HAzbin Hotêl : Déchue
Perdue dans ses pensées, une petite démone svelte, pour ne pas dire maigrelette, se concentre sur une télévision en vitrine qui diffuse cette fameuse pub qu’elle a déjà aperçue plusieurs fois depuis qu’elle s’est réveillée en enfer. Cet hôtel pour réhabiliter les pécheurs… Ce n’est pas quelque chose qu’elle espère obtenir. La clémence, elle s’en fiche, mais s’il y a bien une chose qui ne la quitte plus depuis sa mort, c’est bien ce sentiment d’insécurité qui la traverse en permanence. Pensant de plus en plus à l'hôtel Hazbin, elle ne cherche pas la rédemption, mais plutôt un refuge. Elle ne le voit pas comme un havre de paix, loin de là, mais comme un potentiel abri. La démone regarde tout autour d’elle, la pression se faisant plus forte, comme si des murs étaient en train de l’écraser ! Elle est convaincue qu'il y aura moins de monde à l'hôtel qu'ici.
Finalement, ses pas l’ont menée jusqu’à la colline sur laquelle se dresse le fameux bâtiment qu’elle observe avec perplexité. Elle baisse la tête et les oreilles tout en glissant ses doigts contre ses tempes alors qu’elle réfléchit intensément à la décision à prendre. Elle vit en colocation avec une démone plutôt sympathique, mais qui a une forte tendance à vouloir se mêler de ce qui ne la regarde pas. Restant sur ses gardes, elle se dit : Il ne lui reste que quelques pas à faire… Cela ne peut pas être pire qu’à l’extérieur ?
— La décision te semble difficile à prendre ?
Ce fut si soudain que la démone vient de lâcher un cri de surprise tout en faisant un bond, avant de faire face à la personne qui vient de lui adresser la parole. Un grand démon habillé d’un long manteau rouge démodé, du moins pour son époque à elle, à la chevelure flamboyante la dévisage avec un sourire des plus flippants !
— Pardon pour mon manque de politesse, je ne vous ai pas entendu approcher, réplique de suite la démone.
— Il n’y a pas de mal, j’ai l’habitude de provoquer cet effet, plaisante-t-il en riant doucement.
Son sourire persistant, elle recule légèrement, face à ce sourire de plus en plus appuyé du démon. Celui-ci dévisage la démone, qu’il prenait pour une louve, mais avec sa longue queue semi-reptilienne, il suppose qu’elle est un genre de dragon ? Elle a la chevelure dorée et les yeux étonnamment verts pour un démon et une peau de couleur crème. Elle est marquée par une large balafre sur la partie droite de son visage. Vêtue d’un simple tee-shirt non cintré et d’un pantalon en tissu, sans porter de chaussures, puisqu’elle a des pattes et non des pieds, elle ne paie vraiment pas de mine !
— Tu réfléchissais à nous rejoindre à l’hôtel ? Tenter le chemin de la rédemption ?
Inquiète, la démone penche les oreilles vers l’arrière, ses yeux évitant ceux du démon :
— Je doute de mériter de la rédemption, mais si vous aviez besoin de personnel, je saurais me rendre utile, répond-elle.
Le démon penche la tête de côté. Le ton de sa voix est éteint, comme si elle n’avait aucune joie de vivre. Intrigué par ce détachement, il la titille avec malice.
— Ma foi, nous ne cracherons pas sur de la main-d’œuvre ! As-tu des qualifications ? Quelque chose que tu es certaine d’effectuer avec succès ?
— Je peux tout assumer, sauf la cuisine si vous tenez à vos estomacs, réplique la jeune.
— Pour l’instant, tout le monde met un peu du sien pour ce qui est de la cuisine. Tu pourrais aider Nifty, notre femme de ménage, dans son rôle.
— Je le peux… J’aurais une question.
Commençant à marcher, le démon baisse les yeux sur elle, indiquant qu'il est prêt à écouter.
— Heu… Non, laissez tomber, ce n’est pas important, corrige-t-elle, renonçant à sa question.
— Certes. Quel est ton nom, très chère ?
Stoppant net, la démone se fige, tandis que le démon rouge la dévisage avec patience :
— Vous pouvez m’appeler Diesel.
— Un surnom ?
— Tout juste, répond la jeune.
— Mon nom est Alastor, je suis le démon de la radio, tu dois sans doute avoir entendu parler de moi ?
— Pas vraiment, je suis ici depuis peu, explique Diesel.
— Ho, une âme fraîche ? dit-il sur un ton devenu agressif.
Elle se raidit, observant Alastor avec une certaine appréhension, sans trop savoir comment interpréter sa réaction. Amel, sa colocataire, lui a un peu parlé de l’hôtel parce qu’il y a une personne dont elle est fan qui y vit. Une star du porno… Les voici devant le porche, Alastor lui ouvre et l’invite à entrer, tandis qu’il se manifeste, à haute voix, aux démons présents dans le hall d’entrée. Ceux-ci se retournent sur eux, tout en les dévisageant :
— Alastor, tu enlèves des démons maintenant ? déclare l’un d’entre eux à l’apparence d’une araignée au duvet crème et rose.
