Tu te caches toujours derrière les autres.

Methos ne répondit pas.

Duncan leva son épée, le regard fixé sur Kronos, maintenant à genoux, désarmé et affaibli. Le visage de son ennemi portait une expression de défi jusqu’à la fin. Avec un mouvement sûr, Duncan acheva le combat, mettant un terme à des millénaires de terreur.

 

L’instant suivant fut suspendu dans un silence assourdissant, brisé par l’explosion de lumière qui accompagna le quickening. Une brume blanche enveloppa le corps inerte de Kronos, s’élevant dans les airs avant de se fragmenter en éclairs qui frappèrent Duncan avec une violence inouïe.

Les miroirs autour d’eux se brisèrent dans un chaos de verre éclatant, chaque détonation amplifiant l’intensité de l’événement. Les lumières vacillèrent, projetant des ombres mouvantes sur les murs du hangar, tandis que des arcs électriques tourbillonnaient autour de Duncan, fusionnant avec lui. Ses cris résonnèrent, mêlés à la puissance brute de l’énergie qui semblait à la fois le déchirer et le renforcer.

Quand enfin le calme revint, Duncan resta immobile un instant, son épée pointée vers le sol, ses épaules légèrement affaissées sous le poids de l’expérience qu’il venait de vivre.

Methos sortit lentement de l’ombre, descendant de la plateforme où il avait observé la fin du combat. Il s’approcha sans un mot, son regard capturant celui de Duncan. Un simple hochement de tête suffit entre eux. Ils savaient tous deux que leur mission était accomplie. Le poids de l’histoire qu’ils avaient dénouée pesait sur leurs épaules, mais pour l’instant, un sentiment de soulagement l’emportait.

 

Methos brisa le silence en examinant rapidement les alentours. Le bâtiment, avec ses restes de projecteurs et les éclats de verre, portait les marques évidentes de leur combat.

— On ne peut pas laisser ça comme ça, murmura-t-il, presque pour lui-même.

Il sortit un petit dispositif électronique de sa poche, une commande à distance qu’il avait préparée à l’avance. Leur plan incluait un dernier acte de dissimulation : un incendie. Kronos lui-même avait fourni l’inspiration dans un ultime sarcasme.

Methos appuya sur le bouton, et des charges discrètes, placées stratégiquement autour du bâtiment, s’activèrent.

Le feu se déclara rapidement, léchant les murs et dévorant les restes de leur piège. Les flammes dansaient dans la pénombre, projetant une lueur rougeoyante sur les deux immortels alors qu’ils s’éloignaient en silence.

"Si je dois tout recommencer, ce sera sur des cendres." Kronos était loin de se douter que sa propre prédiction se réaliserait si vite, et à ses dépens.

Ils quittèrent les lieux avant que les flammes ne se propagent complètement, disparaissant dans la nuit alors que le centre commercial se transformait en un gigantesque brasier.

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