— Bien sûr que non, Angel. J’ai croisé cette petite, sans mauvais jeu de mot, ma chère, qui hésitait.
— Oh, tu es là pour tenter l’aventure avec nous ? déclare une démone blonde.
— Heu… Je pensais plutôt apporter mon aide d’une façon ou d’une autre, explique la démone.
— Comment ça ? intervient sèchement une autre démone à la peau grisâtre.
— Vaggie, elle a fait l’effort de venir nous voir, tout le monde a besoin de temps pour comprendre ce qu’il veut ! Tu peux rester avec nous bien sûr, mais cet hôtel a tout de même pour but, la rédemption, donc il te faudra respecter nos règles, explique patiemment la démone blonde.
— C’est normal et je ferai ce qui me sera demandé de faire, assure Diesel avec une pointe de détermination.
— Sauf la cuisine, ricane Alastor.
— Je n’ai pas d’objection pour la cuisine, mais c’est à vos risques et périls.
— Vous vous connaissez ? interroge curieusement l'araignée.
— Non, je viens juste de lui faire la remarque, explique Diesel, éclaircissant le malentendu.
— Nous allons déjà commencer par les présentations ! Tu connais Alastor, voici ma chérie, Vaggie, Angel Dust notre premier client, Pentious, le second. Husk notre barman et Nifty notre femme de chambre.
Le groupe la salue et elle répond par un hochement de tête. Reconnaissant Angel Dust grâce à Amel, Vaggie est la démone grisâtre à la longue chevelure blanche un peu bourrue. Pentious est un démon serpent à l’allure d’un cobra. Nifty une très petite démone cyclope à la chevelure ambroisie, et Husk un démon chat avec des ailes d’oiseaux qui a à peine lever la main pour la saluer.
— Vous pouvez m’appeler Diesel, se présente-t-elle avec une légère hésitation. — Je vais te montrer ta chambre pour que tu puisses t’installer, nous ferons un petit jeu après pour apprendre à nous connaître, propose Charlie avec enthousiasme à Diesel.
Acquiesçant, Diesel suit Charlie, ouvrant la voie, suivie par Alastor.
— Il reste deux chambres, entre celle d’Alastor et de Pentious, de libre à notre étage, tu vas te plaire, affirme Charlie, ravie de l'accueillir.
Diesel se contente de lui répondre d’un sourire jusqu’à ce qu’ils atteignent ladite chambre. Après une brève visite, Charlie redescend pour la laisser s’installer, Alastor lui restant sur le pas de la porte.
— Je suis juste à ta droite, si tu dois me poser une question, je te prie de frapper avant d’entrer.
— Oui, c’est normal, répond Diesel, percevant une nuance d’agacement dans sa remarque.
— Vaggie a tendance à faire irruption sans en demander la permission quand elle est de mauvaise humeur, ce qui est courant avec elle, plaisante le démon, détendant l'atmosphère.
Ignorant pour l’instant que Alastor ne se gêne pas, non plus, de rentrer dans la chambre des autres sans leur autorisation. Le démon s’éclipse tandis que Diesel s’occupe de ranger le peu d’affaires qu’elle a, c'est-à-dire quelques vêtements, son ordinateur qu’il transfère depuis son ancienne chambre à celle-ci et ses carnets de dessins. Ceci fait, elle redescend au rez-de-chaussée pour retrouver le groupe. Elle va s’asseoir sur le long canapé aux côtés de Vaggie, Angel et Pentious. Alastor est assis à sa gauche sur une chaise et Husker, également sur un siège, à la droite d’Angel. Charlie, elle, leur fait face :
— Puisque tu viens d’arriver, peux-tu nous parler de toi, Diesel ? demande Charlie, ouvrant la conversation.
— Je n’ai pas grand-chose à dire sur moi, je me suis réveillée il y a un peu plus d’un mois.
— Tu es une âme récente alors ! Tu n’es pas trop déstabilisée par rapport à ton ancienne vie ? interroge Vaggie, montrant un intérêt sincère. — Les débuts ont été compliqués, mais je m’y suis vite faite, répond Diesel, plus à l'aise.
— C’est trop mignon, une petite âme innocente, ricane Angel, taquinant légèrement.
— Peut-être pas tant que cela puisque je suis en enfer, rétorque Diesel, jouant le jeu.
— Qu’as-tu fait pour te retrouver ici ? questionne Charlie, poussée par la curiosité.
— Ça, je le tiens pour moi, réplique Diesel, mettant fin à l'interrogation avec fermeté.
Les démons n'aiment pas aborder, en général, la raison de leur mort et ce qui les a poussés en enfer, bien que pour certains, cela puisse être facile à deviner. Charlie explique à Diesel le fonctionnement des enfers ainsi que celui de son hôtel, dont l’extermination annuelle donnée par le paradis. Elle évite les questions indiscrètes d’Angel, discute un peu avec Husk et Vaggie et elle fait la connaissance de Nifty, celle à qui elle va dorénavant apporter son aide.